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jeudi 23 février 2017

Pudeur et impudeur. Histoire de consultation 195.

Chaïm Soutine : Portrait de Madame X (1919)

Madame A consulte ce matin pour le "renouvellement" de sa pilule. On parle de choses et d'autres, de sa famille, d'un deuil récent, des enfants et elle me dit : "Je crois que vous allez voir mon frère cet après-midi - Sans doute. - Il ne vous le dira pas mais sa femme l'a quitté. - Ah..." 
Elle ne me dit pas grand chose et je ne pose pas de questions. Je connais bien son frère, Monsieur B et je connais bien aussi sa femme dont je suis également le médecin traitant. 
Elle ajoute : "Il ne va pas bien. Il dort mal, il fait des genres de crises d'angoisse."
Il ne m'a parlé de rien.


Chaïm Soutine : Portrait d'homme (1922-1923)


Monsieur B consulte cet après-midi pour le "renouvellement" de son traitement anti hypertenseur. Il m'apporte également les résultats d'une prise de sang. On parle de choses et d'autres, de sa famille, d'un deuil récent, des enfants, et il me dit : "Je crois que vous avez vu ma soeur ce matin. - Sans doute. - J'imagine qu'elle ne vous a pas dit que son mari était parti. - Je ne crois pas."
Il ne me dit pas grand chose et je ne pose pas de questions. Je connais bien son beau-frère, Monsieur A, dont je suis le médecin traitant. 
Il ajoute : "Elle ne va pas très bien. Elle dort mal. Elle est fatiguée."
Elle ne m'a parlé de rien.




jeudi 28 mai 2015

Un secret médical. Histoire de consultation 183.


La jeune B, 14 ans et 7 mois, entre dans le cabinet de consultation en faisant la tronche. Elle est accompagnée par ses parents. 
Je sais déjà de quoi il est question car sa mère m'en a parlé auparavant.
L'histoire est la suivante (racontée par la mère auparavant et confortée ce jour) : B sort avec des hommes et elle a des rapports.
B s'est assise les mains entourant ses joues avec les coudes appuyés sur les cuisses.
Les parents voudraient : 1) que je lui fasse faire des examens (IST) ; 2) que je lui parle (i.e. je la raisonne en lui disant les dangers qu'elle court) ; 3) que je lui prescrive une contraception.
B ne dit rien. Elle écoute en prenant un air blasé.
B est déjà venue me voir toute seule et a tout nié ou presque. Presque. Ce qui m'a donné l'occasion de dire quelques mots de prévention et de tenter d'éclaircir la situation.
" Si on t'écoutait..."
Elle regarde ses parents qui sont assis l'un à côté de l'autre et elle du côté de son père.
" Je n'ai rien à dire. Ils se font des films."
Regards entendus des parents.
" Tout est faux ?
- Non. Mais je n'ai pas envie de parler.
- Pourquoi ?
- Parce qu'ils ne peuvent pas comprendre."
La mère de B se lance dans un long monologue énervé et revendicatif d'où surnagent les mots "avenir", "études", "gâcher sa vie", "ne pas être enceinte", et cetera.
Le père de famille (docteurdu16) est globalement d'accord ; le médecin (docteurdu16) pense au côté "médical" de l'affaire ; le moraliste (docteurdu16) réfléchit.
Le père de B regarde sa femme et dit ceci : " Je crois que l'on devrait la laisser seule avec le médecin."
La mère acquiesce à regret.
B sourit.
Ils sortent.
B s'assure que les portes sont bien fermées.
" Vous ne direz rien à mes parents ? Vous êtes tenu au secret.
- Je ne dirai rien sauf si je pense que tu es en danger."
Elle m'a "tout" raconté. Une version différente de ce que ses parents savent. Une version plus soft, une version moins hard, mais une version qui fait quand même frémir un père de famille. Je ne pense pas qu'elle soit en danger. Mais une jeune fille de 14 ans et 7 mois qui est à la fois d'une grande maturité physique et d'une grande naïveté.
Je ne peux en dire plus pour des raisons de confidentialité.
Si B a souri tout à l'heure quand son père lui a proposé de la laisser seule avec moi, c'est qu'elle avait compris que ce qu'elle me dirait, ses désirs, ses raisons, sa façon, à 14 ans et 7 mois de vivre la sexualité, jamais ses parents ne le sauraient. A moins qu'elle ne leur en parle. Mais il y a au moins 3 versions identifiées : 1) ce qu'elle vit ; 2) ce qu'elle a raconté à ses parents ; 3) ce qu'elle m'a raconté.
Que deviendra cette jeune fille ?

Illustration : Balthus (Balthazar Klossowski de Rola : 1908 - 2001) : Katia lisant (1974).


lundi 6 avril 2015

Big Data et Big Brother. Données et secret médical, vente de dossiers médicaux aux sociétés privées et médecine personnalisée. Le secret médical est il soluble dans la technologie et « le progrès » ? Claudina Michal-Teitelbaum.

Larry Page, co fondateur de Google Inc

Merci, avant de commencer, de vous référer au très beau texte de Dany Baud (ICI) qui aborde le premier cas français d’utilisation des données médicales aux fins de surveillance, de coercition et de restriction d’accès aux soins du patient dans le cadre de l’apnée du sommeil.

L’apnée du sommeil, peut nécessiter, selon des critères médicaux, la prescription d’appareils à pression positive continue (PPC), utilisés la nuit pour prévenir les conséquence néfastes de cette pathologie, notamment la fatigue et les conséquences cardio-vasculaires. Cela concerne en France environ 400 000 personnes. Ce sont des prestataires privés comme Resmed et Phillips qui fournissent et entretiennent ces appareils qui sont en partie pris en charge par la sécurité sociale. Cela coûte cher, notamment en raison des prix pratiqués par les prestataires, et les bénéficiaires, comme dans toutes les pathologies chroniques, ne sont pas totalement observants, c'est-à-dire que certains patients n’utilisent pas leurs appareils ou les utilisent peu. A la suite à ce constat, des négociations entre les prestataires privés, la direction de l’assurance maladie, et les services des  ministères de tutelle (Ministres des affaires sociales  et de la santé et de l’économie et des finances) ont abouti en janvier 2014, à la publication d’arrêtés ministériels conditionnant le remboursement par la sécurité sociale des appareils à l’obligation pour les bénéficiaires d’accepter la télétransmission en temps réel de l’utilisation de leurs appareils aux prestataires privés. Le remboursement d’appareils nécessaires à la santé des bénéficiaires était donc subordonné à la transmission obligatoire de données relevant de la vie intime à des prestataires privés. Prestataires qui, une fois en possession de ces données, pouvaient en faire ce que bon leur en semblait, par exemple les revendre.
Le décret évoqué dans ce texte a été finalement annulé par le conseil d’Etat en novembre 2014 au terme d’une bataille juridique engagée par des associations d’usagers (Fédération des patients insuffisants respiratoires, FFAIR), parce que le Conseil d’Etat a jugé que la ministre de la santé n’avait pas compétence pour prendre une telle décision qui rendait le remboursement du dispositif médical destiné aux personnes souffrant d’apnée du sommeil tributaire d’une condition d’observance, ce qui n’était pas prévu par la loi.

Big Data.




Cette affaire posait le problème de la transmission de données de type médical et relevant de l’intime à des sociétés privées. On est donc bien dans le domaine du Big Data.
Chacun sait, désormais, que le Big data, ou données de masse, est le nouvel eldorado économique, le nouvel objet de spéculation et le nouveau chouchou des marchés financiers supposé peser quelques 125 milliards de dollars en 2015 (LA) .

Mais il n’est pas que cela. Il est aussi une nouvelle menace pesant sur la démocratie.
Le problème se pose avec une particulière acuité concernant les données médicales, en raison de l’informatisation croissante des dossiers médicaux dans les hôpitaux et cliniques, les cabinets médicaux, et dans les services, agences  et collectivités publics ou effectuant des missions de service public.

Du point de vue des sociétés privées, l’intérêt de ces données est clair : il s’agit de connaître dans le moindre  détail, la vie privée, les goûts, les comportements, les problèmes personnels ou de santé de chaque personne afin d’optimiser l’utilisation des fichiers clients, d’adapter la communication de masse mais aussi de mieux cibler individuellement  les offres de biens et de services. Comme le dit Thierry Jadot, ancien élève de Science Po et CEO  (équivalent ronflant et branché de PDG) du groupe Dentsu Aegis Network en France dans son livre L’été numérique, les huit révolutions digitales qui vont transformer l’entreprise : "En réalité, l’enjeu du Big Data n’est pas le stockage de données, ni l’abondance des informations collectées, mais son traitement qualitatif, afin d’être, pour l’entreprise, une source de pilotage de sa stratégie de communication, d’optimisation de ses investissements, et d’amélioration constante de son offre et de son fonctionnement". Formulé d’une manière moins policée, cela signifie que les données sur la vie privée recueillies sont destinées à être analysées afin de pouvoir anticiper, influencer puis contrôler les comportements des individus afin de limiter les risques et maximiser les bénéfices financiers et commerciaux des entreprises. Ou encore : "l’ère du marketing one to one" comme la définit Thierry Jadot, c'est la mise en oeuvre d'une relation d’une asymétrie totale entre des sociétés privées connaissant tout du client, et un client fragilisé, rendu vulnérable,  parce que son intimité lui a été dérobée. Car c’est bien de vol dont nous allons parler.

Face à cette vision très rationnelle, finaliste et claire de la valeur économique du Big Data, le citoyen moyen en est encore à un état de naïveté tel qu’on peut le comparer aux indigènes du nouveau monde face aux colons venus d’Europe, qui échangeant leurs plus grandes richesses contre des simples verroteries.
Etalage de sa vie privée sur les réseaux sociaux, participation à des forums santé, le citoyen passe son temps à fournir des informations personnelles aux sociétés privées, de manière plus ou moins consciente. Généralement, et de manière tacite, les plus informés considèrent que livrer sa vie privée est la contrepartie nécessaire pour bénéficier de différents services fournis par des sociétés privées, et, notamment, par des multinationales.
Toutefois,  dans le cas des réseaux sociaux, on peut considérer qu’il s’agit aussi d’un moyen pour l’internaute de se mettre en scène, et on peut penser que celui-ci ne dit pas toute la vérité et ne livre que les informations qu’il souhaite livrer, souvent sous couvert d’anonymat. Même s’il ne mesure pas forcément les conséquences de cette impudeur.

La situation est très différente, en revanche, quand le citoyen doit livrer des informations sur lui-même dans un cadre contraint et qu’il se trouve dans un état de vulnérabilité. C’est ce qui se passe lorsque le patient livre des informations à un médecin, en cabinet, à l’hôpital, en clinique, ou au sein d’un service public.




J’avais déjà évoqué le secret médical et les menaces qui pesaient sur lui dans un précédent article (LA) . Mon analyse se basait essentiellement sur les textes de loi, circulaires et règlements.

Mais je veux rappeler ici le sens, la raison d’être du secret médical, qui est de protéger le patient de l’abus de pouvoir et de l’exploitation de la part de tiers car, comme le disait La Rochefoucaluld : "celui à qui vous dites votre secret devient maître de votre liberté". C’est la garantie du secret qui autorise la confiance, et la confiance qui permet la confidence. Comme souvent, le sens des lois et règlements protégeant  le secret médical est ici de préserver l’ordre public en évitant que le rapport de forces soit totalement déséquilibré en faveur d’une des parties. C’est pourquoi la violation du secret médical est punissable par le Code pénal car elle est une modalité particulière du secret professionnel garanti au patient (article 226-13 du Code pénal).
Je ne m’étendrai pas ici sur les aspects juridiques plus techniques parce que je l’avais déjà fait dans le précédent texte de 2012.
Mon but est, cette fois, d’apporter quelques informations méconnues du public et d’alerter sur les enjeux et les risques de cette problématique.


« Libérer les données », mais au bénéfice de qui ? et pour quoi faire ?

La notion de "donnée de santé" n’est pas  définie juridiquement, ce qui est tout de même assez ennuyeux pour un type d’information objet d’enjeux économiques aussi massifs et qui se confond dangereusement avec les informations couvertes par le secret médical, ce qui soulève des questionnements éthiques, déontologiques et juridiques.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Collectif interassociatif sur la Santé (CISS) et les associations de consommateurs comme « Que choisir » ou « 60 millions de consommateurs », ont  fait preuve d’une certaine légèreté, début 2013,  lorsqu’ils se sont associés à des mutuelles, et  à une société privée de traitement des données, Celtipharm, dont je reparlerai plus tard, pour réclamer l’ouverture  à tous ces acteurs des données contenues dans la base de données de la sécurité sociale appelée SNIIRAM pour système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie  (LA). Cette base de données regroupe quantité d’informations sur les assurés rattachés aux différents régimes de base de l’assurance maladie et sur les patients hospitalisés. Les informations y sont pseudonymisées ICI).
Ce collectif et ces associations ne semblent avoir mesuré à aucun moment la portée de cette demande, qui faisait donc du droit d’accès à la base de données publiques contenant des données personnelles protégées par le secret médical un droit universel, dont auraient dû bénéficier de la même manière des sociétés privées et des associations ou des  acteurs publics.

Les seuls acteurs à se préoccuper vraiment du sujet et à en mesurer les enjeux, ce sont les ONG oeuvrant dans le domaine des droits de l’Homme (ICI). En effet, ces ONG savent que lorsque les citoyens deviennent transparents pour le pouvoir, quel que soit ce pouvoir, il n’y a plus de démocratie possible. Elles ont entrepris une démarche coordonnée d’analyse de la situation dans différents pays européens au regard des fichiers de données informatisés dans les domaines sensibles de la justice, de l’éducation, de la police et de la santé (voir, en particulier, la monographie concernant la France).

Mais cette analyse porte essentiellement sur le degré de protection qu’offrent les législations locales.

Or, très clairement, la pression est telle de la part des sociétés privées, et, plus particulièrement des grands groupes  multinationaux qui ont les moyens d’exploiter les données pour  y avoir accès et se les approprier, que le problème posé par la gestion des fichiers de données médicales se pose surtout dans le domaine extra-légal, là où il existe des vides juridiques, des failles et des possibilités de contourner la loi et ses interdits.



Une protection juridique  très insuffisante du citoyen

La CNIL, Commission nationale informatique et libertés, a été créée par la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978. Cette commission a pour rôle de garantir la protection des données personnelles et possède un pouvoir de sanction financière, toutefois limité.
Néanmoins, en ce qui concerne les données personnelles médicales, il est évident, lorsqu’on explore les droits et obligations des usagers, que les obligations pèsent davantage du côté du citoyen, que du côté de ceux qui recueillent les données informatisées.

Ainsi, la loi définit que « Selon l’article L 1111-8 du Code de la Santé Publique, l’hébergement de données de santé à caractère personnel ne peut avoir lieu qu’après recueil du consentement exprès du patient [cette notion de consentement exprès, impliquant, en théorie, un consentement écrit, rarement respecté].
Cependant, ce consentement n’est pas nécessaire lorsque les professionnels ou établissements de santé utilisent leur propre système ou des systèmes appartenant à des hébergeurs agréés dès lors que l’accès aux données est limité aux professionnels ou à l’établissement de santé qui les a déposées, ainsi qu’à la personne concernée. »
Néanmoins, le patient n’a pas la possibilité de s’opposer au recueil informatisé de ses données de santé dans les « fichiers obligatoires » comme celui de la sécurité sociale, ou le fichier de police, par exemple. Et s’il souhaite s’opposer au recueil de ses données de santé dans d’autres fichiers, celui de l’hôpital, celui de la PMI, celui de son médecin… il doit le faire  par écrit et "pour des motifs légitimes » (article 38 de la loi informatique et libertés)". Le titulaire du fichier dispose alors d’un délai de deux mois pour répondre et peut refuser l’opposition. Pour le DMP, dossier médical personnel, informatisé, en revanche, l’opposition à sa création ne nécessite pas d’être motivée.
Les obligations d’information à l’égard du patient de la part de celui qui recueille les données sont, par contraste, beaucoup plus sommaires. Elles n’apportent aucune garantie au patient sur les destinataires des données. Bien que la CNIL,  de manière totalement irréaliste, continue à prétendre,  que  le médecin reste garant du secret médical (LA) .

Clairement, JE ne peux garantir au patient que des tiers n’auront pas accès à des informations médicales les concernant que j’aurais mises sur un réseau informatisé, qui y circuleront de manière parfois non cryptée, pouvant être accessibles aux détenteurs du système d’exploitation, à des personnels non médicaux, etc. et qui sont destinées à être conservées pendant plusieurs décennies, ce qui signifie que leur violation n’est qu’une question de temps. Et je peux  encore moins garantir que ces tiers n’en feront pas usage à l’encontre des intérêts du patient qui s’est confié à moi.


Le Conseil National de l’Ordre des médecins (CNOM), dont une des missions essentielles est la question relevant de l’éthique et du secret médical, botte en touche. Dans le bulletin numéro 38 de janvier-février 2015, dans un dossier concernant la e-santé et les nouvelles technologies, le Dr Patrick Romestaing, vice-président du Conseil National de l’Ordre, déclare : "la volonté d’organiser ces think tank au sein de l’institution, contribue à préparer la profession à ces changements, et surtout à accompagner cette évolution". Tandis que Jacques Lucas, autre vice-président, nous explique que concernant un autre domaine, celui des objets connectés, le principe adopté est celui de la confiance a priori. A savoir qu’on commence par faire confiance, et qu'on constate les dégâts ensuite.



Des dossiers médicaux confiés ou vendus à des sociétés privées en Grande-Bretagne et en France : pas de quoi fouetter un chat ?





En décembre 2011, David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni depuis 2010, déplorait publiquement le gâchis représenté par le fait que les données détenues par le National Health Service (NHS), service de santé publique britannique, ne soient pas utilisées. Peu après, a été discuté puis voté le Health and Social Care Act, entré en vigueur en avril 2013. Cette loi, entre autres mesures, donna naissance à un nouvel organisme, le Health and Social Care Information Center (le HSCIC ou centre d’information sur la santé et la protection sociale). Ce nouvel organisme, s’est vu investi du pouvoir de collecter des informations de la part de tous les services publics, mais aussi d’organismes ou de sociétés extérieurs et de les diffuser à qui bon lui semblait, sans obligation ferme d’anonymisation de ces données.
Des groupes de pression et des associations de protection des libertés civiques, se sont alors regroupés en un collectif pour lutter contre les violations potentielles de la vie privée induites par cette nouvelle loi, créant le collectif medConfidential (ICI
En février 2014, le journal « The Telegraph » faisait  éclater un scandale en révélant que 47 millions de dossiers médicaux hospitaliers, couvrant 13 années entre 1997 et 2010, avaient été vendus par le NHS à 178 sociétés d’assurances. Ces dossiers avaient été utilisés par une société d’actuaires (spécialistes du calcul des probabilités pour les compagnies d’assurance) afin d’affiner le calcul des primes d’assurance en les croisant avec des informations issues d’une société de crédit qui détenait des données sur le style de vie de ses clients. Comme le niveau de morbidité des patients de plus de 50 ans s’était relevé plus élevé que prévu, les compagnies d’assurances avaient augmenté les primes pour cette catégorie de clients. Cette affaire survient au moment où le gouvernement britannique envisage la vente des dossiers de patients suivis par des médecins généralistes (GP). Il prétend que cela améliorerait les soins aux patients et le taux de survie des cancéreux (ICI). Cette vente massive de dossiers médicaux aux assureurs était pourtant considérée comme illégale. L’Associations des Médecins Britanniques(BMA) et le Collège Royal des médecin Généralistes (RCGP) ont protesté et obtenu la suspension du programme de collecte de données. Malgré tout, la vente de dossiers s’est poursuivie en catimini bien qu’ayant été officiellement désavouée. Le directeur du service public de collecte de données, HSCIC, cité plus haut, Sir Nick Partridge,  expliquait que la vente se poursuivrait « seulement à condition que les assureurs puissent prouver que cela serait au bénéfice de la santé publique et non dans un but commercial (LA).
Compte tenu du fait que l’accord des patients à la collecte informatisée de leurs données par les médecins généralistes est présumé et ne nécessite pas d’accord explicite de leur part, le collectif d’associations de défense des libertés civiques recommande désormais aux patients de remplir un formulaire officiel demandant à ce que leurs données ne puissent être collectées à partir des  réseaux informatiques de leurs médecins par le HSCIC, afin qu’elles ne puissent être vendues à des tiers (opt-out ou désengagement des patients du contrat tacite qui permet aux GPs britanniques de communiquer leurs données médicales au service publique de santé, le NHS).


En France, il faut savoir que des dossiers hospitaliers sont couramment confiés à des prestataires privés. Ceci afin d’améliorer le codage informatisé car le mauvais codage des actes est source de perte de revenu pour les hôpitaux, puisque le financement des hôpitaux se fait selon le système de tarification à l’activité ou T2A mis en œuvre dans les hôpitaux depuis 2007. Pourtant, le recours à des sociétés privées pour cette tâche ne correspond pas à un besoin avéré et constitue une violation du secret médical. Certains médecins, tels Jean-Jacques Tanquerel,  se sont insurgés contre cet état de fait et ont été désavoués par leur hiérarchie (ICI).

Une société privée travaillant avec des gros laboratoires pharmaceutiques obtient l’aval du Conseil d’Etat pour avoir accès aux ordonnances des patients

Une PME française, Celtipharm, qui avait participé avec des associations de consommateurs et le CISS à l’action visant à « libérer les données de santé » avait obtenu, en septembre 2011, l’autorisation de la CNIL pour recueillir auprès de certaines pharmacies et pour exploiter les ordonnances de patients. Cette société se décrit ainsi : "Notre métier : Nous inventons, spécifions et déployons des dispositifs médico-économiques et des plans d'actions marketing-ventes pour les différents acteurs de santé." et elle a aussi pour clients de gros laboratoires pharmaceutiques. La multinationale IMS Health, une société américaine qui est le plus gros opérateur mondial de données de santé qu’elle revend sous forme d’études à des organismes publics et privés, s’était opposée à cette décision et avait présenté un recours devant le Conseil d’Etat. En 2013, une action de lobbying avait eu lieu à l’Assemblée Nationale en faveur de Celtipharm, plusieurs parlementaires, tels Jean-Pierre Door, connu pour avoir présidé la mission d’enquête parlementaire suite à la pseudo-pandémie H1N1, ayant posé en séance des questions insistantes sur la libération des données au ministre de la santé (LA). Le 26 mai 2014 le Conseil d’Etat avait rendu une décision favorable à Celtipharm, l’autorisant donc à recevoir les données issues des ordonnances d’officine anonymisées par hachage (ICI).

L’anonymisation des dossiers médicaux est un leurre

Le problème, c’est que les spécialistes sont d’accord pour dire qu’aucun procédé d’anonymisation n’est fiable. Un spécialiste connu et reconnu de la sécurité informatique, Ross Anderson, professeur à Cambridge, alertait sur l’impossibilité de protéger les données des dossiers médicaux par des méthodes d’anonymisation [1]. Un rapport sénatorial avait également établi et démontré les multiples failles du système (LA)   .
La désanonymisation des dossiers par des moyens techniques ne présenterait pas de difficultés majeures. Mais on peut aussi avoir recours à un procédé de croisement des informations, semblable à celui utilisé dans le jeu Akinator (ICI)  .
 Ce qui revient à dire que fournir des données médicales personnelles sur les patients à Celtipharm, qui prétend vouloir faire des études épidémiologiques d’intérêt général, c’est les fournir aux laboratoires pharmaceutiques qui sont ses clients.

La loi santé ouvre l’accès de données de santé et permet le croisement de plusieurs fichiers différents

Le Système national des données de santé, SNDS, institué par l’article 47 de la  loi relative à la  santé, va croiser plusieurs registres de données : le PMSI qui contient toutes les données sur l’hospitalisation des patients, le SNIIRAM, qui regroupe tout le détail des remboursements, les données sur les cause de décès des communes, et le système Monaco créé en partenariat avec les complémentaires qui permet de connaître le reste à charge des patients (ICI). 
A priori, pour l’instant, l’accès aux données de santé sera régulé par un comité scientifique, avec comme critères discriminants principaux, la nature des données selon qu’elles peuvent être identifiantes ou non, que la demande ait pour objet une recherche d’intérêt public et que les organismes demandeurs soient ou non à but lucratif. Les données ne seraient pas, pour l’instant, accessibles aux organismes à but lucratif. Mais on attend le vote de la loi pour avoir la version définitive de cet article.
Cela mécontente toute une série d’acteurs, qui espéraient bien tirer le plus grand profit de l’ouverture des données, acteurs allant des associations de journalistes aux laboratoires pharmaceutiques en passant par les mutuelles, les sociétés d’assurances et le CISS. Mais également l’INDS, Institut national des données de santé. Pour tous ces acteurs les données de santé ne seront jamais assez accessibles (LA).  Le lobbying continue.

Un débat dépassé ? Médecine personnalisée : la grande illusion

Beaucoup espèrent que ce débat sera bientôt dépassé car ils comptent que ce sera le citoyen qui fournira lui-même toutes les informations nécessaires pour  se transformer en consommateur docile et soumis grâce à l’asymétrie permise par le contrôle des données individuelles par des sociétés privées et le marketing one to one. Parmi ceux qui espèrent beaucoup en la symbiose entre la médecine de précision, ou individuelle, ou personnalisée d’une part et les objets connectés d’autre part,  il y a les laboratoires pharmaceutiques mais aussi les géants tels qu'Apple ou Google.

Faisons un peu de prospective. Bientôt ce sera très simple. Chacun se connectera lui-même à des objets de mesure, qui transmettront instantanément toutes sortes de données à des sociétés privées spécialisées (peut-être une fusion de Merck et de Google, de plus en plus impliqué dans le domaine de la santé ?). En effet, Google et Apple s’avèrent être des acteurs majeurs dans le domaine des objets connectés et Google investit de plus en plus massivement dans la santé comme le montre la création en 2013 de la société Calico, avec, à sa tête Arthur D Levinson [2]  (LA). 

Les objets connectés  indiqueront au patient  le moment où ces mesures dépasseront le seuil de la norme, tel qu’établi par des sociétés savantes dont les membres seront directement rémunérés, pour faire plus simple, par les dites sociétés. Ou lui indiqueront qu’il est porteur de tel gène qui peut potentiellement induire un cancer dans 30 ou 50 ans. Une fois l’anomalie détectée, les mêmes sociétés lui fourniront les tests adéquats et le traitement associé (traitement approuvé par la FDA en 24 hs et réputé "sûr et efficace" --safe and effective). Puis veilleront à ce que ce traitement soit pris sans faute, en harcelant le patient ou en subordonnant l’accès à certains droits à la prise régulière du traitement, comme dans le cas de l’apnée du sommeil. Entretemps, la société d’assurances, qui aura, grâce à cette masse d’informations, pu individualiser les primes d’assurance, aura été prévenue et augmentera sa prime compte tenu de la dégradation potentielle de l’état de santé de l’assuré.

Que fera-t-on quand, à la naissance de son enfant, son génome ayant été décrypté immédiatement, on nous annoncera qu’il est prédestiné à développer un cancer, puisque la génétique le dit, et qu’il devra prendre tel traitement toute sa vie pour l’éviter ? Ainsi, le citoyen sera transformé en patient/client passif n’ayant plus qu’à suivre le parcours fléché tracé par son fournisseur d’objets connectés. Un patient-consommateur à qui on demandera de ne surtout jamais exercer son jugement ou faire preuve de discernement, mais simplement de consommer ce qui lui est proposé, qui lui sera, dans ces conditions, bien plus nuisible que bénéfique.

Ce monde, pour l’instant, n’existe que dans les fantasmes des multinationales. Mais son avènement se produit à une vitesse toujours accéléré et est déjà célébré par les marchés, les experts les plus en vue du monde scientifique et médical, ceux-là même qui sont perclus de conflits d’intérêts, les fondations sous l’emprise de dirigeants de ces mêmes multinationales et les associations de patients les plus influentes, donnant l’impression qu’il est inéluctable.

La vérité est que la vie et la santé sont des phénomènes bien trop complexes pour être réduits à quelques algorithmes, et que la plupart des cancers ne sont pas essentiellement déterminés par la génétique. Nous devons aussi être conscients du fait  que les multinationales ne sont pas les mieux placées pour prendre soin de notre santé.

Tout ce scénario fait fi du fait que les progrès dans le domaine des biomédicaments sont encore très très loin de se traduire en progrès de santé, comme en atteste, notamment l’analyse faite par Tito Fojo, cancérologue et chercheur au National Center Institute (voir LA), qui évalue entre 2,1 et 2,5 mois le gain d’espérance de vie moyen permis par les nouveaux anticancéreux mis sur le marché par la FDA entre 2000 et 2014 et ceci, d’après les essais cliniques effectués par les laboratoires et non dans la vie réelle (ICI).  Ce qui signifie qu’en réalité ces gains pourraient être nuls. Pourtant, si on se fie à l’analyse de la multinationale IMS Health, les anticancéreux sont la classe thérapeutique dont le chiffre d’affaires a augmenté le plus rapidement depuis 2000 et devrait continuer à augmenter de manière exponentielle, en passant de 36 Milliards de dollars en 2012 à 83 Mds en 2016 (LA). En 2013, ils étaient au premier rang du chiffre d’affaires mondial, par classe thérapeutique, avec 67 Mds de dollars de chiffre d’affaires, donc, probablement, une évolution plus rapide que prévu  (ICI). On peut résumer la situation  autrement : il existe une déconnexion de plus en plus marquée entre la proportion de la richesse produite au niveau mondial captée par les multinationales pharmaceutiques, d’une part, et les bénéfices de santé induits par leurs produits, d’autre part, mesurés en termes d’amélioration de la santé publique. Ceci est bien illustré par le pays le plus en pointe dans le domaine des biotechnologies, les Etats-Unis, qui est aussi celui qui présente les indicateurs de santé publique les plus calamiteux parmi les pays développés, avec, dans le même temps, des dépenses de santé qui explosent et mettent en péril tout le système d’assurance santé. Il existe un gouffre entre les progrès effectués dans le domaine des biotechnologies et leur traduction en termes de bénéfices de santé que les médias et le marketing s’efforcent de combler artificiellement en vantant tous les jours les mérites d’une médecine personnalisée qui n’existe que dans les fantasmes commercialo-scientistes collectifs comme l’indique clairement le rapport du Sénat sur le sujet  (LA).

Mais l’irruption d’une médecine personnalisée très coûteuse aux bénéfices inexistants dans notre quotidien pourra se concrétiser demain, et prendre corps dans la réalité virtuelle du marketing, grâce aux lacunes du système de contrôle des agences autorisant des mises sur le marché toujours plus rapides, de médicaments et dispositifs qu’on nous présentera comme fiables. Dans un éditorial publié début 2015 par la FDA, le directeur du service des nouveaux médicaments se flattait d’avoir fait bénéficier 46% des 41 nouvelles entités moléculaires (nouvelles molécules jamais utilisées auparavant en médecine, par opposition aux extensions d’indication des anciennes molécules) soumises à l’approbation de ses services d’une procédure accélérée, c’est à dire d’une approbation au rabais ne garantissant ni l’efficacité ni la sécurité de ces molécules  (ICI).

On peut même aller plus loin et se dire que demain, la « médecine personnalisée » rendra les essais cliniques caducs. Tout reposera sur la capacité des grands groupes à persuader chaque patient-client, à travers le marketing personnalisé one to one, qu’il possède la solution adaptée individuellement pour prévenir le problème potentiel de santé que ces grands groupes auront eux-mêmes diagnostiqué grâce aux objets connectés.

Tout cela a bien un sens, mais ce n’est pas celui mis en avant par les médias. Le Big data, la médecine personnalisée (ou individualisée, ou de précision), seront la voie royale pour contourner toute forme de régulation collective. Des freins et des verrous protecteurs, comme la nécessité de tester un médicament selon des règles précises avant de le proposer aux patients, ou l’interdiction de la publicité directe aux patients, vont tomber et laisser l’individu seul face à une formidable puissance marketing assise sur des centaines de milliards de dollars de chiffres d’affaires.
Contrairement à ce que disent les associations de patients, les fondations, les experts, ceci n’est pas un grand espoir mais une redoutable menace. Ce n’est pas l’outil qui est en cause mais l’impossibilité de le réguler.

Dans ce contexte, la médiation d’un tiers, le médecin, mais seulement s’il est  formé et informé de manière indépendante, est plus que jamais indispensable pour permettre au patient de ne pas se laisser piéger par des vaines promesses sans aucun fondement scientifique.


Notes :
[1] http://www.theguardian.com/commentisfree/2012/aug/28/code-practice-medical-data-vulnerable . « An answer to Cameron came from the Royal Society in June, in its report on science as an open enterprise. "It had been assumed in the past that the privacy of data subjects could be protected by processes of anonymisation such as the removal of names and precise addresses of data subjects," noted a distinguished committee, including such luminaries as the philosopher Baroness O'Neill and the director of the Wellcome Trust, Sir Mark Walport. Their warning was brutal: "However, a substantial body of work in computer science has now demonstrated that the security of personal records in databases cannot be guaranteed through anonymisation procedures where identities are actively sought."
[2] Arthur D. Levinson est à la fois directeur d’Apple, depuis 2011, succédant à Steve Jobs, directeur de Genentech, biotech rachetée en 2011 par Hoffmann La Roche, multinationale suisse et deuxième groupe pharmaceutique mondial par le chiffre d’affaires en 2014 d’après le classement Fortune et, donc, directeur de Calico, dont l’ambition affichée est de prolonger la vie jusqu’à 1000 ans. Arthur D Levinson est aussi conseiller scientifique au Memorial Sloan Kettering center of New York, centre majeur dans la recherche sur le cancer.


samedi 10 mars 2012

Un article de Claudina Michal-Teitelbaum : Secret médical et convention collective : conflits d'intérêt et conflits de loyauté.

Docteur du 16 : je vous propose donc un article écrit par CMT que je trouve particulièrement contributif sur le sujet des relations entre les médecins, l'administration et la CNAM.
Le secret médical comme garant de la démocratie

Redresser les comptes  de la Sécurité sociale et réduire son déficit est une priorité affichée par les pouvoirs publics depuis de nombreuses années.
Les médecins libéraux, ont une place spécifique dans le système de santé. Bien que dépourvus de la protection que confère un statut de salarié et théoriquement libres de pratiquer comme ils l’entendent, leur activité est largement tributaire des remboursements de leurs actes par la Sécurité sociale.
C’est pour cette raison que  l’Etat s’arroge en contrepartie un droit de contrôle et d’évaluation sur l’activité des médecins libéraux. Ce contrôle se fait sur la base de ce qui a été négocié lors de la convention médicale collective. La convention médicale est, l’un des principaux outils de la maîtrise médicalisée, qui vise à responsabiliser les acteurs à savoir essentiellement les médecins prescripteurs, les pharmaciens et les patients en vue de réduire les dépenses de santé.
Le contrôle est exercé, pour l’aspect économique, par les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), des organismes de droit privé au niveau local, remplissant une mission de service public. Les médecins conseil des CPAM sont chargés de s’assurer qu’il y a conformité entre les activités du médecin et ses objectifs propres, objectifs pour lesquels les CPAM sont missionnées, qui sont des objectifs économiques de contrôle des dépenses de santé.

Pour exercer ce contrôle, et d’autant plus qu’il prétend exercer un contrôle étroit et fin, le médecin conseil va demander des informations sur son activité au médecin libéral, comme la loi l’y autorise.
 Se pose alors la question du secret.

Habemus papam. Nanni Moretti 2011.
Le pape, le psychanalyste et la Curie.

Les fondements du secret médical
Le secret médical est une déclinaison du secret professionnel.
Le secret professionnel a des fondements pratiques et vise au maintien de l’ordre public. Dans tous les cas où un particulier doit être en relation avec un professionnel et que la protection de ses intérêts, dans le cadre de ses relations avec ce professionnel, nécessite la confidentialité, il doit pouvoir compter sur sa discrétion. Celle-ci lui est garantie par la loi sous peine de sanctions pour le professionnel qui violerait cette règle. La nécessité de respect du secret a donc une traduction juridique.
L’article 226-13 du Code pénal énonce cette règle de la manière suivante : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »
Le Code pénal considère donc que la révélation d’un secret est un délit et que c’est la personne qui est dépositaire du secret qui en est responsable . Elle pourra donc être poursuivie en cas de faute. L’incitation à la révélation du secret est également punissable.
Dans le cas de la médecine, l’intérêt du secret est aussi de permettre la qualité des soins grâce à l’accès à un grand nombre d’informations  pertinentes par le médecin car  « Il n’y a pas de soins sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret ».


Le secret professionnel a aussi des fondements éthiques et répond au principe du droit au respect de la vie privée, qu’on peut aussi appeler droit à l’intimité. Le concept de vie privée n’est pas clairement défini mais le principe de son respect est posé par l’article 8 la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950, encore appelée Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales,  signée et ratifiée par la France. La Cour européenne des droits de l’Homme, qui veille au respect de la convention, considère que «la protection des données médicales revêt une importance fondamentale pour l’exercice de ce droit, et que le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique des Etats membres de la Convention (CEDH, 27 août 1997, Anne –Marie Ac/Suède) » (P. Chiché, 2005) . http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/086519A8-B57A-40F4-9E22-3E27564DBE86/0/FRA_Conven.pdf .

Dans le Code de déontologie, qui est inscrit dans le CSP (Code de santé publique) , article 4127 et établi par décret du Conseil d’Etat, le secret médical apparaît à l’article 4 qui dispose que:
« Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris. »
Contrairement à ce que beaucoup de médecins pensaient auparavant, le secret médical est pour eux un devoir et non un droit. Il n’est pas opposable au patient qui souhaite obtenir son dossier, sauf dans certains cas spécifiques. C’est ce qu’a établi la loi du 4 mars 2002, relative à la santé publique et aux droits des patients, appelée aussi loi Kouchner.
Le secret couvre aussi tout ce qui a eu lieu lors de la consultation, et notamment aussi tout ce que le médecin a pu voir ou entendre lors des visites à domicile .
Le médecin qui viole intentionnellement le secret (même sans intention de nuire) s’expose donc à des sanctions pénales (article 226-13) et disciplinaires, de la part du Conseil de l’ordre.
Seule la loi peut autoriser une dérogation au secret
L’article 226-14 du Code pénal limite le caractère absolu du secret professionnel et médical car il précise que «L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret « .Le secret médical a donc un caractère absolu en dehors des obligations légales et des autorisations car :
-       Le patient ne peut pas délier le médecin du secret (jurisprudence)
-       Le secret demeure même après la mort du patient (cas particulier de la famille du défunt)
-       Le secret est valable même pour des confrères sauf dans le cas des nécessités du suivi du patient et avec l’accord de celui-ci (loi du 4 mars 2002 )
-       Il est opposable même devant un juge
-       Le médecin n’a, à priori pas le droit de révéler le nom des patients qu’il suit
Le médecin peut seulement se délier du secret pour se défendre en cas d’accusation


En pratique les dérogations établies par la loi sont de deux types : obligation ou permission.
La liste des motifs qui obligent un médecin a révéler des informations à caractère secret est limitative et explicite. La première question qu’un médecin doit  se poser si on lui demande de fournir ce type d’informations est donc : « est-ce que cela rentre dans le cadre d’une obligation ? ».
Ces obligations, édictées par la loi, répondent à des impéraitfs (tenue de registres des décès et des naissances, protection de l’ordre public, justification de certaines indemnités).
Le médecin est obligé par la loi :
- de déclarer les naissances ;
- de déclarer les décès ;
- de déclarer au médecin de la DDASS les maladies contagieuses dont la liste est fixée réglementairement(3).
- d'indiquer le nom du malade et les symptômes présentés sur les certificats d'internement ;
- de signaler les alcooliques dangereux pour autrui (pour les médecins des dispensaires, des organismes d'hygiène sociale, des hôpitaux, des établissements psychiatriques) ;
- d'établir, pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, des certificats détaillés décrivant les lésions et leurs conséquences ;
- de fournir à leur demande aux administrations concernées des renseignements concernant les dossiers des pensions militaires et civiles.
- de communiquer à l’Institut de veille sanitaire les informations nécessaires pour prévenir et maîtriser les risques pour la santé humaine.

Il existe d’autres cas où le médecin est autorisé, mais non obligé, à révéler une information à caractère secret. Cela implique qu’il ne pourra être poursuivi pénalement lorsqu’il révèle une information dans ce cadre, et qu’il lui est permis de refuser de le faire.

Le médecin est autorisé :
1.     à signaler aux autorités compétentes et à témoigner en justice à propos de sévices ou mauvais traitements infligés aux mineurs  ou à des personnes qui ne sont pas en mesure de se protéger ; (article 226-14 du Code pénal, loi du 5 mars 2007 relative à la Protection de l’enfance)
2.      à signaler au procureur de la République (avec l'accord de victimes adultes) des sévices constatés dans son exercice et qui permettent de présumer de violences sexuelles.
3.      à communiquer, lorsqu'il exerce dans un établissement de santé public ou privé, au médecin responsable de l'information médicale, les données médicale
4.      à communiquer, lorsqu'il exerce dans un établissement de santé public ou privé, au médecin responsable de l'information médicale, les données médicales nominatives nécessaires à l'évaluation de l'activité.
5.      à transmettre les données nominatives qu'il détient dans le cadre d'un traitement automatisé de données autorisé.
6.     à informer les autorités administratives du caractère dangereux des patients connus pour détenir une arme ou qui ont manifesté l’intention d’en acquérir une.
NB : il existe aussi des autorisations en rapport avec la jurisprudence que je ne mentionnerai pas ici
Le premier point est celui traité par l’article 226-14 du Code pénal, qui restreint explicitement la portée de l’article 226-13 lorsque le médecin a connaissance de sévices sur des personnes vulnérables :
« L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :
[…] 2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ; »
Il faut noter que, dans le cas de mauvais traitements à personnes vulnérables, dont les mineurs de 15 ans, si le médecin est seulement autorisé à informer dans le cadre du Code pénal, le code de déontologie dans son article 44 lui en fait une obligation morale, car le médecin « doit, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives »
C’est un point important car dans un livre intitulé « Les oubliés , Enfants maltraités en France et par la France », Anne Tursz, qui est pédiatre et directeur de recherche à l’INSERM, établit à travers une étude de cas , que les statistiques d’infanticide sont notoirement sous estimées en France , d’un facteur 3 à 15. Elle montre aussi que les médecins sont très mal informés sur les facteurs de risque de maltraitance, que les médecins généralistes sont particulièrement frileux lorsqu’il s’agit de signaler des violences sur mineurs, que les médecins hospitaliers sous-investiguent certains cas en raison de leurs préjugés concernant l’origine sociale et ethnique des parents, que la coordination entre services est mauvaise, les expertises souvent de qualité médiocre et que, de manière générale, il y a une dégradation de la prise en considération de la maltraitance sur enfants ces dernières années en France, qui est donc de plus en plus occultée.
D’autre part, il faut savoir que si les médecins ne sont pas obligés de signaler dans ce cas, ils ne sont pas pour autant dispensés de toute responsabilité, puisqu’ils peuvent être condamnés au titre de l’article 223-6, sur la non assistance à personne en péril, comme cela est déjà arrivé http://www.nordeclair.fr/Actualite/2009/12/14/maltraitance-sur-enfant-deux-medecins-re.shtml

On pourra aussi remarquer que les notions sur l’autorisation de la télétransmission de données nominatives est particulièrement vague, car on ne précise pas quelles données peuvent être transmises, et à qui.
Vers une violation systématique du secret médical au nom du contrôle des dépenses
Si l’on prend cet aspect au pied de la lettre  et qu’on télétransmet toutes les informations autorisées sans discernement, cela vide totalement de son sens la notion même de secret médical et constitue une atteinte grave à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Il se crée ainsi, de par les contradictions de la loi, qui traduisent des intérêts contradictoires, ceux des patients d’une part, défendus pas la Convention européenne des droits de l’Homme, ceux de l’administration, d’autre part, qui veut contrôler, il se crée une asymétrie entre l’administration et les médecins, l’administration étant autorisée à réclamer ce que le médecin ne devrait pas révéler.
Il semble alors important de retenir que, hors obligation légale, le médecin n’est jamais tenu de livrer des informations à qui que ce soit au sujet de ses patients. Le secret constitue toujours, en dehors d’une telle obligation,  un motif légitime aux yeux de la loi de refus de transmission, y compris à l’égard des autorités judiciaires et à fortiori vis-à-vis des organismes de contrôle.
Dès lors, lorsqu’un médecin refuse de transmettre des informations, il ne pourra être poursuivi. Et seuls certains magistrats, tel le juge d’instruction, ont un pouvoir coercitif pour l’y contraindre, à condition de respecter une procédure rigoureuse, qui pourra être opposée devant un tribunal si elle n’est pas respectée. A savoir que pour accéder à des informations confidentielles il faut procéder à la saisie des dossiers. Celle-ci ne peut être effectué que dans le cadre d’une commission rogatoire, par un officier de police judicaire, ou alors par le magistrat instructeur lui-même et toujours en présence d’un membre du Conseil de l’ordre des médecins, qui vérifie la régularité de la procédure et trie éventuellement les pièces qui doivent être transmises c'est-à-dire uniquement les pièces pertientes.
Il existe un contraste saisissant entre ce formalisme et la facilité avec laquelle des informations à caractère secret sont transmises à l’administration, de manière systématique, dans le cadre de procédures de contrôle.
De fait, depuis que l’Etat cherche à rétablir l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale, en axant son action essentiellement en aval sur le contrôle des dépenses, sans se préoccuper des origines du problème, les atteintes au secret médical ont pris un caractère de plus en plus systématique.
La convention collective entre syndicats médicaux et CPAM signée en juillet 2011 crée de nouveaux conflits d’intérêts
                  Dès 1999 les juristes et le Conseil de l’ordre des médecins se sont alarmés, de la contradiction entre la nécessité d’évaluation des pratiques médicales et l’impératif de la protection du secret professionnel.
                  Un rapport du Conseil national de l’ordre remarquait : » L’évaluation en médecine libérale pose le vrai problème de gestion du secret médical.
Dans ce cadre d’évaluation, le danger vient du risque de circulation à grande échelle de données dont il faudra vérifier la protection continue tout au long de la chaîne d’exploitation, et de l’intervention de non-médecins »

C’est la codification des actes à des fins d’évaluation économique qui posait notamment problème. D’autant que la loi a imposé, dans les années 1990 et 2000, une codification de plus en plus précise des actes, destinée à des personnels administratifs des Caisses d’assurance maladie, sous peine de non remboursement.
 Un patient qui voudrait conserver le secret vis-à-vis de l’administration sur les actes effectués, ce qui est en principe un droit, doit ainsi accepter, pour accéder à ce droit, de ne pas être remboursé.  http://www.conseil-national.medecin.fr/system/files/secretevaluation.pdf?download=1

Le recul du droit au secret s’est poursuivi avec l’introduction de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) en 2005, qui,  toujours à des fins de contrôle et d’évaluation, introduisait une codification plus précise, permettant, dans un grand nombre de cas, de connaître la raison exacte de la consultation, cette information étant directement transmise aux Caisses d’assurance maladie, c'est-à-dire à du personnel administratif, sous peine de non remboursement .
Les juristes ont commencé alors à penser que le secret médical avait vécu http://droit-medical.com/perspectives/9-variations/35-secret-medical-n-est-plus

La convention médicale collective signée le 26 juillet 2011 entre les syndicats et l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) porte un coup supplémentaire au secret médical autant qu’à l’indépendance des médecins, ces deux aspects étant liés.

Les médecins libéraux, réputés indépendants, sont par ce fait même, peu protégés par le code de déontologie. Les articles 95 et 97 du Code de déontologie, qui traitent de l’exercice salarié de la médecine établissent clairement que la loyauté du médecin salarié doit aller au patient, et que son indépendance professionnelle doit rester intacte.
L’article 95 dispose que : » Le fait pour un médecin d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n'enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance de ses décisions.
En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part de l'entreprise ou de l'organisme qui l'emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l'intérêt de la santé publique et dans l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce. »


L’ article 97 ,dispose que : » Un médecin salarié ne peut, en aucun cas, accepter une rémunération fondée sur des normes de productivité, de rendement horaire ou toute autre disposition qui auraient pour conséquence une limitation ou un abandon de son indépendance ou une atteinte à la qualité des soins. »

C’est précisément ce que les médecins libéraux, moins protégés par le code de déontologie, ont accepté, puisqu’une partie de leurs gains sont liés au respect de normes de prescription.

D’autre part, il n’existe aucune limite « à priori » aux informations que les médecins conseil peuvent demander aux médecins libéraux à des fins de contrôle et d’évaluation. L’article R 315-1-1 du CSP énonce : « Lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L. 315-1, il peut se faire communiquer, dans le cadre de cette mission, l'ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité. « 
Le problème c’est qu’il n’y a pas non plus de limite claire au contrôle ni entre le contrôle et l’évaluation et que l’informatisation, la télétransmission et les DMP (Dossier Médical Personnel, informatisé), introduisent la possibilité d’une évaluation et donc d’un contrôle permanent et total de l’activité du médecin, effectué par les mêmes personnes, qui sont les médecins conseils.
Ceux-ci ne sont pas des soignants et leurs intérêts professionnels sont étrangers à l’intérêt du patient. Ils peuvent de plus être des agents de droit privé http://droit-finances.commentcamarche.net/legifrance/66-code-de-la-securite-sociale/222640/article-l226-1 et donc peuvent présenter des conflits d’intérêts, car, à la différence des fonctionnaires, ils peuvent travailler aussi pour d’autres employeurs dont les intérêts entreraient en contradiction avec ceux du patient, tels des assureurs privés.
Or la nouvelle convention collective laisse la porte ouverte à la transmission de données nominatives outrepassant largement les besoins d’évaluation statistique, puisqu’il est question, parmi les indicateurs qui conditionnent la prime du médecin, d’instaurer la mise à disposition d’une fiche de synthèse individuelle contenant toutes les informations importantes concernant le suivi du patient (Convention médicale collective tableau p22 http://www.fmfpro.com/IMG/pdf/joe_20110925_0223_0016.pdf )
Il n’est pas explicitement indiqué à qui cette fiche de synthèse est destinée, mais le contexte permet de penser qu’elle pourrait aussi bien être destinée au médecin conseil à des fins d’évaluation, puisque cette fiche est mentionnée dans un tableau d’indicateurs, qui ne concerne pas le patient.
Le conseil national de l’ordre des médecins, lors de sa réunion plénière du 14 septembre  2011, s’émouvait de cette possibilité en ces termes : » Le médecin doit-il réaliser une synthèse médicale pour tous les patients qui l'ont choisi comme médecin traitant pour percevoir la rémunération conventionnelle ou seulement pour ceux pour qui cette synthèse présente un intérêt ?
Par ailleurs, quel justificatif en sera demandé ? L’Assurance maladie aurait-elle accès à ces documents. Ce n’est pas concevable.
A l’heure de la simplification administrative, il conviendrait que cet indicateur ne suscite pas d’obligations inutiles et déraisonnables
Quoi qu’il en soit ces nouvelles dispositions introduisent des conflits d’intérêts supplémentaires, puisque le médecin est rémunéré dans le but d’influencer ses prescriptions.
Le droit au secret a déjà été restreint pour le patient à travers la codification des actes, assortie d’une sanction de non remboursement en cas de refus.
Désormais, le droit au secret médical est menacé au niveau du médecin. Il ne s’agit pas de sanctions pour l’instant, mais d’incitations financières.
En pratique
Dès lors, lorsque, dans la grande majorité des cas, la liberté est laissée au médecin de décider s’ il doit transmettre des information il doit,  se poser des questions pertinentes :
-       Qui demande l’information ?
-       Dans quel but ?
-       Est-ce que cela entre dans le cadre d’une obligation légale ?
-       Quelle information est pertinente ?
-       Quelle information est nécessaire au but recherché ?
-       A qui sera transmise (pourra être transmise ) l’information ?
-       Et surtout : est-ce que la transmission de cette information est faite dans l’intérêt du patient ?
  .
Et si le médecin décide de transmettre l’information demandée, toujours avec l’’accord du patient hors cas particulier des enfants mineurs dans le cadre de la protection de l’enfance et des personnes vulnérable, il doit se limiter aux informations strictement nécessaires au but recherché en prenant en considération le bénéfice du patient.


Pour le médecin : quelles que soient les protestations de confidentialité des médecins conseils des services de contrôle, les médecins libéraux doivent se rappeler que ce sont eux qui sont les dépositaires du secret médical, et qu’il leur incombe de le protéger. A minima, en demandant l’avis du patient avant de transmettre toute information le concernant. Au maximum en refusant de transmettre des données nominatives à chaque fois que la loi ne les y oblige pas.
Pour le patient :  La Commission nationale informatique et liberté (CNIL) précise que : » Le titulaire d’un DMP (Dossier Médical Personnel, informatisé) se voit reconnaître le droit de « masquer » les informations qui y sont portées, c’est à dire de les rendre inaccessibles à tous les professionnels, hormis le praticien auteur du document. »
Le mieux est donc pour le patient de discuter en amont avec le médecin traitant des informations  que le patient ne souhaite pas voir figurer sur le DMP. Le patient doit profiter au maximum de cette liberté qui lui est encore laissée de protéger le secret auquel la Convention européenne des droits de l’Homme lui donne droit.
Il est possible aussi au patient de demander au médecin de ne consigner certaines informations que sur un dossier papier personnel au médecin et non transmissible. C’est la pratique des « notes personnelles ». Celles-ci, placées à part dans un dossier dûment identifié ne peuvent pas faire l’objet d’une saisie judiciaire.

En conclusion,
Pour beaucoup de juristes le secret médical et le secret  professionnel sont des garants de la démocratie que nous devons protéger http://laure.dourgnon.free.fr/articles/tsa26_2011.pdf
La nouvelle convention médicale, qui occupe une place subordonnée dans la hiérarchie des normes et n’entraîne pas d’obligation légale, agit par des mesures incitatives. Appliquée sans discernement, elle peut éventuellement empêcher le médecin de délivrer les meilleurs soins au patient (normativité des prescriptions) et met potentiellement en danger le secret médical, dont le médecin est dépositaire et reste garant vis-à-vis de son patient.
Le consentement du patient et du médecin à la divulgation d’informations à caractère secret a été obtenue à plusieurs reprises sous la pression (non remboursement pour le patient et incitations financières pour le médecin).
Cette entrave de fait à l’application du droit à la vie privée reconnu par la Convention européenne des droits de l’Homme, pourrait faire un jour l’objet d’un recours, soit individuel, soit de la part d’une ONG en tant que personne morale, devant la Cour européenne des Droits de l’Homme pour mettre fin à ces dérives.
Sources :
-       Conseil Nationale de l’Ordre , article 4 : http://www.conseil-national.medecin.fr/article/article-4-secret-professionnel-913
-       Convention médicale collective : http://www.fmfpro.com/IMG/pdf/joe_20110925_0223_0016.pdf
-       Légifrance
-       Chiché P, docteur d’Etat en droit, « Le secret médical face à la justice », Bulletin juridique de la Santé publique, février 2005.
-       Site du CNIL, http://www.cnil.fr/
-       Verdier P, « Secret porfessionnel et partage des informations « , revue d’action juridique et sociale novembre 2005