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mardi 10 juillet 2012

Une fierté mal placée. Histoire de consultation 124.


L'histoire est fraîche, je suis obligé de la transformer et de rendre le patient difficile à identifier. Sans compter que j'aurais pu (et dû) allonger les commentaires sur un autre versant mais le cas n'est pas fini et je ne souhaite pas développer. Trop sensible.
Quoi qu'il en soit je fais plus ou moins le diagnostic de cancer du pancréas le vendredi, je prends mon téléphone, j'appelle une clinique célèbre de mon coin et le patient a un rendez-vous d'anesthésie le lundi et une écho endoscopie haute le mercredi avec pose de prothèse biliaire. Et le mercredi soir j'ai le diagnostic qui est conforme à mes craintes.
Je suis content de moi. Non pas d'avoir fait un diagnostic affreux mais d'avoir obtenu un rendez-vous aussi rapidement. 
Vraiment content.
Je téléphone à un ami pour une tout autre raison, prendre des nouvelles de son père qui va moyennement bien et qu'il n'arrive pas à maintenir à domicile, il lui faut une place en EHPAD et ce n'est pas facile. Mon ami est médecin spécialiste d'organe (c'est le terme qu'utilisent les médecins généralistes militants, oh, excusez-moi, les médecins spécialistes en médecine générale militants, à l'égard de leurs confrères spécialistes avec lesquels ils se sont lancés avec vaillance sur le terrain dangereux de la rivalité mimétique - voir ICI) installé dans la région parisienne et son père habite en Loire-Atlantique. Il a peu de contacts sur place, le médecin traitant qu'il n'aime pas par ailleurs en raison de prescriptions curieuses, mais il n'a pas dit à son père d'en changer parce qu'il lui qu'il lui était très attaché tout comme sa mère morte quelques années plus tôt, lui a dit qu'il faisait ce qu'il pouvait mais que ce n'était pas simple...
Mon ami finit par me dire qu'il est possible qu'une place se libère dans une dizaine de jours et que d'ici là il est très inquiet.  A mon avis il est trop inquiet parce que c'est son père et que s'il était aussi inquiet qu'il le disait, je connais mon ami, il aurait tout abandonné à Paris pour s'occuper de son père sur place...
De fil en aiguille nous en venons à parler de mon patient, voyez comme je suis fier, et mon ami me dit ceci : "Cela ne m'étonne pas. Il est très facile d'obtenir des rendez-vous dans des sous spécialités, la France est suréquipée, cela rapporte du fric à tout le monde aux structures comme aux médecins... les sous spécialistes sont devenus une plaie de la médecine, déjà que les spécialistes je n'aime pas beaucoup, mais maintenant les sous spécialistes polluent le domaine et sont à l'origine de toutes les dérives financières, comment un somnologue pourrait-il ne pas prescrire un appareillage, comment un coronographiste pourrait-il ne pas stenter, comment un sénologue pourrait-il ne pas multiplier les clichés, comment un arthroscopiste du genou droit pourrait-il ne pas...? Alors que pour placer une vieille personne en institution il faut des semaines voire des mois..."

Je n'avais donc pas raison d'être fier. Je participais seulement à l'extinction progressive de ma spécialité. 

(Mayo clinic à Rochester - Minnesota - USA)