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jeudi 8 avril 2010

JE NE SUIS PAS UN SPECIALISTE EN MEDECINE GENERALE


Aujourd'hui la Cour de Cassation a indiqué, selon les recommandations de la CPAM, que les médecins généralistes n'étaient pas des spécialistes et qu'en conséquence ils ne pouvaient coter Cs à 23 euro. Je laisse les commentaires aux experts syndicaux mais regrette la déclaration de notre ministre qui a continué de mentir comme une arracheuse de contrats avec Glaxo.
Cela dit : JE NE VEUX PAS ETRE UN SPECIALISTE !
Je n'ai d'ailleurs pas fait la demande de reconnaissance de spécialité à mon Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins.
Non pas que je me pense inférieur ou supérieur à un spécialiste reconnu comme un cardiologue, un neurologue ou un dermatologue...
Mais eux n'en ont rien à foutre de la tarification en vigueur ou du moins un grand nombre d'entre eux : ils dépassent allègrement le Cs. Et certains malades aiment cela.
Alors pourquoi devrions-nous nous abaisser à quémander une augmentation de un euro en tentant de soutirer une sous-qualification ?
JE NE VEUX VRAIMENT PAS ETRE UN SPECIALISTE.
Je reste un médecin généraliste et, ce blog en témoigne, je ne reste pas les deux pieds dans le même sabot et je tente d' aller chercher des informations ici et là dans l'étonnant maquis des publications médicales.
J'ai essayé, lors de la création de ce blog, de définir ce que pouvait être la médecine générale, discipline exercée par une soixantaine de mille de médecins généralistes en France, et qui pourtant manque de substance. Qu'il y ait ici et là parmi eux, et je ne citerai pas ceux à qui je pense pour ne pas avoir à regrette ceux que j'aurais oublié, de grandes gueules, des savants, des lettrés, des intellectuels qui dissertent sur la médecine générale ne doit pas faire oublier la désespérante indigence de la publication centrée sur la médecine générale et, le plus souvent, de son inintérêt pratique.
QU'EST-CE QUE LA MEDECINE GENERALE ? Voilà la grande question à 23 euro. C'est tout ce que l'on ne trouve pas dans les consultations de spécialité. C'est tout ce que l'on ne trouve pas dans les consultations de ville de spécialistes. C'est tout ce que l'on ne trouve pas dans les consultations institutionnelles de spécialité. Et, malheureusement, c'est tout ce que l'on ne trouve pas dans les publications médicales à de rares exceptions près.
La médecine générale, c'est la vie : avec une pointe de médecine ; avec une pointe de santé publique ; avec une pointe de connaissance du milieu ; avec une pointe de familiarité avec les patients ; avec une pointe d'empathie ; avec une pointe de sympathie ; avec une pointe d'antipathie. Et merdre pour les discours convenus sur l'attitude que doit observer le médecin dans sa relation avec son patient. Les gens qui disent cela ne voient pas de vrais malades, non au sens diagnostique mais au sens humain du terme.
Nos consultations de médecine générale sont, effectivement et parfois, peu structurées, sont, effectivement et parfois, peu techniques ; sont, effectivement et parfois, bon enfant... Et alors ?
JE NE VEUX PAS ETRE UN SPECIALISTE CAR JE NE VEUX PAS SINGER L'IMMENSE MAJORITE DES SPECIALISTES QUE JE VOIS A L'OEUVRE ! JE NE VEUX PAS LEUR RESSEMBLER !
Je reçois des individus, des patients, des malades, des faux patients, de vrais malades, ou l'inverse, mais je ne suis pas un faiseur d'ECG, un faiseur de frottis, un faiseur de biopsies cutanées, un faiseur de radiologies, et ad libitum. Je laisse cela aux techniciens. Je suis un intellectuel, je réfléchis non seulement à la valeur des choses mais à la valeur qu'il faut leur donner en fonction du patient que j'ai devant moi, dont, généralement, je connais la femme, les enfants ou les parents ou les cousins ou les belles-soeurs et dont, souvent, je connais l'intérieur de la maison. Je fais de la médecine totale sans avoir besoin de faire MOI-MEME des actes que je pourrai coter pour faire du chiffre. Je suis un intellectuel, je fais de la médecine intellectuelle sans faire trop de médecine manuelle et ainsi je sais lire une radiographie, je sais lire un ECG, je sais lire une prise de sang (tiens, ne sont-ce pas des médecins spécialisés en biologie qui les font ?). Je fais de la médecine intellectuelle car je connais un peu la littérature médicale et que je sais combien il est difficile de l'appliquer à des vrais patients qui n'ont pas participé à un essai clinique. Mais je sais aussi que sans ces essais cliniques il n'y a pas de médecine générale. Je sais que la médecine générale c'est l'école de l'humilité, c'est la pratique de l'humilité, pas de triomphalisme, seulement de la distance, non de la distance à l'égard des patients, car, comme le dit mon ami DB qui se reconnaîtra, cette distance elle se prend inconsciemment, non, de la distance à l'égard de soi-même, c'est cela, de l'humilité, nous ne sommes qu'un chaînon, le chaînon manquant dans cette société de fous, le chaînon manquant entre les patients et la complexité de la médecine. Car notre métier, mais pas seulement celui de médecin généraliste, est un métier de chien, un métier éprouvant, la médecine est comme cela, compliquée, difficile, pleine de hasards, de faux semblants, de pièges et nous devons lutter contre notre propre arrogance, la fameuse arrogance médicale décrite dans la littérature, la vraie, par les grands auteurs, depuis Molière jusqu'à Bernard Shaw en passant par Susan Sontag...
C'est cela, la médecine générale, c'est cela aussi : prendre en compte les patients, nous poser des questions en demandant l'avis, non pas l'avis médical, mais l'avis des patients sur leur santé et sur leur vie. Ne pas décider pour eux. Ne pas prendre pour de grands savants, ne pas jouer aux spécialistes. JE NE SUIS PAS UN SPECIALISTE ! Mettez-vous bien cela dans la tête. Les spécialistes, ce sont aussi les experts, ce sont aussi les virologues qui n'ont jamais vu un patient, qui ne connaissent que les éprouvettes et les paillasses de leur laboratoire, quand ils s'y rendent. Halte au paternalisme, halte à la placebothérapie comme expression de la puissance de l'ignorance sur l'ignorance, halte à l'arrogance et au mépris, halte aux idées toutes faites, halte à la prévention généralisée des maladies qui n'existent pas pour alimenter la pompe à phynances, halte à la prévention qui conduit à l'angoisse des populations. Dans le secret de nos cabinets nous pouvons exercer cette médecine tolérante, humaine et informée qui se moque de l'avis péremptoire des urologues sur le cancer de la prostate, sur l'avis péremptoire des cardiologues sur le toujours plus bas du mauvais cholestérol, des diabétologues sur le toujours plus bas de l'hémoglobine glyquée, des gynécologues sur le toujours plus de frottis (tous les ans) ou sur la gardasilisation de la jeunesse, des neurologues et autres rhumatologues et internistes prescrivant des antiépileptiques comme anti douleurs, des alzheimerologues diagnostiquant à tout va et prescrivant des anticholinestérasiques comme s'il s'agissait de bonbons Haribo...
Mais je m'arrête là.
Vous l'avez compris, 22 euro c'est pas assez, mais 23 pour ressembler à un spécialiste, c'est trop.
Cela dit, j'ai des amis spécialistes, j'ai des correspondants spécialistes, j'ai des hyperspécialistes charmants et compétents. Je suis pour la coopération et le travail en commun. Ce que je voulais dénoncer, c'était l'ambition de mes collègues généralistes, sous prétexte de gagner un euro de plus de céder à la tentation de la Mimesis et de vouloir ressembler à ceux qu'ils détestent le plus au fond d'eux.
ALLEZ, JE PLAISANTAIS : j'aimerais tant être un spécialiste.
D'ailleurs, les spécialistes ont tellement besoin de nous pour qu'on les débarrasse de la vraie vie. Je ne pense pas qu'ils votent en majorité pour la disparition des médecins généralistes...
J'écrirai bientôt un article pour vanter les mérites de la coopérations avec nos amis spécialistes.
C'est mon côté bien pensant, multiculturel, consensuel.