vendredi 16 septembre 2011

Un asthmatique sûr de lui. Histoire de consultation 96.


J'avais remarqué le malade avant même qu'il n'entre dans mon bureau : il avait essayé de passer devant une ou deux personnes (la salle d'attente était pleine) en feignant la bonne foi. Bon, Monsieur A s'installe en face de moi et me dit, tout à trac, que son médecin n'a pu le recevoir, qu'il n'avait plus de rendez-vous et que... quand il était comme ça, il lui prescrivait du ciblor...
Il y avait bien un siècle que je n'avais pas entendu parler du ciblor, et c'est en écrivant ces lignes que je me suis rappelé de quoi il s'agissait (je me rappelle même, maintenant, en écrivant et en réfléchissant,la visiteuse qui me présentait l'affaire -- eh oui, j'ai reçu la visite médicale il y a quelques années et je ne me posais même pas de questions sur le bien / mal fondé de ma démarche, c'était une fille d'origine russe...)... Aucune importance.
En face de ce genre de patients qui prennent l'initiative et qui, sous prétexte que leur médecin est absent, loin de la jouer timorée ou un ton en dessous, s'installent presque dans votre fauteuil pour vous dire qui ils sont, de quoi ils souffrent, et ce qu'il faut leur prescrire. J'hésite toujours entre la condescendance, le mépris ou le sarcasme.
Qu'ai-je choisi aujourd'hui ?
On reprend par le début : le gars, 29 ans, est enrhumé, il est pris de la poitrine (il me montre l'objet du délit avec les paumes de ses mains), il n'a pas de fièvre, il a les yeux rouges (les efforts qu'il a faits pour tenter de gruger dans la salle d'attente ?) et il attend "son" ciblor.
Le dernier détail : il me dit qui est son médecin traitant (alors que je ne pose jamais de questions pour ne pas me faire influencer) pour appuyer ses demandes.
Le médecin traitant ne fait pas partie de mes copains.
Je vais donc examiner le malade avec beaucoup d'attention.
L'interrogatoire est difficile car le malade parle tout le temps et j'ai du mal à en placer une dans le bon ordre (les gens qui me connaissent sont en tain de douter mais, promis, juré, c'est vrai).
Je l'examine, il est assis sur une chaise dans la salle d'examen, il est en marcel et en pantalon (je précise cela pour les tenants du déshabillage intégral, style lido ou Pigalle -- mais comme il s'agit d'un mec, ce serait plutôt la Cage aux folles...), il a une pharyngite, un vague jetage postérieur, des tympans propres, secs et non inflammatoires, et l'auscultation pulmonaire retrouve des sibilants et pas de ronchus. Je le fais souffler dans un tube et son peak-flow est à 350. J'ai oublié de dire que sa pneumologue, eh oui, il a une pneumologue, est Madame B qui ne me fait ni chaud ni froid et que j'appelle, en plaisantant, Madame spiriva, tout malade entrant dans son cabinet en ressortant avec du spiriva (sauf les asthmatiques et les néos du poumon, j'espère)...
Bon, j'apprends en passant que lorsque son médecin ne lui prescrit pas du ciblor, il lui prescrit du symbicort en continu ainsi que du singulair. Pour le symbicort, je ne dis pas, pour le singulair il me semble que la pneumologue a comme nom de jeune fille Emme-esdé.
Et ainsi, comme je en suis pas un génie de l'asthme, je me récite le questionnaire (je rassure les lecteurs pressés, il fait trois lignes) que je me pose chaque fois que je vois un asthmatique qui a un traitement de fond et qui va plus mal. Primo : comment il prend son traitement de fond ; deuxio : s'il le prend ; troisio : où est l'allergène qui a déclenché la crise ?
Je lui fais un test au symbicort avec mon échantillon qui date de la guerre de 14 (quand je recevais les visiteuses médicales) : moyen.
Il dit le prendre régulièrement mais il lui arrive d'oublier. Et quand il oublie il prend de la ventoline qui, dit-il, marche bien en traitement de fond... Je ne lui fais pas faire de test à la ventoline : son médecin traitant ne s'en est pas chargé (pas plus que sa pneumologue) et je ne vois pas pourquoi je ferais le malin en lui apprenant des trucs à la gomme (voir ICI ce que je pense des médecins qui ne font pas de démonstration avec les aérosols doseurs).
Je lui mets les lampes en direct sur le visage, lui attache une main au radiateur et lui pose des questions en l'absence de son avocat. Après avoir nié toute participation à une entreprise d'allergophilie, il finit par me dire qu'il vient de déménager et que les peintures le font tousser et lui donnent les yeux rouges.
Encore une fois mon questionnaire de trois lignes m'aura apporté une réponse facile.
Je ne lui prescris pas de ciblor.
Je lui fais une démonstration avec le symbicort (les goguenards vous diront qu'il faut être très crétin pour ne pas savoir se servir du symbicort turbuhaler mais on a quand même des surprises)...
Je lui prescris de l'airomir avec démonstration.
Je prescris aussi une corticothérapie par voie orale.
Il va faire un rapport salé à son médecin traitant.

(Photographie : tests cutanés)

jeudi 15 septembre 2011

Direction Générale de la Santé : la Main Invisible de la Santé Publique


Je suis étonné que nombre d'ingénus s'ingénient à critiquer (j'en suis, je sais ce que c'est) ou à valoriser (mais si, il y en a : des légitimistes) les différentes Agences Gouvernementales (AFSSAPS) ou les Comités Croupions (Haut Conseil de la Santé Publique) et les sous-sous Comités croucroupionspions, comme le Comité Technique de la Vaccination alors que le cerveau central (la main invisible comme le disait ce bon Adams Smith) est la Direction Générale de la Santé.
La DGS est un repaire de politiques, d'experts maisons, de professeurs politisés, de jeunes loups sortis de l'énarchie, d'exécutants fidèles, de bureaucrates zélés, mais, surtout, la DGS, c'est la politique spectacle, c'est l'affichage avec une réflexion aussi épaisse que l'affiche elle-même.
Ne croyez pourtant pas qu'il n'y ait pas, à la DGS, d'hommes et de femmes de qualité, de scientifiques expérimentés, d'hommes ou de femmes de valeur ou de grandes qualités morales.
Mais ils sont rares ou ils ont oublié : à partir du moment où vous entrez dans une écurie politique, il faut, selon JP Chevènement Fermer sa gueule ou démissionner. Combien démissionnent ?

La DGS, donc, est la cellule politique de la Santé Publique. Toute décision passe par elle. Elle a des bras armés, les ARS (une espèce de cache-sexe qui permettra au gouvernement en cas de coup dur ou de critiques de faire sauter les fusibles ad hoc, fusibles qui seront recyclés cependant dans la Grande Administration Française que le Monde Entier Nous Envie, dans des placards dorés, très bien payés, avec bonne retraite, chauffeur, appartement de fonction et autres agréments de la République à la française), des Agences aux Ordres (et dans l'affaire du Mediator, elle ordonnait à tous les niveaux, Commission d'AMM, Commission Nationale de Pharmacovigilance, voire Commissions sénatoriales) et des fonctionnaires de terrain (de moins en moins nombreux) comme soutiers.

L'organigramme de la DGS est un poème : ICI.
Il est l'exact reflet de la politique pâtissière de notre Administration, un mille-feuilles indigeste conçu pour étouffer le citoyen, pour empêcher toute initiative et pour laisser le grand chef, aujourd'hui Jean-Yves Grall, prendre ses ordres auprès de Xavier Bertrand, dont on connaît l'immense compétence, la bonne foi inébranlable, la rigueur morale et le sens politique infaillible. N'exagérons quand même pas sur les compliments.
Je voulais également rappeler que l'Affaire Mediator ne parle jamais de Lucien Abenhaïm qui fut Directeur général de la Santé (ICI) et qui publia sur les fenfluoramines, épisode oublié qu'il faudra bien un jour aborder.
Revenons à l'organigramme. J'ai essayé pendant au moins dix bonnes minutes de trouver sur le site la déclaration personnelle d'intérêt (DPI) de Jean-Yves Grall, le Directeur Général de la Santé : rien. il y a une biographie sur le net mais pas de liens avec les liens. C'est un homme pur qui ne doit rien à personne.
Je prends au hasard dans l'organigramme de la DGS le nom de Dominique de Penanster (sous-directrice de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques), je fais une recherche sur le net, j'apprends qu'il s'agit d'une femme médecin et je ne trouve toujours pas de DPI. Je retrouve cependant une bio (ICI) qui montre qu'elle est issue d'un filière dite expert mongering (fabrication des experts : LA) : pas de publications dans des revues de qualité avant son entrée dans les sphères gouvernementales, publication ensuite dans des revues croupions de la DGS, et cetera.

Bon, je voulais aussi vous parler aussi de la façon dont l'Administration Française travaille dans le domaine de la Santé.
Elle projette.
Plan Alzheimer ou plan cancer ou plan H5N1.
  1. Appel à projet : des hauts fonctionnaires pondent un rapport épais et théorique qui est coupé de la réalité et inapplicable
  2. On met le paquet pour appliquer l'inapplicable
  3. On se rend compte que ce n'est pas appliqué.
  4. On repond un rapport pour expliquer pourquoi ce n'est pas appliqué.
  5. Ce n'est toujours pas applicable ou seulement en partie. La partie est mise en avant, bien qu'inopérationnelle, effet d'affichage, pour valoriser l'appel à projet initial et pour fustiger les incompétents de terrain
  6. L'IGAS, qui émane de la DGS, pond un rapport qui explique pourquoi cela n'a pas marché a) le projet initial était trop ambitieux ; b) les moyens alloués étaient insuffisants ; c) les dysfonctionnements ont été multiples.
  7. Le ministre dit qu'il va en tenir compte et il n'en tient pas compte puisque ce qui compte c'est l'effet d'annonce et l'effet d'affichage.
  8. Les soutiers se désespèrent et les membres dirigeants de l'administration ne sortent toujours pas de leur placard doré.
  9. Le ratio placardisés dorés / soutiers augmente encore : un effet indésirable est signalé, un service central est mobilisé pour enregistrer (très important en cas de procès) et le cas est enfoui ; une maltraitance sur personne âgée est signalée et de longues semaines se passent avant qu'on ne confirme que le dossier est enterré (mais enregistré)
Et ainsi, comme il y a eu les vaccinodromes, il y a désormais des alzheimerodromes et, qui plus est, des alzheimerodromes concurrents, les uns pilotés par le Conseil général, les autres par l'Etat... dans un joyeux bordel énarchique...

Je vous en reparlerai et vous constaterez que la Haute Administration Française est une coterie qui s'autoentretient, s'autoreproduit et s'autoloue pour le plus grand bien-être des politiques.

(Jean-Yves Grall - Directeur Général de la Santé)

mardi 13 septembre 2011

Brèves de comptoir : histoires de consultations 92, 93 et 94.


92 : Monsieur A, 48 ans, vient me voir pour son hypertension une fois tous les six mois. Grâce aux patchs et à deux ou trois entretiens Monsieur A est passé de 20 cigarettes à l'abstinence. La question rituelle en début de consultation : "Vous en êtes où avec la tabac ?" Monsieur A me regarde d'un air désolé : "J'ai recommencé." Je lui fais un sourire. "Complètement ? - Non, non, je fume trois cigarettes par jour depuis deux mois. - Cela me convient." Il me regarde avec étonnement. Bien qu'il ait vu une fois un cardiologue mantais il y a trois ans et que tout allait dans le meilleur des mondes hypertendus possibles, sa femme lui a conseillé d'aller voir un cardiologue à Paris, un cardiologue ethnique conseillé par la meilleure amie de sa femme dont le mari, et cetera... Et le cardiologue, qui ne m'a pas envoyé de lettre, je ne lui avais pas adressé de courrier, c'est le patient qui raconte, a prescrit du champix parce que le patient fumait trois cigarettes par jour, et le champix lui a collé de tels effets indésirables (nausées, bouffées de chaleur, excitation) qu'il a arrêté au bout de deux jours...

93 : Le jeune A, seize ans, 58 kilos, s'est fait une entorse de cheville au foot en prenant un coup violent de la part d'un de ses camarades de classe. Il arrive au cabinet accompagné de sa mère (qui vient elle-aussi pour une consultation) avec une attelle élastique, un certificat de l'hôpital où il a été conduit depuis le lycée, des radiographies de cheville (malgré les critères d'Ottawa) normales, et une demande de conseils avec, en outre, une demande de certificat. Je l'interroge, j'examine la cheville, et, incidemment, je vois l'ordonnance des urgences, signée par un senior :
1) Doliprane (paracétamol): un comprimé quatre fois par jour en cas de douleurs ; 2) Si douleurs : un comprimé d'ixprim (tramadol paracétamol) au coucher. Cela fait quand même beaucoup de paracétamol ! Dernier point : pas de déclaration d'accident à l'assurance scolaire.

94 : Madame A, 52 ans, adressée par l'hôpital de Mantes, est hospitalisée à l'Hôpital Européen Georges Pompidou pour un problème rénal à identifier. Je la revois après un mois d'hospitalisation et sans encore de courrier détaillé, avec le diagnostic de glomérulonéphrite extra membraneuse. La lecture de l'ordonnance de sortie est édifiante :
  1. Bactrim forte : un comprimé par jour pendant trente jours
  2. Lasilix special 500 : un comprimé le matin
  3. Inexium 20 : un par jour
  4. Tahor 40 : un comprimé le soir
  5. Acide folique ccd
  6. Novonorm 2 : un comprimé trois fois par jour
  7. Imovane : un comprimé le soir
  8. Previscan : trois quarts de comprimé par jour
  9. Ramipril 10 : un comprimé par jour
  10. Tareg 40 : un comprimé par jour
  11. Lansoyl
  12. Fosavance 70 / 2800 : un comprimé par semaine
L'histoire de la patiente est donc la suivante : elle entre à Pompidou pour un diagnostic, elle fait une embolie pulmonaire, on découvre une thrombose des artères rénales, elle fait une surinfection pulmonaire à pneumocoque et...
Quant à l'ordonnance, elle est gratinée...
Elle est intégralement rédigée en noms de marque, sauf pour le ramipril.
Elle comprend un antivitamine K, le previscan, qui n'est prescrit qu'en France.
Il y a l'association d'un sartan et d'un IEC (le double blocage).
On n'oublie pas de prévenir l'ostéoporose d ela brave dame qui vient de se farcir deux affections successives liées probablement à l'hospitalisation...

J'attends la suite.

(Image : Le Médecin malgré lui - Molière)

samedi 10 septembre 2011

Dé-prescrire chez les personnes âgées !


Dé-prescrire chez les personnes âgées sera probablement l'un des objectifs majeurs de ces prochaines années.
Mais pourquoi vous en parler aujourd'hui ?
Une mouche m'aurait-elle piqué ?
S'agit-il d'une révélation ?
Je préfère répondre : pourquoi ne pas commencer dès aujourd'hui ?

Certains médecins vertueux, que nous louons ici, pourraient nous dire en ricanant qu'il eût mieux valu commencer par ne pas prescrire à tort et à travers et depuis des années avant de lancer des initiatives aussi triviales que celles de réfléchir aux rapports bénéfices / risques des médicaments chez les personnes âgées, et de se poser en médecin vertueux, d'autant plus vertueux qu'on aurait vécu dans le péché auparavant...
Nous n'ignorons pas non plus dans quel environnement nous vivons : un système diagnostique et prescriptif qui combine à la fois la prescription symptomatique (un symptôme, un médicament), la prescription probabiliste (une escroquerie que l'on nous a fait avaler avec enthousiasme depuis des années, et je ne donnerai qu'un seul exemple, celui de l'antibiothérapie probabiliste à la française qui a fait des médecins français les plus gros prescripteurs d'Europe et des germes français les plus résistants de la même zone, au grand profit de la fréquentation des cabinets médicaux et des ventes de Big Pharma) et la prescription préventive instaurée en loi d'airain des bonnes pratiques.
Mais il faut bien qu'un jour ou l'autre les récriminations et les mauvaises pratiques cessent, malgré le système, nous n'entrerons pas ici dans les débats impossibles entre système et individu, qui fait qui et qui fait quoi, l'oeuf ou la poule, et nous prendrons également en compte le fait que les prescriptions superfétatoires, c'est toujours celles des autres, et que les médecins ont toujours de bonnes raisons de justifier les leurs...

Les raisons de dé-prescrire sont doubles : d'abord diminuer la iatrogénie, ensuite peser le bénéfice, ne parlons même pas du risque, de traiter des maladies chroniques chez les personnes âgées et très âgées.

Ce sujet m'a été suggéré par la lecture de deux articles (ben oui la lumière atteint même les ignorants)...
Cela ne veut pas dire que je n'attachais pas, jusqu'à là, d'importance au nombre de lignes de mes ordonnances, mais il faut bien un déclic.
Avouons aussi que le premier stimulus a été la lecture d'une étude cas-contrôle sur l'arrêt de l'aspirine prise à faible dose (75 - 300 mg) chez des Britanniques ayant des antécédents d'événements cardiovasculaires et dans le contexte de la médecine générale : ICI. L'étude disait, en substance, que l'arrêt de l'aspirine chez des personnes ayant des antécédents d'événements cardiovasculaires, entraînait, dans un délai moyen de 3,2 années, une augmentation du risque d'infarctus du myocarde non fatals par rapport à ceux qui n'arrêtaient pas. Je voulais en faire un post mais je ne savais pas trop comment l'aborder : comme une expression ultime du disease mongering (on commence par prescrire des médicaments inutiles et on continue en affirmant que les arrêter sera dangereux) ou comme un avertissement scientifiquement fondé... En tous les cas comme un coup d'arrêt à la dé-prescription. D'ici qu'une étude "montre" que l'arrêt des statines conduit à des événements coronariens fatals dans les 2,5 ans suivants...

Voici les deux articles si vous souhaitez les lire au lieu de subir ma prose réductrice :
Celui de Pierre Biron qui est paru sur le site de Pharmacritique (ICI) et qui permet de lire en lien son Dictionnaire Médicopharmaceutique fort roboratif : LA.
Celui de Ray Moynihan qui est paru sur le site du BMJ : LA.

Pour les paresseux ou pour les non abonnés au BMJ, voici ce que racontent les deux articles.

Pierre Biron (pharmacologue montréalais en retraite dont je n'ai pas trouvé la déclaration de liens d'intérêt sur le net) argumente contre la pharmaco-prévention dans les unités de soin de longue durée qu'il considère comme de l'acharnement. Il distingue la médecine symptomatique (i.e. les prescriptions aiguës) et la médecine préventive. Il donne les exemples suivants :
  1. Les statines : deux soucis : l'efficacité en prévention primaire est douteuse chez des femmes jeunes et a fortiori âgées ; que peut-on en attendre chez des patients très âgés, impotents, inconscients, déments ou dont l'espérance de vie est fortement compromise par des polypathologies ? Une étude menée chez les Veterans (LA) montre que 52 % des patients qui sont morts dans de telles unités recevaient des statines dans les 6 derniers mois de leur vie !
  2. L'aspirine en prévention primaire est assez peu efficace, c'est le moins que l'on puisse dire, même chez les patients diabétiques, contrairement aux recommandations de feu CAPI. La Société Canadienne de Cardiologie la déconseille, même chez les diabétiques : LA. Chez des personnes âgées et très âgées le risque hémorragique n'est pas négligeable non plus.
  3. Les bisphosphonates : guère de place en prévention primaire des fractures ; ne pas dépasser cinq ans d'utilisation ; arrêter de faire des ostéodensitométries inutiles.
  4. Le calcium : aucun intérêt.
  5. Les anti-hypertenseurs : pas de place pour les traitements intensifs des hypertensions bénignes ; pas de place pour un régime sans sel ; pas d'objectifs trop bas chez le diabétique
  6. Les hypoglycémiants : ne pas se fixer d'objectifs trop ambitieux en termes d'HbA1C (mais ne pas hésiter de passer à l'insuline) ; se limiter aux antidiabétiques oraux qui ont eu le temps d'être génériqués ; limiter le nombre de glycémies capillaires au minimum chez les patients équilibrés (4 à 6 dosages par année).
  7. Les psychotropes : des enquêtes montrent que grosso modo 40 % des prescriptions de benzodiazépines et / ou de psychotropes sont injustifiées (enquête américaine) et que l'espérance de vie des déments sous antipsychotiques est diminuée de moitié et que deux tiers des prescriptions seraient injustifiées (étude britannique) ; il serait raisonnable d'écrire un article entier sur l'usage des psychotropes et sur leur rôle dans la non formation des médecins et des personnels et sur le caractère répressif (camisole chimique) de ces prescriptions ; n'oublions pas non plus (docteurdu16) la structure "hôtelière" souvent peu adaptée de ces structures (en fréquentant pour des raisons familiales différents établissements j'ai pu me rendre compte de l'effroi que représentait l'arrivée du soir et de la nuit -- notamment quand les repas sont donnés à 18 heures trente -- pour les hospitalisés et combien la présence d'une gouvernante venant de l'hôtellerie traditionnelle et donnant quelques conseils d'organisation pourrait très simplement améliorer des situations incroyables en termes stricts d'hôtellerie...)
  8. Les anticholinestérasiques : Pierre Biron insiste sur la non appropriation des traitements, sur la nécessité d'en limiter la durée de prescription et sur les pseudo indications qui les déclenchent et, surtout, sur l'aveuglement des soignants qui ne savent pas leur attribuer des effets secondaires pourtant déjà répertoriés : cardiovasculaires notamment (bradycardies) mais aussi fractures...
On le voit, il y a du boulot. Une (petite) étude israélo-néozélandaise (ICI) incluant 70 patients d'âge moyen 82,8 ans et suivis 19 mois montre même que l'arrêt de traitement était indiqué selon les auteurs pour 311 molécules chez 64 patients. A la suite de cet arrêt 2 % des traitements furent réintroduits en raison du retour de la symptomatologie initiale, dans 81 % des cas l'arrêt fut définitif (en tenant compte du refus des patients et des échecs). Globalement, les auteurs prétendent que 88 % des patients rapportèrent une amélioration globale de leur santé. Cette étude est bien entendu critiquable car elle est ouverte et qu'elle est sujette à la subjectivité des auteurs et à leur volontarisme. Mais admettons qu'elle nous éclaire fortement sur les excès de prescription en général.

C'est cette étude que Ray Moynihan met lui aussi en exergue après avoir relaté le cas de la mère de de Johanna Trimble qui raconte son histoire ICI sous forme d'un diaporama (et je vous conseille d'aller y faire un tour, c'est un peu trop démonstratif mais c'est quand même très démonstratif et pertinent). Ce qui est tout à fait étonnant, c'est l'enchaînement des faits : Madame Fervid Trimble, 86 ans, vit dans une résidence pour personnes âgées, fait un épisode de diarrhée associé à des vertiges et se retrouve dans un établissement de soins situé non loin de son domicile. Sa famille se rend compte d'une rapide détérioration de son état après admission avec l'apparition d'étranges nouveaux symptômes qui n'existaient pas auparavant. Après discussion avec le staff médical (docteurdu16 : dans le temps il y avait une pancarte au pied du lit où il était possible de consulter et les traitements et les soins d'un seul coup d'oeil, c'est désormais fini, il faut trouver quelqu'un pour renseigner la famille...) la famille se rend compte que Fervid prend de nouveaux traitements dont un antalgique et un antidépresseur et que les médecins pensent qu'elle est dépressive. La famille ne le pense pas : elle est persuadée que Fervid regrette simplement son ancienne vie, qu'elle se sent en prison à l'hôpital et qu'elle est, tout simplement, triste. Mais ce n'est pas fini : un psychiatre évoque le diagnostic d'Alzheimer et veut lui prescrire un anticholinestérasique. La famille refuse et demande des vacances pour les médicaments. Au bout de quelques jours Fervid va mieux.
Johanna Trimble indique qu'il faut toujours se demander, quand votre mère change, "Est-ce que votre mère prend des médicaments ?" Elle ajoute, mais elle n'a pas de preuves, que l'épidémie d'Alzheimer et de démences en général est peut être liée à la sur prescription de médicaments et de psychotropes en général. J'ajouterai que les antalgiques à effets centraux, opioïdes et autres morphiniques, doivent eux-aussi être suspectés a priori.

Conclusion : Ces deux expériences institutionnelles sont bien entendu une charge contre l'institutionnalisation mais il ne faut pas s'arrêter là. Les patients qui entrent dans un établissement de soins ont aussi des médicaments en trop, les gériatres nous le font assez remarquer (et ils n'ont souvent pas tort), c'est pourquoi il faut entrer dans l'ère de la Dé-Prescription en médecine générale. Il faut aussi que les médecins traitants ne se désinvestissent pas du devenir de leurs patients une fois sortis de leur domicile ou de leur foyer logement non médicalisé. Il faut les suivre malgré l'arrogance des hospitaliers, malgré l'arrogance des gériatres, malgré l'arrogance des psychologues, malgré l'arrogance des personnels à l'égard des médecins traitants, malgré le manque de temps des médecins traitants... Il faut aussi que les familles fassent le forcing et ne se laissent pas avoir par la surmédicalisation et la surmédication. Vaste programme.

Nous y reviendrons souvent.

PS du 15 novembre 2012 : Sept raisons de trop prescrire : ICI

(Bernard le Bouyer de Fontenelle - 1657 - 1757 - par Louis Galloche)

jeudi 8 septembre 2011

Les mutuelles doivent-elles être complémentaires ou supplémentaires ?


L'annonce (ah, les effets d'annonce...) de la majoration de 3,5 à 7 % du taux de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) applicable aux contrats d'assurance maladie dits "responsables et solidaires" (voir ICI) qui sera discutée au Parlement ces jours ci, suscite l'ire des mutuelles et de l'opposition.
Rappelons quelques faits.
L'assurance maladie obligatoire est, en France, définie pour un périmètre de soins donné, "le panier de base", défini comme des soins fondamentaux auxquels tous les membres de la société doivent avoir accès sans restriction.
Ce qui n'est pas jugé fondamental : les médecines alternatives (sauf l'homéopathie et d'autres activités pratiqués par des médecins à l'intérieur de leur spécialité), le confort à l'hôpital et les dépassements d'honoraires.
L'obligation de l'assurance maladie a pour but théorique de mutualiser les risques à l'échelle de la population (on sait par exemple que 5 % des patients les plus "coûteux" représentent environ 50 % des dépenses globales). En France, son financement est fondé sur des prélèvements obligatoires qui peuvent être progressifs, proportionnels ou dégressifs.
Les assurances facultatives non "payées" par l'employeur ont des primes fixées de façon indépendante du revenu et qui tiennent compte de l'âge.
Ce qui signifie qu'une assurance facultative hors employeur représente 2,9 % de part de revenu chez les plus aisés contre 8 % pour les plus modestes.
Ces assurances facultatives participent pour 13,7 % de la totalité des dépenses de soins et pour 20,9 % des dépenses de l'ambulatoire.
Enfin, malgré l'existence de la CMU-C, 14,4 % des ménages à bas revenus ne disposent pas d'assurance facultative.
Alors que dans certains pays dotés d'un système d'assurance obligatoire les assurances facultatives se cantonnent à une fonction d'assurance supplémentaire, en France, ces mêmes assurances facultatives cumulent complément et supplément.
La discussion se situe ici : qu'est-ce que le "panier de base" ? faut-il transférer des dépenses obligatoires vers des dépenses facultatives ? faut-il séparer de façon nette complément et supplément ? faut-il rendre obligatoires les complémentaires en homogénéisant les primes des assurés quelles que soient leurs caractéristiques et, notamment, en décourageant la sélection des risques ?
J'ajouterai quelques commentaires personnels : certaines mutuelles favorisent les dépassements d'honoraires, ce qui peut être un bien pour les professionnels en secteur 2 mais ce qui décourage les patients qui ne peuvent payer ou dont les mutuelles ne veulent pas payer ; le panier de base doit-il être indexé sur les Recommandations de l'AFSSAPS ? sur les préconisations de Prescrire ? faut-il continuer de construire des hôpitaux où toutes les chambres ne sont pas individuelles ? faut-il continuer de rembourser certains actes "inutiles" ?
La mutualisation du risque est un fait majeur d'égalité entre les citoyens. On devrait faire des économies en faisant le forcing sur des choix de santé Publique et non sur des options individuelles, voire des opinions individuelles de patients et de médecins les confortant dans leurs options. Le système des ALD est probablement à réévaluer ou à sous-évaluer en fonction des données récentes de la science.
(Je me suis largement inspiré de l'article suivant : Dormont Brigitte. Le vieillissement ne fera pas exploser les dépenses de santé. Esprit. Juillet 2010 ; 7 : 93 - 106. Pour vous abonner à ESPRIT)
(Illustration : Saint-Antoine distribuant ses richesses aux pauvres. Circa 1430 - 1435. Sur le site : http://www.insecula.com/oeuvre/O0027468.html)

dimanche 4 septembre 2011

Art Pepper était-il un grand saxophoniste malade ?


Art Pepper est un saxophoniste dont je reconnais le phrasé à la première note. J'exagère un peu. Il m'est déjà arrivé de le confondre, en aveugle, avec Paul Desmond. Son style me fait flancher dans une sorte de sentimentalisme incontrôlable.
Il ne fait pas partie, cependant, de la première division des saxophonistes, cette fameuse première division qui est universelle, au delà des influences régionales et des appartenances stylistiques. Cette première division existe aussi pour le roman (Conrad, Kundera, Musil, Proust pour les contemporains car, dans la nuit des temps, il y en aurait d'autres) comme pour la musique (je ne cite rien : trop compliqué).
Disons, pour situer mon point de vue que la première division des saxophonistes comprend John Coltrane, Eric Dolphy, Charlie Parker ou Sonny Rollins, mais ce n'est pas exhaustif, et que dans la deuxième division il y a, par exemple, Paul Gonsalves ou Johnny Hodges et Cannonball Aderley... et Archie Shepp.
Bon, si je vous disais pourquoi j'ai écrit ce post...
Art Pepper est cité par Wikipedia en français : ICI. Quatorze lignes de biographie parmi lesquelles six sont consacrées à la drogue. Wikipedia en anglais est encore plus mince sur sa carrière mais il existe une discographie plus nourrie : ICI. Nous avons le droit à une phrase qui n'est pas piquée des hannetons : Remarkably, his substance abuse and legal travails did not affect the quality of his recordings, which maintained a high level of musicianship until his death from a brain hemorrhage.
Bon, je jette un oeil dans le Dictionnaire du Jazz (Laffont Bouquins) : une colonne un quart. C'est la description d'aller et de retours entre la musique la drogue et les "démêlés sentimentaux". Mais, heureusement, il y a le dernier paragraphe : "... Son exceptionnelle maîtrise du saxophone alto en fait l'un des plus remarquables stylistes de l'instrument. Totalement original, son jeu conjugue une exemplaire mise en place rythmique et une invention mélodique quasi illimitée... Car si, chez Art Pepper, la phrase chante, elle bouleverse aussi, tant l'émotion qui la sous-tend, pour contenue qu'elle demeure, y signe en permanencela fêlure d'un destin tragique mais sincère."
Art Pepper, on le sent, est un malade, pas un délinquant, un toxicomane, et il semble que cette maladie, selon les textes que j'ai lus, influe sur son style de jeu. Sainte-Beuve a encore gagné contre Proust ! Tout autant que la critique sociologique. Ou d'obédience freudienne.
J'aimais écouter Art Pepper avant même de savoir qu'il était toxicomane (je ne sais plus, voirICI, si écrire une telle chose, Art Pepper est toxicomane, est médicalement faux, sociologiquement idiot, moralement inapproprié, politiquement incorrect ; être à la mode est une entreprise impossible).
Il est probable, comme on dit, que s'il l'avait moins été, toxicomane, il aurait fait plus de tournées, enregistré plus d'albums, eu plus de célébrité.
Je n'ai pas lu, ni sur Wiki, ni ailleurs, que c'est grâce à la drogue que son style "inimitable" s'est affirmé. Nous l'avons échappé belle !
Il ne vous reste plus qu'à écouter Art Pepper : LA.
Toujours est-il que j'ai perçu son style "déchirant" ou "tragique" avant même de savoir qu'il en prenait, de la drogue.
Donc, je suis content : j'ai apprécié Art Pepper sans savoir qu'il était toxicomane et, maintenant que je le sais, cela ne change rien à mon jugement (juste un peu...).
Je me ballade sur le net pour en savoir plus et je tombe sur un passage de son livre "Straight Life" qu'il a écrit avec sa femme, Laurie. Cela me rappelle des trucs que j'ai déjà lus, sur la drogue, sur les jazzmen, sur la dèche à Los Angeles ou à San Francisco, sur John Fante, Kerouac et autres, beat generation ou pas, les jazzmen à la recherche de leur dope, de leur alcool, de leur voie, Charles Mingus ("Beneath the underdog"), Dizzy, Chet...
Je lis ce texte ICI et je me rends compte que j'avais des idées préconçues sur Art Pepper : quand on écrit des choses pareilles, il n'est pas possible, désolé Marcel (Proust), qu'il n'y ait pas d'influences entre les deux Moi, le Moi intime et le Moi de l'artiste, les "biographes" d'Art Pepper avaient donc raison de parler de sa toxicomanie, cela a dû le modifier...
Enfin, je n'en sais rien, après tout.
Il est aussi possible qu'Art Pepper, avec l'aide de sa femme, ait, aussi, voulu justifier sa carrière inaboutie, ses solos gâchés, ses engagements dans des boîtes minables, en écrivant ce livre : conscient de ses limites, il a alimenté sa propre légende.
J'aurais dû continuer d'écouter Art Pepper en dilettante, en instinctif, ne pas me mêler de lui en écrivant ce post, sûrement pour me mettre en avant, pour me faire passer pour un mélomane émérite, un médecin généraliste qui écoute du jazz ne peut pas être franchement mauvais... J'en sais désormais trop sur lui pour m'arrêter en si bon chemin.
Et je découvre aussi un auteur dont je n'avais jamais entendu parler et dont je n'avais donc jamais lu un quelconque écrit : Marc Villard, c'est sur son site que j'ai trouvé l'extrait .
Intéressant. Allez y jeter un oeil.
Je n'ai toujours pas résolu le problème de bien-pensance suivant : l'addiction est-elle une maladie quand il s'agit de l'héroïne, de l'alcool, mais pas du tabac. Ai-je bien compris ? Ou alors : tout dépend des bonnes intentions de chacun et des miennes en particulier. Suis-je obligé de donner des gages ?

jeudi 1 septembre 2011

Une aidante et ses représentations. Histoire de consultation 91.



Madame A, 53 ans, vient au cabinet pour et avec son mari qu'elle accompagne toujours en consultation. Ils donnent l'impression (dans mon cabinet) d'un couple fusionnel mais Monsieur A parle aussi. C'est un obsédé du cholestérol. Mais tel n'est pas notre sujet.
Nous parlons de la retraite et nous tenons une conversation dans le style café du commerce, ouvrons les poncifs, il faut la préparer (la retraite), c'est parfois difficile, la nécessité d'un projet, du social et de l'humanitaire ou de l'associatif, ici : du sport, les problèmes de couple au moment de la retraite, bla bla.
Là où cela devient intéressant c'est que, de fil en aiguille, Madame A, qui est auxiliaire de vie dans une résidence pour personnes âgées, me parle, sans en avoir l'air, des problèmes de l'autonomie perdue des personnes âgées dont elle s'occupe. Et son mari surenchérit : "Ma femme éprouve une véritable hantise de devenir comme elles." Elle : "Je ne supporterais pas d'en arriver à ce stade, je préférerais en finir."
Madame A ne s'occupe pas de personnes démentes, il n'y a pas d'Alzheimer, seulement des personnes vieillissantes qui ne pouvaient continuer de vivre chez elles toutes seules et qui ont dû choisir, forcées, un logement communautaire.
Ainsi, cette femme sportive qui semble vivre heureuse avec son mari, n'aime pas la représentation de la vieillesse qu'elle côtoie dans son travail. C'est un des grands problèmes de la notion d'autonomie véhiculée dès le plus jeune âge dans notre société. Les projets de vie sont des projets autonomes, dès la crèche et l'école maternelle.
J'essaie, dans le cadre de cette consultation de quinze minutes de médecine générale que nos énarques et autres hospitaliers considèrent comme de la merdre absolue, d'informer cette patiente (qui, je le souligne encore, accompagne son mari) sur quelques notions pratiques que toute aidante devrait avoir apprises avant de commencer à s'occuper de personnes âgées.
Je ne cite à aucun moment le mot anglais care. J'essaie, par des métaphores (subtiles), des exemples choisis, des allégories parlantes, de maïeutiser ma consultation (je ne suis pas psychiatre ou psychothérapeute ou membre actif d'un groupe Balint et je n'ai pas le temps de faire reformuler par la citoyenne assise en face de moi ce qu'elle devrait penser de ce que je ne lui ai pas dit), afin d'illustrer le concept d'autonomie (celui d'Emmanuel Kant et / ou celui de John Rawls et / ou celui de Lawrence Kohlberg) pour le critiquer, j'essaie d'introduire la notion de vulnérabilité selon Carol Gilligan et Joan Tronto, c'est à dire que les humains sont tous, à un moment ou à un autre, vulnérables et pas seulement les handicapés ou les malades ou les personnes âgées démentes ou non, et que, last but not least, la perte d'autonomie ou la vulnérablité ne nous rendent pas inhumains. Je donne deux exemples avant que la cloche du quart d'heure ne résonne dans la cabinet : la personne âgée qui bave en mangeant et qui a besoin d'une aide pour aller faire ses besoins, est, encore, un être humain pensant qui comprend, qui raisonne, qui analyse et qui se réjouit ; le bébé que nous avons été est un être humain, certes en devenir, mais qui est le prototype parfait de l'humain inautonome et totalement dépendant que nous aimons et, même, que nous pouvons adorer (Donald Winnicot n'a-t-il pas écrit : "Un bébé, ça n'existe pas." au sens "Un bébé, ça n'existe pas seul" ?). Je termine par un couplet, indispensable, sur la souffrance des aidants et le couple s'en va, que je reverrai avec le résultat du cholestérol, et, peut-être, des questions sur l'autonomie et la vulnérabilité. Et peut-être que j'introduirai la notion de care... Allez savoir.
Elle est pas belle, la médecine générale ?


(A gauche : Carol Gilligan - crédit photographique csgsnyu.org - A droite : Joan Tronto)