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samedi 21 mai 2011

La Visite Académique se trompe de cible : qu'elle s'intéresse aux spécialistes hospitaliers !

Figure due à François Pesty

(Je reçois la lettre d'information d'Hugues Raybaud (ici). J'y lis une accroche sur un article de François Pesty qui est, d'après les informations de son site, consultant ITG (???). Sur le site d'Hugues Raybaud il est possible de consulter un fichier Power Point mais il est aussi possible de lire l'article publié sur son site (ici). Je me sers d'un commentaire (anonyme) de CMT sur ce blog qui conseille de lire un article (ici) et je rédige ce post :)

François Pesty écrit pour vendre une idée, la visite académique (ici) que je dénonce en raison 1) de son côté ringard : faire, à l'heure d'internet, de la visite à domicile pour des médecins suppposément déjà dépassés par leur charge de travail et qui plus est, aux heures de bureau, est assez surprenant ; 2) de son côté déplacé : la visite académique ne peut se concevoir qu'entre pairs et, qui plus est, qu'entre pairs qui n'ont pas de liens d'intérêt forts comme ceux d'être des salariés de la CNAMTS ; 3) de son côté rivalité mimétique : Big Pharma fait de la visite médicale et donc, au lieu de critiquer la visite médicale en tant que medium, nous allons faire comme Big Pharma ; 4) de son côté dispendieux : François Pesty doit connaître le prix exorbitant d'une visite médicale chez un médecin et pense que la CNAMTS va suivre en faisant former les VM "officielles" par une officine privée (voir infra).
Il n'est pas inopportun de savoir que le dénommé Pesty s'occupe d'une société (un collectif) pour promouvoir la visite académique : le PUPPEM (Pour une Prescription Plus Efficiente du Médicament) (ici). Donc, le sieur Pesty, chevalier blanc du combat pour les produits reconnus et pas chers, et qui veut promouvoir son collectif sus cité, combat la CNAMTS (et quelqu'un qui combat les méthodes de promotion de la CNAMTS ne peut pas être franchement mauvais) parce qu'elle 1) ment sur les chiffres qu'elle produit pour défendre sa politique (c'est une habitude classique de désinformation autopromotionnelle et cléricale des institutions) ; 2) parce que la visite académique des DAM (déléguée de l'assurance maladie) n'est pas, selon lui, assez efficiente (il se propose de les former).
Il prend l'exemple du traitement de l'HTA et celui de la prescription des IEC (inhibiteurs de l'enzyme de conversion) et des sartans.
Les idées de sa présentation : 1) les produits les plus chers sont les plus prescrits ; 2) les produits les plus chers (i.e. les plus récents) ont le moins de preuves scientifiques d'efficacité ; 3) les produits les plus chers sont promus par Big Pharma ; 3) les DAM sont inefficaces ; 4) la maîtrise médicalisée de la CNAMTS ne marche pas.

Je n'analyserai pas toute la présentation qui est, à mon sens, un peu trop "démonstrative".

Je ferai cependant les commentaires suivants :
  1. Si vous voulez bien vous reporter à la figure en tête de ce post, vous remarquerez que FP prend comme prix mensuel du captopril 25 mg en boîte de 30 (5,71 euro), qu'il compare ce prix à celui de l'Exforge (association IC et sartan) 26,5 euro et il en conclut, triomphant, qu'il est 5 fois moins onéreux. c'est bien entendu une erreur (ou un mensonge ?) : combien un patient moyen prend-il par jour de comprimés de captopril, sachant que a) la posologie (liée à la cinétique de la molécule) exige deux prises, b) que la dose de 25 mg, même en deux prises, est le plus souvent inefficace ? Je ne connais pas, n'ayant ni les chiffres de la CNAMTS ni les chiffres de l'IMS, quelle est la posologie moyenne du captopril 25 mg mais nous assumerons le fait qu'il y a deux prises par jour et ainsi le prix du captopril 25 mg devient 10,42 euro, soit, à la louche (mais dans cette analyse nous nous mettrons au diapason de FP) un prix une fois et demi plus important. Ne parlons pas du cas où le patient hypertendu est traité par 75 mg par jour de captopril... Il aurait pu se rendre compte de son erreur en notant que l'association captopril / hydrochlorothiazide est dosée à 50 mg de captopril et coûte effectivement 11,03 euro ! La CNAMTS ment mais FP aussi.
  2. FP, inversement, prend comme référence ramipril 10 mg alors que le plus prescrit est le ramipril 5 mg et, pour démontrer, utilise le prix du 10, plus élevé, et non celui du 5, environ 11 euro, le prix du captopril utilisé à bonne dose !
  3. Je n'insisterai pas non plus sur le point suivant : FP ne nous dit pas que la monothérapie est difficile à obtenir sur le long terme dans le traitement de l'HTA et que nombre de produits sont coprescrits avec de l'hydrochlorothiazide qui est le diurétique le plus étudié dans la littérature mondiale.
  4. FP, par ailleurs, découvre le secret de la pierre philosophale : les produits les plus prescrits sont les produits promus par Big Pharma ! Nous croyions, nous, les naïfs, que Big Pharma entretenait des réseaux de visite médicale pour former, édifier, informer, les médecins, eh bien non, Big Pharma le fait pour des raisons bassement commerciales... Et on ne nous l'avait pas dit !
  5. Au lieu de dire que la visite académique, et malgré quelques essais à mon avis pas aussi concluants que cela au Canada et aux Etats-Unis, n'aura jamais les moyens de la visite médicale traditionnelle Big Pharmatée et coûtera une fortune, FP préfère insister pour promouvoir son collectif.
Mais ce n'est pas fini.
Je vais donc, par égard pour FP, faire une pause pour dire que je ne le connais ni des lèvres ni des dents, que je n'ai aucun intérêt (actuel) à dénigrer la visite académique et que je ne signe pas un article dicté par Christian Lajoux...

Il se trouve que l'analyse de FP a surtout un défaut fondamental : elle est encore une fois ciblée sur les médecins généralistes qui n'en peuvent mais alors que la visite académique devrait commencer, si elle avait une quelconque utilité, être faite d'abord à l'hôpital, dans les cliniques et dans les cabinets libéraux de médecins spécialistes d'organes.
Il y en a assez de ce contrôle des généralistes qui épargne les prescriptions hospitalo-centrées !
C'était notre côté démagogue pour les médecins généralistes.
Quoi qu'il en soit un article pêché dans une revue de l'industrie pharmaceutique (ici) nous rapporte que les médecins généralistes sont des has been pour Big Pharma.
Nous lisons ceci :

Les produits de spécialité tirent la croissance

Une nouvelle fois, les produits de spécialité ont pesé lourd dans la balance de l'assurance maladie. Les remboursements de ces spécialités thérapeutiques pour la plupart prescrites à l'hôpital et délivrées dans les officines de ville, ont crû de 386 millions d'euros l'an dernier (4). Elles comptent pour 75 % de la croissance globale des dépenses de médicaments. Dans le détail, les traitements des infections virales chroniques (+92 millions d'euros) et les anti-rhumatismaux spécifiques (+81 millions d'euros) enregistrent les plus fortes variations de l'année 2009. A moindre échelle, les médicaments indiqués dans le traitement des pathologies chroniques (+99 millions d'euros) et des épisodes aigus (+61 millions d'euros) ont respectivement connu une augmentation de 1,2 % et de 1,5 %. Autre phénomène intéressant : les prescriptions hospitalières (médicaments rétrocédés inclus), qui englobent un quart des dépenses de médicaments délivrés en ville (27 %), ont progressé de 7 % en 2009 (contre 0,8 % pour les prescriptions des médecins de ville). Fortes d'une hausse de 371 millions d'euros sur la période, elles représentent 74 % de la croissance des montants remboursés en ville. « Depuis cinq ans, les prescriptions de sortie d'hospitalisation tirent les dépenses de ville, regrette Frédéric van Roekeghem. La maîtrise médicalisée doit absolument s'élargir à la prescription de sortie hospitalière. Il s'agit d'un besoin important pour la dynamique d'ensemble. »


Dernier point encore : la spécificité française de la moindre performance des produits génériques par rapport à des pays comme les Etats-Unis tient à la complaisance de l'AFSSAPS pour les AMM bidons comme le perindopril 5 (Coversyl servier) commercialisé pour contrer la générication de la molécule sans aucun intérêt clinique et, également, le prix globalement élevé des génériques par rapport aux princeps...

Je n'ai rien contre François Pesty, ses analyses sont intéressantes et ont au moins le mérite d'exister pour ceux qui n'y connaissent rien au marché pharmaceutique (les médecins français n'aiment pas l'économie et tout ce qui touche au coût-efficacité ou au coût-efficience) mais je ne partage pas son avis sur la Visite Académique et lui conseille de revoir ses courbes qui sont très démonstratives mais qui pourraient l'être autant en corrigeant les erreurs d'interprétation.

Que la Visite Académique commence par l'hôpital, les staffs, et l'on verrait les problèmes de statuts et de conflits d'intérêt. Que la Visite Académique commence là où les prescriptions de produits chers est générée et on pourra ensuite s'occuper des généralistes qui ont un effet masse mais cependant à la marge des vraies dépenses.




vendredi 18 mars 2011

LA VISITE ACADEMIQUE : UNE FAUSSE BONNE IDEE OU UNE VRAIE CONNERIE ?

Khon ou orgue à bouche. Instrument de musique thaïlandais
.
La visite académique est une invention curieuse, volontiers ambiguë, qui me paraît être le type même de la fausse bonne idée ou de la vraie connerie.
De quoi s'agit-il ?
Considérant que les médecins ont la visite médicale comme principale source d'information biaisée ON a pensé que la meilleure façon de faire pour contrecarrer les influences de Big Pharma étaient de proposer, sur le même modèle, des visites médicales qui seraient, elles, indépendantes de l'industrie.
La meilleure façon de ne pas être influencée par la visite médicale est de ne pas la recevoir.
Imaginons des médecins qui continueraient de recevoir la visite médicale et qui, en plus, laisseraient les "visiteurs académiques" venir dans leur cabinet : où trouveraient-il le temps ? Comment ne se rendraient-ils pas compte de l'incompatibilité de ces pratiques ?
Mais il y a aussi un antre problème (que l'industrie pharmaceutique avait résolu depuis belle lurette) : le statut des visiteurs.
Pour Big Pharma, et sauf exceptions, la visite médicale est faite par des non professionnels de santé, il arrive qu'il y ait des médecins ou des pharmaciens visiteurs mais le laboratoire leur demande de ne rien dire, pour des raisons de statut. Il arrive aussi qu'il s'agisse d'anciennes infirmières.
Dans le cas de la visite médicale ontarienne dont on nous rebat les oreilles, il s'agit de deux pharmaciens et d'une infirmière. Vous pouvez lire l'article fondateur ICI si vous lisez l'anglais.
Dans le cas de l'expérience française, INFOPROXIMED, mise en route sous l'égide de l'HAS (cela donne froid dans le dos) et pour laquelle La Revue Prescrire a donné son aval pour des raisons que j'ignore (ICI), j'ai essayé de savoir qui faisait les dites visites, et l'information manque. S'agit-il de médecins conseils de la CPAM ? Rien n'est indiqué.
L'autre expérience française, Institut PUPPEM (LA), utilise des DAM pour faire la visite. L'institut a comme slogan : Une Visite Médicale Indépendante de l'Industrie et comme accroche : pour médicaliser la maîtrise des dépenses de médicaments.

Ainsi, pour lutter contre la visite médicale de Big Pharma, ce démarchage à domicile pour, sous le couvert d'informations, vendre des médicaments à coup d'invitations à dîner, de post-it, et, plus généralement, de bimbeloteries comme les bons sauvages en recevaient des conquistadors, on réinvente la visite médicale indépendante. Quelle aberration !
Les médecins généralistes (car, vous l'avez compris, ce sont les médecins généralistes qui sont visés, les autres, les spécialistes, libéraux ou hospitaliers, ils ne sont pas influencés par la visite médicale, ils ne mangent pas au restaurant, ils ne sont pas invités dans des congrès, la visite médicale académique ne les vise pas puisque : a) ils n'ont rien à apprendre de plus ; b) ils comprendraient immédiatement la supercherie de l'affaire en raison de la différence évidente de statut de la visite dite académique : les spécialistes veulent soit des avantages en nature, soit des visites de pairs et non des visites faites par des médecins conseils, des pharmaciens ou des infirmières... Pourquoi pas par des brancardiers ? ; c) ils sont intouchables) sont donc, comme d'habitude, pris pour des Khons (instrument de musique thaïlandais, orgue à bouche, découvert par Boris Vian quand il voulait nommer les gens qu'il n'aimait pas dans son livre fameux mais oublié "En avant la zizique et par ici les gros sous", 4,75 euro chez Amazon), des Khons majeurs ou des Khons de chez Khons car, non seulement ils ne flairent pas le piège mais, en plus, ils s'y enfoncent comme des imbéciles heureux.
Utiliser l'arme de l'adversaire pour la retourner contre lui est une idée généreuse et digne d'un bobo qui aurait découvert la pierre philosophale derrière une fiche signalétique de médicament mais il faudrait en mesurer les conséquences : à l'époque d'Internet il faut encore payer des gens sur les deniers de la collectivité pour qu'ils aillent convaincre des médecins (et pas es qualités car il ne s'agit pas d'une visite de pairs, seraient-ce des médecins conseils qui ont un rôle de surveillance et de contrôle) de mieux prescrire et à meilleur escient ; il faut envoyer des visiteurs officiels sans bonbons, sans invitations, sans fanfreluches ; il faut faire perdre du temps à des médecins déjà débordés ; il faut envoyer des infirmière pour expliquer l'intérêt de l'acide folique en prévention des anomalies de fermeture du tube neural chez le nourrisson...
De qui se moque-t-on ?
Sait-on quel est le prix d'une visite médicale ?
La visite médicale est un bon moyen de faire prescrire des médicaments mais pourrait-ce être un bon moyen de ne pas en prescrire ?
Je suis sidéré que des esprits intelligents aient pu croire à de pareilles idioties.
Commençons par former les professeurs de médecine à la thérapeutique indépendante (la Formation Académique des Académiques).
Commençons par apprendre aux professeurs comment enseigner la thérapeutique indépendante (la Formation Académique à la pédagogie académique indépendante).
Commençons par former les médecins généralistes à la Faculté (j'appellerais cela la Formation Académique indépendante) par des Académiques formés à la thérapeutique indépendante (voir plus haut) et à la pédagogie académique indépendante (voir plus haut).
Commençons par enseigner aux professeurs de médecine la lecture critique des articles (et surtout ceux qu'ils ont publiés sous leur nom sans les avoir écrits) et non de leur demander leur avis sur des articles qu'ils n'ont pas lus.
Alors, on aura beau lire de la prose lénifiante sur le degré de satisfaction des médecins qui ont reçu la visite académique (c'étaient des Dow qui avaient eu leur diplôme de médecine à la fameuse université d'Oulan-Bator - Mongolie), la prose lénifiante des organismes privés promouvant la technique, la prose lénifiante de l'assurance Maladie dont le morceau actuel de bravoure est le projet Sophia dont je ne résisterais pas un jour à vous en décrire le processus ascientifique.

Donc, crachez sur la visite académique, lisez La Revue Prescrire, La Revue Médecine, le BMJ ou le NEJM, branchez-vous sur les sites et blogs que j'aime bien et portez-vous bien sans qu'une infirmière vienne vous expliquer la différence entre un sucre rapide et un sucre lent ou comment traiter le diabète en suivant les recommandations biaisées de l'HAS.
Donc, si vous ne voulez pas faire de médecine en plus, allez vous promener quand la visiteuse académique viendra vous raconter sa vie d'employée de la CPAM ou d'ex visiteuse médicale de Big Pharma reconvertie dans l'Académique.