vendredi 15 février 2008

La médecine dans un seul pays.

L'affaire de l'hormone de croissance illustre un certain nombre de travers de la médecine française : son incapacité à ne pas se voir comme la meilleure du monde, la suffisance de ses élites, son chauvinisme et son refus de la réalité.
Car c'est le centralisme étatique à la française (tous les malades devaient passer par un organisme unique, France-Hypophyse) qui a conduit à refuser les hormones synthétiques fabriquées par trois firmes étrangères.
Car c'est l'aveuglement scientifique des mandarins (ou leur cupidité) qui leur a fait refuser de prendre en compte les conseils de prudence du professeur Montagnier (qui n'était pas encore le co-découvreur du virus du sida).
Car c'est l'impunité dont jouissent les grandes institutions comme, ici, l'Institut Pasteur et la Pharmacie Centrale des Hôpitaux, qui est à l'origine du réveil tardif des Autorités.
Car c'est le chauvinisme qui a fait que l'on a écarté et les techniques non françaises et les études non françaises prônant l'utilisation des hormones de synthèse.
Car c'est le refus de la réalité qui fait qu'encore maintenant les dénommés Job et Dray affirment qu'à l'époque on ne pouvait pas se douter des dangers des hormones prélevées avec des tringles à rideaux sur des cadavres sdf.

La médecine dans un seul pays, c'est aussi, pour élargir mes propos, rappeler que la suffisance à la française s'est déjà exercée dans de nombreux autres domaines (en France, ce n'est pas pareil) : l'affaire du distylbène que les gynécologues français continuaient de prescrire malgré les risques connus dans d'autres pays ; le Traitement Hormonal Substitutif de la ménopause qui n'aurait pas été dangereux pour les femmes, seulement en France ; l'attente d'un test français pour tester les serums des donneurs de sang alors que des tests étrangers existaient déjà ; les avis rassurants de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de Santé quelques jours avant le retrait mondial du marché du rofecoxib ; le nuage de Tchernobyl qui contourne la France ; les lignes de coke qui épargnaient la France avant que cela ne devienne un problème de santé publique...

La médecine dans un seul pays c'est se refermer sur soi-même en croyant qu'on est les meilleurs. Le réveil est toujours violent.

jeudi 14 février 2008

Quinolones : Quand les MG dérapent avec l'aide de l'industrie

Voici, chers amis, le dernier message de la DGS.
Le 12/02/2008 - Réf : 2008-inf-3 Objet du Message "Recrudescence des infections sexuellement transmissibles (IST) à gonocoques"

Une recrudescence générale des IST est signalée par l'Institut de veille sanitaire dans son dernier bulletin épidémiologique du 5 février 2008. Le fait marquant est la poursuite de la progression des infections à gonocoques et de leur résistance à la ciprofloxacine : près d'une souche sur deux est désormais résistante à cet antibiotique ce qui peut favoriser leur diffusion en cas de traitement inadapté.La Direction générale de la santé rappelle les recommandations émises en septembre 2005 par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sur la prise en charge de ces pathologies et en particulier sur la nécessité de faire pratiquer un prélèvement bactériologique, de traiter en première intention par la ceftriaxone injectable et en deuxième intention par le céfixime per os en prise unique.Vous pouvez consulter ces informations sur :http://agmed.sante.gouv.fr/pdf/10/mp140905.pdf

Commentaires :

Pourquoi les quinolones de deuxième génération ont-elles été largement diffusées en ville ?
Sous la conjonction de deux lobbys : celui de l'industrie fabricant les quinolones et celui des MG (pourquoi ce qui est prescrit à l'hôpital ne pourrait-il pas l'être en ville ? Non mais !)
L'idée originelle était que les pneumopathies communautaires et les pyélonéphrites (et, accessoirement les prostatites -- surtout non documentées) ne devaient pas transiter par l'hôpital (idée généreuse et, théoriquement, gagnant / gagnant pour les malades).

Il s'est passé que les pneumopathies communautaires comme les pyélonéphrites sont rares et que les chiffres de vente des dites quinolones ont cependant explosé.
Parce que, comme le supputaient et le désiraient les laboratoires (qui ont mis le paquet en visite médicale), les quinolones 2 ont été prescrites larga manu dans les bronchites et les cystites.

Contrairement à toutes les recommandations, officielles et prescririennes (La Revue Prescrire).


Moralité : on peut faire confiance aux labos et aux MG (fussent-ils spécialistes en médecine générale) pour faire que les MG se comportent en "grands", c'est à dire prescrivent comme à l'hôpital, et confondent les infections communautaires virales et les infections nosocomiales bactériennes dans le grand barnum de la médecine probabiliste...

Amitiés non BYGPHARMAIENNES.

JCGRANGEDOCTEURDU16

dimanche 10 février 2008

C dans l'air : pourquoi Robert Cohen ment-il ?

Lors de l'émission du vendredi 8 février de C dans l'air consacrée à la vaccination contre l'hépatite B et à l'hormone de croissance
http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_article=249
je me suis fait la réflexion suivante : puisque les tenants de la vaccination contre l'hépatite B ont tous les éléments en main pour confondre leurs détracteurs (et je souligne ici que je n'ai pas encore fait mon choix : j'explore), pourquoi Robert Cohen (RC) a-t-il menti de façon aussi effrontée ?
Voici ses mensonges :

1) RC a dit qu'il existait onze études contre une (l'étude Hernan) qui démontraient que le vaccin contre l'hépatite B n'entraînaient pas de SEP post vaccination.
En réalité il y a six études publiées, dont l'étude Hernan, qui ont étudié ce fait particulier.

2) RC a dit que l'étude Hernan était, parmi les douze études (je ne peux que continuer à citer son premier mensonge), l'étude qui comportait le moins de malades. C'est encore faux.

Ces études sont les seules à êtres des essais cas / témoins dûment publiées prenant et portant effectivement sur le risque neurologique chez des sujets sains au moment de leur vaccination.

Elles sont présentées : auteur (année) n cas / n témoins / n total.
Touzé et al (2000) 121 / 121 / 242 ; Touzé et al (2002) 236 / 355 / 591 ; Ascherio et al (2001) 192 / 645 / 837 ; de Stefano et al (2003) 440 / 950 / 1390 ; Hernan et al (2004) 163 / 1600 / 1763 ; Mikaelof et al (2007) 143 / 1122 / 1265

3) RC, pour faire le malin, a dit que les Français étaient la risée des autres pays en raison de nos réserves sur la vaccination : il oublie de dire que l'étude Hernan est une étude américaine faite sur des cas / témoins anglais. Il a encore menti.

Hernan M, Jick S, Olek M, Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis. A prospective study. Neurology 2004; 63:838-42.

4) RC a aussi menti sur ses conflits d'intérêts lors de l'émission. Contre l'évidence. En affirmant par ailleurs que ces conflits d'intérêts pouvaient ne pas le disqualifier. Ca peut effectivement se discuter.

En conclusion, je voudrais, au delà des polémiques que mes propos peuvent susciter, que chacun s'attachât à déméler le vrai du faux dans le cas des affirmations de RC et, au fond, des raisons qui l'ont poussé à mentir.
A suivre.

Références :
Ascherio A, Zhang SM, Hernan MA et al. Hepatitis B vaccination and the risk of multiple sclerosis. N Engl J Med 2001; 344(5):327-32.
DeStefano F, Verstraeten T, Jackson LA et al. Vaccinations and risk of central nervous system demyelinating diseases in adults. Arch Neurol 2003; 60(4):504-9.
Hernan M, Jick S, Olek M, Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis. A prospective study. Neurology 2004; 63:838-42.
Mikaeloff Y, Caridade G, Rossier M et al. Hepatitis B vaccination and the risk of childhood-onset multiple sclerosis. Arch Pediatr Adolesc Med 2007b; 161:1176-82.
Touzé E, Fourrier A, Rue-Fenouche C et al. Hepatitis B vaccination and first central nervous system demyelinating event: a case control study. Neuroepidemiology 2002; 21:180-6.
Touzé E, Gout O, Verdier-Taillefer MH, Lyon-Caen O, Alperovitch A. [The first episode of central nervous system demyelinization and hepatitis B virus vaccination]. [French]. Rev Neurol (Paris) 2000; 156(3):242-6.

dimanche 3 février 2008

Les désillusions de l'accouchement à domicile

Rappelez-vous dans les années quatre-vingt les controverses sur les accouchements dans l'eau (pour ne pas stresser le foetus à son arrivée dans un monde supposé "hostile") prônés par les obstétriciens de Pithiviers.
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C'était le combat de la médecine "écolo" contre la médecine académique, le combat des "naturalistes" contre les scientifiques, le combat des protecteurs des droits inaliénables du foetus contre les sans coeurs de la Faculté (i.e. les réactionnaires), le combat des freudo-kleino-freudo-doltoïens contre les debray-ritzeniens...
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Où en est-on aujourd'hui ?
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Tony Delamothe rapporte, dans un éditorial du British Medical Journal, à propos des accouchements à domicile, le fleuron de l'obstétrique néerlandaise, que quelque chose de non prévisible est arrivé : les Pays-Bas ont maintenant le deuxième taux le plus élevé d'Europe de morts périnatales. La moitié des femmes qui ont choisi un accouchement à domicile ont dû être transférées à l'hôpital en raison de la survenue de problèmes durant le travail. L'accouchement à l'hôpital entraîne une augmentation de risques de mort in utero et néonatales d'environ un quart !
10.1136/bmj.39472.657384.DB

S'agit-il d'une conséquence extrême du freudisme jusqu'au-bout-iste ou des limites de la démédicalisation de la médecine ?

jeudi 31 janvier 2008

Ezetimibe : une enquête du Congrès étatsunien oblige à publier une étude négative

Merck et Shering-Plough, les fabricants de l'ezetimibe, sont obligés de publier, après intervention du Congrès étatsunien, un essai négatif pour leur molécule : 356 patients traités par ezetimibe (10 mg) + simvastatine (80 mg) ne se "portaient" pas mieux que 360 traités par simvastatine seule.
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L'essai ENHANCE, puisque c'est de lui dont il s'agit, il faut le dire pour ses concepteurs, était un essai à la con : il s'agissait de mesurer en critère principal (primary end-point) l'épaisseur de l'intima de la carotide interne ! Essai à la con pour deux raisons, l'une anecdotique, l'autre fondamentale : 1) Pour l'anecdote, les essais sur l'épaisseur de l'intima ont toujours été des histoires sans intérêt où tous les labos se sont cassés les dents et, quand ils ne se sont pas plantés, les résultats étaient éminemment discutables. EN L'OCCURRENCE LE GROUPE EZETIMIBE S'EST AGGRAVE. 2) Pour le fond : prendre comme critère principal des critères de substitution (surrogate end-points), c'est comme faire des études sur l'HTA en ne prenant que la baisse de la PA comme facteur essentiel d'efficacité. Il y a belle lurette que tout le monde sait que cela ne sert à rien, qu'il n'y a pas de rapports entre l'efficacité antihypertensive d'une molécule et la morbi-mortalité. Pour le cholesterol c'est kif kif.
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Les deux firmes ont eu beau publier des pleines pages de pub dans le Wall Street Journal et le New York Times, l'étude était à la con et je leur conseille de virer les concepteurs, chefs de projet médicaux et marketeurs et de les envoyer faire de la visite médicale en présentant des études à la con à des médecins qui auront lu l'article.
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JCG : Rappelons ici que les statines n'ont aucun intérêt en prévention primaire chez les femmes et chez les hommes de plus de 65 ans (Lancet 2007;369:1078). BIEN QUE LES STATINES FASSENT BAISSER LE CHOLESTEROL (critère de substitution).
JCG : MEME CHEZ LES HOMMES A HAUT RISQUE CARDIOVASCULAIRE IL FAUT TRAITER 238 PATIENTS PAR AN POUR EVITER UN INFARCTUS DU MYOCARDE.

Rosiglitazone : GSK a été prévenu avant publication

Des informations indiquent qu'un relecteur de la méta-analyse de Nissen (Steven Haffner du New England Journal of medicine) a communiqué le texte à Glaxo dix-sept jours avant publication dans le New England Journal of Medicine. C'est un article de la revue Nature qui le rapporte : Vastag B. Reviewer leaked Avandia study to drug firm. Nature 2008; 451:509. Steven Haffner, le fuiteur, a révélé qu'il touchait de l'argent de GSK depuis des années mais, s'il n'a pas voulu en révéler la somme, elle a été évaluée par Charles Grassley, un sénateur républicain de l'Indiana, à 75 000 dollars.
Rappel des faits : la publication de la méta-analyse de Nissen, suggérant une augmentation du risque d'Infarctus du Myocarde sous rosiglitazone,avait conduit à une chute boursière de GSK et à des avertissements émis par la FDA et par d'autres autorités de régulation sur l'utilisation de la molécule. Le fait que GSK ait été prévenu auparavant a permis à la firme de préparer sa défense et à lever l'anonymat d'une de ses études qui montrait le contraire.
Les propos du sénateur Grassley sont d'une étonnante vigueur : il dit avoir déjà montré, et cela fait des années qu'il mène des investigations dans le domaine pharmaceutique, que la FDA a des relations très proches de l'industrie pharmaceutique, que l'industrie pharmaceutique donne énormément d'argent pour influencer la prescription des médecins et qu'il peut désormais affirmer que des scientifiques sont victimes d'intimidation pour ne pas parler dans les congrès et que même les revues avec comités de lecture (peer-review) sont affectées par ces problèmes. [Statement of Senator Charles E Grassley before the United States Senate. January 30, 2008. Available at: http://www.senate.gov/~finance/press/Gpress/2008/prg013008.pdf.]


JCG : ne prescrivez pas de rosiglitazone et évitez de prescrire des produits GSK.

dimanche 23 décembre 2007

Avortement en France : rien de nouveau

Les laboratoires commercialisant Norlevo ® font une campagne d’information insistant sur le nombre élevé d’IVG en France (environ 200 000) et rappelant que les médecins n’en font pas assez pour informer leurs patientes sur les conduites à tenir en cas d’oubli. Certains peuvent y voir une offensive de Byg Pharma pour vendre de la contraception d’urgence mais j’y vois, moi, une formidable démission des médecins et de la société française concernant la prévention de l’IVG. J’ai bien dit : la prévention de l’IVG ! Car l’IVG, de quelque point de vue que l’on se place est un formidable gâchis ! Nous sommes pollués par deux idéologies contradictoires qui aboutissent aux mêmes effets : d’une part, les moralistes de la droite religieuse qui refusent l’information sexuelle, le développement de la contraception et stigmatisent l’avortement ; d’autre part, les moralistes de la gauche ultra féministe qui, en clamant que le corps des femmes n’appartient qu’aux femmes, que l’avortement est un droit, ont oublié la contraception en route. Car l’IVG est, de toute manière, un échec : échec de l’information sexuelle dès le plus jeune âge, échec de la contraception, échec de la pilule du lendemain chez les femmes qui prennent déjà la pilule (et qui l’oublient). N’oublions pas qu’il n’y a pas non plus que les conditions sociales qui mènent à l’avortement ; il y a aussi le désir de grossesse qui est différent du désir d’élever un enfant qui est différent du désir de pouvoir être enceinte qui est différent de celui de se sentir enceinte… Il y a aussi les conneries féministes ( ?) de la contraception masculine (l’idée que l’homme partagerait avec la femme le fardeau de la contraception) alors que la contraception féminine est, pour le coup la CONQUETE essentielle de l’indépendance et du choix absolu de la femme d’être ou de ne pas être enceinte. Quant à la responsabilité des médecins, venons-y : combien de médecins, en prescrivant pour la première fois la pilule, en prolongeant la prescription, en prescrivant un bilan lipidique, un frottis ou en palpant les seins rappellent des objectifs pédagogiques simples comme « Que faire en cas d’oubli ? Quand utiliser un préservatif sous pilule ? Quand prendre la pilule du lendemain ? » Combien de médecins continuent de prescrire des pilules non remboursées à base, notamment, de desogestrel, alors qu’il n’existe aucun intérêt en terme de contraception et des effets délétères en terme d’effets indésirables ? Pourquoi sont-ce les mieux informés (gynécologues médicaux et / ou obstétriciens) qui sont les principaux prescripteurs de ces pilules ? Mais, à leur décharge, ils avaient aussi été les prescripteurs de distilbène, de THS, alors qu’il leur suffisait d’ouvrir les yeux pour connaître les « risques » de ces produits.