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dimanche 4 février 2024

La Revue Prescrire est malade. Episode 2 : Une rencontre-débat Prescrire 2024 qui m'a pourtant déçu en bien.


 

Programme alléchant sur l'évaluation des médicaments et le malade d'aujourd'hui et le malade de demain.

(Je n'ai pas très bien compris la signification du titre.)

Ce que je savais avant la Rencontre : 

  1. Il existe une crise de l'évaluation des médicaments : critiques multiples des essais randomisés et mise en avant des études en vie réelle  par les industriels et leurs employés pour obtenir des commercialisations de leurs molécules plus rapidement (FDA>EMA pour la permissivité).
  2. Il existe une remise en cause par les industriels et par les agences gouvernementales de la taxonomie des preuves en fonction de leur poids.
  3. La décision partagée est une vaste rigolade. L'information des patients est biaisée en raison des points 1) et 2) et par l'asymétrie originelle des relations médecins/patients.
  4. Les agences gouvernementales sont internationalement infiltrées par l'industrie, dont la HAS.
  5. Les maladies rares sont à la fois peu étudiées, et bien que les médicaments soient hors de prix, mais la pratique du disease mongering est majeure : extension des indications depuis des maladies rares jusqu'à des maladies moins rares.
  6. Les associations de patients souffrent d'un manque de représentativité, de financements, d'indépendance et sont trop souvent le bras armé des gouvernements et/ou des industriels. Et donc d'un manque de confiance.


La réunion est animée par Pierre Chirac, inamovible prescririen qui ne posera pas une seule question gênante aux invités. Puisqu'il les a invités, c'est qu'ils sont bons. 


DPI : Puisque l'auto-citation est punie par la loi implicite de ceux qui n'ont jamais rien écrit ou qui n'écrivent pas les articles qu'ils publient (mais comme je me tamponne des points récoltés) et révérée par la Revue Prescrire qui adore cela, je vous conseille de relire ce que j'ai déjà relaté sur les réunions Prescrire (1). C'est méchant. Mais ce sont mes liens d'intérêts. La note (2) complète mes observations.


Avant de vous relater la rencontre je peux préciser quand même que j'ai été déçu en bien.


Photo : docdu16


Vous pouvez bien entendu regarder la réunion dans son ensemble. Mais pour que vous soyez tenté de le faire je vais vous faire un résumé de l'affaire.

La réunion en video est LA.

Je vais essayer de vous en simplifier la vision ou plutôt de la résumer tant elle est est riche.

Qui peut organiser de telles réunions pour profanes en France ? Personne.

******

Je vous conseille de commencer par regarder l'intervention de Florian Naudet car elle met les points sur les i des essais cliniques. Son intervention est d'une grande clarté et vous verrez, comme pour les autres participants, qu'il complètera ses propos dans la partie Débat et dans la partie Questions.

La video est ICI

Un méthodologiste de l'évaluation des médicaments : Florian Naudet.


Sa présentation est explicite, concise et permet en peu de temps de se faire une idée des enjeux sur la méthodologie des essais cliniques. C'est connu des spécialistes de ces essais mais c'est un bon rappel pour ces spécialistes qui sont à la fois payés par leurs employeurs respectifs, qu'ils soient industriels dans la majorité des cas ou publics, et portés par leur ego de chercheurs. J'en conclus : "Un bon spécialiste des essais cliniques est un spécialiste qui arrive à atteindre le nirvana, c'est à dire la significativité : p < 0,05)".

La bibliographie de Florian Naudet sur le sujet de la méthodologie de la méthodologie des essais cliniques est éloquente, vous la retrouverez sur Pubmed (LA).

Cet exposé intéressera bien entendu les profanes mais aussi les méthodologistes qui connaissent tout sur ce qu'il dit, et les médecins qui participent aux essais cliniques en tant que concepteurs ou recruteurs de patients.

J'ai retenu plusieurs points ce cette intervention et des interventions qu'il a faites dans la section Débat et Questions.

1) Florian Naudet parle des essais en vie réelle, la vraie vie, et cetera. Il dit d'abord ceci : "Nous, les méthodologistes, ça nous intéresse plus, ce genre d'essais, parce qu'il faut plus réfléchir que dans les cas des essais randomisés". Il exagère à moins qu'il ne pense que certains initiateurs d'essais contrôlés ne réfléchissent pas beaucoup quand ils conçoivent ces essais.

Il dit aussi : "les essais en vie réelle... c'est du marketing... du marketing méthodologique... la vraie vie, c'est un slogan d'Auchan..." 

Parce que, quand on utilise les bases de données pour mener ces essais en vie réelle, dit-il, on n'arrive pas à identifier les vrais malades, on le fait par approximation, en fonction des médicaments prescrits, par exemple. Ce qui est pour le moins problématique.

2) Florian Naudet insiste sur la notion de flexibilité des essais cliniques, c'est à dire que l'on ne devrait pas y recourir : on devrait définir dans le protocole initial quels sont les critères de jugements principaux et/ou secondaires que l'on prendra en compte, que l'on analysera et ne pas se lancer dans des études post hoc de sous-groupes.

3) Il plaisante, mais il ne devrait pas, sur la tendance à considérer que les maladies non rares deviennent des maladies rares, c'est à dire que les critères moins stricts appliqués aux protocoles pour les maladies rares (difficulté de faire des essais comparatifs, seuils des critères d'efficacité abaissés) le sont pour des maladies plus courantes. Il prend l'exemple de l'eskétamine qui est tout à fait étonnant : les psychiatres nient la notion de dépressions résistantes et proposent des essais sur les dépressions résistantes en abaissant les seuils d'efficacité. D'où l'affaire eskétamine.

4) Il souligne la nécessité dès le début de la conception des essais que des spécialistes de la synthèse des preuves, des méthodologistes, des patients (faisabilité de l'essai, pertinence clinique, qualité de vie) et des cliniciens habitués aux essais ainsi que des membres des agences soient impliqués dans un souci de transparence

5) Dans la partie Débat, à partir de 21'12, il parle de l'effet parachute qui est utilisé à tort et à travers dans des situations où il n'y a pas besoin de parachute, de l'impossibilité de mener de vraies études post commercialisation en double-aveugle contre placebo en affirmant que les preuves viendront après, en prenant l'exemple du baclofène pour lequel les patients participants pouvaient se le procurer en ville sans le dire, 

6) et du fait que la transparence est nécessaire mais qu'elle est difficile à obtenir : il donne l'exemple de données demandées à l'EMA depuis 2017 et qui arrivent tous les 45 jours depuis cette période (le temps de refus/acceptation des industriels). Et, paradoxalement les industriels donnent plus de données que les académiques !



La deuxième vidéo que je vous propose de regarder est celle de Charlotte Roffiaen.

Il faut coupler son intervention à celles qu'elle a faites dans le Débat et dans les Questions car elle précise son propos avec beaucoup d'acuité.

La vidéo est LA.

La représentante d'une association de patients (ELLyE) : 



Exposé clair. 

L'association ELLyE (ICI) s'intéresse particulièrement aux malades touché.e.s par les lymphomes, la leucémie lymphoïde chronique et la maladie de Waldenströmm.

L'association, on le reverra, est "aidée" dans des proportions que je ne connais pas, par 20 firmes pharmaceutiques (on le reverra plus loin dans la partie Débat). 

Voici ce que l'on peut retenir des propos de Charlotte Roffianen : 

1) Il est difficile de faire entendre la voix des patients lors de l'élaboration des protocoles et que les patients, par exemple à l'EMA, sont tenus par la confidentialité. Elle rapporte la complexité des procédures des essais cliniques qui peuvent obliger des patients à venir 4 fois par mois à l'hôpital pour des analyses qui ne sont pas obligatoirement pertinentes. 

2) Le problème des associations est celui de la confiance qu'on ne leur accorde pas toujours en raison des financements qu'elles reçoivent. 

(Je passe sur le fait qu'elle pense que le fait d'avoir plusieurs sponsors est un atout, - commentaire personnel : trop de corruption tue la corruption-, mais que le plus dangereux est le la proximité, le verre pris au bar avec un représentant d'une firme... - commentaire très juste-)

3) Elle souligne le problème de la difficile validation externe des essais cliniques dans la mesure où, par exemple dans le lymphome, les patients sont âgés et présentent de nombreuses comorbidités qui sont des facteurs d'exclusion des protocoles cliniques. Or ce sont aux patients poly morbides et polytraités que les molécules vont être prescrites.

4) Elle insiste sur les études de qualité de Vie qui ne sont pas la cerise sur le gâteau mais la dernière roue du carrosse des essais cliniques. 

Commentaire personnel : Dans un système où la majorité des 71 molécules anti cancéreuses (tumeurs solides réfractaires et/ou métastase et/ou avancées) qui ont obtenu de la part de la FDA une autorisation de mise sur le marché augmentent l'espérance de vie globale de 2,1 mois (LA) ! Il est clair que l'appréciation de la qualité de vie durant cette (très) courte période est primordiale pour informer le patient dans le cadre d'une décision partagée.

5) Elle nous fait remarquer que les essais cliniques sont parfois le seule façon pour les patients d'accéder à des traitements. Voir dans les questions, celle d'une journaliste de UFC Que choisir : a-t-on intérêt à participer à des essais cliniques ?

6) Les représentants des patients sont trop souvent mal informés pour l'élaboration des essais ou pour l'analyse de ces essais car on ne leur fournit pas des dossiers complets.

7) Les patients ont un manque d'information sur les protocoles mais surtout la décision partagée se réduit, dit-elle, chez certains médecins à une explication desdits protocoles et no à une information éclairée sur les choix possibles (moi : selon les valeurs et les préférences des patients).

8) Elle souligne, à l'instar de Florian Naudet, qu'il est très difficile de retirer du marché une molécule qui n'a pas fait ses preuves.

J'ai été impressionné par la qualité des éclairages qu'elle a donnés.


Le "représentant" de la HAS


Voir la vidéo ICI.

Plaidoyer pro domo pour la HAS qui est belle, intelligente, intègre, efficace, efficiente, qui sait gérer les industriels mais qui a du mal quand même. Où sont les patients ?

Le rôle de la HAS pour accélérer les autorisations rapides de mise sur le marché des médicaments et l'allusion à la fameuse tribune (ICI) où les liens d'intérêts ont été peu déclarés et à la contre tribune (LA) qui reprend nombre de propos que l'on n'a pas entendus lors de la réunion Prescrire (j'en reparlerai au moment des questions).

La petite musique sur la Santé publique, que l'on avait déjà entendue dans l'intervention précédente, fait un peu rire quand on sait qui décide de développer des molécules : les industriels.

Une comparaison entre les patients et les avions dont nous avons déjà dénoncé la stupidité mille fois et nous citerons un blog (LA) pour montrer combien c'est inapproprié.

Des propos lénifiants sur la surveillance post AMM dont on sait qu'elle ne sert à rien. Adam Cifu et Vinay Prasad sont des lectures mises à l'index par la HAS : Medical Reversal.

Rappelons également mais quand j'ai pris la parole pour poser des questions, le modérateur ne pouvait me laisser parler trop longtemps, et donc que je n'ai pu mentionner que la HAS est, d'une part, critiquée constamment par le Revue Prescrire pour ses publications sur la prise en charge des maladies (guides...) et d'autre part mise en cause pour son manque d'indépendance par le Formindep (LA)...

Nous avions un bisounours. Il a tenu un discours de bisounours.


Voir la vidéo : LA.

Le "représentant" des patients de l'AFM (Téléthon)



Beau plaidoyer sur les maladies rares, orphelines, et là il est dans son domaine.

1) Il souligne que dans les maladies rares il est possible de remettre en cause, en raison de cette rareté, les études randomisées vs placebo, notamment quand les maladies sont rapidement mortelles, quand la taille d'effet est forte et il prend l'exemple de l'amyotrophie spinale chez le tout petit enfant.

2) Mais aussi que les critères intermédiaires, dans ce type de maladies, sont parfois pertinents et suffisent.

3) Il met en avant des études en vie réelle qui sont dans le cas de ces maladies nécessaires.

4) Il souligne l'intérêt de l'accès compassionnel aux médicaments...

5) Remarque personnelle Il est intéressant de noter que la remise en cause de la taxonomie des preuves en fonction de leur poids peut et parfois doit se justifier dans les maladies rares.


Il ne vous reste plus qu'à visualiser les deux dernières vidéos

Le débat (entre les participants).

La video est LA.

Les questions de la salle.

La video commence ICI

Je pense que c'est la partie la plus intéressante de la réunion car les intervenants se "lâchent". Et surtout parce que j'y apparais... (hi hi hi).


Conclusion : 

Prescrire a organisé une rencontre passionnante qui demanderait des développements et un suivi.

Merci.

Notes :

(1)

Janvier : 2014 : Ennuis mortels lors de la (non) remise de la pilule d'Or Prescrire : ICI
Mai 2014 : Rencontres Prescrire : LA
Octobre 2014 : Les prix Prescrire : ICI
Janvier 2015 : Le palmarès Prescrire 2014 :  LA

(2)  Je n'aurais pas l'impudence de rappeler que les rencontres-débats Prescrire ont invité dans le passé, et en grande pompe, Michèle Rivasi, alors députée européenne et qui se vantait, entre deux affirmations péremptoires et erronées sur les médicaments et notamment les vaccins, d'avoir initié bla-bla-bla, la déclaration des événements indésirables par les patients et qui se vantait un peu moins d'avoir confié, entre autres, la pharmacovigilance européenne aux seules firmes... Paix à son âme. C'est LA et pour ceux qui n'iraient pas cliquer : 

Lors des questions de la salle l'incontournable députée européenne Michèle Rivasi a mis en avant la possibilité qu'ont désormais les patients européens de signaler eux-mêmes les effets indsésirables en oubliant de préciser que l'Europe avait lâché la pharmacovigilance à l'industrie dans le cadre vide d'EudraVigilance (LA) (le fameux Paquet pharmaceutique de 2008). Un intervenant pharmacovigilant a souligné combien la déclaration par les patients des effets indésirables était de la poudre aux yeux qui allait augmenter le bruit de fond et empêcher de recueillir les vrais signaux.  Bruno Toussaint n'a pas été d'accord. Le père de Marion Larat, victime  de Méliane, est intervenu pour dire combien les choses avançaient et il a semblé très optimiste pour la simple raison que les informations étaient désormais données aux médecins. Il ne connaît sans doute pas l'inertie du milieu médical. Le professeur Giroux, pharmacologue à la retraite, a souligné combien la pharmacologie clinique n'était pas enseignée à la faculté et, en privé, m'a dit que cela allait en se détériorant. Irène Frachon a parlé, à la suite de Sophie Le Pallec,

(3) Il eût été intéressant de savoir, mais vous verrez que je ne l'ai pas fait lors des questions, si quelqu'un sur le devant de la scène, était traité par une molécule ou plusieurs (je blague, cela s'appellerait la DPM, le Déclaration Publique de Maladies). Par ailleurs : je sois hypertendu et bitraité.

mardi 27 mai 2014

Rencontres Prescrire 2014


C'était la première fois que j'avais envisagé de me rendre aux Rencontres Prescrire. Parce que c'était à Paris. Je viens depuis deux ou trois ans à la remise de la Pilule d'or, inscrit par mon ami Jean Lamarche, je connais donc l'ambiance des meetings laïcs de la revue, l'assemblée des purs, le rassemblement des Justes,  l'ambiance des jamborees, les veillées au coin du feu, le mec barbu qui chante accompagné par sa guitare sèche "OH when the saints" avec les filles qui le dévorent des yeux... Bien qu'ayant regardé le thème des rencontres, "Préparer l'avenir pour mieux soigner", le genre de phrase dont le sinifiant est le signifié et vice versa, qui sentait le préchi précha prescririen, le truc dans le genre rencontres annuelles à Lourdes, avec l'eau bénite, les miracles, les malades qui se lèvent de leur fauteuil roulant, le système de santé qui devient rayonnant pendant le temps où tu tournes autour de la Kaaba, les voeux que tu glisses dans les interstices du Mur des Lamentations, l'immersion dans le Gange à Bénarès... J'ai quand même décidé de venir, j'ai donc payé 300 euro, ce qui, pour un nanti n'est pas grand chose (voir ICI). Mes copains, même prescririens,  m'ont prévenu que j'allais me raser. Je n'en doutais pas : j'ai fréquenté les congrès où l'on ne connaît personne, où l'on écoute des communications où les médicaments sont meilleurs que le placebo, où les examens complémentaires pètent de valeur prédictive positive et où on s'ennuie en se disant qu'on aurait mieux fait de rester dans son cabinet avec des malades qui ne guérissent pas, des médicaments qui ne marchent pas, des crèches qui exigent des certificats à la gomme et seulement 23 euro tous les quarts d'heure. J'ai demandé à mon remplaçant qu'il me remplace le vendredi et le samedi. Je me suis dit : tout prescririen doit être allé au moins une fois aux rencontres sinon il finira dans l'enfer de big pharma avec des visiteuses médicales en tenues légères lui présentant jusqu'à la fin des temps des documents d'aides visuelles racontant le monde merveilleux des courbes ascendantes et des petit p toujours inférieurs à 0,05.
Je suis parti de chez moi plus tard que lorsque je me rends au cabinet et à 9 heures vingt j'étais porte de Saint-Ouen dans le hall de l'Hôpital Bichat.
J'ai pris mon badge, je suis allé boire un café et manger un croissant, et j'ai commencé à rencontrer des gens que je connaissais.
J'ai donc rencontré des rédacteurs de Prescrire, des twittas et des twittos, je ne peux vous révéler leurs pseudos car elles (ils) auraient peur que Mediapart ne vienne croiser leurs pseudos avec les inscrits aux rencontres et leurs absences dans leurs cabinets respectifs ou chez leurs remplaçants, et ne publie des listes qui pourraient intéresser le Conseil de l'Ordre ou les malades qu'elles ou ils fréquentent, des membres du forum Prescrire que je ne nommerais pas non plus de peur que leurs femmes / maris qui les croyaient en train de faire une formation DPC à Montceau-les-Mines n'apprennent qu'ils sont partis rejoindre leurs copines / copains parisiens sous prétexte de servir la messe de la secte du Boulevard Voltaire.
A 10 heures 30 c'est le début de la plénière dans un amphi plein : Ouverture des Rencontres Prescrire 2014.
Philipe Zerr remplace le doyen qui avait piscine et je ne me rappelle pas ce qu'il a dit.
Françoise Brion fait un exposé sans intérêt et parle du prix d'une vie, du patient codécisionnaire et des vaccinations (cherchez l'intrus).
Pierre Chirac lit un texte collectif élaboré par l'équipe de la revue dont le titre aurait pu être L'Evangile selon saint Prescrire et j'entends sans stupéfaction "soignants de bonne volonté".

11 heures : Préparer et penser ensemble l'avenir des soins.
Madame Catherine Naviaux-Bellec (dont les titres sont à eux seuls une invitation à l'ennui : directeur des soins, conseillère pédagogique régionale, Agence Régionale de Santé d'Île-de-France) nous entretient de la réforme des études des étudiants en soins infirmiers. C'est chiant au possible et strictement sans intérêt.
Le docteur Fanny Cussac, jeune installée dans un Pôle de Santé Pluriprofessionnel depuis trois ans, nous expose de façon convaincante le fonctionnement du centre Ramey où il y a quand même 12 MG, 3 cardios, 3 pédiatres et 4 psy. Je n'apprends pas grand chose mais j'entrevois les problèmes que pose ce genre de structure en termes humains et financiers. Un peu étonné, toutefois, qu'un des axes de dépistage soit l'apnée du sommeil... Cela doit être une urgence dans ce quartier populaire de Paris. Je note trois questions à poser à cette jeune collègue mais c'était sans compter le manque de micros et le trop plein de doyens.
Monsieur Gérard Dubey (sociologue) fait un exposé inaudible (les micros ne font sans doute pas partie des nouvelles technologies) sur les nouvelles technologies et nous fait part de l'inintérêt des simulateurs de vol en médecine. On s'en serait douté (il aurait pu lire Perruche en Automne avant de venir).
Puis ce sont les questions et les réponses. C'est Fanny Cussac qui a le droit aux plus nombreuses questions et elle s'en tire bien. Puis c'est l'heure des doyens : on donne la parole au doyen d'une Faculté tunisienne puis au doyen de la Faculté qui avait piscine et qui, les cheveux secs, nous sert un blabla convenu dont je retiens quand même que la médecine générale en est encore à l'enfance. Les deux doyens piquent tellement de temps que les questions de la salle sont terminées : les MG sont encore volés mais cela n'étonne personne. Mes trois questions seront sans réponse : elles étaient sans doute sans intérêt.

12 H 30 - 14 H
Sandwichs, boissons et posters.
Je le dis tout net : dans les congrès Glaxo ou Sanofi, mes amis de big pharma, la bouffe est meilleure. Ici, c'est pas terrible, on mange debout, le vin est médiocre, mais bon, j'échange avec des collègues, twittas et twittos, Jean, Philippe, Olivier et d'autres.
Je vais jeter un oeil sur l'exposition de posters.
Les posters, depuis toujours, ça m'emmerde, que ce soit dans les congrès ou ailleurs. A l'origine, j'avais prévu d'en faire un qui se serait appelé "Evidence Based Medicine en Médecine générale : l'avenir" mais cela m'a fait suer car power point me posait des difficultés pour les schémas que je voulais faire et je n'avais pas envie de me retrouver planté devant mon poster attendant que des confrères et amis viennent me poser des questions plus ou moins intéressantes sur un poster plus ou moins intéressant.
Il y avait quand même 67 posters, plutôt bien réalisés, dans une esthétique plus power point que Prescrire (heureusement) et je me suis balladé de façon agréable entre les concepteurs. Pour s'en faire une idée plus complète, voir ICI.

14 H - 15 H 30 Premier atelier : j'avais choisi le 14, Comment se dégager des influences actuelles pour proposer des soins de qualité ?, animé par les docteurs Isabelle de Beco et Philippe Nicot. Intéressant, rien à dire, des situations à décrypter, mais trop court, trop superficiel (on n'avait pas le temps), inhomogénéité des participants, mais Léa Destrooper et moi on nous propose, par hasard, un document sur la couverture vaccinale en Haute-Vienne, et on se déchaîne car c'est le pompom du trafic d'influences, de la corruption et de la bonne conscience et cela mériterait de longs développements qui pourraient faire dire aux lecteurs qu'on n'a pas que cela à faire de lire des textes trop longs, donc, je résume, la CPAM de Haute-Vienne (capitale Limoges) couche avec Glaxo dans un hôtel de passe sous les yeux des maquereaux de l'Etat. J'en profite pour dire que j'en ai assez des médecins qui se présentent et pour vitriner (néologisme docteurduseizième) leur indépendance disent bravement "Je ne reçois plus la visite médicale" comme s'il s'agissait d'un titre de gloire, d'une victoire de l'addictologie, d'une preuve de courage, comme ces gens qui disent avoir arrêté de fumer alors qu'ils ne fumaient que 3 cigarettes par jour en crapotant, à moins bien sûr que tous ces braves gens n'aient fréquenté les VA, les visités anonymes, "Bonjour, je m'appelle le docteur A et cela fait 147 jours que je n'ai pas reçu une visiteuse médicale"...

Avant de se rendre au prochain atelier, petit tour vers le maigre buffet et les posters où chacun y va de son mot gentil pour tromper l'ennui profond qui nous étreint dans le sous-sol de Bichat étonnamment propre et libre de graffiti, ce qui est loin de ce que j'ai connu jadis à Cochin dans les années soixante-dix où les étudiants, libres de tout QCM, refaisaient le monde en taggant des slogans révolutionnaires sur les murs...

16 H - 17 H 30 Deuxième atelier : j'avais choisi le 7, Savoir expliquer aux patients les avantages et les inconvénients des options de soins : trouver les mots appropriés ; accompagner les patients dans leurs choix, animé par les docteurs Michel Labrecque et Madeleine Fabre. ML est canadien. Il fait une présentation solide, très anglosaxonne, mais son exposé me gêne : il expose la méthode du Shared Decision Making à propos du dosage du PSA. Et il nous dit d'abord qu'il ne faut pas se laisser aller à des discussions chaudes sur le sujet du dépistage. Il se fout du monde. Le soignant ne doit pas faire de différence entre l'option dépistage et non dépistage. C'est au patient de choisir. Il nous distribue ensuite un document réalisé par le Collège des médecins du Québec en nous disant qu'il s'agit d'une réponse à une question d'un malade alors qu'il s'agit, explicitement, d'une recommandation faite aux médecins d'en discuter avec leurs patients entre 55 et 70 ans et... blabla.
Il ne semble pas que mes objections attirent un écho favorable dans l'atelier ni d'ailleurs, je le constaterai ensuite, avec d'autres participants à cet atelier (chaque atelier est mené trois fois). Il y a ensuite un jeu de rôle où je joue le patient, une collègue MG m'interroge et deux observateurs jugent de sa démarche. Grosso modo, et à ma grande surprise, je me glisse dans le jeu de rôle malgré mes réticences, je vais bientôt être prêt à me former sérieusement à l'Entretien Motivationnel (comment ne plus recevoir les visiteuses médicales en dehors des heures de consultation) et les autres groupes dans l'atelier jouent aussi le jeu. Je conviens donc de revoir mon médecin dans un an et qu'il me refasse son numéro de "Vous êtes le malade et vous avez tous les droits, je suis le médecin et je ne suis là que pour vous faire accoucher de votre souris..."
La conclusion : pour exposer les techniques du Shared Decision making, la décision partagée, ML et son accent canadien convaincant aurait dû choisir un autre sujet, mais son propos est intéressant, le respect du malade, la neutralité du médecin, toute la soupe progressiste qui cache mal l'idéologie du self, le néo libéralisme et la façon élégante d'introduire le loup dans la bergerie, je veux dire le PSA dans la vie des hommes. Eh bien, justement c'est le hic de ce brillant exposé : cela montre que la décision partagée peut aussi, dans une situation hiérarchique recréée, permettre d'imposer à des patients des décisions qu'ils n'avaient pas envie de prendre. Dans chacun des groupes, 5 groupes de 5, le patient n'a pas voulu se faire doser le PSA.

Et rebelote, le hall d'entrée, la salle des posters, les twittas et les twittos, les lecteurs Prescrire.

Cornaqué par de jeunes médecins généralistes et des étudiants en médecine et en pharmacie, je marche vers Montmartre, ses touristes japonais (qui ressemblent de plus en plus à des touristes coréens et / ou chinois), ses Russes, ses étrangers qui ressemblent tant à ce que nous sommes quand nous visitons des pays étrangers, des toutous, des toutous.

Je passe sur la soirée, le restaurant, la chanteuse qui chante Piaf et le chanteur qui chante mal, les échanges fructueux entre participants, les tapes dans le dos et la rigolade. Mais je ne peux en dire plus car j'ai remarqué combien les twittos et les twittas tenaient à leur anonymat.

Samedi matin 9 H.
Même hall de Bichat, même café et jus d'orange, mêmes croissants, mêmes pains au chocolat, mêmes pains au raisin, mêmes posters.

9H 30 - 11 H. Je me suis inscrit à l'atelier numéro 9 (et bien que des djeunes m'aient dit que le truc était intéressant mais que l'on sentait, derrière la décontraction, les arguments d'autorité) animé par les docteurs Alain Siary et Michèle Richemond : Le dépistage, le diagnostic précoce, les examens complémentaires sont-ils bénéfiues aux personnes en bonne santé ? Où s'arrête le "juste soin", où commence le traitement par excès ? Alain Siary est un vieux routier de ce genre de sujet, il connaît son affaire et je l'ai trouvé plutôt bon bien que parfois un peu confus et approximatif. C'est le problème quand on aborde des sujets que l'on connaît bien, on s'ennuie ou on critique l'orateur (il y avait le cancer de la prostate et le cancer du sein dans ses exposés, nul doute que cela rappelle quelque chose aux lecteurs de ce blog, non ?). Je ne me suis pas ennuyé. Les animateurs nous ont proposé 4 cas cliniques à analyser. Le cas clinique présenté à mon groupe m'a désorienté alors que je savais d'emblée quelle était l'intention des animateurs : ne pas prescrire de statine. J'étais hésitant, hésitant pour justifier l'une ou l'autre des attitudes, je pense qu'en situation clinique j'aurais sans doute prescrit une statine (il faut savoir que j'ai été élevé dans le culte des statines à une époque où Lipanthyl dominait les débats franco-français). J'ai encore du chemin à parcourir pour être moins hésitant. N'est-ce pas l'intérêt de ces rencontres ? Mais en outre le cas numéro 3 a pointé l'étendue de mes méconnaissances. Cela dit les autres cas cliniques m'ont paru mal documentés et peu en rapport avec les ambitieuses questions posées par l'atelier mais je me suis amusé.

11 H 45 - 13 H. Améliorer sa pratique en comprenant les attentes des patients.
Le premier exposé est mené par Philippe Zerr (maître de conférences associé de médecine générale) et par Pierre Lombrail (1) (professeur de santé publique). Ils mènent le jeu en duo mais ils auraient dû un peu plus répéter. Je dois dire que je me suis rasé. Mais pas seulement. Nous avons eu droit à des propos généraux et lénifiants sur la prévention et l'éducation à la santé avec des diapositives qui auraient rendu intéressantes les photographies de Suzette, la cousine de Lucie, aux bains de mer, et, surtout, et surtout le maître de conférences, on nous a pris pour des khons, je veux dire les MG qui ont un peu de pratique, les MG qui viennent de s'installer et qui ne savent pas, les pôvres, que le milieu compte pour aborder la santé de ses patients. Notre maître de conférences a souligné combien il était important de déceler l'alcoolisme, de vacciner contre l'hépatite B, de ne pas oublier les rappels de coqueluche et de (bien) suivre les femmes enceintes en rappelant combien la France était mal placée, très mal placée, sur l'item Mortalité maternelle. Nous savions déjà que les structures de dépistage étaient multiples et variées, que les financements étaient divers et qu'il existait à la fois des chevauchements et des trous noirs. J'ai eu beau ouvrir mes oreilles en grand je n'ai rien entendu sur le tabac, le cannabis et autres particularités françaises... Je n'ai rien appris et j'eusse aimé que l'on nous encourageât et non que l'on nous culpabilisât. Sans raison d'ailleurs. Pierre Lombrail nous a invité à consulter des sites internet de santé Publique, oui, bon, d'accord, mais...

Le deuxième exposé est proposé par Jean-Luc Plavis, du CISS (dont nous aurons l'élégance de taire quelques liens d'intérêt), dont la carte de visite est aussi longue que les titres d'un général de l'armée mexicaine. Il me choque d'emblée en disant, "Bonjour, je m'appelle, Jean-Luc Plavis, et je suis porteur d'une maladie de...", comme s'il s'agissait d'une qualité et non d'une affection. Passons. Nous avons eu droit à tous les poncifs sur le patient qui a le droit de savoir, du patient malade qui est seul capable de raconter sa maladie, de la masse de données non exploitées que représentent les vécus des malades, qui doit participer à la décision thérapeutique, et, last but not least, qui peut devenir patient-expert capable d'informer et de former les autres patients porteurs de la même maladie. J'ai l'air de me moquer mais en fait je suis d'accord avec tout cela. Mais cet exhibitionnisme me gêne un peu et cette recréation d'une hiérarchie symbolique entre patients sachants et patients ignorants me paraît curieuse.

Les questions de la salle sont assez drôles. On reproche aux deux premiers de ne pas avoir cité les sages-femmes dans le suivi de la femme enceinte, un oubli sans doute significatif dans ce monde d'hommes médecins, d'avoir parlé de capital santé, et cetera. On pose une question sur les éventuels liens d'intérêt du patient-expert, ce qui fait sursauter le staff prescririen, on demande ce qu'il en est des liens d'intérêt des associations de patients avec l'industrie pharmaceutique et un collègue que je ne citerai pas pour ne pas dévoiler son anonymat, interroge notre patient-expert sur le rôle du patient expert dans l'éducation thérapeutique du patient tout venant dans une perspective rogerienne (voir LA).

Bruno Toussaint conclut les rencontres et annonce les prochaines qui se tiendront à Toulouse.

Buffet.

Embrassades, au revoir.

Je le répète : malgré tout, malgré mes nombreuses critiques, je le dis solennellement, heureusement que Prescrire existe, heureusement que les analyses de Prescrire existent, heureusement que l'audibilité de Prescrire progresse, et, en parlant avec les jeunes médecins que j'ai rencontrés, comme je les envie de pouvoir lire une telle revue, comme j'aurais aimé que, médecin en formation, j'aie pu bénéficier de cette ouverture d'esprit, et que, médecin commençant à exercer, j'aie pu ne pas perdre de temps à pratiquer comme on m'avait appris à la fac et, surtout, comme on ne m'avait pas appris... Mais, de grâce, que Prescrire s'ouvre aux spécialités, que Prescrire cesse de nous bassiner avec son idéologie de gauche bien pensante qui ne se trompe jamais, que Prescrire arrête avec sa psychorigidité non généricable sur les génériques, que Prescrire cesse de nous imposer un seul spécialiste de pharmacovigilance, un seul spécialiste en vaccinologie, une seule liste de médicaments à ne pas prescrire, que Prescrire ne se laisse pas abuser par l'idéologie néo libérale du patient roi, et qu'enfin, last but not least, Prescrire s'ouvre au numérique.  


Notes.
(1) Un vieux copain de lycée et de fac que je n'avais pas vu depuis au moins 20 ans. Déclaration de lien d'intérêt.

Illustration : Spielberg Steven. Rencontres du troisième type. 1977.