jeudi 31 mai 2012

Faut-il défendre un confrère qui "fait" cent actes par jour ?


Hier, une de mes patientes qui travaille aux urgences de l'hôpital, m'a dit que c'était la folie, qu'il y avait environ cent passages par jour et que c'était difficilement gérable.
Je ne sais pas combien de personnes travaillent aux urgences de Mantes mais il semble qu'il y en ait beaucoup et... pas assez.
A la suite de cette consultation et du post que j'avais écrit il y a déjà un moment sur la dénonciation des médecins et sur leur défense (ICI) et à propos du post que je viens d'écrire (LA) sur les urgences du samedi après-midi et après que le responsable de la cellule juridique de la FMF m'eut proposé de travailler à leurs côtés pour, je cite, "rompre l'isolement dans lequel se trouvent nombre de nos confrères", je me suis rappelé qu'un médecin venait d'être suspendu par l'Ordre des Médecins sur plainte de la CPAM locale parce qu'il avait effectué entre 99 et 151 actes quotidiens pendant 87 jours consécutifs (ICI). On me dit qu'il a été assisté / défendu par des syndicats. Assistance et défense ne me paraissent pas de la même eau. Nous allons le voir.
Je pose une question simple : Est-il possible de faire de la Bonne Médecine à 100 actes par jour ? 
Votre réponse : 1 - Oui  2 - Non 3 - Je ne sais pas.
Ma réponse est 1. LOL !
Plusieurs éléments contextuels sont cependant à prendre en compte : la densité médicale dans la zone de chalandise de ce médecin ; le nombre d'actes moyen effectué par les médecins dans la même zone ; je n'arrive pas à en voir d'autres, à moins, bien entendu, qu'il ne soit le seul en secteur 1...
Donc, ce médecin a dû être averti par la CPAM. Il a dû se faire convoquer par le médecin conseil ou par la commission paritaire. Et il a continué. Donc, ce médecin n'a pas pu faire autrement que de continuer à exercer de la sorte jusqu'à ce qu'il se fasse prendre. Et il dit qu'il va reconsidérer la question.
On remarque que la CPAM est la plaintive et que le Conseil National de l'Ordre condamne et suspend.
Faut-il assister ce médecin ? Bien entendu. Ce médecin a besoin d'assistance juridique car il est nécessaire qu'il ne soit pas broyé par un système rôdé pour ne pas entendre les médecins et pour les considérer comme de méchants libéraux par principe. Il faut l'assister car il doit se défendre, disposer d'un avocat efficace et connaisseur des arcanes de la CPAM, du droit administratif, du Code de la Santé Publique et du Conseil de l'Ordre, et tout accusé a ce droit. Qui, mieux que des confrères rompus au juridisme médical, pourrait l'assister ?
Faut-il le défendre ? Il me semble que s'il demande que la cellule juridique de tel ou tel syndicat le défende, cette cellule juridique ne peut pas lui dire non. Mais cela commence quand même à poser problème. 
Cela pose problème car la façon qu'a ce médecin de pratiquer la médecine générale n'est pas un bon exemple de la profession. N'est pas un bon exemple pour la profession. Même s'il s'agit d'une histoire de chasse. Ce praticien n'est pas représentatif de la profession, enfin, j'espère, non, je suis certain, mais il se pourrait que certains s'en servent pour dévaloriser la profession tout entière. C'est pourquoi il faut assister ce médecin, éventuellement le défendre mais aussi dire pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de pratiquer la médecine générale. Est-ce bien de la médecine générale ?
En ces périodes de restrictions budgétaires et de demandes de revalorisation des honoraires, est-ce bien raisonnable d'avoir un chiffre d'affaires d'au moins 2300 euro par jour travaillé ? Soit pour cinq jours de travail, mais il semble qu'il travaillait au moins cinq jours et demi (LA), soit au moins 11 500 euro de chiffre d'affaires par semaine ou 48 000 euro par mois... Je sais, il y a des charges...
Défendre ce médecin, certes, défendre sa pratique : non.
Je sais qu'on va me dire : ce n'est pas le moment. Ce n'est pas au moment où la médecine générale est en danger qu'il faut discutailler sur ceci ou cela. Je connais l'affaire : ce n'est jamais le moment. Mais, bon, ce n'est pas notre pratique, il faut aussi le dire. Ce n'est pas la médecine que nous souhaitons. Nous serons d'autant plus crédibles que nous dirons ce que nous n'acceptons pas. Quelles que soient les circonstances locales, quels que soient les motifs invoqués.
Notre confrère a besoin de faire de la Formation Médicale Continue. Notre confrère a besoin de faire un stage de gestion. Notre confrère a besoin de repos (non parce que j'approuve son interdiction d'exercice, je ne connais pas le dossier complet, mais parce que faire plus de 100 actes par jour pendant au moins 87 jours consécutifs signifie qu'il a vraiment besoin de repos).

dimanche 27 mai 2012

La Prévention vue par la CPAM et le Sur Traitement vu par l'ORL (histoires de consultation 119 et 120)



Belle journée de consultation dans la commune jadis champêtre de Plouc-La-Jolie en ce samedi ensoleillé. Tout le monde parle de l'affaire (deux infirmiers incarcérés pour "excès" d'actes) dont je ne dirai rien car je sais peu de choses qui ne soient sous le coup du secret professionnel et je continue de facturer 23 euro mes remarquables consultations de samedi sans invoquer l'urgence au contraire de mon confrère (et pas ami) qui a fait sonner trompettes, syndicats et media pour justifier son rôle majeur dans le sauvetage urgent des populations en danger (ce qui signifie que les autres médecins généralistes qui travaillent sur zone sont de gros khons bobologues tout juste bons à prescrire des emplâtres sur des jambes de bois et à se laisser intimider par, comme dit le syndicat qui le soutient mordicus, Madame Lacaisse, au mépris de toute décence commune...).

La prévention vue par la CPAM : Histoire de consultation 119. 
Monsieur A, 39 ans, est venu pour la première fois "consulter" au cabinet il y a un mois pour me "choisir" comme médecin traitant. Originaire d'Angola il parle portugais et trois mots de français. Le dialogue est difficile, mes connaissances lusitaniennes se cantonnant à feijoada (ICI) et Mourinho (LA) et surtout, mais avec beaucoup moins d'intérêt pour la conversation dans la langue de Camoëns (ICI), à la lecture en français des romans traduits du portugais de Fernando Pessoa (ICI) ou d'Antonio Lobo Antunes (LA), et de la lecture, toujours en français, des romans écrits en italien par Antonio Tabucchi (ICI), le plus Portugais des Italiens, où en étais-je, oui, le patient, qui n'a même pas l'AME ou la CMU,  revient donc avec une enveloppe que je subodore de loin, cela me colle un cafard terrible, et qu'il va me falloir lire en faisant semblant de m'y intéresser. C'est un examen de santé émanant de la CPAM de Paris ! Je lis d'abord la prose du médecin (que je ne nommerai pas par confraternité, il faut bien vivre, il faut bien, aussi, sauver l'humanité souffrante, et là, pour le coup, pas encore souffrante, enfin c'est notre consoeur, je ne comprends pas pourquoi on dit con frère et pas conne soeur...) qui m'apprend a) qu'il y a un problème de tension ; b) que les vaccinations ne sont pas à jour faute de données et c) que les dents ne sont pas en bon état.
Vous savez ce que je pense de ces consultations de prévention appelées aussi examens périodiques de santé (ICI) et de la façon dont ces examens, pas dans ce cas, je l'avoue, il semble qu'il s'agisse d'un centre "officiel", ont été privatisés à des sociétés privées qui se moquent comme d'une guigne du parcours de soins et des structures locales pérennes (désolé d'utiliser la langue de bois officielle) qui y travaillent depuis des années et qui vont continuer de le faire en raison, d'une part, du manque de médecins et, d'autre part, du fait que les retraites sont d'un niveau ridicule... Enfin, dans ce cas précis, un patient arrivant d'Angola pour des raisons que j'ignore et dont je me moque en tant que médecin (même si des renseignements biographiques pourraient m'éclairer sur de futures pathologies ou d'anciennes négligées jusqu'alors), il est possible, pas d'études bien entendu, la France est le pays du volontarisme, on n'expérimente pas, on impose, on fixe des objectifs, on n'évalue pas et on se gargarise des résultats obtenus, il est donc possible que cela serve à quelque chose...
A propos de ces examens périodiques de santé, nul doute que le nouveau (la nouvelle) ministre, les maintiendra pour des raisons politiques et sociales... Nous verrons...
Donc, ce patient a un problème de tension, apprends-je en lisant le petit mot de notre consoeur. Je parcours donc les nombreuses pages et je constate avec plaisir, hormis le problème des dents, que le patient est, selon les examens qu'il a passés, propre comme un sou neuf, et que sa PA, mesurée par, j'imagine le docteur, puis contrôlée par l'infirmière, est, toujours à 135 / 85 !
Où sont les problèmes de tension ?
Donc, le patient a été inquiété pou rien, et je dois lui dire, dans mon français non hésitant mais adapté à un lusophone qui comprend deux mots de français, que tout le cinéma qu'on lui a fait lors des examens qu'il a passés, c'était du flan absolu. Encore un qui va avoir confiance dans le système de santé que toute la planète nous envie (ce qui est moins évident selon les derniers chiffres publiés par le Haut Conseil de la santé publique (LA), mais je me méfie des comparaisons, surtout quand il s'agit d'experts du HCSP... mais les chiffres sont tenaces... puisque selon Euro Health consumer Index 2012, nous sommes en huitième position européenne : LA).
Le patient n'en sait pas plus sur ses vaccinations, je lui en avais touché un mot lors de la première consultation, et il a eu "droit" à une prescription de DTP (c'est le nom générique), et je lui ai conseillé un dentiste qui ne fait pas de DE importants.

Le sur traitement vu par l'ORL : Histoire de consultation 120.
La charmante Madame A, 49 ans, dépose devant moi deux comptes rendus qu'elle a sortis de son grand sac. A ma droite, celui d'un ORL, à ma gauche celui d'un pneumologue.
Anamnèse : la patiente, hypertendue traitée par un IEC depuis deux ans, est fatiguée. Elle a aussi un nouveau métier depuis environ deux ans, secrétaire administrative, métier qui lui plaît beaucoup mais dont le handicap essentiel est qu'elle doit faire un peu plus de deux heures par jour de transports en commun. Son mari, qui l'accompagne souvent en consultation, l'avait "balancée" : Docteur, elle ronfle la nuit... Je l'ai interrogée selon les règles et il m'a paru qu'il existait de nombreuses pauses...
Donc, fatigue, hypertension, ronflements : explorations.
J'ai écrit une lettre au pneumologue et voici ce qui s'en suivit.
Précision : les ronchopathies, qui sont aussi fréquentes que le vieillissement, les rides et, bientôt,  l'Alzheimer sont devenues la tarte à la crème de la pneumo-oRLogie et, accessoirement, de la cardiologie. Je n'ai pas analysé récemment la littérature (qui m'a paru, dans l'ensemble, fort partiale et fort favorable à la pression positive continue comme on le voit sur des sites grand public : LA) mais il me semble que, selon mon expérience interne, de nombreux diagnostics sont faits, de nombreux appareils de pression positive continue sont posés et que de nombreux patients ne s'en servent pas (et bien que l'on parle d'un taux d'acceptation de 80 à 90 % !) pour de multiples raisons dont le bruit (les ronchopathologues ont beau dire que l'appareil fait moins de bruit que les ronflements, le patient ne s'entend pas ronfler mais a volontiers du mal à s'endormir à cause du bruit) et le côté peu sexy de l'appareillage, sans compter les éventuels effets indésirables... Quant au traitement non médical, nous allons y venir.
Donc, sur ma droite, le courrier de l'ORL qui se conclue, après un exposé négatif sur les facteurs anatomiques, par une ouverture vers le tiroir-caisse : la macroglossie postérieure pourrait faire envisager une chirurgie du voile du palais.
Sur ma gauche : le compte rendu du pneumologue qui conclut que la patiente n'a pas de syndrome obstructif d'apnée du sommeil (SAOS).
La patiente : "Vous pensez à la même chose que moi ? - Oui, j'imagine."
Sur traitement quand tu nous tiens.

Belle journée de samedi. 

jeudi 24 mai 2012

Infovac, organe de référence de la vaccinologie : une plaisanterie !


Lors d'une réunion que nous avions organisée pour rencontrer les médecins de PMI j'avais entendu cette phrase étonnante de la part d'une des médecins de la PMI présente et après que j'eus objecté deux ou trois trucs sur la politique vaccinale : "De toute façon, notre référence, c'est  Infovac."

Je savais déjà deux ou trois choses sur Infovac puisque je suis abonné à son bulletin mensuel d'information (LA). 
J'ai enquêté.
Je me suis rendu sur le site : ICI dont le slogan est Ligne directe d'information et de consultation sur les vaccins ! 
Quand je me rends sur un site je commence par chercher qui le finance. 
Je note en passant qu'InfoVac adhère aux principes de la charte HONcode (ce qui n'est ni une preuve d'indépendance ni une preuve de compétence : je vous propose de lire ce qu'en dit Dominique Dupagne : ICI et LA). 

Je clique sur Qui sommes-nous ? et j'apprends, non sans avoir bravé quelques fautes d'orthographe, que a)  "En aucune manière, InfoVac ne se substitue pas (sic) aux autorités de santé" ; b) "Infovac n'émet  aucune recommandation collective" ; c) "... relève parfois des incohérences dans les recommandations actuelles et en réfère aux autorités officielles." ; d) "InfoVac-France, c'est un réseau d'experts qui se sont donnés (sic) pour mission de répondre rapidement aux questions que se posent les médecins."; e) InfoVac est officiellement soutenu par la Société Française de Pédiatrie (SFP) et par l'Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) ; sur la page d'Accueil il y a également comme structures partenaires le Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP dont le lien ne fonctionne pas sur le site) et l'Association Clinique et Thérapeutique du Val de Marne (ACTIV dont le lien ne fonctionne pas sur le site) ; f) "les experts d'InfoVac-France sont indépendants des firmes pharmaceutiques" ; g) "Robert Cohen et Claire-Anne Siegrist coordonnent les experts" ; h) "les comptes d'InfoVac sont gérés et contrôlés par l'administration d'ACTIV" (une recherche sur le net ne m'apprend rien sur ACTIV sinon des diaporamas et des articles mais pas de noms d'administrateurs). On peut lire aussi sur la page d'accueil une phrase étonnante : "Les informations répertoriées sur ce site ont été sélectionnées pour leur objectivité et leur valeur médicale et scientifique. Elles s'appuient essentiellement sur les recommandations officielles de vaccinations en France et à défaut sur des études scientifiques et/ou des articles publiés."


La liste des experts (ICI) permet de consulter la DPLI (Déclaration Personnelle de Lien d'Intérêt) de chacun comme la loi l'exige. 
Allez y faire un tour et vous saurez quels sont effectivement les liens d'intérêt de ces experts. Tous les laboratoires de vaccinologie sont cités, ou presque.
Il y a des experts plus aliénés que d'autres comme une certaine Weil-Olivier qui déclara sous serment lors de la Commission d'enquête sur la grippe A menée au Sénat (ICI) que lors de la grippe un enfant sur cinq faisait une forme en grave ou en mourait (repris sur le site Atoute : LA)... Cette dame déclare se faire payer ses frais de déplacement (elle est au RSA) et de conseils par GSK, Novartis, Medimmune, Baxter , Pfizer, Roche, SP-MSD. Comme un de ses confrères, Bruno Lina (ICI), elle doit penser que multiplier les sources de financement rend les liens inopérants et, surtout, empêche de dire n'importe quoi.
Quant à Emmanuel Grimprel, Pfizer est sa principale source de financement pour sa formation personnelle et pour acheter ses allumettes, il ne dit pas qu'il est membre du Comité Technique des Vaccinations (CTV). Ainsi ce confrère peut-il souscrire sans rire à "Les experts d'InfoVac sont indépendants des firmes pharmaceutiques" et à "InfoVac relève parfois des incohérences dans les recommandations actuelles et en réfère aux autorités officielles" : Emmanuel Grimprel travaille sur des essais cliniques Prévenar financés par Pfizer, siège au CTV qui décide de la politique de vaccination contre le pneumocoque, émet des recommandations avec le CTV et écrit, peut-être, dans Infovac que les recommandations du CTV sont erronées (parce qu'il était sans doute minoritaire lors de la prise de décision du CTV...). On y croit beaucoup.
Par une sorte de tautologie que personne ne remarque (ou que tout le monde remarque et que tout le monde tait) les mêmes experts payés par l'industrie pharmaceutique (Big Vaccin) siègent dans les institutions officielles (comme le CTV ou le Haut Conseil de la Santé Publique) et sont les visiteurs médicaux les plus fidèles de la politique gouvernementale (et de son bras armé, la Direction Générale de la Santé) qui, comme par hasard, est la même que celle développée par les argumentaires de l'industrie. Fonctionnaires d'Etat, leur devoir est de défendre la politique de Santé Publique, agents du service public, ils sont aussi soumis au devoir de réserve, comme les médecins de PMI, et passez muscade : pas de discussion.
Big Vaccin n'a donc pas besoin d'éditer une revue de promotion de ses produits puisque cette revue existe déjà, Infovac, et qu'elle est perçue par les centres de PMI et, je l'imagine, par nombre de médecins généralistes, ne parlons pas des pédiatres, à part un ou deux ils ne discutent jamais, comme un organe officiel et indépendant, il suffit donc à Big Vaccin de financer en sous-main, à coups de voyages, de chambres d'hôtel et d'études cliniques, les personnes qui écrivent dans Infovac. Bravo.
Et où est le débat ?
Il faut partir d'un constat : toute personne qui conteste la politique officielle vaccinale est, soit, cochez les cases, plusieurs choix possibles, un ignorant de l'histoire des sciences, un anti vaccinaliste primaire, un ennemi du progrès, un dangereux illuminé, un réactionnaire, un terroriste écolo, un ennemi du bien public, un partisan des Ténèbres.
Circulez, y a rien à voir.
En revanche, et là, pour le coup, c'est un mystère, quiconque croit sans réserve que les nouveaux antidiabétiques devraient être testés, que les statines ont des inconvénients, que les traitements de la BPCO ne sont pas très efficaces ou que l'on prescrit trop de médicaments aux personnes âgées, sont à ranger dans le camp des bons, des résistants à Big Pharma...
Deux poids, deux mesures.
Le lobby vaccinal français comprend donc toute une série d'institutions qui s'auto règlent et se renvoient la balle : le Ministère (qui fait souvent passer les intérêts économiques avant les intérêts généraux comme dans la sinistre affaire mediator), la Direction Générale de la Santé (qui joua un rôle si important pendant la "pandémie" grippale), Le Haut Conseil de Santé Publique (dont les buts sont très clairs : ... une instance d'expertise qui contribue à la définition des objectifs pluriannuels desanté publique et évalue la réalisation des objectifs nationaux de santé et qui est donc juge et partie et dont je peux vous faire apprécier la prose technocratique à propos de l'évaluation à mi-parcours du plan cancer 2009-2013 : Selon le HCSP, les orientations du Plan précédent sont consolidées, mais les dimensions structurantes des inégalités sociales et territoriales de cancer, du rôle du médecin traitant et des systèmes d’information sont insuffisamment déclinées.), le Comité Technique des vaccinations (dont la composition, outre les experts, de nombreux responsables d'administration aux ordres, permet tous les votes politiques), l'Agence de Nationale de Sécurité du médicament et des produits de Santé (ANSM) dont la Commission Nationale de Pharmacovigilance (que le monde entier nous envie et qui n'a rien vu passer depuis le mediator, le vioox, ou l'acomplia mais surtout qui ne voit strictement rien à propos des vaccins, le pandemrix ayant évité la France), l'InVS (dont les publications dans le BEH ne servent qu'à conforter la politique de Santé Publique décidée plus haut et dont chacun peut se louer de leur qualité  car écrites par des auteurs reconnus internationalement)... J'ai bien entendu "oublié" dans cette énumération institutionnelle le côté privé de l'affaire, à savoir les laboratoires de vaccinologie dont Sanofi-Pasteur-Mérieux qui ont leurs entrées et leurs sorties dans toutes les sphères politico-gouvernementales.
Où en étais-je ?

La lecture d'InfoVac est édifiante car leurs professions de foi sont démenties par les faits. Disent-ils, et pourquoi donc dire des choses aussi sottes, qu'ils n'émettent aucune recommandation collective, et ils ne cessent de le faire (ce qui n'est pas blâmable, une piqûre de rappel du calendrier vaccinal n'est pas forcément une mauvaise chose) ; disent-ils qu'ils sont indépendants de tout, de l'industrie, des autorités, de leur hiérarchie (sic), et il est difficile de les croire : pourquoi diraient-ils des choses différentes selon qu'ils sont sponsorisés, experts officiels ou chefs de service ? ; disent-ils que leurs informations sont validées et ils ne parlent que des informations validées par eux...
Nous demandons des débats contradictoires, nous demandons qu'il soit possible de parler à partir de données scientifiques mais il semble que cela soit impossible puisque les agents du service public sont soumis au devoir de réserve, c'est à dire qu'une fois que les décisions ont été prises dans le cénacle fermé des institutions autogérées, plus rien ne doit transparaître, on ne doit voir qu'une tête. Comme on disait jadis : ne pas donner d'armes à l'ennemi ou : ne pas désespérer Billancourt. Si vous voulez connaître un autre son de cloche, si vous voulez connaître le fiasco du Prevenar, si vous voulez vous informer sur les nécessaires incertitudes et débats scientifiques, ne comptez ni sur InfoVac, ni sur l'InVS, ni sur la DGS, lisez ailleurs (un peu de publicité pour CMT qui a remarquablement informé sur le contexte des stratégies vaccinales dans le cas de la rougeole, de la grippe, de la méningite C ou du papillomavirus, notamment)
Prendre les médecins et le grand public pour des crétins est une vieille façon de faire qui, je l'espère, va se dissoudre un jour ou l'autre et permettra à tous et à chacun, de se faire son idée, voire d'accepter une politique de Santé Publique que l'on n'approuve qu'à moitié mais qui nous paraît être une hypothèse pratique raisonnable. Sommes-nous à ce point des profanes à QI infamant pour que l'on ne nous délivre que des informations aseptisées, triées, digérées, exploitables par notre maigre cerveau ?
Chaque fois que je vois Robert Cohen s'exprimer à la télévision dans les émissions grand public, je ne peux que me lamenter en voyant fonctionner dans le vide un tel esprit. Mais il tente de ne rien comprendre puisqu'il s'est insurgé contre le fait que les recommandations sur les antibiotiques en ORL avaient été invalidées pour des raisons de conflits d'intérêt alors qu'elles n'étaient pas favorables aux laboratoires, selon lui (ICI).

Comment voulez-vous que les médecins de PMI puissent ne pas appliquer les directives et ne pensent pas qu'InfoVac soit l'organe central de la vérité vaccinologique ? Il faut être courageux, ne pas avoir peur de perdre son poste, être curieux, ne pas se contenter des publications officielles... Mais il n'en est pas moins vrai que certains tentent de faire bouger le cocotier. Courage !

InfoVac est la référence française en matière de vaccinologie selon le gouvernement de la République. Ce qui montre l'état du débat en Santé Publique dans notre beau pays.








dimanche 20 mai 2012

Les centres anti douleurs : des annexes du laboratoire Pfizer.


Nous avons évoqué ICI et LA combien nous vivions dans une société où l'objectif affiché était l'absence de douleurs comme si la douleur n'était pas une donnée physiologique ou anthropologique mais une donnée "construite", c'est à dire sociologique, voire politique, qu'il était nécessaire d'éliminer. Je ne me fais pas dire ce que je ne veux pas dire : je ne suis pas en train d'affirmer que la douleur est nécessaire, qu'elle est formatrice, qu'elle est éducative, qu'elle est une émotion nécessaire pour accepter notre humaine condition, voire qu'elle se justifie pour expier nos péchés supposés ou réels ou une épreuve que tout humain se doit de surmonter tout seul ou avec une aide extérieure. Je veux simplement dire que cet objectif est, pour l'instant, inatteignable.
Ainsi, aux Etats-Unis d'Amérique, nous avons appris ICI que 116 millions d'Américains souffraient de douleurs chroniques, que cela représentait environ 600 milliards de dollars de dépenses annuelles, et que les Etats-uniens n'étaient pas soulagés de leurs douleurs avec, en sus, environ 1000 morts par an liés aux opiacés (LA).
On marche sur la tête.

Les patients qui consultent dans les cabinets de médecine générale désirent le plus souvent (même si l'approche est indirecte, je parle de ça et c'est de ceci que je voulais parler) être soulagés d'un état ou d'une condition qui leur semblent nécessiter l'intervention d'un médecin généraliste.
Le médecin généraliste tente de soulager le patient de sa condition pour des raisons professionnelles (on lui a appris en théorie ce qu'il devait faire), sociétales (il a intégré le fait que c'était ce que la société attendait de lui), voire éthiques (soulager le pauvre monde de ses souffrances).
Dans le cas des maladies ou pseudo maladies chroniques ou dans le cas de souffrances aiguës la proximité  entre le patient et le médecin généraliste rend la souffrance persistante intolérable pour les deux protagonistes : le patient qui n'est pas soulagé et qui, dans le contexte du consensus sociétal "Zéro douleur", en veut à son médecin qui ne peut le "guérir" ("Donnez moi quelque chose de plus fort."), lui reproche son inaction ou son incompétence, voire son mépris ("Serrez les dents, mon vieux, c'est l'humaine condition.") ou son impuissance ("Alors à ceux qui souffrent devant l'impuissance de leur médecin... LA), voire les quatre ; le médecin qui, malgré tout ce qu'on lui a appris en théorie, tout ce qu'il sait et ne sait pas en pratique, tout ce que la bien-pensance lui renvoie sur l'ardente obligation de tuer la douleur. Le médecin traitant revoit un patient qui continue de souffrir et, compte tenu des pré requis que nous avons évoqués, il ne peut s'en suivre qu'une augmentation des plaintes et qu'une aggravation de la culpabilité.
Mais il reste les centres anti douleurs. Les fameux centres anti douleurs.
Les centres anti douleurs sont nés dans les années quatre-vingts en France, à l'instar de ce qui se passait dans les pays anglo-saxons et selon l'affirmation, jamais démentie, qu'en France on ne prend pas en charge la douleur. Originellement, c'est un anesthésiste, John Bonica, qui s'est intéressé à ce problème et a créé la première clinique anti douleur en 1961 à Tacoma dans l'Etat de Washington, en collaboration, c'est important, avec un psychologue et un neurochirurgien. Un article québécois recense les "bienfaits" de ces centres anti douleurs (LA) et souligne la multidisciplinarité avec, au minimum, un anesthésiste, un physiatre et un psychiatre et, au mieux, médecins (sic), psychologues, infirmières, physiothérapeutes, ergothérapeutes, travailleurs sociaux. 
Quand on fait une recherche "Centres anti douleurs" sur Google on a droit, selon les moments, à 12 300 000 occurences. Sur la première page, dix occurrences : les deux premières émanent du même site et donnent la liste, pour le premier, de tous les centres anti-douleurs français, la deuxième des centres parisiens (c'est dû à ma localisation google) ; on y trouve la définition d'un centre anti-douleur (1) et des publicités pour des thérapies algologiques : fasciathérapie, mésothérapie, chiropractie, sophrologie,  étiopathie, acupuncture, hypnothérapie, réflexologie... (ICI) ; la troisième occurrence émane de l'Institut UPSA de la douleur (LA) qui propose une autre définition (2) et des liens institutionnels gouvernementaux ; la quatrième émane d'une association de victimes et donne des listes de centres dans la région parisienne (ICI) ; la cinquième émane du Journal des Femmes (LA) qui insiste sur la Consultation pluridisciplinaire ; la sixième est un blog de patiente consacré à la fibromyalgie (ICI) ; et cetera, et cetera.
Ainsi, constatant la carence des médecins traitants et des structures hospitalières, des anesthésistes, les spécialistes de la douleur, des psychiatres, les spécialistes de la perception de la douleur, et les physiatres (le mot existe en québécois, pas en français gaulois), les spécialistes de la manipulation des corps, ont recréé ce qui existait déjà, à savoir le spécialiste de la médecine globale, le médecin généraliste et des centres multidisciplinaires qui ne sont en fait que des mini hôpitaux. 
C'est ce qui s'est passé à propos de l'Alzheimer où des Cliniques de la mémoire ont été créées par des neurologues et des néo spécialistes, les gériatres, dont la fonction est, aussi, de diagnostiquer, d'évaluer et, surtout, de prescrire des anti Alzheimer pour la plus grande gloire de Big Pharma (n'oublions pas que la neurologie a longtemps été négligée par Big Pharma en raison du faible nombre de molécules "efficaces" chères ; mais l'explosion des anti-épileptiques de ixième génération, dont gabapentine et prégabaline, sans compter ceux que l'on utilise dans la migraine (topiramate) avec des résultats dramatiques. On a vu récemment que la prise en charge des patients dits Alzheimer par les cliniques de la mémoire n'était pas meilleure que la prise en charge par des médecins généralistes, en France (ICI) comme aux Pays-Bas (LA), ce qui donne à réfléchir sur la disparition programmée de la médecine générale, les centres anti douleurs comme les Cliniques de mémoire coûtant une fortune par rapport aux prises en charge en médecine générale.

En gros, quand un médecin généraliste est confronté à des douleurs chroniques, quand il a tout essayé, il adresse le patient à un centre anti-douleurs où il est pris en charge et il ressort de là avec du Lyrica de chez Pfizer qui, dans l'immense majorité des cas a déjà été prescrit par le médecin traitant, mais mal, je présume.
Car le Lyrica est un vedette de l'algologie, pas seulement des douleurs neuropathiques, de l'algologie en général : pourquoi ne pas l'essayer ?
Si vous recherchez prégabaline ou pregabalin sur Google et sans préciser respectivement fraude ou fraud, vous aurez du mal à trouver des informations sur la fraude académique massive qui a conduit à l'établissement des traitements de pfizer, gabapentine et prégabaline dans la trousse des médecins.
Si vous voulez vous faire une idée précise de cette fraude qui a été révélée à propos des essais cliniques menés par Scott Reuben pour Pfizer, le meilleur article en français sur la question se trouve sur Pharmacritiques (ICI). Il est révélateur.
Pour résumer notre propos : douleurs chroniques suivies par le médecin traitant ; courrier pour un centre anti douleur ; trois mois pour obtenir un rendez-vous ; trois-quart d'heure de consultation dans les bons cas ; du Lyrica prescrit. Et retour à l'envoyeur. Je ne vous ai pas parlé du stimulateur externe. 
Ah, j'ai oublié de vous parler des effets indésirables du Lyrica. Vous lirez ce qu'en racontent les Canadiens : LA.
Donc, les médecins et autres professionnels de santé qui travaillent dans les centres anti douleur, sont des personnes admirables. Comment dire autrement de gens qui se penchent sur la douleur que tous les autres, le vulgum pecus, ne savent pas appréhender ? Mais ils devraient se rendre compte qu'ils sont au fond d'une nasse et que c'est Pfizer et autres qui les y maintiennent. 



Post scriptum : Je ne dis surtout pas qu'il faille respecter la douleur, qu'il ne faut pas la combattre, qu'il ne faut pas prendre en charge les patients qui souffrent, je dis simplement que le marché de la douleur n'est pas un vain mot, qu'il représente beaucoup d'argent, beaucoup d'effets indésirables, notamment pour les opiacés qui tuent plus aux Etats-Unis que les drogues illicites, en France on ne sait pas, en France on ne sait jamais, et que certains produits, plus chers que d'autres, n'ont pas vraiment fait la preuve de leur efficacité et, dans certains cas, au prix de fraudes massives sur les essais cliniques. Pour combattre la douleur, cause mondiale, on réinvente l'eau chaude mais à des prix défiant toute concurrence.



Définitions
(1) Le centre anti douleur est un établissement médical où sont reçu les patients souffrants de douleur chronique. Ces établissement ont pour objectif d'évaluer et de mettre en place des traitements antalgiques spécialisés et d'autres protocoles pour diminuer la douleur ressentie par le patient. Ces centres anti douleur ont l'avantage de proposer des consultations pluridisciplinaires pour une prise en charge globale du patient et de sa douleur. Ces consultations anti-douleur se trouvent en général dans les hopitaux et sont réalisées par des médecins algologues (spécialiste du traitement de la douleur).
(2) Leur vocation est d’évaluer et de traiter des patients souffrant de douleur chronique, mais aussi de faire de la recherche et de diffuser les nouvelles connaissances sur la douleur. Les centres anti-douleur sont par définitions pluridisciplinaires et comportent de nombreux spécialistes et professionnels : neurologues, neuro-chirurgiens, anesthésistes, rhumatologues, psychologues, psychiatres, infirmières, kinésithérapeutes, assistantes sociales... Les malades relevant des consultations anti-douleur souffrent de douleurs persistantes rebelles aux traitements habituels et sont adressés sur demande médicale.

jeudi 17 mai 2012

Les malades mentent tout le temps (Gregory House). Histoire de consultation 118.


Environ une fois tous les dix ans, un psychiatre libéral m'appelle en direct à mon cabinet. Cela doit faire trois fois en presque 33 ans d'exercice de la médecine générale.
Monsieur A, 81 ans, et sur mes conseils, consulte un psychiatre pour des troubles anxieux, vaguement dépressifs, développés sur un fond d'agressivité qu'il n'arrive plus à contrôler. Si je lui ai conseillé de consulter c'est essentiellement pour des raisons de confidentialité dans la mesure où je suis le médecin traitant et de sa femme et de sa fille et de certains de ses petits-enfants et de certains de ses arrière-petits enfants...
Il y a cinq ans, quand j'ai confié le patient au psychiatre que je connaissais et dont le cabinet est situé à une demi-heure en voiture de notre ville (les psychiatres libéraux se font rares dans des zones où les dépassements d'honoraires ne peuvent pas être très importants en raison des revenus moyens de la zone, je n'ai pas dit du secteur), j'avais écrit un courrier précisant notamment les antécédents somatiques du patient (double cancer dont il s'était sorti, troubles du rythme cardiaque et prothèse aorto-bifémorale pour lesquels il était traité) mais aussi quelques éléments psycho-biographiques. 
J'ajoute ceci concernant les lettres adressées à un psychiatre : que mettre dedans ? Soit vous avez affaire à un psychiatre qui ne lit pas votre courrier "pour ne pas être influencé" et cela ne sert à rien, sinon à informer le patient où vous en êtes de votre "analyse", soit vous avez un psychiatre qui ne lit les lettres qu'après que son opinion s'est formée, soit vous avez un psychiatre qui ne veut rien savoir venant du médecin traitant, soit vous avez un psychiatre qui lit tout et qui interprète tout avant même d'avoir vu le patient, soit vous ne risquez qu'une chose, que le psychiatre prenne le parti inverse de ce que vous avez écrit ou envisagé, mais, de toute façon, dans tous les cas, il ne vous répond jamais.
Et donc, le psychiatre libéral m'appelle vers dix-neuf heures et il me parle du patient pour lequel il est inquiet. Il me raconte ce qu'il a constaté, que le patient va mal, qu'il est angoissé, qu'il n'est pas près de passer à l'acte, enfin, il ne le pense pas, il me décrit sa personnalité, qu'il se fait une idée trop haute de lui-même et que la réalité le frappe de plein fouet, qu'il existe chez lui une blessure narcissique qui remonte à l'enfance, et, surtout, qu'il est en butte à l'hostilité incessante de sa femme et de ses enfants qui lui reprochent tout et n'importe quoi, qu'il n'en peut plus, qu'il est sous tension, qu'il a perdu son statut de mâle, qu'on le prend pour un crétin, qu'on lui fait comprendre qu'il ne sait rien faire, qu'il est incompétent et qu'il l'a toujours été, et, continue-t-il, "Vous qui connaissez la famille, comment est-il possible d'intervenir à votre niveau, car la situation est grave, elle m'échappe". 
Je ne lui réponds pas qu'il aurait pu m'appeler avant. Je ne lui réponds pas que le médecin traitant eût été ravi d'en apprendre plus sur cette blessure narcissique. Je ne lui réponds pas que je ne me rappelle pas avoir constaté que le patient éprouvait une trop haute idée de lui-même. Je ne lui réponds pas que je n'avais jamais remarqué qu'il se sentait découragé par l'hostilité de sa famille qui le dévaloriserait. Je lui dis en revanche que le patient en question n'a cessé, toute sa vie, de taper sa femme. Il ne lui a pas seulement tapé dessus avec des paroles, bien que dans les couples les paroles soient parfois plus difficilement supportables encore que les coups, non, il lui a tapé dessus, il lui a mis des volées, il l'a terrorisée, il l'a poursuivie quand elle a tenté de s'en aller, il la suivait partout quand elle voulait partir, il lui disait "Je te retrouverai...", il a aussi tapé sa fille et ses fils, quand ils étaient petits, il s'est montré méprisant à l'égard de ses petits-enfants qui ne réussissaient pas comme il l'aurait souhaité. Mais cela ne fait qu'un an que je sais cela alors que cela fait trente ans que je les connais. Jamais rien n'avait transparu. 
Je lui ai donc dit, au psychiatre, qu'il s'était trompé pendant cinq ans et moi pendant beaucoup plus longtemps.
Il a fallu qu'un jour la femme de mon patient, venue seule au cabinet, me fasse quelques confidences. Et je suis tombé par terre, je m'en suis voulu, je me suis demandé comment j'avais pu faire pour ne me rendre compte de rien. Je me suis même demandé, j'ai honte, au début, s'il ne s'agissait pas d'une affabulatrice tant les faits que j'avais constatés (et, en l'occurrence, que je n'avais pas constatés) me semblaient aller à l'encontre de ce qu'elle me racontait, puis j'ai tenté de réagir. Elle m'appelait de la maison quand son mari s'absentait. Mais elle ne voulait pas partir. Mais elle n'allait pas voir de psychiatre. Mais elle était soutenue par ses enfants. Mais il s'était calmé depuis une ou deux années, il ne la frappait plus, il la menaçait encore, il la serrait parfois contre un mur dans la maison, pour lui faire peur, il ne la lâchait pas pourtant, même quand elle allait faire des courses, il la bousculait parfois, et, quand je lui en parlais (malgré le fait que sa femme, terrorisée, m'ait demandé de ne rien dire, mais j'avais rusé, j'avais parlé d'une altercation avec un voisin que l'on m'avait rapportée), il baissait la tête, il ne cherchait pas à se justifier, il disait "Je tente de me calmer... Je fais des efforts... Aidez-moi..." Et cela faisait déjà quatre ans que je l'avais envoyé chez le psychiatre. Et les choses, d'après sa femme, se sont un peu arrangées. Il n'était plus violent physiquement. "Que pourrais-je devenir à mon âge ?" me disait-elle. "Ne me dites pas que je suis une victime, je le sais... Mais je ne veux pas partir. C'est trop tard."
Le psychiatre, au téléphone, a marqué le coup. Il s'était fait balader pendant des années, il n'y avait vu que du feu et là, tout d'un coup, le malade qui lui avait menti allait vraiment mal. Enfin, peut-être. 
A quoi servent les relations entre psychiatre et médecin traitant ? J'ai déjà évoqué ce problème de nombreuses fois et, plus particulièrement, ICI. Faut-il que l'entretien singulier entre un psychiatre et son patient ou entre le médecin traitant et son patient soit exclusif ? Comment faire pour qu'il n'y ait pas de clash ? Je ne parle pas d'un clash entre les deux médecins, cela n'a aucune importance, je parle d'un clash dans la tête du patient, un conflit d'intérêt au sens strict, quel est le discours qui me "parle" le plus au moment m, quel est le discours qui m'arrange le mieux à la seconde s, quel est le médecin qui me convient le mieux à l'instant i ? La lente construction d'une relation entre médecin et patient passe par des étapes, des hauts et des bas, et les différents interlocuteurs du patient (et le patient) peuvent (et doivent) ne pas aller au même rythme, passer par des chemins de traverse, se promener ou courir, prendre des raccourcis ou baguenauder le nez au vent, revenir sur leurs pas, hésiter, bégayer, se répéter, raconter toujours la même chose sous des formes différentes, dire le contraire en prenant les mêmes mots, penser à autre chose, être inconscients... ou laisser parler leur inconscient, en quelque sorte. Comment imaginer que ce qui se passe dans un cabinet se passe de la même façon dans un autre ? Comment espérer qu'en utilisant des techniques différentes des idées contradictoires ne se chevauchent pas, parfois au même moment ? Et par quel miracle cela pourrait-il être "bon" pour le patient, c'est à dire, comment le patient pourrait retrouver son unité dans une telle confusion des sentiments, si j'ose dire ? Comment le patient pourrait tirer profit d'un tel amas de faits, de constatations, d'avis, de conseils, de pistes, de portes à ouvrir ou à fermer ? Je laisse la réflexion ouverte mais elle me semble fondamentale et, à mon avis, soulève le problème crucial de l'entretien psychologique (je ne sais pas trop commet l'appeler), à savoir qu'il est très (trop ?) opérateur dépendant.
Pour en revenir à Monsieur A : va-t-il vraiment plus mal ? N'est-il pas encore en train de promener son monde ? Ne nous utilise-t-il pas encore ? On dira : un homme aussi tyrannique avec son entourage ne peut pas être franchement bon et ne peut pas aller bien. Mouais. Est-ce qu'un pervers ne prend pas du plaisir ? Est-ce que ce plaisir est condamnable en soi ou seulement parce qu'il peut causer du mal à autrui ?
Je n'en sais rien. 
Le psychiatre est en train de digérer ce que je suis en train de lui dire. Mais un psychiatre s'en sort toujours, il a toujours une explication à donner, il a toujours une veste à retourner. Celui-là me dit ceci : "C'est très intéressant. Je vais y réfléchir. Tout ce que vous venez de me dire va alimenter ma réflexion. Ne faites rien pour l'instant. Bien entendu, je ne vous ai pas appelé. Je vais le revoir dans quinze jours, je vous rappellerai après."
Il est gentil, le psychiatre. Il m'appelle pour m'inquiéter et ensuite il me dit de ne pas m'inquiéter alors que je lui ai appris sur son malade des choses qu'il ne connaissait pas et qui sont, proprement, bouleversantes.
(Lucian Freud. Reflection with Two Children (Self-Portrait), 1965)

mardi 15 mai 2012

Ne pas être curieux.


Quand j'étais étudiant en médecine j'entendais souvent, venant de nos enseignants, la phrase suivante, "En médecine, il faut être curieux...", et j'ai continué de l'entendre venant de mes pairs et j'ai même continué de la dire à mes collègues ou à des patients. Cette phrase signifiait, et signifie encore, qu'il ne faut pas se contenter d'une impression, d'une intuition ou d'une attitude probabiliste, il faut être certain, et certain de ne pas passer à côté de quelque chose de grave et / ou de curable qui permettrait au patient de "guérir". Les conséquences pratiques en étaient de poursuivre les investigations cliniques, paracliniques et autres jusqu'à ce que le diagnostic soit nommé et le malade traité.
Je suis devenu beaucoup plus sceptique sur ce point.
Il est clair que mon statut de médecin généraliste exerçant de façon extra institutionnelle a pu m'influencer. Ne disposant pas d'un plateau technique aussi développé que dans un hôpital de l'Assistance Publique, ne disposant pas de ressources intellectuelles aussi partagées que dans le milieu hospitalo-universitaire, il est possible que j'aie réduit mes ambitions, non de façon consciente mais de façon pragmatique et que, constatant mes insuffisances, j'ai mis mes ambitions diagnostiques totalisantes dans ma poche et les ai recouvertes de mon mouchoir cache-misère de ma culpabilité.
Renoncer à aller plus loin est pourtant une attitude beaucoup plus appropriée dans nombre de cas et ce renoncement, non appris dans les écoles de médecine, ne peut naître et se construire, que de l'expérience acquise par la pratique, que par la lecture assidue de la presse médicale et que par la fréquentation de la patientèle qui, non seulement à des avis sur tout comme tout un chacun, mais a aussi des avis sur son propre cas. 
Renoncer est une attitude difficile à décider et à tenir pour justifiée tant le médecin est soumis à des pressions jusqu'au-boutistes qui ne concernent pas seulement la fin de vie et ce que l'on appelle, improprement, l'acharnement thérapeutique, mais aussi à des pressions que l'on pourrait qualifier de sociétales (la construction d'une pensée dominante ou d'un bon sens commun partagé) et qui sont fondées sur, pêle-mêle, d'une part la médicalisation de la société, la médicalisation de la vie, la médicalisation de la Santé, et, d'autre part, le Droit à être pris en charge, traité, soulagé et guéri, tout cela dans un contexte de judiciarisation de la Santé oscillant entre le Primum non nocere, la Perte de Chance et le Principe de Précaution... Mais n'oublions pas que le médecin s'est aussi construit une image de lui-même avec, au centre de tout, sa fonction chamanique et sa croyance inconsciente d'une sorte de toute-puissance attribuée à la fois à sa compétence et à son rôle magique... 
Ne pas être curieux.
Il apparaît que cette absence de curiosité, on se rappellera quand même la sentence La curiosité est un vilain défaut, peut être aussi considérée comme une faute majeure pour un médecin. Mais il ne faut pas se laisser impressionner. Car l'absence voulue de curiosité s'inscrit dans un monde où il est certes des maladies diagnostiquées trop tard mais où, surtout, il est des maladies diagnostiquées trop tôt ou sur diagnostiquées. La société, comme nous l'avons vu (et ne me faites pas le coup de la société n'existe pas, c'est une vue de l'esprit, c'est un montage adroit ou maladroit, je connais les arguments, car il est possible d'identifier cette société par les actes qu'elle produit, les comportements qu'elle suscite, les lois qu'elle engendre, et cetera), oscille entre la sur médicalisation et le n'importe quoi de l'hygiène. D'un côté on invente des maladies, on sur diagnostique des maladies, on dramatise des maladies, on explore trop, on traite trop des maladies (et probablement on traite trop des stades pré cliniques et on traite mal des stades avancés), et de l'autre c'est le laisser-faire de la Santé Publique qui est "libérale" de gauche et de droite (boissons sucrées, aliments salés, alcoolisme, tabagisme, addictions multiples et variées), les uns pour des raisons de diversité, les autres pour des raisons de liberté individuelle, tant et si bien que le médecin généraliste est assis "le cul entre deux chaises" dans une position inconfortable.  
Prenons l'exemple des maladies mentales.
Notre ami Des Spence du BMJ (ICI) vient d'écrire un papier "Les oligarques psychiatres qui médicalisent la normalité."qui, par sa vigueur, ne peut que choquer et les spécialistes de la maladie mentale et les spécialistes des sciences de l'éducation. Que nous dit Spence ? Il stigmatise le DSM (Diagnostic and Statistic Manual of Mental Disorders) écrit par ces fameux oligarques, dont 75 % présentent des conflits d'intérêt (maladie grave et peu traitée) et il souligne la conception réductionniste de la maladie mentale véhiculée par cette classification fondée presque exclusivement sur des désordres chimiques (potentiellement traitables par des médicaments) qui conduit au fait que, selon le CDC d'Atlanta, 25 % de la population américaine est atteinte de pathologie mentale (une preuve explicite de la médicalisation de la normalité).
Bien plus encore, et dans une stratégie que l'on ne peut s'empêcher de penser concertée ou "marketing" ce sont les jeunes enfants qui sont les plus ciblés. Trois crises de colère par semaine et un comportement négatif suffisent à cataloguer un enfant pour le reste de sa vie ! Il ne faut être ni inattentif ni timide, et cetera. Ainsi, en Caroline du Nord, 15,6 % des enfants sont diagnostiqués  "hyperactifs", au New Jersey un garçon sur trente est catalogué "autiste", et les diagnostics de troubles bipolaires chez l'enfant ont été multipliés par 40 en 10 ans aux Etats-Unis ! Mais les adultes ne sont pas en reste dans ce champ de tir de la psychiatrie opérationnelle : sont ciblés des syndromes bizarres, infondés, contre intuitifs, comme "disruptive mood dysregulation disorder" ou "attenuated psychosis syndrome".
Ne pas être curieux, c'est donc, devant un enfant inattentif ou turbulent en classe, ne pas se précipiter sur son futur DSM V, pour lui coller un diagnostic comme on colle une fessée, lui coller un diagnostic pour lui prescrire une drogue censée le traiter et, surtout, traiter le malaise sociétal qui conduit non pas à créer des enfants turbulents ou inattentifs, il y en a toujours eu, mais à créer des comportements institutionnels rejetant ces enfants comme ne pouvant être évalués par la norme Iso 9001. 
Ne pas être curieux c'est tenter d'échapper à cette fatalité de la maladie biochimique qui conduirait des enfants, des adolescents et des adultes à se sentir mal et résister à la médicalisation de la normalité.
La tâche est immense.
La disparition des médecins généralistes va raccourcir le circuit décisionnel : un enfant qui ne tient pas en place va être adressé directement par l'enseignant à la structure CMPP la plus proche où un freudien, un comportementaliste ou un rien du tout prescrira de la ritaline, condition sine qua non du retour dans le cadre de l'Education Nationale.
Ne me dites pas que c'est déjà comme cela : c'est déjà comme cela.

Addendum (17 mai 2012) : un éditorial du NEJM (ICI) dénonce le futur nouveau DSM V qui voudrait que le chagrin (grief) d'intensité légère soit plus volontiers attribué à un état dépressif (et traitée) et que le deuil (bereavement) soit d'emblée rattaché à la dépression. Et l'éditorialiste d'écrire (RA Friedman) :The medical profession should normalize, not medicalize, grief. . On ne saurait mieux exprimer une pensée de bon sens.

dimanche 13 mai 2012

Beaucoup trop d'Alzheimer ! Histoire de consultation 117.


Madame A, 91 ans, vit dans les meilleures conditions possibles : entourée de certains de ses enfants et de certains de ses petits-enfants dans une très grande maison. Il y a environ six ans, elle a commencé à présenter des troubles du comportement et de la mémoire. Ralentie, elle vivait de façon calme, habituée  des lieux, connaissant le moindre des recoins, préservée des pièges de l'escalier, hypertendue légère depuis une quinzaine d'années, mangeant à la table familiale, couchée tôt, ne se levant pas la nuit sauf de façon exceptionnelle. Puis elle a commencé à présenter des troubles de la mémoire qui gênaient plus son entourage qu'elle-même, sans danger a priori, elle continuait de s'alimenter, il lui arrivait, un peu, d'être agitée vers vingt heures puis elle allait se coucher avec un noctamide 1 mg. J'ai résisté aux demandes de la famille pendant au moins un an et j'ai dû me résoudre à l'adresser au centre de gérontologie local.

(J'ai dû me résoudre : cette expression est au centre de nombre de polémiques passionnantes que l'on trouve ici et là sur le web ou, plus précisément, sur les forums cliniques réservés aux médecins ; je vais tenter de résumer les arguments pour et contre ; 
  1. pour certains J'ai dû me résoudre est une trahison : cela traduit le renoncement des médecins généralistes qui cèdent, connaissant les données de la science (les médicaments dits anti Alzheimer ne servent à rien, voire sont néfastes), à la volonté de la famille, au consumérisme de la Santé, à la dictature des spécialistes, à l'Etat et son plan Alzheimer, au chiffre d'affaires de leur cabinet (comment ne pas perdre un malade) ; 
  2. pour d'autres J'ai dû me résoudre est un simple accommodement : c'est une attitude pragmatique dans une situation donnée qui tient compte des données de la science (l'expérience externe, à savoir les essais contrôlés), des données du terrain (l'expérience interne du médecin et son appréciation des conditions de vie de la patiente) et des valeurs et préférences non de la patiente (qui n'est pas capable de juger) mais de la famille ;
  3. pour d'autres encore J'ai dû me résoudre est un choix délibéré qui permettrait de se conformer à l'état sociétal de l'opinion sur la maladie d'Alzheimer, avis sociétal bien entendu influencé par ce qu'on pourrait pompeusement appeler le lobby médico-administrativo-industriel, mais qui pourrait prétendre n'être influencé par rien, vivre en vase clos dans un monde protégé par une bulle des influences néfastes de la vie en société ?
  4. pour d'autres J'ai dû me résoudre est une faute majeure puisque cette attitude signifie mettre le doigt dans l'engrenage de la médicalisation de l'Alzheimer et livrer sa patiente, pieds et poings liés aux appétits diagnostiques et thérapeutiques des nouveaux spécialistes de la démence gériatrique ;
  5. pour certains encore J'ai dû me résoudre est une expression malheureuse pour dire à la fois je ne suis pas fier de l'avoir fait et je devais le faire, une façon maladroite de concevoir son rôle de médecin traitant, une esquive pour ne pas dire Je ne suis pas compétent pour juger, un prétexte pour ne pas affirmer qu'il est parfois nécessaire, pour ne pas qu'il y ait perte de chance, de quitter la médecine générale pour la médecine de spécialité ; 
J'ai dû me résoudre est aussi une figure de style, une sorte d'autocritique annoncée, justifiant a priori un manque de courage à refuser l'aide de confrères pour prendre en charge ses propres malades.)

Le centre de gérontologie local a vu la malade, lui a fait passer des tests, a demandé un scanner, a prescrit du donépézil, et s'est fendu d'un courrier. J'y ai appris que la patiente présentait une maladie d'Alzheimer, que les tests psychiques avaient été difficilement administrables et interprétables en raison du fait que le français n'était pas la langue maternelle de la patiente et parce que son niveau d'étude était celui du certificat d'études primaire ou équivalent, que le scanner était compatible, et cetera.

Madame A est Alzheimer : elle est entrée dans une case médicale et sociétale.

J'ai revu Madame A à son domicile (je la vois toujours à son domicile, ce sera une autre question pour une autre fois, l'intérêt possible et / ou improbable des visites à domicile) et j'ai longuement discuté avec la famille et j'ai accepté la prescription de donépézil aricept, la fille de la patiente voulant tenter le coup. Nous avons tenté le coup.

Résultat au bout d'un an : état stationnaire.
La patiente continue de mener sa "petite" vie tranquille entourée de sa famille aimante et attentionnée avec l'aide une fois par semaine d'une voisine qui vient garder (au black) la grand-mère pour que la famille souffle un peu. (Le centre de gérontologie a bien entendu initié la démarche de prise en charge, j'ai rempli le dossier, il a été accepté, et cetera...)
Au bout d'un an et conformément aux recommandations de l'HAS (ICI) j'ai réadressé la patiente au centre de gérontologie avec un courrier circonstancié.

Voici la réponse : "... L'état stabilisé de la patiente justifie la poursuite du traitement par donézépil qui semble avoir montré son efficacité..."

Ainsi, en conclusion, et à mon avis, Je n'aurai jamais dû me résoudre, j'aurais dû forcer mon naturel (conciliant) et ne pas céder à la famille et au risque évasif de perte de chance, j'aurais dû prendre mes responsabilités de médecin traitant et refuser la consultation spécialisée qui a conduit, encore à mon avis, à un diagnostic erroné, cette patiente n'a pas d'Alzheimer mais un vieillissement cérébral associé à des troubles anxieux, et à des mesures thérapeutiques inadaptées. J'aurais dû penser à l'article de Philippe Nicot (LA) et me relire moi-même (ICI).

J'ai arrêté le traitement dit anti Alzheimer. La famille a accepté. La patiente va bien jusqu'à présent. Mais il est certain aussi qu'elle va mourir un jour.

(Jeanne Calment, décédée à 122 ans et 164 jours)