dimanche 31 octobre 2010

UNE JEUNE FEMME QUI NE SUPPORTE PAS LA VENTE - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 49


Mademoiselle A appelle le cabinet pendant la consultation du samedi. Il n'y a plus de place. La secrétaire me dit qu'elle est en larmes et que cela n'a pas l'air d'aller du tout. C'est une jeune femme fragile. Pas de tendances suicidaires, pas d'anxiété démesurée mais une grande fragilité émotionnelle. Je lui trouve une place "entre deux" et, coup de chance, un patient qui avait rendez-vous ne se présente pas. Nous serons moins à l'étroit.
Elle est en larmes dès qu'elle entre dans mon bureau.
"Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Je ne supporte plus mon boulot.
- Qu'est-ce que tu fais ? Je ne me rappelle plus.
- J'ai changé. Je travaille le week-end dans une agence immobilière.
- Ah oui, ta mère me l'avait dit..."
Mademoiselle A est en mastère 2 et, pour payer sa chambre qu'elle partage avec son copain, elle travaille en plus de ses études.
"Si tu m'expliquais...
- Je n'en peux plus. J'en ai assez.
- Tes patrons ne sont pas sympas ?
- Non, ils sont très gentils, au contraire, ils me traitent comme leur fille, mais je ne supporte pas l'ambiance...
- ...
- Ils ne pensent qu'à l'argent...
- ...
- Il faut constamment mentir aux clients... Je n'arrive pas à le faire...
- Mentir ?...
- On ment sur tout. Le prix, les défauts, les avantages...
- N'est-ce pas le principe du commerce ?
- Oui, mais, à ce point là...
- Tu n'es peut-être pas faite pour la vente...
- Non, ce n'est pas cela. Je ne suis pas faite pour raconter des histoires aux gens... et parfois des pauvres gens...
- Je vois..."
Nous nous mettons à parler de la seule solution évidente : elle doit trouver un autre job ailleurs. Elle en convient mais elle pleure toujours. Elle a besoin d'être rassurée, elle a besoin de certitudes, elle a besoin qu'on l'aime, elle a besoin de savoir que le monde (ce n'est pas moi qui interprète, c'est elle qui a formulé l'idée :) n'est pas aussi pourri que cela...
J'essaie de la rassurer et lui conseille, elle n'a pas eu besoin de moi, de se retourner vers les gens qu'elle aime, ses parents, ses soeurs, son frère. Elle l'a déjà fait. "Seule ma soeur me comprend..." Je ne dis rien mais je souris intérieurement car les relations entre les deux soeurs sont compliquées : une grande compétition entre elles et qui date de leur toute petite enfance ; elles ont un an d'écart.
"Cela va aller ?
- Je crois."
Je n'en crois rien. Cet emploi d'étudiante dans une agence immobilière n'est bien entendu qu'un prétexte à laisser éclater ses problèmes existentiels. Elle ne sait pas où elle est, comment elle doit se situer, quel rôle lui est attribué, et pourquoi les autres n'ont pas l'air de se poser de questions.
Elle n'a jamais eu de tendances suicidaires mais je me méfie de ces personnalités qui n'ont pas une très grande estime d'elles-mêmes. Elle est jolie, avenante, plutôt bonne élève et elle se sent moche, asociale et incapable de mener des études.
Elle repart comme elle était venue, les yeux rouges.
Sa mère me téléphone une heure après, un peu agressive : "Vous ne lui avez pas donné de médicaments ? - Non, pourquoi ? - Elle a besoin de quelque chose. Elle pleure encore. - Madame A, nous en avons discuté, je ne vais pas vous refaire la consultation au téléphone, nous sommes convenus qu'il n'était pas nécessaire de prendre des médicaments. Elle a pris rendez-vous pour samedi prochain. - Bon."

samedi 30 octobre 2010

VACCINS : S'ILS N'ONT PAS DE PAIN, QU'ILS SE FASSENT VACCINER !


On dit que Winston Churchill a dit : "La démocratie est le pire de tous les régimes à l'exception de tous les autres", ça, c'est la version répandue partout et même dans les sujets de philosophie, mais ce n'est pas tout à fait vrai : il aurait dit exactement selon Wikiquote: "Democracy is the worst form of government except all those other forms that have been tried from times to times", phrase prononcée à Londres le 11 novembre 1947 à la Chambre des Communes (The Official Report, House of Commons (5th Series), 11 November 1947, vol. 444, cc. 206–07). Ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Pourquoi vous dis-je cela ?
Parce que Big Pharma est la pire de toutes les industries à l'exception de toutes celles qui ont déjà été essayées.
Mais : Pourquoi serais-je opposé à Big Pharma ? Suis-je opposé aux constructeurs de voitures ? Suis-je opposé à la grande distribution ? Suis-je opposé au capitalisme ? Je suis simplement favorable à un contrôle de leurs activités.
Je n'ai rien contre Big Pharma en tant qu'industrie : je m'oppose à l'absence de contrôle ou à un contrôle orienté par des Agences Gouvernementales non indépendantes. C'est différent. Je voudrais que la séparation des pouvoirs s'exerce et que les gouvernements en charge de la politique de la ou des Nations, puisque nous sommes en Europe, définissent les politiques de Santé Publique pas seulement en fonction des intérêts financiers de Big Pharma mais, excusez de l'approximation, en fonction de l'intérêt général.
Est-ce un rêve ?
Cela dit, et puisque nous sommes loin du Grand Soir, et qu'imaginer Jean-Luc Mélenchon en Ministre de la Santé réaffirmant "On vaccine et on discute ensuite.", me donnerait envie de faire un pèlerinage auprès du Dalaï Lama pour déplaire à Margaret Chan, ci-devant Directrice de l'OMS nommée avec l'assentiment de son gouvernement chinois communiste démocratique, me donnerait une éruption incontrôlable, donc, il faudrait d'abord que la démocratie s'applique.
Que signifie la démocratie en l'espèce ?
Comme je l'ai dit, définir des politiques claires de Santé Publique (ce qui n'est pas une mince affaire, reconnaissons-le) en se fondant sur l'Etat de la Science, les expériences personnelles et les choix des patients / malades. Mais aussi, les impératifs industriels et politiques, ne soyons pas naïfs. Car définir des politiques, c'est faire des choix, parfois déchirants, tenant compte et des mentalités et des infrastructures.
Mais aussi disposer d'Agences gouvernementales indépendantes (je sais, l'oxymore est trop facile à détecter). Pourquoi des Agences gouvernementales indépendantes ? Pour que les décisions de ces Agences se fassent sur des critères scientifiques (sans prétendre que des choix politiques ne puissent interpréter ou prioriser ces critères, il ne faut pas faire de démagogie) et non en raison de considérations autres.
Nous pourrions, grâce à la démocratie, obtenir des Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) conformes à l'Etat de la Science et moins soumises au lobbying de Big Pharma à Saint-Denis (où plus rien ou presque ne se passe) mais surtout à Londres (EMEA) et à Bruxelles (Commission Européenne), nous pourrions, grâce à la démocratie, disposer de données incontestables publiées par une INVS libre et scientifiquement du niveau des autres Agences internationales afin de pouvoir fonder les politiques publiques, nous pourrions, toujours grâce à la démocratie, contrôler de façon indépendante la sécurité d'emploi des médicaments avec une Commission Nationale de Pharmacovigilance qui étudie les dossiers avant, pendant et après l'obtention de l'AMM et qui ne fonde pas toute sa politique sur le recueil spontané des événements indésirables mais sur des programmes prospectifs pré et post commercialisation, nous pourrions, toujours grâce et encore à la démocratie, initier des travaux prospectifs cliniques contrôlés en dehors de Big Pharma (sur des sujets de Santé Publique majeurs : HTA, diabète, et cetera...) qui tiennent compte non plus seulement de la nouveauté mais du coût efficience des thérapeutiques, nous pourrions, nous pourrions, nous pourrions, toujours grâce à la démocratie...

Pourquoi être parti si loin de mon propos initial, les déclarations célèbres de Marie-Antoinette sur la brioche, sinon pour aborder le paternalisme et les intimidations de Big Pharma dans le domaine vaccinal ?

Parce que je voudrais, à la lumière d'une réponse de Jabob Puliyel (JP) faite dans le Guardian (ici), qui m'a été signalée par Marc Girard (je recommande encore et une fois son blog), souligner combien Big Pharma mène un jeu pervers ici dans les pays développés et ailleurs dans les pays où mortalité infantile et état sanitaire ne sont pas dans les standards européens.

Big Pharma tente d'intimider les rares critiques de la politique vaccinale mondiale qui soient issus du sérail scientifique (ceux qui sont d'accord sont des experts rémunérés, les autres sont indépendants). Cette intimidation est vieille comme le monde et elle est articulée de cette façon : la mortalité infantile est très forte dans certains pays ; un certain nombre de solutions existent dont la solution vaccinale ; les enfants de ces pays sont insuffisamment vaccinés ; les critiques des vaccins augmentent la peur de ces populations à l'égard de la vaccination, ce qui en fait chuter le taux de couverture et ce qui augmente la mortalité. CQFD. Big Pharma a ses rédacteurs grand public, même pas fantômes, comme Vivienne Perry dans le Guardian (ici). Elle cite de nombreux exemples, fait des amalgames et la lecture de cet article montre à l'envi que se poser des questions sur les vaccins entraîne de nombreux morts chez les enfants du Tiers-Monde. C'est pourquoi la réponse de Jacob Puliyel est intéressante. Avant d'y venir, je voudrais quand même remettre les choses à l'endroit : Vivienne Perry prend comme argent comptant le fait que tous les vaccins sont efficaces et sans danger ; et que donc, les esprits critiques sont des illuminés qui font du mal ; Vivienne Perry pourrait sièger au Comité Technique des Vaccinations où l'idéologie est la même. Il suffirait, chère Vivienne Perry, pour que les esprits critiques ne soient pas sceptiques, et je m'adresse ici également aux experts vaccinaux français, que les études fussent convaincantes pour que nous fussions convaincus ; c'est tout simple.
Vivienne Perry écrit en substance ceci : "Le gouvernement indien, cédant à des lobbys menés par des partis d'opposition, a renoncé à inclure le vaccin anti Hib dans les programmes de vaccination en dépit du fait que l'OMS indique que 20 % des 400000 enfants qui meurent de pneumonie due à Hib chaque année dans le monde soient indiens." Et elle poursuit : "En Grande-Bretagne, grâce à ce vaccin, les méningites à Hib n'existent plus... La peur induite par les anti vaccins conduit à ce que les campagnes de vaccination échouent encore plus..."
JP lui répond : "En tant que membre du National Technical Advisory Group on Immunisation du gouvernement indien je peux affirmer que pour qu'un vaccin soit introduit dans le programme de vaccination il faut que son efficacité justifie ses coûts. Or, pour le vaccin anti Hib il a été montré en Asie que parmi ceux qui recevaient ce vaccin on ne constatait pas d'une réduction du nombre de pneumonies ou de méningites... En particulier un essai réalisé au Bengaladesh sur 68000 enfants de moins de deux ans n'a pas montré de réduction significative du nombre de décès par pneumonie par rapport au groupe contrôle. Malgré cela Global Alliance for Vaccines and Immunisation (Gavi) a affirmé l'intérêt du vaccin grâce à cet essai.... Une analyse dans le Lancet a montré que le vaccin Hib diminuait les cas de pneumonie de 4 cas pour 1000 enfants. Selon les calculs de Gavi le coût de la vaccination de 1000 enfants est de 12750 dollars. Traiter les 4 cas de pneumonie aurait coûté, en Inde, 1 dollar en utilisant le protocole de l'OMS. Quant aux souches de pneumonie prévalentes en Inde elles sont sensibles à des antibiotiques bon marché comme la pénicilline. Aux Etats-Unis l'utilisation du vaccin a entraîné l'apparition de nouvelles souches résistantes... Mais on pousse le vaccin en Afrique et en Asie... 50 % de la population indienne ne reçoit pas les six vaccins de base contre la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, la polio, la tuberculose et la rougeole... Pourquoi rajouter de nouveaux vaccins inefficaces quand les vaccinations de base ne sont pas assumées ?... Pas plus que le tout à l'égout..."
Dans un autre article non publié JP disait ceci, à l'instar de Marie-Antoinette, s'adressant au peuple / pauvre : "S'ils n'ont pas de pain, qu'ils se fassent vacciner !"

Big Pharma n'est pas une société secrète. Elle défend son cash-flow, ses marges, et elle infiltre et tente de corrompre. Ce qui est le plus étonnant, c'est combien les Jacob Puliyel ne sont pas plus nombreux pour affirmer des évidences : ne nous laissons pas intimider. Disons la vérité sur les études, n'ayons pas peur d'informer, ne craignons pas de "désespérer Billancourt", préférons avoir raison sans l'OMS que tort avec.

mardi 26 octobre 2010

ARRET CARDIAQUE EXTRA HOSPITALIER : CHEZ LES ADULTES MASSER SEULEMENT

Une méta-analyse parue dans le Lancet (et dont vous n'aurez un lien que vers l'abstract car l'article est payant si vous n'êtes pas abonné) me rappelle un mauvais souvenir et me soulage désormais.

D'abord, la méta-analyse américaine réalisée sous l'égide d'un organisme officiel, l' US National Institutes of Health, et d'une société savante, l'American Heart Association : Hüpfl M et al. Chest-compression-only versus standard cardiopulmonary resuscitation : a meta-analysis. Lancet.
Il s'agissait de comparer, en cas d'arrêt cardio-respiratoire survenant en dehors d'une structure médicale, le massage cardiaque simple (MCS) versus les mesures classiques, à savoir massage cardiaque et ventilation (MCV), réalisés par un tiers non médecin en prenant comme critère principal la survie à l'arrivée à l'hôpital.
Les auteurs ont d'abord réalisé une première méta-analyse qui rassemblait 3 essais où les patients étaient traités de façon randomisée selon les deux méthodes. Résultats : MCS est significativement supérieur au MCV (l'amélioration absolue de survie est de 2,4 % et le nombre nécessaire de malades à traiter est de 41 - voir ici pour cette notion).
Une deuxième méta-analyse a été réalisée à partir de 7 études de cohorte. Résultats : pas de différence entre les deux méthodes.
Les auteurs en concluent : pour ce qui pourrait constituer un arrêt cardiorespiratoire survenant hors d'un hôpital et chez un adulte les services d'urgence doivent conseiller et enseigner aux témoins de pratiquer un Massage Cardiaque Simple.

Ensuite, le mauvais souvenir. Depuis un bar situé en face de mon cabinet, un consommateur était venu me chercher pendant ma consultation pour ce qui pouvait ressembler à un arrêt cardio-respiratoire et, en attendant le SAMU, j'avais fait un massage cardiaque et avait ventilé en bouche à bouche un type puant l'alcool... Le SAMU était arrivé et le patient était mort peu après son arrivée à l'hôpital.
Pendant au moins trois jours j'avais eu un mauvais goût affreux dans la bouche et je m'étais dépêché d'acheter un ballon de ventilation tel que représenté par la photographie. Il est resté dans mon coffre de voitures et je ne m'en suis jamais reservi. Mes enfants rigolent encore en le voyant.

Enfin : le soulagement. Je ne ferai plus de bouche à bouche chez un adulte.

DEUX ENFANTS FEBRILES - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODES 47 ET 48


Je n'apprendrai à personne, et encore moins aux médecins, combien la médecine générale est une discipline incertaine (mais je ne nie pas non plus que la médecine de spécialité ou, parfois plus exactement, de deuxième intention, est tout aussi incertaine malgré, parfois, la débauche d'énergie et d'examens complémentaires qui n'aboutissent pas à grand chose), ces deux exemples en font foi.
Le même jour, un lundi après-midi, je reçois, à une heure d'intervalle, deux garçons de huit ans et demi, l'un de janvier, l'autre de mars, qui présentent à peu près le même tableau : un syndrome fébrile datant de 48 heures pour A et de la veille au soir pour B, que j'appellerai ORL avec toux et nez bouché. Je marque dans le carnet de santé "rhinopharyngite banale" dans les deux cas. Dans l'ordinateur je note deux ou trois trucs de plus : "RP sans gravité ; pas d'éruption ; auscultation pulmonaire normale ; nuque souple ; myringite a minima pour A.
Toutes choses égales par ailleurs, une expression difficile à assumer en médecine, il existe quand même des différences dont j'ai tenu compte dans mon examen : l'enfant A est familier des rhinopharyngites et il a déjà fait des convulsions fébriles à l'âge de 14 mois ; l'enfant B a fait une pneumopathie d'origine indéterminée (indéterminée parce que, malgré une radiographie et un avis pneumologique, il n'a jamais pu être tranché entre une image virale ou une image à mycoplasmes) à l'âge de 13 mois.
A et B : je ne prescris pas d'antibiotiques (malgré l'insistance de la maman de A) ; je prescris du paracétamol avec des instructions précises. A : désinfection rhinopharyngée.
A revient en consultation le troisième jour : la fièvre ne décroche pas de 38°5 ; il s'est mis à tousser franchement mais l'auscultation pulmonaire reste normale ; je le rééxamine et je ne retrouve rien de plus. Dans ces cas là : on s'interroge trop vite sur un foyer pulmonaire sans oublier une infection urinaire sans symptômes et sans compter tout ce qui peut entraîner une fièvre à 38°5 chez un enfant de huit ans et demi. Nous sommes mercredi, nous sommes au troisième jour, je demande à la man de me rappeler vendredi (je ne travaille pas le jeudi). La maman de B me téléphone : la fièvre est oscillante, 37°8 le matin et 38°5 le soir depuis quatre jours ; l'enfant supporte bien la fièvre, il tousse à peine, une légère modification de la voix... Je lui demande de me rappeler vendredi matin.
Vendredi matin. A : fièvre qui ne décroche pas (cela fait presque sept jours) ; je le revois et je ne retrouve rien de rien, peut-être un petit quelque chose (des ronchi dans le champ gauche et en cherchant bien) ; je prescris, en désespoir de cause, un thorax face + profil et fait pisser le gamin (la bandelette est négative). La maman de A réitère sa demande d'antibiotiques. Je redis non et elle me demande si, en raison des antécédents de A, il ne faudrait quand même pas prescrire du valium. Je redis non. B : la fièvre oscillante oscille toujours et je prescris un thorax face + profil (la maman vient chercher l'ordonnance au cabinet) . La maman de A arrive à décrocher un rendez-vous dans l'après-midi et elle me rappelle vers 17 heures pour me dire qu'il y a quelque chose. Elle arrive au cabinet, très détendue, sans aucune acrimonie, et les radiographies montrent un foyer systématisé du lobe supérieur du poumon droit. Je prescris des antibiotiques (deux) et de nouveaux clichés. A n'a pas fait de convulsions.
Samedi matin. Vers huit trente, la maman de B me téléphone et me dit : "B n'avait plus de fière hier soir et n'en a toujours pas ce matin. J'ai un rendez-vous de radios pour 11 heures 30, je maintiens ?" Je réfléchis : "Non. Vous annulez." La fièvre de B a duré six jours ; elle oscillait et devait être virale. Il semble qu'il n'ait pas refait de syndrome pulmonaire aigu.
Une semaine après. A est toujours apyrétique et les radiographies sont quasiment revenues à la normale. Réflexion de la maman de A : "La prochaine fois qu'il aura de la fièvre, j'espère que vous me le mettrez tout de suite sous antibiotiques..." Moi : "Je ne crois pas. Car la dose qu'il a reçue n'est pas la même que celle que j'aurais donnée à l'aveugle. C'est même le double pour la pénicilline." B est toujours apyrétique. La maman de B : "Vous avez bien fait de ne pas lui donner d'antibiotiques." "Les antibiotiques, c'est pas automatique.", je lâche finement.

Ces deux exemples sont là pour dire que la médecine générale demande un peu d'expérience et... d'humilité.

samedi 23 octobre 2010

FAUT-IL INTERDIRE LE PARACETAMOL 1000 EFFERVESCENT ?


Au moment où le diantalvic (dextropropoxyphène paracétamol - DPP) et ses génériques et le propofan (dextropropoxyphène paracétamol caféine - DPPc) et ses génériques vont disparaître du marché pharmaceutique français pour causes de décès en Grande-Bretagne (voir ce blog : ici), se pose la question des doses fortes de paracétamol.
Bien entendu nous ne pourrons pas nous fonder sur des données françaises de pharmacovigilance, la pharmacovigilance française étant, selon l'interprétation que l'on en donne, incapable, nulle et incompétente ou capable, efficace et compétente mais sous la coupe d'intérêts politiques et industriels la dépassant et la faisant taire.
La pharmacovigilance française est rassurante : des données anciennes (1990) indiquent 6 morts par an dues au paracétamol ! Cela dit, la pharmacovigilance française, toujours aussi vigilante, vient d'interdire les sirops en général chez les enfants de moins de 2 ans et l'on attend l'étude complète et les raisons vraies : plus de 6 morts par an ?
Nous n'avons d'ailleurs pas beaucoup plus d'informations sur le nombre de décès liés au DPP ou au DPPc en France : est-ce pour cela que l'AFSSAPS était si frileuse face à la demande européenne de retrait ? Ou alors était-ce en raison du chiffre d'affaires important généré par une firme française (Sanofi-Aventis) ? On pourrait dire également que la dose maximum autorisée de DPP ou de DPPc (six gélules ou comprimés par jour) représentait seulement 1,8 de paracétamol.
Donc, pas de données françaises, nous devons donc nous en tenir aux données étrangères, dont américaines. Pour tant il existe quelques sources françaises : un article soulignait en 2006 le danger du paracétamol chez le buveur excessif (ici) et venait à la suite d'un avertissement de la BIAM de novembre 2004 (). Mais il existe aussi des articles concernant des hépatites fulminantes à doses thérapeutiques : ici et (plus ancien).
La FDA, comme nous l'avons mentionné le 5 juillet 2009 sur ce blog, a émis des recommandations précises (ici) qui n'ont fait ni chaud ni froid aux autorités européennes et françaises ; la FDA est par ailleurs revenue en arrière sur ce sujet et en visant plus particulièrement les produits OTC (ici) en ne proposant plus de restrictions de dosages, même chez les consommateurs d'alcool mais en les prévenant du risque éventuel qu'ils pourraient courir... Que s'est-il passé ? Nous n'en savons rien. Le document de la FDA est cependant très explicite : le paracétamol entraîne 153 décès par an (dont une trentaine non intentionnels) et que c'est probablement la première cause (39 %) de défaillances hépatites aiguës aux Etats-unis (voir sur ce blog les données).
En pratique :
Je conseille (sur un avis de BL) de demander aux patients à qui l'on prescrit du paracétamol de leur faire préciser quelle est, selon eux, la dose maximale autorisée : vous aurez des surprises. Je conseille d'éviter la forme paracétamol 1000 effervescente (la vitesse d'absorption est deux fois plus rapide qu'avec les autres formes) qui, en outre, chez les hypertendus, contient beaucoup de sel.

Voir un développement plus récent (août 2011) sur ce blog : ICI.

jeudi 21 octobre 2010

PREVENAR DE 7 A 13 : LE MARKETING VACCINAL DANS TOUS SES ETATS

Vierge à l'enfant - Quentin METSYS : 1529.

(Il est désormais utile chaque fois que l'on parle de façon critique des vaccins de préciser ceci : je ne suis pas Témoin de Jehovah ; je ne suis pas un anti-vaccinaliste primaire ; je vaccine mes patients selon l'Etat de la Science ; je n'ai jamais déjeuné avec Daniel Floret --président du Comité Technique des Vaccinations... Cela me rappelle, et cela m'évoque toujours, mais ne me dites pas que je vais atteindre le point Godwin, que les anti-totalitaristes ont toujours besoin de se justifier politiquement (pour ne pas passer pour des agents du Grand Capital ou de la Réaction) devant des gens qui n'ont jamais émis la moindre protestation quand les camps régnaient en maître dans toute l'Europe.)

Mais revenons à notre sujet : le marketing mondial de Prevenar.

La saga Prevenar, telle qu'elle a été conçue dans les antres du marketing pfizerien est d'une simplicité redoutable : il y a des infections à pneumocoques ; il y a des enfants (petits, très petits) qui en meurent ; il est possible de proposer un vaccin ; il est commercialisé aux Etats-Unis contre des sérotypes états-uniens ; on va, comme le Coca-Cola ou le Mc Do, le commercialiser partout dans le monde même si les sérotypes qui tuent ne sont pas les mêmes, notamment en Europe.

Acte I : l'implantation.

A partir de là, un argumentaire destiné au Reste du monde est fabriqué.
Les laboratoires Pfizer adaptent le discours de visite médicale à la France, discours qui sera relayé par les grands pontes de l'infectiologie et de la vaccinologie et aussi pour les petits pontes loco-régionaux (mandarins et mandarines de province) à qui l'on promet notoriété, argent et publications.
L'argumentaire français est le suivant : le pneumocoque tue en France des petits enfants de moins de deux ans ; la seule arme efficace est le vaccin ; les chiffres américains montrent que l'utilisation du Prevenar a) a fait diminuer la mortalité et la morbidité chez les enfants de moins de deux ans aux Etats-Unis et b) n'a pas, à ce jour, entraîné l'émergence de nouvelles souches pathogènes induites par le vaccin ; pas d'effets indésirables connus (sinon les classiques rougeurs aux point d'injection et /ou quelques épisodes fébriles).

Au début, le vaccin n'est pas remboursé.
Cela fait partie de la stratégie marketing même si les financiers, ceux qui déjeunent (et dînent) avec les Autorités responsables du remboursement (Comité Economique du Médicament, président Noël Renaudin). Cela permet de faire monter la sauce : vous vous rendez compte, un vaccin qui est capable de sauver tant de vies et que l'on ne rembourse pas ; avec toute la gabegie ambiante ; c'est bien la France... Du coup, lors du remboursement, c'est la ruée médiatique, la ruée des leaders d'opinion qui ne déclarent jamais de liens d'intérêts, on en cause partout, à la télévision, à la radio, dans les journaux... Les PMI sont approvisionnées....

On vaccine tout le monde.

Docteurdu16 : Plusieurs points, soulignés en son temps par la revue Prescrire qui, comme chacun sait n'est pas en ligne pour les non abonnés, c'est pourquoi nous ne nous casserons pas la tête à fournir des liens sans objet, étaient en suspens (et d'ailleurs la consultation des données officielles de l'EPAR -- European Assessment Report-- est à cet égard éclairante) :
  1. Les sérotypes sont américains : L'EPAR indique (je traduis et je résume mais vous pouvez consulter page 7) : pour les infections invasives à pneumocoque les sérotypes américains contenus dans Prevenar 7 sont adaptés pour 80 à 89 % des infections invasives ; en Europe, et selon les pays européens, entre 54 et 84 % chez les enfants de moins de 2 ans.
  2. L'incidence des infections invasives à Pneumocoques est plus importante aux US qu'en Europe et l'efficacité du vaccin est probablement moindre dans le dernier cas.
  3. L'efficacité sur la prévention des otites moyennes aiguës (OMA) est plus que douteuse (une étude finlandaise contrôlée portant sur 1662 enfants (avec les 4 doses) montre outre une efficacité d'environ 54 - 57 %, une augmentation des OMA dues à des pneumocoques de sérotypes non vaccinaux de 33 % et, finalement, une réduction de 6 % des OMA quelle que soit l'étiologie).
  4. La tolérance est bonne selon toutes les sources. En allant faire un tour sur l'EPAR et, après expérience personnelle : Tout praticien qui fait des vaccins sait que Prevenar fait mal. Et on le sait d'autant mieux que le jour du vaccin, à 2, 3 et 4 mois on fait aussi un DTPCH mais sans H supplémentaire (c'est ma DCI à moi) sur l'autre membre et que, lui, ne fait pas mal. Or, que lit-on sur le site de l'EMEA au chapitre tolérance locale (section 4.8) No consistent increased local or systemic reactions within repeated doses were seen throughout the primary series or with the booster dose, the exceptions being a higher rate of transient tenderness (36.5 %) and tenderness that interfered with limb movement (18.5 %) were seen with the booster dose. et on lit aussi sur le chapitre tolérance générale : Reactogenicity was higher in children receiving whole cell pertussis vaccines concurrently. In a study, including 1,662 children, fever of 38 °C was reported in 41.2 % of children who received Prevenar simultaneously with DTP as compared to 27.9 % in the control group. Fever of > 39 °C was reported in 3.3 % of children compared to 1.2 % in the control group.
    Les grands et les petits pontes ne vaccinent plus...
Malgré tout cela la Revue Prescrire dans son numéro d'octobre 2001 conseille de prescrire.

Acte II : les adaptations.

Les chiffres de vente de Pfizer ne sont pas ceux qui ont été annoncés aux fonds de pension. Version académique : le taux de couverture vaccinale n'est pas suffisant.

Tout d'un coup, mais probablement avec des essais incluant un nombre suffisant de patients, je n'ai pas réussi à me les procurer, il devient impératif de changer le schéma vaccinal.
Ce qui était impératif hier, c'est à dire un schéma d'injections 2 mois, 3 mois, 4 mois, 12 mois, devient obsolète : il est possible de passer à un schéma "simplifié" 2, 4 et 12 mois, avec les mêmes preuves d'efficacité. Bien entendu.
En allant voir sur le site de l'EPAR (European Assessment Report) (ici) je lis ceci (je traduis) : "Prevenar a été administré à 2, 4, 6 et entre 12 et 15 mois." Pour les études. Pourquoi le schéma français initial était-il différent ? Parce que les vaccinologues français avaient d'autres données qu'ils ne nous ont pas communiquées ? Non, par praticité d'administration. On croit rêver.
Mais les vraies raisons avancées du changement du schéma vaccinal (qui n'était pas le vrai schéma des études) sont celles-ci : améliorer la couverture vaccinale en simplifiant le schéma, donc augmenter la rentabilité des fonds de pension.

La Revue Prescrire (numéro 307 de mai 2009) est convaincue. Et comme à l'accoutumée elle croit les yeux fermés les avis du Comité Technique des Vaccinations dans lequel siège un de ses collaborateurs, Jérôme Sclafer.


Acte III : Prevenar 13 lave plus blanc.

Arrivée en fanfare du nouveau Prevenar 13 valences !
Comme dirait Coluche, Prevenar 13 lave plus blanc !
Les objections d'hier deviennent les arguments d'aujourd'hui pour Big Pharma et pour ses affidés.

Mais ce qui est plus intéressant c'est
  1. La position de la HAS qui considère toujours que le vaccin anti pneumococcique est un progrès thérapeutique majeur, tout en précisant l'inefficacité de ce vaccin sur les OMA à pneumocoques contrairement à l'extension d'indication qui avait été octroyée pour les OMA récidivantes.
  2. La position de La Revue Prescrire qui, après avoir considéré que le Prevenar 7 "Apportait quelque chose" (octobre 2001), après avoir affirmé que l'extension d'indication aux OMA récidivantes à pneumocoque n'était pas justifiée, freine des quatre fers avec Prevenar 13 en affirmant que le vaccin est "Eventuellement utile" (octobre 2010) et en publiant un résumé de dossier (page 655 du numéro de septembre 2010 : Rev Prescrire 2010;30(323):655) qui n'est pas piqué des hannetons car il donne autant envie de prescrire le "nouveau" vaccin que de se faire inviter à déjeuner par Roselyne IMC Glaxo ! On apprend d'abord qu'aucune étude clinique n'a été faite pour étayer la pertinence de l'extension du nombre de sérotypes ; ensuite que, selon le réseau Epibac (dont La Revue Prescrire ne nous dit pas qu'il s'agit d'un groupe de travail de la glorieuse INVS qui s'est investie avec succès dans l'épidémiologie de la grippe et dont vous pourrez juger ici de la qualité de la publication) l'utilisation du vaccin à 7 valences dans la période de référence (1998 - 2002 à 2007) s'est accomagnée d'une diminution de 32 % des infections invasives à pneumocoques chez les enfants de moins de deux ans qui a été partiellement annulée (Docteurdu16 : on aimerait quand même des données plus précises !) par l'augmentation des méningites à sérotypes non contenus dans le vaccin ; au delà de 2 ans une légère (sic) augmentation des méningites (non précisée) a été observée... ; efficacité dans l'OMA : nulle.
  3. Prevenar 13 est déjà dans les PMI

Acte IV : Extension du domaine de la vaccination chez le grand enfant.

Les laboratoires Pfizer conseillent un rappel avec Prevenar 13 chez les grands enfants qui auraient déjà reçu Prevenar 7 à bonnes doses.


Acte V : Chez l'adulte !

Les laboratoires Pfizer, selon Pharmactua.com, voudraient obtenir l'autorisation de Prevenar 13 chez l'adulte, ce qui pourrait générer selon Martin MacKay, Président de la division Pharmatherapeutics de Pfizer, un bénéfice supplémentaire de 1,5 milliard de dollars.


Bon, en gros, que faut-il tirer de tout cela ? Est-il possible d'y voir clair ? Est-ce que les mensonges de Pfizer nous permettent de jeter le bébé avec l'eau du bain ? Pour l'instant, je prescris Prevenar et je vaccine. Est-ce que le rapport bénéfices risques est devenu négatif ? Comment résister ? Comment obtenir des données fiables et comment parier sur l'avenir ?

Si quelqu'un...









lundi 18 octobre 2010

UN BON MEDECIN QUI NE CONNAIT PAS LES STATISTIQUES : PORTRAITS MEDICAUX (2)

Benjamin Disraëli (1804 - 1881)
Il y a trois sortes de mensonges : les gros mensonges, les mensonges sacrés et les statistiques.
Lies, damned lies, and statistics.

Le docteur B est un bon médecin généraliste qui fait correctement son travail. Il ne reçoit que sur rendez-vous et ne fait jamais, sauf urgence du siècle, de dérogation. Il lui arrive de faire des visites, environ cinq ou six par semaine, mais il s'agit de visites programmées chez des personnes âgées ou invalides qui ne peuvent se déplacer (que chez leur spécialiste). Il est un bon médecin généraliste qui ne se contente pas de faire de la bobologie et de croire qu'il n'en fait pas. Il est dévoué avec ses patients, n'hésita pas à passer du temps quand il faut passer du temps, il fait le suivi des nourrissons, il fait le suivi des femmes enceintes, il débarrasse les patients de leurs verrues, il fait de la petite chirurgie, il infiltre les épaules, les genoux, les canaux carpiens, les épicondyles, il lui arrive même de faire des électrocardiogrammes, il fait des frottis vaginaux. Compte tenu du prix de la consultation, de son appartenance au secteur I sans dépassement d'honoraires, on peut dire qu'il donne de sa personne et qu'il n'est pas avare de son temps. Il se rend dans des séances de formation médicale continue sponsorisée pour les repas par l'industrie pharmaceutique, il reçoit un laboratoire pharmaceutique par semaine à son cabinet et il lui arrive de déjeuner à l'oeil dans un restaurant de sa ville invité par une charmante déléguée médicale. L'observation de ses prescriptions indique qu'il prescrit peu d'antibiotiques dans les affections virales, qu'il prescrit modérément dans nombre de maladies, que le nombre de lignes sur les ordonnances de personnes âgées est un peu au dessus de la moyenne nationale mais que cela n'a rien d'exceptionnel, il prescrit des arrêts de travail avec mesure et tact compte tenu de la zone dans laquelle il exerce, il ne prend plus de gardes depuis des lustres parce qu'il trouve que ses journées sont assez remplies comme cela, il adresse les patients en loco-régional parce qu'il trouve que les spécialistes de sa ville sont compétents, il s'informe en lisant la presse sponsorisée... Que dire de plus ? C'est un bon médecin au sens classique du terme : il écoute, il entend, il ne fait pas que de la médecine, il fait aussi du social, mais comment pourrait-il faire autrement dans le type de ville où il exerce ?
Mais il y a un hic : il croit beaucoup trop en la médecine.
Je ne sais pas trop comment exprimer cela.
En gros, pour simplifier, allons, simplifions, il pense que les progrès enregistrés dans les pays industrialisés comme la baisse de la mortalité infantile ou l'augmentation de l'espérance de vie sont liés exclusivement à l'action de la médecine et des médecins.
Il ne croit pas aux paradoxes tels que 'La mortalité cardiovasculaire a diminué avant l'arrivée des anti hypertenseurs efficaces' ou 'La mortalité par rhumatisme articulaire aigu a diminué avant l'arrivée de la pénicilline' ; il ne doute jamais de l'efficacité des vaccins, quelle que soit le domaine. Toute attitude dubitative sur le rôle imparfait de la médecine lui paraît ressortir de la théorie du complot.
Mais surtout : il est persuadé que la médecine préventive peut presque tout.
Non seulement il en est persuadé mais il y croit et l'applique dans sa vie de tous les jours : il donne des conseils hygiéno-diététiques aux jeunes mamans, aux diabétiques, aux hypertendus, aux dyslipidémiques, il déconseille l'excès d'alcool et le tabagisme et, pourtant, si on le traitait d'hygiéniste, il ne saurait même pas de quoi on pourrait l'accuser.
Il est deux choses qu'il ne comprend absolument pas : que le dosage du PSA puisse ne pas être efficace ; que le dépistage du cancer du sein puisse entraîner des désavantages.
Le docteur B se fie à son bon sens : il faut tout faire pour sauver une vie ! Et d'ailleurs, est-ce tout faire que de prescrire un PSA ? Est-ce tout faire que de prescrire une simple mammographie ?
Vous aurez beau lui donner tous les arguments du monde, lui fournir toutes les preuves contraires, il ne se fiera qu'à son sens clinique et au sourire d'une vie sauvée.
Mais alors, vous aurez tout faux si vous lui sortez des statistiques. Les statistiques l'emmerdent. Les études cliniques avec des statistiques, des petits p, des risques relatifs, tout cela l'emmerde. Les tests cliniques avec des spécificités, des sensibilités, des valeurs prédictives positives, des valeurs prédictives négatives, l'emmerdent.
Il n'a jamais lu de sa vie une étude clinique dans le texte. Il n'a jamais cru que les études cliniques pouvaient perturber sa vision personnelle de la réalité clinique.
Il ne comprend rien aux statistiques. Un point c'est tout. Et bien qu'il ne connaisse pas la phrase de Disraëli ou la phrase que l'on a attribuée à Disraëli, n'est-ce pas Mark Twain qui l'a popularisée ?, le fait de lui apprendre contentera son sentiment épidermique contre les stats.
Le docteur B croit trop en la médecine et à ses pouvoirs magiques qu'il ne considère pas comme magiques mais comme logiques.
Ce médecin est un sentimental : il croit à la sentimentalité du diagnostic qui sauve une vie.
Ce médecin, le bon docteur B, qui, on l'a vu, est un bon médecin praticien, veut faire le bonheur des malades malgré eux. Ou alors : en niant tout attitude paternaliste, il dira qu'on ne peut pas faire d'omelettes sans casser des oeufs et que pour sauver une vie il est possible soit de rendre un homme non malade impuissant, soit d'amputer le sein d'une femme non cancéreuse...
Comme il ne comprend pas les statistiques il ne sait pas que ce sont plusieurs hommes qui seront rendus impuissants par le sauvetage d'une vie (48 exactement) (voir ici) et plusieurs femmes qui seront opérées à tort pour le sauvetage d'une autre vie (10 femmes exactement) (voir ici).
Le docteur B est plus fort que les statistiques qui se trompent forcément et qui ne peuvent s'opposer au fait que sauver une vie est, finalement, l'objectif final de la médecine.
On rappelle que les statistiques actuelles (au dix-huit octobre 2010) déconseillent le dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA et indiquent que le dépistage du cancer du sein entre 50 et 75 ans par la pratique d'une mammographie tous les deux ans est loin d'avoir un rapport bénéfices / risques favorable.