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dimanche 23 novembre 2008

ROSUVASTATINE ET JUPITER CHANGENT-ILS QUELQUE CHOSE ?

Faut-il prescrire de la Rosuvastatine ?

L’étude présentée par Paul Ridker (Brigham and Women's Hospital, Boston, MA)

et publiée on line par le New England Journal of Medicine


[Ridker PM, Danielson E, Fonseca FAH, Genest J, Gotto AM, Kastelein JJP, et al, for the JUPITER Study Group. Rosuvastatin to prevent vascular events in men and women with elevated c-reactive protein. N Engl J Med 2008;359:2195-207.[Abstract/Free Full Text]]

montre que traiter des patients apparemment en bonne santé avec de la rosuvastatine à la posologie de 20 mg / jour réduisait significativement de 44 % par rapport au groupe placebo le critère principal de l’essai à savoir une association d’infarctus du myocarde non fatal, d’AVC non fatal, d’hospitalisation pour angor instable, revascularisation et mort confirmée due à une cause cardiovasculaire.

Cet essai randomisé en double-aveugle rosuvastatine vs placebo, rassemblait 17802 personnes recrutées dans 1300 centres situés dans 26 pays [LDL <> ou = 2] et a été arrêté au bout de 1,9 an sur les 4 ans prévus quand le comité de contrôle a noté une réduction significative du critère principal de l’essai dans le groupe rosuvastatine (142 effets) contre 251 dans le groupe placebo (hazard ratio 0.56; 95% confidence interval 0.46 to 0.69).

L’auteur principal de l’essai a déclaré : « Nous ne pouvons plus assurer que les patients avec un cholestérol bas sont à bas risque [cardiovasculaire]. Cela ne signifie pas que le cholestérol n’est pas important. Nous voulons que les patients avec cholestérol élevé soient traités très agressivement. Mais, dans cette étude, nous avons montré que les patients à bas cholestérol et CRP élevée tiraient un grand bénéfice d’un traitement par statine. »


Les vieux routiers de la lecture des essais cliniques se font déjà trois remarques :
1) Peu sur la mortalité totale
2) Le critère principal d’appréciation est une chimère inventée de toute pièce
3) Les patients étudiés avaient un très faible risque cardiovasculaire.


Les tenants du tout cholestérol sont dans les starting blocks : ainsi, le directeur médical de la British Heart Foundation, un certain Peter Weissberg, affirme que les résultats de l’essai supportent fortement l’approche « plus c’est bas, mieux c’est » pour le cholestérol.
Le docteur Thomas Pearson (University of Rochester School of Medicine, NY) indique qu’il faut replacer les résultats dans le contexte. Il affirme qu’il existe des preuves que les patients à risque cardiovasculaire très bas peuvent bénéficier d’un traitement par les statines mais que le coût-efficience (cost-effectiveness) reste la grande question. Il dit en particulier que traiter 25 patients pendant 5 ans avec un comprimé de rosuvastatine à 3,65 $, coûterait 166 000 $ pour prévenir un infarctus, un AVC, un angor instable, une revascularisation ou une mort pour cause cardiovasculaire. Il ajoute : si, comme Ridker et collaborateurs vous affirmez que l’étude montre que l’on peut prévenir 250 000 événements cardiovasculaires aux Etats-Unis, nul doute que cela représente de l’argent et que cela mérite considération pour traiter.

Les critiques :
1) Les chiffres de l’essai montrent que la diminution relative du risque est importante mais que la diminution absolue est faible : sur 100 patients du groupe contrôle 1,36 ont eu un des éléments du critère principal de l’essai et ce nombre est passé à 0,77 dans le groupe traité. La significativité statistique est non contestable mais est-ce que cela a une pertinence clinique ? On peut en douter.
2) La CRP est-elle un facteur de risque indépendant du LDL cholestérol ? Ses variations dans la vraie vie sont telles (et pour des raisons non liées à une atteinte du système cardiovasculaire) qu’il faut se poser des questions sur sa spécificité.
3) Les auteurs indiquent que les inclus n’avaient pas de facteurs de risque cardiovasculaire mais : la moitié d’entre eux avait un score de Framingham > ou = 10 et plus d’un tiers souffraient d’un syndrome métabolique [Docteurdu16 : syndrome faisant partie du disease mongering] et les premiers résultats indiquent que les événements cardiovasculaires sont survenus chez les sujets les plus à risque…
4) Pourquoi avoir arrêté l’essai si tôt ? Ainsi n’a-t-on pas pu contrôler l’efficacité à long terme et, surtout évaluer les risques éventuels liés à un LDL très bas : cancer, par exemple. Il est noté également par les auteurs une augmentation du nombre de nouveaux diabètes et un taux plus élevé d’HbA1C…

Ainsi, la majorité des commentaires vont dans le sens de la confirmation de l’utilité des statines. Ce qu’il était difficile de ne pas attendre des spécialistes cardio-vasculaires et du cholestérol dont le manque d’esprit critique à l’égard du tout cholestérol est bien connu.

Pour nous, en médecine générale, les conclusions que l’on peut tirer de cet essai Jupiter sont :
1) La rosuvastatine n’a rien prouvé de bien convaincant jusqu’à présent et au contraire [Kjekshus J, Apetrei E, Barrios V, Böhm M, Cleland JGF, Cornel JH, et al, for the CORONA Group. Rosuvastatin in older patients with systolic heart failure. N Engl J Med 2007;357:2248-61.[Abstract/Free Full Text]
2) Cette nouvelle étude n’a pas étudié une stratégie fondée sur le rôle de la CRP, il s’agit tout simplement d’un essai conventionnel mené sur un groupe de patients très sélectionnés. Une étude pragmatique eût consisté à inclure la mesure de la CRP en addition aux autres facteurs de risques connus…
3) Le concept d’abaisser le risque cardiovasculaire en visant des seuils de LDL paraît encore moins pertinent.
4) Doser la CRP paraît prématuré dans n’importe quelle stratégie de prévention cardiovasculaire.
5) Ironiquement, cette étude pourrait entraîner la vente over the counter de statines chez des patients à faible risque cardiovasculaire convaincus par Jupiter et capables de payer.



Je me suis inspiré de ces trois références et de l’article lui-même pour écrire ce papier.

http://www.theheart.org/article/917505.do
http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/nov12_1/a2523