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lundi 1 avril 2024

Bilan médical du lundi 25 au dimanche 31 mars 2024 : Servier délinquant et adoubé, corruption des médecins aux US et en France, opacité de l'EMA, études observationnelles alakhon, Bernie Sanders, lombalgies : échec de l'exercice, PSA, CAC et bureaucratie.

Via @kiki2larc
Le visage à l'origine du Saint Suaire enfin révélé.


Difficile de publier un bilan médical de la semaine un premier avril !

Ce sera donc le seul poisson d'avril.


Le reste est "vrai".


Servier a gagné.

Servier est revenu dans l'appareil d'Etat.

Servier arrose, corrompt, triche, handicape, tue et les médecins s'en moquent. Ils ont prescrit (pas tous) du mediator et ils n'ont jamais été inquiétés. Jamais un obésologue, un endocrinologue, un diabétologue, un charlatonologue, n'a été poursuivi en justice pour avoir prescrit du médiator hors AMM à des patientes (la majorité) dans une indication sans objet et pour des raisons de clientélisme.

Les congrès de cardiologie continuent d'être sponsorisés par le laboratoire Servier.

Des études cliniques continuent d'être menées et des médecins acceptent l'argent de Servier pour des essais d'implantation, des essais sans portée pour les patients, pour des molécules qui ont fait cent fois la preuve de leur inintérêt.

Et le ministre de la santé, Frédéric Valletoux, qui a été pendant de nombreuses années, président de la Fédération Hospitalière Française (la FHF) ne sait pas que Servier est un groupe criminel. Il participe à une manifestation organisée par le journal L'Opinion, organe de presse "pro-business", dirigé par Nicolas Beytout et dont les actionnaires minoritaires sont Bernard Arnault (22,8 %), la famille Bettencourt (17,1 %) et Murdoch (7,6 %). Il participe à un colloque où le nom de Servier apparaît en gros sur les écrans, comme une bannière.

Encore une fois la santé publique est bafouée.


Roselyne Bachelot, 77 ans, a été placé à la tête d'un organisme pour qu'elle ne s'ennuie pas.



La corruption des médecins. C'est aux US ! 12 milliards de dollars en 10 ans.

Une étude (ICI) indique qu'entre 2013 et 2022 l'industrie pharmaceutique, ne parlez pas de Big Pharma, c'est du complotisme, a payé 12 milliards de dollars aux médecins et que 57 % d'entre eux ont au moins touché une fois de l'argent.


Les 25 médicaments les plus sponsorisés.


Les 25 matériels les plus sponsorisés


Les 13 spécialités les mieux rémunérées.



Mais aussi en France !


Je vous en avais déjà parlé ICI, le Free-lunch Index français, à partir d'un article écrit par Scanff A et al : LA



Le manque de transparence, c'est en Europe : EMA.

Demander à l'agence européenne de déclarer les liens d'intérêts de ses membres est un sport de combat : LA


La conclusion :


En français : c'est pas de la tarte !

Taxonomie des preuves en fonction de leur poids : les études observationnelles sont trop souvent alakhon


Mr Wolf : Pulp Fiction



C'est ICI pour l'article.


Bernie Sanders annonce la diminution par 10 du prix des aérosols dans l'asthme et la BPCO aux US

Trois des plus grands laboratoires commercialisant des aérosols (Glaxo Smith Kline, Astra Zeneca, Boehringer Ingelheim) ont répondu à une commission d'investigation du Sénat des EU en acceptant une diminution par 10 des prix des aérosols !

Ce qui les rend au niveau des standards européens. Ajoutons que les prix français sont les plus bas que cite Sanders.

La video est LA.





MG regardant l'avenir des soins primaires (allégorie)


Dans les lombalgies communes, l'exercice physique ne fait pas mieux que rien.



Je vous avais déjà parlé ICI (point 136) d'une étude de 2023 peu convaincante sur les effets de la prise en charge des lombalgies communes sub aiguës par la méthode McKenzie (prise en charge des patients avec kinésithérapie, et cetera...), eh bien une méta-analyse peine à montrer l'intérêt de l'exercice physique à partir d'essais randomisés exercice vs placebo (faux exercices) et rien. C'est LA

La critique principale est qu'il s'agit d'une méta-analyse menée à partir d'études contrôlées randomisées d'un faible niveau de preuves.

La première réflexion est celle-ci : depuis le temps que les lombalgies banales existent, depuis le temps que l'on compte des malades par millions et partout dans le monde, on n'a toujours pas été fichus de mener des essais contrôlés de qualité ! Pourquoi ?

La deuxième est celle-ci : il s'agit encore d'une maladie où les prises en charge sont essentiellement fondées sur l'absence de preuves !


Le dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA est une catastrophe sanitaire et personnelle pour les citoyens !

On l'a dit cent fois dans ce blog mais il faut le répéter, le répéter, le répéter.


1 décès évité et 40 surdiagnostics

Pour le dépistage du cancer du poumon


via @BoussageonR


On le rappelle : le CAC (score calcique) ne doit pas être utilisé en routine.

On sait que les généralistes sont des chieurs, mais rappeler l'avis du conseil scientifique du CNGE datant de 2022 (LA), sur la non-utilité de la mesure du CAC en complément ou à la place de SCORE 2 pour évaluer le risque cardiovasculaire des patients met manifestement les cardiologues à la peine comme le montre certaines d leurs mises au point (qui ne mettent rien au point).

Il existe des études en cours concernant la valeur du CAC (qui durent depuis si longtemps que l'on se demande quand les résultats vont "sortir" et s'ils vont "sortir"). Pour l'instant il paraît superflu de mesurer le CAC sinon dans le but de faire monter la valeur boursière des lieux de soins où le CAC est pratiqué de routine.  

Le CAC n'est bon que pour le CAC 40.




Les vaches sont bien gardées par le mille-feuilles bureaucratique.



Je me rappelle avoir eu comme patiente une responsable du social à la mairie de Mantes-La-Jolie qui m'avait avoué que lorsqu'elle avait pris ses fonctions elle avait mis au moins un an à comprendre l'empilement du mille-feuilles administratif et qui adresser à qui en cas de problèmes. C'était il y a 20 ans.

Je me rappelle aussi les "instructions" que nous laissions à nos remplaçants "en cas de problème". C'était une façon pour nous de réaliser la complexité de l'organisation médico-sociale de notre secteur d'activité en médecine générale.

Ce mille-feuilles administratif ou ce puzzle bureaucratique rendent inadéquates toutes les tentatives de simplification qui ont toujours conduit à un empilement et non à une réduction de l'épaisseur des feuilles.

Où va l'argent ?

Les termes ronflants, les acronymes mystérieux, les interactions invisibles et les freins visibles à ces interactions, les "territoires" comme objets de pouvoir et non comme communautés des hommes et des femmes s'occupant du médico-social.

Il est possible que ce schéma soit un fake.

Mais ce n'est pas le cas.

C'est le symbole à la fois de l'intervention de l'Etat (indispensable) et de sa paralysie.

Cela fait des années que "tout le monde" le dit et rien ne change.

Ce n'est pas prêt de changer.

Trop d'intérêts sont en jeu.


La série de la semaine (SF)






jeudi 24 mai 2018

La médecine m'inquiète : microf(r)ictions (95)



95
Les laboratoires Servier ont encore la cote chez les cardiologues. Ou plutôt : les cardiologues, dont le président de la Société Française de Cardiologie, acceptent sans barguigner leur argent.
Un article bien documenté (j'ai vérifié) (ICI) rapporte un certain nombre de faits montrant que les laboratoires Servier occupent encore une place de choix dans le sponsoring cardiologique.

Malgré Mediator (voir LA).

Rappelons aux non cardiologues l'apport majeur de Servier à la pharmacothérapie mondiale.

  1. Fenfluramide (Ponderal et Isoméride) : retirés du marché pour effets indésirables graves en 1997.
  2. Amineptine (Survector) : "anti dépresseur" retiré du marché pour hépatotoxicité en 1999
  3. Tianeptine (Stablon) : antidépresseur ASMR V
  4. Trimétadizine (Vastarel) : deux de ses indications "majeures" ôtées par l'EMA en 2012
  5. Almitrine (Duxil et Vectarion) : retirés respectivement du marché pour effets indésirables en 2005 et en 2013
  6. Ivabradine (Procoralan) : anti angineux avec SMR insuffisant.
  7. Rilmédinine (Hyperium) : anti hypertenseur ?
  8. Protelos (ranélate de strontium) : arrêt de commercialisation en 2007 pour effets indésirables graves (ICI)
  9. Fusafungine (Locabiotal) : pulvérisateur nasal ; retrait du marché en 2005 pour effets indésirables (résistances bactériennes) sous son ancienne formule.
  10. Piribedil (Trivastal) : "antiparkinsonien" mineur longtemps présenté en visite médicale comme vasodilatateur cérébral.
  11. Hespéridine (Daflon) : "phlébotonique".
  12. Agomélatine (Valdoxan) : antidépresseur exposant à des effets indésirables hépatiques graves (LA)
Donc, il nous reste Fludex (indapamide), un diurétique qui n'a pas fait la preuve de son efficacité, hormis sur les critères de substitution (PA), Coversyl (périndopril), anti hypertenseur, et Diamicron (gliclazide), anti diabétique oral ayant fait la preuve de son efficacité sur des critères de substitution (comme les autres, d'ailleurs).





Résumé des épisodes précédents : La médecine m'inquiète.

96
Cent pour cent des pratiques homéopathiques sont non validées.

97
Les aliments anti cancer du professeur Khayat.

98
Madame C, quarante-et-un ans, est venue accompagner sa fille pour un vaccin. En fin de consultation : " Ah, docteur, vous pouvez me prescrire une mammographie, ma gynécologue a oublié et je dois la faire tous les deux ans. - Vous avez quelqu'un de votre famille qui a eu un cancer du sein ? " Elle réfléchit : " Non, mais ma belle-soeur, oui. - Elle fait partie de votre famille ? - Non. Mais c'est ce qui m'a alerté. - Depuis quand votre gynécologue vous fait-elle faire une mammographie? - Depuis environ l'âge de trente ans. Je suis tellement inquiète. Il vaut mieux savoir avant, n'est-ce pas, docteur ? " Je lui explique qu'elle n'a pas besoin de faire cet examen, bla bla, les risques, elle est encore plus inquiète et elle réfléchit. Je crois qu'elle va quand même téléphoner à sa gynécologue pour obtenir la fameuse ordonnance. Elle a évalué elle-même les bénéfices/risques de la mammographie. Le patient a toujours raison.



99
"Madame B, cinquante-deux ans, dont tu es le médecin traitant, est venue me consulter après son passage aux urgences non programmées de la clinique pour des précordialgies atypiques... L'examen que j'ai pratiqué est normal : pression artérielle, échographie... Je note toutefois un bilan lipidique limite chez cette patiente non fumeuse. Pour ces raisons je programme une épreuve d'effort qu'elle passera à la clinique dans quelques jours."


100
Mademoiselle A, vingt-huit ans, a perdu son bébé. Aux urgences où elle se rend on lui fait une péridurale pour « régulariser ». La péridurale, selon la patiente, ne « marche » pas. Elle commence par se faire engueuler : « Si, ça marche ! ». Bon, les douleurs qu’elle ressent sont donc factices. On l'engueule encore. On la laisse dans une salle de repos où des enfants courent dans tous les sens. Puis, quelqu’un vient la voir, de loin, et lui demande à la volée : « Vous voulez l’enterrer ou le faire incinérer ? »





jeudi 15 mars 2012

Haro sur Servier : l'arbre qui cache la forêt.


En ces périodes de suspicion généralisée, de nécessité de transparence comme outil unique de réflexion, de plus pur que moi y a pas et d'éthique de la dénonciation, tirer sur Servier est un exercice facile, un défouloir hardi, une façon élégante de se mettre en avant, une manière d'être à la mode sans trop se mouiller. Ce que l'on appelait jadis se comporter comme un résistant de la dernière heure.

Ma pente naturelle est de me méfier des accusations toutes faites, des certitudes uniques, des condamnations unanimes, de l'effet de meute.
Il ne s'agit pourtant pas d'un plaidoyer pour défendre Servier, le laboratoire Servier, Monsieur Jacques Servier, je ne le connais pas personnellement, il s'agit de démêler ce qui revient à Servier, les pratiques frauduleuses, la concussion, la corruption, la malhonnêteté, que sais-je encore ?, et ce qui revient à un système qui existe depuis de fort nombreuses années, qui continue d'exister et qui, au delà de ses caractéristiques internationales qui seraient le capitalisme mondialisé, s'est développé en France avec l'assentiment de tous et sans que personne, jamais, n'ait eu le courage ou l'envie de collecter des faits et de les étaler au grand jour. Ce que je ne vais pas faire ce jour.

On dira qu'il y a eu des lanceurs d'alerte, des gens qui ont, depuis longtemps, averti, informé, et qu'il a fallu un scandale de trop, le livre d'Irène Frachon dont le titre avait été censuré par Servier, pour que tout éclate. Mais les lanceurs d'alerte précédents, La Revue Prescrire et certains de ses collaborateurs, ont certes dénoncé, mais sotto voce et ils n'ont rien fait pour perdre leurs postes.
Il est aussi amusant de constater que les accusateurs français, si prompts à dénoncer Servier, sont d'une extrême candeur quand il s'agit de dénoncer les scandales mondiaux de la pharmacie, alias Big Pharma, tout en affirmant qu'ailleurs tout est mieux... Et de citer le Sunshine Act comme outil indépassable pour la lutte contre la corruption alors que c'est aux Etats-Unis d'Amérique que les plus gros scandales sont apparus.
Balivernes.
Donc, partout, dans la presse, sur Facebook, sur Twitter, sur des blogs, sur des sites, les purs de la dernière heure, se déchaînent contre l'entreprise Servier (et j'aurai la délicatesse, contrairement à mon habitude, de ne pas citer tout ce que j'ai lu... tellement désastreux). Et, tels des inquisiteurs, ces purs se déchaînent sur tout ce qui bouge, les "faux" journalistes payés par Servier, les vrais salariés téléguidés ou pas qui expriment leur désarroi, les professeurs de médecine à la retraite qui n'ont pas l'heur de croire à la qualité des bases de données de la CNAMTS, et cetera, et cetera.

Je vais donc dire pourquoi Servier n'est qu'un symptôme et pas une maladie.
Qui pourra d'abord nous faire croire que tous les salariés de l'entreprise Servier, filiales comprises, sont des pourris, des malhonnêtes, des corrupteurs, des tricheurs, des modificateurs de chiffres, des broyeurs de documents ? A moins bien sûr qu'il ne faille considérer que Servier est une secte entrepreneuriale et qu'il est si difficile d'y entrer qu'il est impossible d'en sortir. Mais c'est faux.
Qui pourra nous faire croire que les salariés de Servier, aux différents échelons, sont différents de ceux de Sanofi ou de Pierre Fabre, qu'ils n'ont pas le même cerveau, pas les mêmes membres, pas les mêmes corps, pas les mêmes tripes ?
Qui pourra nous faire croire que seul Jacques Servier recevait chez lui les ministres de la Santé ou de l'industrie, recevait chez lui les présidents de commissions d'AMM, les directeurs de comités économiques, les responsables de la pharmacovigilance tout comme les directeurs généraux de la santé ou les députés des circonscriptions où étaient implantées leurs usines et leurs bureaux ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier donnait de l'argent aux partis politiques ?
Qui pourra nous faire croire que les autres directeurs de groupes pharmaceutiques, qu'ils soient français ou étrangers, n'entretenaient pas des relations d'affaire avec le lobby administrativo-politique qui décide et des politiques de santé et des prix des médicaments et de leurs niveaux de remboursement ? 
Qui pourra nous faire croire qu'il n'y a que Servier qui envoie des patrons dans les congrès, qui leur paie leurs frais d'inscription, leurs chambres d'hôtel, leurs repas et leurs sorties ? Qu'il n'y a que Servier qui permette à des patrons de signer des articles qu'ils n'ont pas écrits, de signer des articles dont ils n'ont vu aucune donnée de base, des articles dont ils ne connaissent pas les protocoles, les façons de randomiser ou les tests statistiques qui ont été appliqués ?
Qui pourra nous faire croire que les fameux leaders d'opinion, les Key Opinion Leaders, ne sont entretenus que par Servier, ne sont formés que par Servier, ne sont payés que par Servier ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier implante des études bidons, des études qui ne seront jamais publiées, des études qui ne seront jamais analysées, dans des services stratégiques en permettant l'acquisition de nouveaux matériels ou l'octroi de primes à des médecins méritants et si mal payés ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier corrompt des revues pour qu'elles publient des articles de merdre en faisant de la publicité et en achetant des tirés-à-part et des abonnements ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier finance les associations de patients ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier entretient une écurie de jeunes internes, chefs de clinique, PU-PH, afin d'en faire des experts des domaines dans lesquels les produits Servier auront besoin d'un coup de main et dans lesquels ins deviendront des experts, locaux, loco-régionaus, nationaux, voire internationaux ?
Qui pourra nous faire croire que seuls les visiteurs médicaux de Servier mentent sur les résultats des études, présentent des résultats enjolivés, cachent les effets indésirables des médicaments, invitent au restaurant ou à des week-ends et ont des moyens détournés de faire des cadeaux ?
Qui pourra nous faire croire que Servier oeuvre dans un monde pur où les fonctionnaires sont intègres, ne sont soumis à aucune pression, où les hommes politiques ne pensent qu'au bien public et non à leur réélection ?
Qui pourra nous faire croire que la politique des prix des médicaments à l'hôpital n'est pervertie que par Servier et que les autres laboratoires ne vendent pas à perte pour implanter leurs produits dans des hôpitaux prestigieux grâce à la pharmacie centrale qui ne voit que le prix du comprimé ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier utilise certains médecins qui font le va et vient entre l'industrie et l'administration, un jour directeur médical, un autre jour sous-directeur à l'AFSSAPS, un jour représentant de l'AFSSAPS à l'agence européenne ?

Personne ne peut croire à de pareilles sornettes.
Je comprends donc que les salariés de Servier expriment, parfois maladroitement, leur désarroi devant ce qui peut paraître être une chasse aux sorcières.

Car les résistants de la dernière heure n'y vont pas avec le dos de la cuillère.
Les mêmes qui ne se manifestaient pas, les mêmes qui protestaient mollement, les mêmes qui participaient sans broncher aux agapes officielles, les mêmes qui n'ont jamais payé un ticket de vestiaire dans un déplacement à l'étranger, les mêmes qui étaient des chefs de service adulés et payés, les mêmes qui dirigeaient des commissions, les mêmes qui siégeaient dans les instances, de la Direction Générale de la santé à la Commission Nationale de Pharmacovigilance, eh bien, ils ruent dans les brancards contre Servier mais ils se limitent à Servier. Servier est le bouc-émissaire à la mode.
Et si des fonctionnaires ont été virés de l'AFSSAPS, et ont d'ailleurs été reclassés immédiatement, ne croyez pas que c'était pour des raisons punitives, non, c'était pour les éloigner, c'était pour les faire taire, c'était pour que la mémoire de l'institution à laquelle ils appartenaient se dissolve, qu'on efface les preuves, qu'on broie les preuves au sens propre et au sens figuré. Et on a même payé des hauts fonctionnaires pour qu'ils se taisent, on a même nommé à des postes prestigieux des lanceurs d'alerte qui avaient lancé mais qui se sont tus juste après pour obtenir des honneurs.
Ne croyez pas qu'il n'y a que chez Servier que les broyeuses ont fonctionné, elles ont aussi fonctionné à l'AFSSAPS pour détruire des dossiers compromettants, à la DGS pour détruire des dossiers et des contrats louches, dans les Centres régionaux de Pharmaco Vigilance où l'imputation des dossiers est faite à la lumière de ce qu'il faut croire ou ne pas croire... notamment quand il s'agit de vaccins...
Et j'entends aussi qu'il faut protéger les lanceurs d'alerte.
Mais qu'est-ce que risque un lanceur d'alerte ? A part le docteur Alain Braillon qui a perdu son poste pour de nombreuses raisons qu'il a longuement expliquées sur son blog, les autres, que craignent-ils ?
La peur du lanceur d'alerte au moment du penalty est une vaste rigolade. Les grands lanceurs d'alerte devant l'Eternel (les milliers de morts de la grippe), ils sont toujours en poste et écrivent toujours des posts qui font autorité, président toujours des instances officielles, font toujours des tournées avec les laboratoires, mentent toujours sur leurs DPI..., recueillent toujours des déclarations d'effets indésirables... Des lanceurs d'alerte membres à vie de leurs commissions, qu'est-ce qu'ils risquent au juste ?
Et qu'est-ce qu'un vrai lanceur d'alerte qui, malgré le poids de ses dizaines de milliers d'abonnés, n'arrive pas à se faire entendre ?
Mais il est vrai que l'on a peu entendu de cadres dirigeants de Servier dénoncer et balancer. Mais dans les autres laboratoires, est-ce si différent ? A-t-on jamais vu des directeurs de recherche dire que les analyses statistiques sont parfois faites au cas par cas pour atteindre la fameuse, et ouvreuse de droits éternels, significativité ? A-t-on jamais entendu des moniteurs d'essai dire que le double-aveugle avait été levé avant la fin de l'essai ? Mais ces gens là, contrairement aux fonctionnaires des Agences, risquent effectivement leurs places et leurs salaires. Il faudrait les aider.
Enfin, qui pourra nous faire croire que les prescripteurs de base n'ont pas une part de responsabilité ? Qui pourra nous faire croire que les corrompus sont à plaindre et que les corrupteurs sont à condamner ? Qui pourra nous faire croire qu'aucun médecin au courant des risques du Mediator ne l'a pas prescrit, et a fortiori hors AMM ? Qui pourra nous faire croire qu'aucun abonné de Prescrire n'a jamais prescrit de Mediator ?  Les pauvres obèsologues, les pauvres diabètologues, les pauvres diététologues, les pauvres mésosologues ou aiguillogues ou homéoologues à orientation gros poids, les pauvres généralistes, soit reproducteurs d'ordonnances des précédents, soit initiateurs d'ordonnances pour faire comme des grands, comme ils sont à plaindre d'avoir été abusés par Servier... Abusés, mais pas plus que les grands chefs qui ont touché de l'argent. Pas plus mais pas moins...

Servier va être découpé en appartement dès la mort de son fondateur.
Qui va en profiter ?
Les dossiers d'AMM sont toujours aussi indigents et, surtout, sont peu lus avec un esprit critique.
Contrairement à ce qui est affirmé ici ou là, dans la majorité des cas, les effets indésirables graves constatés post commercialisation sont déjà, en filigrane, dans le dossier d'AMM. Et pas seulement pour Mediator. Pour les glitazones, pour les vaccins anti grippe, pour les coxibs... Ce n'est donc pas seulement Servier ou Pasteur ou Pfizer qui ont menti sur leurs données, ce sont aussi les évaluateurs qui n'ont pas vu ou à qui on a dit de ne pas voir...
Mais les industriels, je dirais même plus, les financiers, dans le cas bien improbable où des soupçons sont possibles, font de vagues promesses à des Agences qui savent que les décisions sont politiques et les produits sont commercialisés jusqu'à ce que le fameux point d'équilibre (balance zéro investissements / profits) soit atteint. Les études post-marketing, Prescription Event Monitoring ou autres, sont mises en place avec lenteur, sont suivies avec lenteur, les dead-lines sont constamment repoussées jusqu'à ce que les bénéfices deviennent palpables...
Et c'est là que les influences sont importantes pour ne pas imposer d'études complémentaires ou pour accepter qu'elles ne soient jamais rendues..
Voici les arguments : la balance des paiements, l'emploi, l'économie. Cela fait du chiffre.

Nous ne ferons pas l'économie, en ciblant seulement Servier, d'une réforme des procédures et des hommes qui ne devront pas seulement être transparents mais compétents. N'oublions pas que la transparence ne rend pas intelligent et que la compétence ne s'acquiert pas forcément à l'intérieur des agences gouvernementales comme on le croit trop souvent mais à force de travail, d'abnégation et de publications.

La maison Servier n'est certainement pas un exemple mais se contenter d'en faire la responsable de toutes nos insuffisances, de toutes nos lâchetés, de toutes nos incompétences et de mettre au pilori tous ses salariés, permet de faire l'économie d'une réforme qui commence dès la première année de médecine.

A suivre.

jeudi 14 octobre 2010

RETRAIT TARDIF DU MEDIATOR : UNE AFFAIRE FRANCAISE


Le journal Le Monde (ici) annonce aujourd'hui que, selon le journal Le Figaro (), le Mediator serait responsable de 500 à 1000 morts par an selon une enquête "confidentielle" de la CPAM. On nage en plein délire français.


On se rappelle que la grippe saisonnière causait entre 5000 et 7000 morts par an quand il s'agissait de promouvoir la vaccination et que les chiffres descendaient, lors d'une année où peu de gens s'étaient fait vacciner, au chiffre de 312, ou aux environs de 1000 quand Madame France Meslé écrit des articles scientifiques pour montrer combien la vaccination anti grippale est efficace dans une revue publiée par la très respectable INED (voir ici mes commentaires)...


Eh bien, pour le Mediator (benfluorex), la CPAM (on se demande ce qu'elle vient faire ici car elle n'est pas franchement connue pour ses compétences en pharmacovigilance) balance entre le simple et le double. On aimerait quand même que cette imprécision fût précisée ou fût démentie par les instances pharmacovigilantes françaises et qu'elles disent à la CPAM de se mêler de son boulot. Si la CPAM dit vrai...


On révise : le benfluorex est une molécule interdite partout dans le monde et la France a mis plus de temps que les autres pays à l'interdire (et on se demande bien pourquoi même si j'ai quelques pistes à vous proposer qui pourraient me valoir un procès, une assignation ou une interdiction d'exercice ; faisant fi à ces dangers et par esprit de résistance comme disent ceux qui ne craignent rien, voici quelques raisons explicatives : le groupe Servier est un laboratoire pharmaceutique français ; la Commission Nationale de Pharmacovigilance est un organisme indépendant ; l'hypertension artérielle pulmonaire s'arrête aux frontières de l'hexagone ; l'ASSAPS a de nombreux chats à fouetter : interdiction de l'hélicidine, notamment) ; les faits sont connus parfaitement depuis belle lurette ; les Autorités Françaises ont traîné des pieds.


Je résume ici le mal français : les médecins français ne déclarent pas les effets indésirables ; la phamacovigilance française est la meilleure du monde : elle n'a vu ni Vioxx ni Diantalvic ; mais elle a vu les mucolytiques ; l'AFFSAPs s'est laissée déborder par la CPAM sur le nombre de morts dû à une molécule : c'est comme si l'AFFSAPS se mettait à publier sur la télétransmission ; la DGS est aux abonnés absents ; l'HAS continue de publier des faux servant à asseoir le CAPI ; l'InVS fait rire tout le monde ; il existe des liaisons inscestueuses entre les laboratoires français, l'AFFSAPS, l'HAS et Big Pharma ; les Agences françaises dites indépendantes sont avant tout des agences gouvernementales aux ordres du pouvoir politique.


Un autre mal français : l'absence d'ambitions investigatrices des journalistes français, notamment dans le domaine des sciences médicales. Leur absence d'esprit critique à l'égard des publications officielles (telles celles de l'INED) mais pour être critique il faut quand même savoir de quoi l'on parle. Nous y reviendrons.


Je rappelle que mon associé et moi avions été parmi les premiers à décrire les neuropathies induites par le Vectarion, un produit du groupe Servier et qu'à ma connaissance il est toujours commercialisé.


Le mediator (plectre) est donc toujours pour moi un truc pour jouer de la guitare. Mais un peu plus dangereux quand même.