jeudi 4 octobre 2012

Peter Götzsche versus le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (Organe central de désinformation sur le dépistage du cancer du sein).



J'ai assisté aujourd'hui à la remise des prix Prescrire (la Revue s'est impliquée, depuis 2006, dans la critique de la politique de dépistage organisé du cancer du sein en France comme dans le monde à partir des études de la littérature) et j'ai pu entendre, comme de nombreux participants, un exposé limpide de Peter Götzsche de la Cochrane Nordique, sur l'inutilité des programmes de dépistage pour faire baisser les mortalités spécifique et globale (ICI pour l'exposé et LA pour les diapositives).
Heureusement, les données que nous a fournies notre ami danois, et vous ne pouvez me voir rougir de confusion, je les ai déjà rapportées en différents posts de ce blog. Ce sont des données connues. Ce sont des données avérées. Mais le ton de l'orateur, sa connaissance du sujet et son français étonnant de simplicité ne pouvaient manquer de nous conforter dans ce que les partisans du dépistage appellent  nos croyances dans l'inutilité de ce dépistage.

Je voudrais rappeler trois points sur lesquels je n'ai pas assez insisté dans mes posts : Le dépistage organisé ne réduit pas le nombre de cancers métastasés ; le dépistage organisé ne réduit pas le nombre de mastectomies (et bien au contraire) ; le dépistage organisé ne réduit pas la mortalité par cancer.

La dernière parution du BEH (Bulletin Epidémiologique hebdomadaire) consacré aux résultats du dépistage du cancer du sein par mammographie (ICI) est, il est possible de faire plusieurs choix, une aberration, un scandale, une entreprise désespérée pour défendre le programme français de dépistage, la dernière khonnerie de Françoise Weber (avant, on choisit, sa démission ou son limogeage).
Nous savons depuis longtemps que l'InVS est une Agence Gouvernementale aux ordres de la DGS (Direction Générale de la Santé) ou du gouvernement (heu, c'est la même chose) ou du lobby santéo-industriel (c'est un néologisme) qui s'est illustré, entre autres, dans, par exemple (et vous excuserez mon manque d'exhaustivité) des articles rapportant la mortalité liée à la grippe et les bénéfices que la population pouvait tirer de la vaccination. Revenons à notre Agence Gouvernementale.
Elle a publié un numéro costaud. Le genre de pavé incontournable que l'on ne peut recevoir qu'en pleine figure. Et sans l'avoir lu. 
L'InVS, non content de publier des auteurs maisons et aux ordres, 
et je vous ai déjà entretenu de l'expert mongering (LA), procédé qui consiste en France et pour ce qui concerne les agences gouvernementales (il existe aussi un expert mongering lié à Big Pharma dont les modalités sont un peu différentes et que je vous ai déjà décrit), à embaucher de jeunes universitaires, parfois bardés de diplômes mais parfois copains du gars qui vu le gars, qui n'ont rien publié auparavant ou de vagues articles universitaires sans intérêt -- il suffit de jeter un oeil sur PubMed, ICI, et, promis, j'ai extrait le nom Exbrayat C au hasard --, et à leur faire publier des articles dans des revues maisons, sans regards extérieurs critiques, comme le BEH, qui prennent de la valeur ajoutée, c'est à dire qu'ils sont indexés dans les bases de données, parce qu'ils émanent d'une Agence Gouvernementale...
publie un texte de Stephen Duffy, éminent chercheur qui défend le dépistage depuis des années et très récemment encore (voir ICI un commentaire du BMJ de son article publié dans un supplément de revue J Med Screening 2012;19:suppl 1.), avec des analyses statistiques hypercomplexes et comprises de lui seul, très critiqué un peu partout dans le monde mais aussi en raison de ses conflits d'intérêt. Avouons cependant, et au delà de l'opinion que j'ai moi-même sur la question, que Duffy et Götzsche ne s'aiment pas beaucoup : voir LA un commentaire du second sur le premier.
Pour que l'on ne dise pas que je suis partial et que ce que je dis est malintentionné je voudrais vous donner les exemples suivants sur ce numéro du BEH :
  1. Je passe sur l'éditorial de Corinne Allioux qui est un plaidoyer pro domo, ce qui peut se concevoir comme figure de style habituelle dans une présentation, mais qui, bien entendu, élimine tout commentaire critique éventuel. Il est clair que ses fonctions (Présidente de l’Association des coordinateurs de dépistage (Acorde) ; médecin coordinateur de la structure de gestion de Loire-Atlantique) la rendent d'emblée pertinente pour développer une argumentation balancée. Mais Big Pharma a parfois plus de clairvoyance.
  2. Premier article qui est, pour le coup, un plaidoyer sans nuances pour le dépistage organisé français et dont les 4 signataires sont des membres de droit du Comité Central représentant la DGS (déjà citée), une association de dépistage, l'INCa et l'InVS. On y apprend, au détour d'un paragraphe dans ce qui devrait être une discussion mais qui n'est qu'un plaidoyer pour l'extension du dépistage à d'autres tranches d'âge, que la DGS a plusieurs fois interrogé la HAS ou ses enfants sur les possibilités d'extension ! Comme l'a dit Peter Götzsche au hasard d'une réponse : la santé publique n'est pas faite pour les malades mais pour ce qui pourra en être dit au Parlement.
  3. Le troisième article est de l'épidémiologie descriptive basique et l'on apprend, je cite,
    Les évolutions d’incidence observées reflètent probablement l’action com- binée de plusieurs facteurs (facteurs de risque, dépistage et techniques diagnostiques). Cependant, l’interprétation de ces données descriptives est complexe et doit rester prudente.. Sans rire, comme on dit dans le Canard Enchaîné.
  4. Article inintéressant, puisque non contradictoire, sur l'évaluation du programme de dépistage français entre 2004 et 2009, et rédigé par trois membres éminents de l'InVS. On n'est jamais mieux servis que par soi-même.
  5. Article écrit par ceux qui organisent le dépistage sur la spécificité et la sensibilité du programme : et que croyez-vous qu'il arrivât ? C'est génial !
  6. Article "extérieur" de Stephen Duffy et collaborateur. L'article dit en gros que le sur diagnostic peut être évalué à 10 % et que les bénéfices l'emportent sur les inconvénients. Rappelons ici que Bernard Junod à partir de données françaises (ICI) et Jorgesen et Götzsche (LA) à partir de données danoises évaluent le sur diagnostic à 50 % !
Bon, je m'arrête là, cela devient fastidieux, car il y a encore 3 articles qui tentent d'enfoncer le clou et qui, nonobstant le travail qu'ils ont dû générer, ne sont pas très intéressants.

Cette réunion organisée par Prescrire s'est aussi interrogée, par l'intermédiaire de certains de ses participants, et sans y répondre à ces questions : Doit-on tout arrêter maintenant ? Doit-on jeter le bébé avec l'eau du bain ? Comment les dépisteurs pourraient-ils faire pour renoncer sans perdre la face ? 
Il est possible que ce soit le paradigme lui-même qui soit en cause, la croyance en l'efficacité du dépistage et la croyance en la nécessité de "ne pas perdre de temps".

Je voudrais terminer sur une diapositive de Peter Götzsche qui résume les croyances des femmes (et je dirais des médecins hommes ou femmes) sur le dépistage du cancer du sein que l'on nous a serinées depuis des années, croyances que notre ami réfute et, parfois, malgré les faits, il arrive que certains d'entre nous résistent.
  1. Croyance 1 : Dépister tôt, c'est mieux. Les faits : En moyenne les femmes ont un cancer du sein qui évolue depuis 21 ans quand il atteint la taille de 10 mm.
  2. Croyance 2 : Il vaut mieux trouver une petite tumeur qu'une grosse. Les faits : Les tumeurs détectées par dépistage sont généralement peu agressives ; aucune réduction du nombre de tumeurs métastasées n'a été constatée dans les pays où le dépistage est organisé.
  3. Croyance 3 : En identifiant les tumeurs tôt un plus grand nombre de femmes éviteront la mastectomie. Les faits : Non, un plus grand nombre de femmes subiront une mastectomie.
  4. Croyance 4 : Le dépistage par mammographie sauve des vies. Les faits : Nous n'en savons rien et c'est peu probable, par exemple la mortalité par cancer est la même.
Et je vous résume ce que j'ai déjà publié ici et là (pardon pour ces redites) qui est tiré des travaux de la Collaboration Cochrane :

 "Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire."

(Illustration : Peter Götzsche)

PS du 14 octobre 2012. Peter Götzsche répond indirectement au BEH : ICI
PS du 22 novembre 2012 : un article du New England J of medicine fait le bilan de trente ans de dépistage du cancer du sein aux EU (LA) : With the assumption of a constant underlying disease burden, only 8 of the 122 additional early-stage cancers diagnosed were expected to progress to advanced disease.
PS du 29 novembre 2012. Une partie des réactions à l'article du Lancet sus-cité : LA

dimanche 30 septembre 2012

Ostépathie, coqueluche et PMI. Histoire de consultation 132.


Madame A, 33 ans, a pris rendez-vous pour que je lui fasse un vaccin.
Elle arrive à l'heure à son rendez-vous mais elle a oublié le vaccin.
Elle voit que cela me casse les pieds qu'elle doive revenir chez elle, elle en a pour au moins un quart d'heure. Mais, bon, c'est un vaccin... Mais c'est aussi, en général, une patiente casse-pieds, dans le genre Comme je ne viens pas vous voir souvent j'en profite pour vous poser plein de questions, des malades comme moi, vous ne devez pas en voir souvent, on n'encombre pas les cabinets, donc j'ai des choses à vous demander, ça ne vous embête pas ?
Elle a l'air franchement virussée, elle tousse, sa voix est cassée.
"Vous êtes malade ? - Je crois que je suis bien grippée." Je n'y crois guère à la grippe mais au virus, probablement. "Je crois qu'il ne sera pas possible, de toute façon, de vous vacciner aujourd'hui, je n'aime pas vacciner les personnes qui ont de la fièvre... - Ah bon..."
Elle s'est assise dans mon bureau, elle sort la pochette où se trouve le vaccin, la pochette délivrée par les pharmaciens pour faire croire aux gens que les conditions de stockage des vaccins... Mais je m'égare. Cela ne vous rappelle pas quelque chose, la chaîne du froid ?
Le vaccin, c'est Repevax, la nouvelle invention de Big Vaccine pour augmenter artificiellement le prix des vaccins et pour faire un disease mongering éhonté (augmenter le nombre d'unités vendues). Il associe Revaxis (le truc qui remplace le DTPolio en rupture de stock depuis des lustres et qui, comme par hasard, est beaucoup plus cher, et dont l'AMM n'est pas tout à fait adaptée, mais, les vaccins, on s'en moque, parce qu'ils n'entraînent jamais d'effets indésirables, que l'affaire Pandemrix (voir ICI), c'est un truc inventé pour que les lobbys anti vaccin puissent entraîner toujours et plus de morts tous les ans en freinant l'élan progressif de la vaccination...) et coqueluche. Je ne dis pas que Repevax ne serve à rien, et ce, d'autant, dans le cas qui nous occupe, que la dame vient d'accoucher il y a un mois de son premier enfant, obtenu dans des conditions difficiles, et que, donc, pourquoi pas.
Elle : "Il faut absolument me vacciner. Pourquoi ne voulez-vous pas le faire ? La puéricultrice de la PMI m'a dit que mon bébé pouvait mourir si je ne le faisais pas." La première chose que nous savons, après avoir lu Freud et écouté le docteur House, c'est que les patients mentent pour savoir la vérité ou disent la vérité pour mentir, à moins que cela ne soit un mélange savant de tout cela, et que les propos rapportés, surtout s'ils nous apparaissent polémiques, sont toujours à vérifier. Je lui dis que la puéricultrice avait eu raison de lui dire de se faire vacciner mais tort de la menacer de cette façon.
Madame A "fait" une grosse rhinopharyngite, le thermomètre indique 39°, et il me paraît peu judicieux de la vacciner ce jour. "Mais, vous comprenez, je ne veux pas redonner cela à ma petite fille, c'est trop dangereux... J'espère que vous allez me prescrire des antibiotiques... Sans antibiotiques je ne guéris jamais."
Bon, je branche mon disque rayé sur la plage Antibiotiques et pourquoi je n'en prescris pas quand il me semble que je ne dois pas en prescrire, et je fais un flop retentissant. 
"Oui, oui, je connais la phrase Les antibiotiques, c'est pas automatique, mais cela ne me convient pas, moi, il me faut des antibiotiques, pour moi c'est comme ça, je suis différente. D'ailleurs, ce sont des histoires, le slogan de pub, c'est une façon de faire des économies, tout comme d'ailleurs les génériques... on nous refourgue des trucs mal fabriqués et on nous dit que c'est pareil..."
Je perds pied.
Je vérifie en douce que je suis bien le médecin traitant de la patiente, ce qui n'est pas un privilège, on le voit.
Je ne luis sers pas le disque rayé Génériques.
Je tape mon ordonnance qui ne comporte pas d'antibiotiques.
Elle fait la tronche.
Il faut dire que le résultat de la consultation, vu de son point de vue, est catastrophique : elle n'a pas eu d'antibiotiques, elle n'a pas été vaccinée, sa fille va mourir...
Mais elle a une arme fatale. Au moment de me tendre son chèque, elle se rappelle qu'elle a autre chose à me demander. Elle sort de son sac un post-it qu'elle me tend et où j'ai le temps de voir six lignes de médicaments homéopathiques. 
"C'est remboursé ?"
Je la regarde ahuri : "Je n'en sais strictement rien, je crois que ce sont des médicaments homéopathiques, mais d'où sortez-vous cela ? - Eh bien, la puéricultrice m'a conseillé de montrer ma fille à un ostéopathe et il m'a prescrit ces médicaments."
Je respire profondément, je pense très fort aux conseils que mon psychothérapeute virtuel, celui que je consulte en mon for intérieur pour éviter le fameux burn-out, m'a donnés, un mélange de psychothérapie de soutien, d'analyse freudienne, d'auto-entretiens motivationnels, de thérapies cognitivo-comportementales, et je dis : "Mais c'est quoi, cette histoire d'ostéopathe non médecin qui prescrit des médicaments en disant aux patients de les faire inscrire par leur médecin traitant ?"
Madame A n'est pas contente du tout. "Mais moi je n'ai fait que suivre les conseils de la PMI. Pourquoi vous m'engueulez ?"
C'est vrai, pourquoi je l'engueule ? Parce que ce n'est pas la première fois que l'hôpital en sortant de la maternité ou la PMI en sortant de consultation, adressent les nouveaux-nés chez l'ostéopathe. Et un copain ostéopathe, qui plus est. Je me rappelle vaguement qu'il s'agissait une fois d'une bosse séro-hématique, une autre fois d'une raideur rachidienne et, encore une autre fois de coliques. Il ne faut pas faire souffrir les nourrissons, tous les moyens sont donc bons pour atteindre des objectifs moraux. 
Madame A n'est plus ma patiente. 
Je me demande si je ne vais pas me fendre d'une lettre au Conseil général pour leur demander comment il se fait que les rebouteux soient conseillés par le service public.
Je me rappelle aussi que la délégation des tâches va rendre encore plus faciles certaines pratiques déloyales.
Le résultat de consultation de ma patiente a vraiment été désastreux.

vendredi 28 septembre 2012

Générication du monde. Histoire de consultation 131.


Il s'agit plutôt d'une historiette.
Le jeune A, seize ans, vient avec sa mère me montrer ses boutons.
Il s'agit d'une allergie de contact. Sur tout le corps, enfin, sur le tronc, le dos, les membre supérieurs et inférieurs...
Je recherche des allergènes, des circonstances favorisantes, des séjours dans l'herbe, un changement de lessive, de savon liquide et je bloque.
Puis la maman a une idée lumineuse : elle lui a acheté sur le marché un survêtement à dix euro Made in China, "Ysenventpleinsurlemarché..."
La chronologie convient et nous convenons qu'il s'agit du survêtement mais elle ne se rappelle pas, il ne se rappelle pas la marque exacte. Demain elle m'a promis de me l'apporter. Demain c'était hier et elle ne me l'a pas encore rapporté.
Je n'ai pas fait de déclaration de pharmacovigilance. Tout le monde sait que certains vêtements Made in N'importe où peuvent entraîner des allergies.
Je me pose la question suivante en regagnant mon fauteuil : dois-je prescrire un princeps d'anti histaminique en faisant précéder la mention tapuscrite de mon ordinateur de la mention manuscrite NON SUBSTITUABLE  afin que le médicament délivré ne soit pas fabriqué en Chine dans un endroit reculé où ni la FDA, ni l'EMA et encore moins l'ANSM ne mettront les pieds ?
Je pense avant de prescrire à ma formidable responsabilité de prescripteur qui doit mettre en balance  l'équilibre des comptes de l'Assurance Maladie, la santé financière des pharmaciens dont on me dit qu'elle est précaire, la santé financière de Big Pharma, celle de Small Pharma (les vendeurs de génériques), les arguments moraux et sentimentaux dans le style En prescrivant un générique on casse le monopole de Big Pharma et on permet à de pauvres femmes africaines de pouvoir être traitées par des anti VIH à moindre prix et fabriqués en Chine, au Brésil ou en Inde, les arguments scientifiques de la Revue Prescrire dont la prescription en DCI et la générication du monde sont les piliers de son oeuvre morale civilisatrice, et cetera, et cetera.
(Je n'ai pas encore écrit un grand post définitif sur les génériques, cela ne va pas tarder mais il sera trop tard : mêmes les médecins généralistes sont devenus substituables).

PS du 30 septembre 2012 : un site montre comment est fabriqué le Zyrtec (édifiant) : ICI

mardi 25 septembre 2012

Pandemrix : un scandale sanitaire, un de plus.



L'étude NarcoFlu VAESCO France (branche française de l'étude cas-témoins européenne réalisée entre le 01octobre 2009 et le 30 avril 2011) vient d'être rendue publique et confirme malheureusement ce que nous savions déjà sur Pandemrix et narcolepsie.
Etude NarcoFlu-VF (NarcoFlu VAESCO-France) : Grippe, vaccination antigrippale et narcolepsie : contribution française à l’étude cas-témoins européenne. Août 2012.
Service de pharmacologie (INSERM CIC-P 0005 Pharmaco-Epidémiologie), Université Bordeaux Segalen – CHU de Bordeaux. Auteurs : Antoine Pariente et Yves Dauvilliers. 

"L’association retrouvée chez les cas de moins de 19 ans et leurs témoins apparaît cohérente avec les données de la littérature publiées à la suite des premières études réalisées en Finlande, en
Suède, et en Irlande."

Voici les résultats : 

"Ces analyses retrouvent une association entre vaccination contre la grippe A H1N1 et narcolepsie, avec un Odds Ratio (OR) estimé à 4,6 (Intervalle de Confiance à 95 %, IC95 % : 2,3 – 8,9) pour l’analyse portant sur la date index principale et la totalité de la population éligible, sans différence apparente selon la période d’étude (période pré-médiatisation : OR [IC95 %] = 4,5 [1,4 – 14,7] ; période post-médiatisation : OR [IC95 %] = 4,6 [2,0 – 10,3]) ou selon l’âge des cas (< 19 ans : OR [IC95 %] = 5,1 [2,1 – 12,3] ; 19 ans OR [IC95 %] = 3,9 [1,4 – 11,0])."


Mais il est aussi un fait majeur qui remet en cause toute la politique réglementaire et tous les projets d'étude de pharmacovigilance vaccinale prospective : 

"Chez les cas exposés au vaccin anti H1N1, le délai médian entre la vaccination et la date index principale était de 9,8 mois [5,1 ; 12,1] et le délai médian entre la vaccination et le diagnostic de narcolepsie de 11,4 mois [8 ; 15,2]." 
Il ne devrait plus être possible de faire des essais avec un suivi de pharmacovigilance de quelques jour. On verra. 

Les auteurs reconnaissent des limitations à leur étude (c'est moi qui souligne) : 

"Enfin l’hypothèse soulevée dans la littérature de l’influence de la grippe, et en particulier de la
grippe A (H1N1) pourtant très importante, avait motivé la considération des cas et des témoins dont la date index était comprise entre avril 2009 et octobre 2009 pour l’étude européenne VAESCO et la contribution de l’étude NarcoFlu-VF à cette étude. Son exploration nécessiterait, pour avoir des informations précises de pouvoir réaliser des sérologies virales chez les sujets inclus, les informations concernant les infections virales telles que rapportées par les patients étant trop imprécises pour permettre cette investigation. Si prélèvement sanguin a pu être réalisé chez un certain nombre de cas et de témoins, le budget de l’étude ne comprenait pas d’enveloppe destinée à la réalisation de ces sérologies."


Il n'y a désormais plus de doutes.
Les 4,1 millions de doses de Pandemrix ont provoqué plus de narcolepsies qu'attendu et chez des enfants et des adolescents français (5 fois plus). 
Mais cette étude a également montré un lien chez les adultes, ce qui est la première fois dans un essai de ce type (X 3,5).
Bien entendu l'ANSM (la "nouvelle" agence gouvernementale française) s'est fendue ICI d'un communiqué pour expliquer que rien n'est moins sûr et je ne peux me priver de reproduire une phrase incroyable de naïveté et de bêtise : L’ANSM rappelle que, sur la base des données existantes, une relation de causalité entre la vaccination contre la grippe A (H1N1) et la survenue de narcolepsie n’a pas été établie à ce jour; d’autres causes ne peuvent en effet être écartées (génétiques et environnementales).
 qui montre combien les experts grippaux se moquent des populations.

L’affaire Pandemrix a été parfaitement analysée par Marc Girard dès la fin août 2010 (LA) et surtout le  9 septembre 2010 (ICI) et le 26 septembre (LA) alors que les premiers communiqués de presse suédois et finlandais dataient respectivement du 17 et du 24 août... Je vous invite à lire ce qu’il avait écrit : il constatait, il comprenait et il anticipait même les réponses de la future ANSM à ce fameux rapport NarcoFlu. 
J’avais moi-même commis quelques posts sur la question et, à ma grande honte, en les relisant, je constate que je n’ai rien écrit qui ne soit vrai, confirmé ou corroboré.
Les premiers posts sur le Pandemrix datent de janvier et septembre 2010 et concernaient les 7 décès du dossier d'AMM dont m'avait parlé Marc Girard. Ils sont consultables ICI et LA.
Un autre post du 3 février 2011 indiquait que l'agence finlandaise parlait d'un risque multiplié par 9 de faire une narcolepsie post pandemrixale entre 4 et 19 ans (ICI).
Autre post encore sur le Pandemrix le 31 mars 2011 : ICI  indiquant, selon des sources suédoises que le risque de faire une narcolepsie sous Pandemrix quand on avait moins de 20 ans était multiplié par 4.


N’étant ni un spécialiste des vaccins, ni un épidémiologiste, ni un statisticien, et encore moins un expert académique, j’avais un peu de pusillanimité à exposer ce que j’avais lu dans les dossiers, ayant peur de me faire taper sur les doigts, me demandant quelle pouvait être cette illusion d’optique qui faisait que nous étions un certain nombre à voir mais que l’immense majorité de nos confrères ne voyait pas, dont les plus titrés d’entre eux.
Mais je n'ai pu résister à la polémique. A la polémique contre Daniel Floret à que je demandais de dégager (ICI), à la polémique contre l'Agence européenne (LA), à la polémique contre tous les experts du Comité technique des Vaccinations, dont Christian Perronne, qui n'ont cessé de nous mentir et j'ai encore à l'esprit la fameuse conférence de presse organisée au Ministère de la santé le 8 octobre 2009 où les mensonges les plus éhontés nous ont été servis sur les vaccins adjuvés (LA).

Je ne crois pas que la simple corruption financière puisse « tout » expliquer dans l’attitude des experts et nombre de facteurs non économiques et ressortissant du domaine psychologique pourraient être avancés (cela mériterait une thèse de doctorat).
Cette affaire Pandemrix  montre encore, et l’affaire des traitements hormono substitutifs de la ménopause avec Dominique Dupagne,  celle des traitements de la maladie d’Alzheimer avec Louis-Adrien Delarue et Philippe Nicot, celle du dépistage du cancer du sein avec Rachel Campergue (aidée largement par Bernard Junod), et je passe sur le dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA, les glitazones ou les coxibs, que nos responsables politiques devraient s’entourer un peu plus de non experts et de non spécialistes académiques pour regarder les dossiers et ne pas se faire berner par le lobby politico-administrativo-industriel dont ils font partie à leur corps sans doute défendant. Mais cette liste n’est pas exhaustive et je n’ai pas oublié les interventions de Marc Girard sur les vaccins, les statines ou l’hormone de croissance naturelle ou celles de Claudina Michal (CMT) sur les vaccins.
L’importance du nombre de médecins généralistes dans cette liste ou, du moins, de non spécialistes académiques, indique d’une part que la science universitaire n’a pas complètement réussi à annihiler leur esprit critique lors de leur passage à l’hôpital (les années de plomb) et, d’autre part, que l’Université se prive de compétences et d’expériences internes qui pourraient ouvrir les mandarins au monde.
Cette prédominance relative des médecins généralistes dans la critique des institutions remonte à la fondation de Prescrire, revue créée par des médecins généralistes et des pharmaciens pour comprendre pourquoi on faisait ceci ou cela, pour savoir si l’Etat de l’Art était fondé sur des données ou sur l’opinion des experts. Et sur des sujets aussi banals que la prescription de semelles orthopédiques.
Je remarque que les critiques émanant de la société civile des médecins praticiens ou d’autres professionnels de santé n’ont pas une origine associative. Il n’est pas besoin de faire partie d’un groupe d’experts pour travailler.
On me dira avec raison que l’union fait la force et que c’est le regroupement de médecins et de pharmaciens dans Prescrire qui a rendu son avis important. On le voit également avec le Formindep qui, de structure politico-syndicale, est devenue peu ou prou un organe d’information scientifique.
Mais où sont nos lanceurs d'alerte vénérés et sanctifiés quand il s'agit de narcolepsies chez l'enfant et l'adolescent dues à des vaccins ? Sont-ils en train de se former dans un Institut européen ? 
Mais l’expertise critique (et je suis désolé pour ce pléonasme que les esprits malicieux pourraient prendre pour un oxymore) ne peut être une activité académique. Elle demande certes une formation de base pour la rendre compétente mais elle exige une indépendance d’esprit que la rédaction collective de Prescrire ne peut complètement assurer ou que l’esprit syndical du Formindep peine à assumer. Si Prescrire dit que le Pandemrix est acceptable il n’est pas de bon ton, en tant que membre de l’association Mieux Prescrire ou en tant que simple abonné de Prescrire s’exprimant sur le Forum Lecteur Prescrire et écrivant par ailleurs à l’extérieur, de s’y attaquer. Si le Formindep dit que les conflits d’intérêts passés et à moitié avoués de Robert Molimard, on peut les effacer d’un coup d’éponge, en raison des services rendus, il faut s’incliner.
Mais si Marc Girard dit du mal de Prescrire ou du Formindep, il faut le clouer au pilori et ne plus l’intégrer au Club des Médecins Blogueurs (ICI) pour des raisons de bienséance idéologique.
L’association des nouveaux experts européens, telle prônée par le Formindep, nous fait irrémédiablement penser aux scissions successives dans les organisations révolutionnaires et, plus trivialement, à Goscinny et Tabary qui ont décrit dans un fameux article du Journal du Nouveau Khalifat Le syndrome d’Iznogoud, c’est à dire La volonté maniaque de devenir Calife à la place du Calife.

Mais parlons un peu de Marisol Touraine, celle qui hurlait avec les loups pour dire que Roselyne Bachelot n’en faisait pas assez pour vacciner la population contre la grippe, cette femme qui fait mentir la phrase idiote de Françoise Giroud « Il y aura égalité entre les hommes et les femmes quand une femme incompétente sera nommée à un poste important », pour lui demander ce qu’elle compte faire à propos du Pandemrix et, à ce propos, à l’égard de tous les experts qui se sont trompés en nous disant droit dans les yeux, droits dans leurs bottes, que le Pandemrix était un vaccin sûr.
Marisol Touraine, dont le slogan est l’hôpital et l’hôpital, nous ferait presque regretter Xavier Bertrand qui avait le mérite de la nullité affichée et de la mauvaise foi au premier regard.

Oui, Madame Touraine, l'affaire Pandemrix est un scandale sanitaire : on a entraîné par une vaccination inutile des narcolepsies chez des enfants et des adolescents en bonne santé qui ne demandaient rien à personne. On n'a pas entraîné des valvulopathies mortelles chez des adultes obèses, en surpoids ou qui se croyaient trop gros, non, on a rendu des enfants et des adolescents malades pour le restant de leur vie. Et, incroyable, il s'agit d'une maladie où l'auto-immunité est mise en jeu.

On aura beau tourner autour du pot, raconter les sornettes habituelles sur la différence entre lien et causalité, demander des études supplémentaires (alors que l’on croyait qu’elles avaient été faites depuis belle lurette), prendre du temps et hésiter à se confronter à la puissance financière de GlaxoSmithKline, entreprise philanthropique qui vient d’écoper aux Etats-Unis d’une amende de 3 milliards de dollars pour tromperie aggravée sur 3 produits et je vous propose de lire un commentaire (1082) de Richard Lehman en son blog qui est particulièrement éclairant sur ce qu’il faut penser du laboratoire pré cité (LA).
  
Les faits sont là : Pandemrix a entraîné des narcolepsies chez des enfants entre 4 et 19 ans et 4 à 5 fois plus que si le vaccin avait été propre.
Une équipe française a fait son travail.

On imagine sans peine que Daniel Floret ou Christian Perronne dorment du sommeil des justes  mais on aimerait que Marisol Touraine s’intéressât à eux.
On aimerait aussi que certain pharmacovigilant rebelle commentât et nous servît encore un cours magistral sur la différence entre lien et causalité ou qu'une autre pharmacovigilante donneuse de leçons nous pondît encore un article génial sur l’encéphalite de Von Economo comme modèle de la narcolepsie à partir de données sources chinoises éventées.

Le scandale Mediator et ses 500 morts en des dizaines d’années n’est rien par rapport à une seule campagne de vaccination chez des enfants et des adolescents qui a causé 60 cas de narcolepsie en Finlande pour une population d’un peu plus de 5 millions d’habitants…

(Illustration - Pierre Paul Rubens : Deux enfants endormis. 1612 - 1613)

PS du 28 février 2013 dans le BMJ : une relation causale a été montrée. ICI

lundi 24 septembre 2012

Montrez moi ce sein que je ne saurais voir et cachez moi l'autre ! Histoire de consultation 130.


Mademoiselle A, 29 ans, vient de passer des moments atroces. Des moments pendant lesquels elle a vu son univers s'effondrer. Je ne suis pas son psychothérapeute, seulement son médecin presque traitant (elle n'a pas encore signé bien que je la voie depuis plus d'un an de façon assez régulière), car elle a été, dit-elle, déçue par son médecin traitant précédent et qu'elle hésite à s'engager... 
L'histoire commence en août 2011 où elle est victime d'une agression à la sortie de son travail, elle est poussée dans les escaliers du métro par un de ses collègues, et, outre de multiples ecchymoses et des contusions multiples, elle présente un volumineux hématome du sein droit.
Au mois d'août 2012, elle consulte mon associée car elle retrouve plusieurs formations nodulaires à la palpation de son sein gauche traumatisé un an plus tôt. Elle convainc mon associée réticente de faire pratiquer une échographie. Puis elle revient me voir avec les résultats de cette échographie pratiquée le 18 août.
Voici le compte rendu : "A droite : ras. A gauche : Petite formation mamelonnaire paramédiane interne gauche mesurée à 12 mm de plus grand diamètre non parallèle au revêtement cutané, de contours nets mais irréguliers, et surtout associé à un cône d'ombre postérieure, classée ACR4 et pour laquelle un avis spécialisé voire une étude histologique serait souhaitable."
Voici ce que j'écris dans son dossier : "Putain de bordel de merde que la mammographie !" Je notre aussi que la palpation du sein est peu évidente (c'est à dire que je ne palpe rien) et qu'il n'y a aps d'antécédents mammaires dans la famille.
Je lui dis : Je n'y crois pas une seconde et Il faut demander un deuxième avis. Elle me répond : J'ai déjà pris rendez-vous dans un centre de radiologie à côté de mon travail.
En voiture Simone dans la grande aventure de la production d'adrénaline.
J'écris un mot pour le radiologue inconnu (elle ne connaît pas le nom du médecin avec lequel elle a pris rendez-vous) parce que mon oncologue favori, celui à qui je peux demander de relire des mammographies alarmistes, est en vacances et que ma radiologue favorite, dans le même métal que l'oncologue, profité également d'un repos probablement bien mérité.
Le radiologue consulté pratique une échographie. Voici ce qui est écrit sur le compte rendu du 27 août : 
"Motif de l'examen : Contrôle d'un module non palpable ... chez une patiente de 29 ans sans antécédent familial de pathologie mammaire...(c'est moi qui souligne)...
....
Conclusion : Nodule adénomateux mesurant 14 mm de grand axe...pour lequel une microbiopsie est programmée... Classification Bi-Rads : ACR2 à droite et ACR4 à gauche."
Mademoiselle A est pressée. Je ne lui dis pas : Une biopsie, c'est sérieux, il ne faut pas la faire n'importe où, je ne connais pas ce radiologue, je ne sais pas son expérience de biopsieur... Elle est pressée, elle veut savoir, elle est terriblement inquiète...
Le médecin presque traitant se laisse mener par le bout du nez.
Le 4 septembre Mademoiselle A me téléphone pour me dire que la biopsie s'est mal passée, il lui avait dit que cela allait durer cinq minutes et qu'elle y est restée trois quart d'heure et qu'elle a eu mal parce qu'il s'y est repris à deux fois. Et qu'elle a encore mal. 
(Je l'imagine, seule, assise dans une pièce... inquiète... J'imagine la tumeur perforée, membranes basales et compagnie, une horreur)
Je reçois un courrier le 10 septembre daté du 7 : c'est le compte rendu histologique. "Adénome avec métaplasie secrétoire de type pregnancy-like. Absence de néoplasme intra-épithéliale. Absence de processus carcinomateux."
Et je ne peux même pas appeler Mademoiselle A : son numéro de téléphone manque dans son dossier !
Je réussis à la joindre et elle est là, en face de moi, le 12 septembre, soulagée, mais pas enthousiaste : elle a eu la frousse de sa (jeune) vie ! Je ne lui dis pas : je vous l'avais bien dit mais je le pense très fort. C'était une prophétie autoréalisatrice qui s'est réalisée.
Je reçois ensuite une lettre datée du 12 septembre 2012 signée par le radiologue qui me dit que "la micro-biopsie mammaire du sein gauche... est tout à fait rassurante, il s'agit d'un adénofibrome du sein".
Tout est bien qui finit bien, dit le dicton.
Mais que cela a été dur pour cette patiente !
Je ne tire pas de leçons de ce cas clinique : elles tombent sous le sens !
Enfin, peut-être pas. Les préjugés sont tenaces.
Voulez-vous que nous y revenions ?
Voulez-vous que je vous les rappelle ?
Je laisse les commentateurs finir le boulot.
Ouf ! 


jeudi 20 septembre 2012

Je réagis à l'inverse de ce que j'écris le plus souvent (à propos d'une patiente âgée). Histoire de consultation 129


Pendant mes vacances Madame A, 86 ans, a été hospitalisée. Je ne l'ai appris qu'à mon retour en recevant une lettre du gastro-entérologue qu'elle avait consulté sur les conseils de sa fille. La lettre parlait de métastases hépatiques et d'un probable cancer colique primitif.
J'étais triste pour la patiente (plus de 30 ans de suivi et une ordonnance chronique comportant sectral et doliprane) et en colère contre moi car j'étais passé à côté du diagnostic alors qu'elle ne se sentait pas bien depuis quelques semaines. Un cancer du colon, j'aurais dû y penser.
Peu après mon retour son fils m'appelle au cabinet, très aimable, et il m'annonce qu'elle est partie en soins de suite et qu'elle n'a pas de cancer du colon. Le médecin ne sait pas ce qu'elle a. Il me demande d'appeler le docteur B qui s'occupe d'elle.
Le docteur B a une voix toute douce et me dit que le bilan hépatique n'est pas bon, que la malade est fragile mais qu'elle se porte bien, c'est à dire qu'elle est affaiblie mais qu'elle ne souffre pas. J'apprends que les métastases hépatiques ont été découvertes à l'échographie et qu'il n'y a pas eu de scanner (la fonction rénale étant précaire, tiens, c'est nouveau, ils n'ont pas jugé bon de faire un scanner avec injection). Et d'ailleurs, me dit le docteur B, la famille n'est pas très chaude.
Voici ce que je m'entends dire : "Je sais que c'est une personne âgée, je sais que le scanner est probablement inutile, je sais que la recherche du cancer primitif ne changera pas grand chose, mais, quand même, on aurait pu le faire ce scanner pour confirmer ou infirmer l'échographie. Est-ce parce que cette femme est vieille et que l'on veut faire des économies alors que l'on fait des dizaines de scanners de contrôle lorsque l'on donne des traitement anticancéreux de troisième ligne à des gens légèrement plus jeunes ?"
Vous ne me reconnaissez pas, vous vous dites quelle mouche l'a piqué pour qu'il se mette à vouloir faire des examens inutiles chez une femme qui va mourir ? Eh bien, je ne sais pas ce qui m'a pris. J'avais envie que le scanner dise autre chose. Contre tout principe de réalité.
Le docteur B m'a dit qu'elle était d'accord avec moi.
J'ai appelé la fille de Madame A et nous sommes convenus qu'on fera un scanner et c'est tout.
Je sais ceci : il est parfois difficile d'être en accord avec soi-même. Avec les autres, on s'en charge. Mais  c'est parfois difficile à admettre.

(Photographie Docteurdu16 : girafe de Rothschild à Nakuru (Kenya), espèce en voie d'extinction.) 

dimanche 16 septembre 2012

La déclaration des effets indésirables graves ou inattendus par les médecins généralistes est possible et nécessaire.


A l'occasion de la publication d'un article que j'ai écrit pour la revue Thérapie et pour lequel, pour des raisons de droits, vous ne pourrez disposer que de l'abstract ICI, je vais en profiter pour, d'une part, me faire de la publicité personnelle (dites toujours du bien de vous, cela finira par se savoir et on ne saura pas qui a commencé), et, d'autre part, plaider pour la déclaration des effets indésirables graves et inattendus par les médecins généralistes.
Si vous souhaitez obtenir l'article in extenso, je vous l'adresserai personnellement si vous m'écrivez sur mon mail.
J'ai recensé tous les effets indésirables (EI) recueillis spontanément et par l'interrogatoire au cours d'une année d'exercice en 2010 pour avoir une idée du nombre absolu et relatif d'EI à recueillir et plus particulièrement de ceux qui doivent effectivement être déclarés par les professionnels de santé, c'est à dire les EI graves et les EI inattendus.
J'ai extrapolé en fonction de ma clientèle à une clientèle moyenne des Yvelines.

Les résultats sont les suivants :

  1. Un total de 163 EI a été recueilli, soit 2,29 pour 100 actes
  2. Ces EI ont concerné 57 classes pharmacologiques (opiacés, AINS, antihistaminiques, ...), 34 indications thérapeutiques (antalgiques, anti-infectieux, antidiabétiques, ...) et 18 domaines de prescription (rhumatologie, cardiovasculaire, infectiologie, ...)
  3. EI graves et attendus : 12, soit 0,17 pour 100 actes ; soit 6,9 EI graves à déclarer pour une clientèle moyenne des Yvelines où j'exerce
  4. EI non graves et inattendus : 0,07 pour 100 actes ; soit 2,9 EI inattendus pour une clientèle moyenne des Yvelines.
  5. Les 8 molécules différentes impliquées dans les EI graves : amoxicilline (3), amiodarone (2), fentanyl (2), et suxamethonium, doxycline, methotrexate, nifédipine et cyamémazine (1)

J'en avais assez d'entendre les médecins râler qu'on leur cachait tout, qu'on ne leur disait rien sur les effets indésirables des médicaments, que les Agences ne faisaient pas leur boulot et les industriels encore moins et qu'eux, pauvres petites oies innocentes, ils prescrivaient dans le noir...
J'en avais assez d'entendre les médecins râler de ne pas avoir de données de pharmacovigilance tout en continuant de ne pas recueillir et de ne pas déclarer, parce qu'ils n'avaient pas le temps, parce qu'ils n'avaient pas que cela à faire, parce que c'était trop difficile, parce qu'on ne pouvait le faire en ligne sur internet, voire parce que ce n'était pas rémunéré.

Or, pour que les CRPV (Centres régionaux de Pharmacovigilance) fassent leur boulot, il leur faut du matériel, de la matière, des faits, des recueils, des données, tout simplement. Je sais qu'on m'objectera aussi qu'ils ne font pas toujours leur boulot, que certains des dossiers passent à la poubelle, mais que, surtout, et c'est un des points cruciaux, l'imputation des cas (c'est à dire la procédure d'évaluation, et nous avons la chance et la malchance en France d'avoir  une procédure française, car, comme chacun le sait, les Français sont plus malins que les autres, et font mieux que le reste de la planète réunie, la procédure Dangoumeau) est parfois le deuxième sas pour le classement vertical, surtout quand les résultats de ces imputations vont à l'inverse de l'idéologie dominante chez les pharmaco-vigilants et / ou de la politique gouvernementale (qui, comme on le sait, est indépendante du lobby académique et pharmaceutique).
Où en étais-je ?
Pour avoir des données il est nécessaire que les médecins déclarent.
C'est tout.
Donc le médecin qui râle contre la désinformation de Big Pharma, de l'administration ou de untel ou de une telle, sur les effets indésirables, je commencerais par lui demander combien d'effets indésirables graves et / ou inattendus il a déclaré à son CRPV.
J'ajouterais enfin sur le chapitre du découragement que j'attends toujours que mon CRPV m'adresse les imputations qu'ils ont faites à partir de mes déclarations (2010 - 2011).

Voici les informations nouvelles que j'ai recueillies par rapport à ce que j'avais publié en 1990 (LA) et par rapport aux données de la littérature française et internationale et qui concernent TOUS les EI :

  1. Ce sont les EI liés à la prescription d'antalgiques qui sont les plus fréquents parmi les 34 classes thérapeutiques impliquées : 30,1 %, ce qui est près du double de mon étude de 1990 (17 %)
  2. Ce sont les EI liés à la prescription d'opiacés qui sont les plus fréquents parmi les 57 classes pharmacologiques impliquées  : 16,1 % contre 7 % dans une étude française récente (Chouilly)
  3. Ce sont les EI liés à la prescription dans le domaine de la rhumatologie qui sont les plus fréquents   pour 18 domaines de prescription : 33,1 % alors qu'il s'agit le plus souvent du domaine cardiovasculaire dans toutes les études publiées
  4. Il est intéressant de noter que pour l'OMG (l'Observatoire de la Médecine Générale) (LA) 22,5 % des motifs de consultation concernent des pathologies douloureuses.
  5. Commentaire : Il est possible que le déplacement des prescriptions des antalgiques de palier 1 vers les antalgiques de paliers 2 et 3 puisse expliquer ce phénomène alors que de façon concomitante les EI graves augmentent avec ces produits en France, aux Etats-Unis et en Angleterre et au Pays de Galles. 
Mais la vraie question, me semble-t-il, est la sous déclaration des EI graves, phénomène mondial et qui n'est pas lié au système de santé : on le retrouve partout, que le paiement soit à l'acte, qu'il y ait capitation on inscription sur une liste... Et cette sous-déclaration n'est pas seulement le fait des médecins généralistes, les mêmes données sont retrouvées à l'hôpital.
Selon nos données et les extrapolations que nous avons faites, les MG français pourraient recueillir en une année, j'arrondis, 5,275 millions d'EI non graves et devraient déclarer 388 500 EI graves et 162 000 EI inattendus. Pour mémoire, en 2007, la pharmacovigilance française a recueilli 759 EI graves de la part des MG. 
Selon nos données 1 EI grave sur 511 serait déclaré effectivement alors que des données officielles déjà anciennes indiquaient un taux de déclaration de 1 EI grave sur 4610.

Quelles conclusions en tirer ?
Les données que j'ai recueillies m'ont étonné : je m'attendais à beaucoup plus d'EI non graves ; je ne m'attendais pas à ce que soient les antalgiques et les opiacés qui arrivent en tête de liste. Ce qui devrait tous vous inciter au moins à recenser les EI pour vous rendre compte de façon quantitative et qualitative des EI engendrés par vos prescriptions.
Il faut déclarer car la charge de travail ne m'a pas semblé énorme (je parle des EI graves et / ou inattendus) : respectivement 6,9 et 2,9 pour une année.
Il faut que les enjeux de la pharmacovigilance soient compris par les médecins ainsi que son rôle fondamental dans le suivi des produits et des prescriptions, mais il faut que les CRPV soient aussi conscients des contraintes de la médecine générale et de la charge de travail ajoutée qui en résulte. Il faudrait aussi que la culture du secret des Agences qui recueillent ces effets soit levée pour que les MG puissent avoir un suivi post déclaration et, notamment, que le résultat de l'imputation soit indiqué.
Il faut avoir à l'esprit le taux de sous-déclaration quand nos doctes pharmacovigilants, diligentés par les agences gouvernementales, nous rassurent sur les EI des médicaments et des vaccins en particulier.

Déclarez, chers amis, vous alimenterez éventuellement des publications et vos revues favorites (Prescrire par exemple) auront plus de grain à moudre.

J'ajoute que je ne suis ni maître de stage en médecine générale, ni chargé de recherche et que j'ai été aidé pour la relecture par des personnes qui se reconnaîtront.


PS : Un gentil commentaire de Prescrire : LA.