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mercredi 22 juin 2011

Prescrire un aérosol doseur sans faire de démonstration est une faute professionnelle !


Je viens de lire un article assez renversant dans le British Medical Journal (ICI en accès libre), article dont je vais vous faire un résumé non critique car je n'ai pas eu le temps de m'y atteler sérieusement (notamment sur le plan des conflits d'intérêt -- et bien que l'article n'en rapporte pas -- et sur celui de sa robustesse scientifique), mais parce que le résultat de cet essai, pour étonnant qu'il paraisse, importe peu dans mon commentaire.

Il s'agit d'une analyse à la sauce Cochrane (utilisant le Cochrane toolkit que certaines revues françaises qui n'aiment pas le mediator seraient bien inspirées d'utiliser) faite par des chercheurs américains, une méta-analyse plus précisément (dont on connaît les limites théoriques en général), qui montre que : par rapport au placebo il y a un risque de mortalité augmenté de 52 % lors de l'utilisation du tiotropium / solution pour inhalation dans le traitement de la BPCO. Alors qu'une méta-analyse concernant tiotropium / poudre n'avait pas montré cela.

Qu'est-ce m'apprend cet article ?

Que la forme peut parfois être plus importante que le fond.

Que le tiotropium est un drôle de produit dont je vous avais déjà parlé ICI, drôle parce que peu efficace, parfois dangereux et très prescrit à mon avis à tort et à travers et dont la balance bénéfices / risques est assez douteuse.

Que les pneumologues (et les médecins en général) prescrivent le tiotropium comme du jus de pomme, parfois selon l'AMM, souvent hors AMM ou à des stades pré cliniques des maladies (certains "experts" ne proposaient-ils pas dans un excès incroyable de prescrire Spiriva chez tout fumeur et avant toute manifestation clinique de BPCO...) élargissant leurs possibilités de manger des pizzas gratuites dans un congrès organisé à Orlando par un certain laboratoire allemand (Boehringer Ingelheim pour ne pas le citer et dont vous pouvez découvrir ICI la page d'accueil).

Que la prescription d'un médicament ou d'un matériel ne se limite pas à l'écriture manuscrite ou tapuscrite d'une ordonnance, qu'elle doit s'accompagner de la nécessité de s'assurer que la façon de prescrire (qui fait aussi partie de la croyance par le prescripteur de l'idée du 'médecin comme meilleur médicament' qui auto-autorise le prescripteur supposé tout-puissant et omnipotent à prescrire sans vergogne des placebos) a entraîné la prise médicamenteuse et permis les effets supposés de la molécule.

Que l'attitude jusqu'au boutiste de certains médecins (dont j'ai fait le portrait ICI en intuitionnistes idéologiques) prescrivant uniquement en DCI (Dénomination Commune Internationale) pour des raisons plus idéologiques (le combat contre Big Pharma) que scientifiques (la mondialisation de la prescription) pouvait mener à des catastrophes, notamment chez les personnes âgées. Un ou plusieurs correspondants me faisaient remarquer sur des forums médicaux "sérieux" que le rôle du médecin s'arrêtait à la rédaction de l'ordonnance et que c'était, ouvrez bien les yeux, au pharmacien de faire le boulot de démonstration, c'est son boulot, répétaient-ils, pas le mien, et je n'avais donc plus d'arguments pour répondre devant un tel désintérêt de ces médecins pour le questionnement de l'EBM (ou de la médecine factuelle ou de la médecine par les preuves) ou pour la démarche OPE (Organisme, Patient, Environnement) et leur retour à marche forcée vers le paternalisme et la posture d'expert qui connaît les données de la science (tous les produits se valent puisque c'est la molécule qui travaille) comme idéologie totalisante non adaptable à tel ou type de patient. Et tout le monde n'a pas la chance de connaître des pharmaciens de la trempe de jean Lamarche... à qui je propose de voir ce film édifiant sur la façon de démontrer l'utilisation du RESPIMAT, film promu par l'association irlandaise d'asthmologie, qui découragera effectivement nombre de prescripteurs de faire toute démonstration : ICI.
"Tu suis mes prescriptions ou tu te barres !", voilà la posture expertale arrogante et définitive (avec mes sept ans, huit ans, neuf ans et plus, sans compter les redoublements, je suis quand même un mec super...) du médecin droit dans ses bottes.

Qu'il ne faut pas exonérer non plus les médecins qui ne prescrivent pas en DCI car ils ne font pas plus, en majorité (sondage personnel), de démonstration dans leur cabinet avec les aérosols doseurs : Prends la Ventoline et barre-toi ! ... Cela revient au même.
Qu'il est nécessaire (mais non suffisant), chers prescripteurs, de toujours prescrire la même chose (j'entends déjà des voix s'élever), d'essayer de toujours prescrire la même chose, pour acquérir de l'expérience interne, de connaître la forme et le conditionnement des médicaments (je pense par exemple au Previscan, au Sintrom ou à la coumadine, médicaments dangereux s'il en est, je rappelle que la prescription de coumadine est la première cause d'hospitalisations aux US...), et d'expliquer, expliquer encore, encore et encore, la façon dont il faut prendre les médicaments.

Je fais une incise : je ne confonds pas la DCI et la générication. Mais je constate que la DCI va de pair avec la générication.
Et il n'est pas inutile de rappeler que la générication du monde (pas seulement celle des médicaments, la générication facebook ou twitter, l'uniformisation des modes de vie) et sa décéication sont des objectifs à la fois ultralibéraux et altermondialistes. Les ultra libéraux qui commercialisent le monde et le dégradent en qualité et les altermondialistes pour faire baisser le prix des médicaments et rendre accessibles les molécules aux populations des pays en voie de développement, c'est à dire aussi pour médicaliser les endroits de la planète où Big Pharma ne peut faire encore de profits. Cette générication et cette décéication sont les outils faciles de la mondialisation ou globalisation en anglais : le paracétamol n'est plus fabriqué en Europe...
Ainsi prescris-je en DCI, mais pas tout le temps, il m'arrive de penser que la prescription en DCI (avec pour corollaire le choix par le pharmacien de la molécule, c'est à dire l'influence la plus évidente de Big Pharma, un générique Winthrop contre deux boîtes de fluocaril, et les soucis mercantiles au zénith) sera plus compliquée que la prescription d'un princeps NS (Non substituable) chez tel ou tel patient (Prendre en compte ses Valeurs et ses préférences pour limiter ses Agissements - i.e. la non prise ou la mal prise) vaut mieux que de prescrire de facto un générique...

Bon, revenons à mon propos final. Cette étude tiotropium versus tiotropium (ce n'est pas exactement cela mais cela y ressemble) me conduit à écrire ceci :
  1. Les médecins qui prescrivent un aérosol doseur délivrant un bronchodilatateur et / ou un anti-inflammatoire, dans l'asthme ou dans la BPCO, sans en faire la démonstration au patient / malade commettent une faute professionnelle
  2. Les médecins, dont un patient traité par un aérosol doseur délivrant un bronchodilatateur et / ou un anti-inflammatoire n'est pas équilibré ou s'est dégradé récemment, qui ne contrôlent pas dans leur cabinet comment la molécule est délivrée commettent une faute professionnelle
Il est donc nécessaire de disposer à son cabinet, outre un peak-flow tout bête, des dispositifs de délivrance permettant d'expliquer et / ou de contrôler le mode de délivrance. Bien que la démonstration vue sur Internet par la société irlandaise d'asthmologie du respimat pourrait dégoûter à jamais de faire une démonstration. Mais on trouve sur internet des explications plus simples (simplistes ?) : LA.

Bonnes réflexions.

(Photographie : Eole)