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dimanche 15 janvier 2023

Bilan médical du lundi 9 janvier au dimanche 15 janvier : massacre des étudiants en médecine, accidents de travail, vaccin Covid, Covid long, tamiflu, industrie, Prescrire, cancer de la prostate, femmes pauvres, Rochoy.

 

Roger Blanchon
Métaphore des soins primaires

12. Le massacre lors de la formation hospitalière des médecins.




13. Les accidents du travail : un problème de santé publique

Les chiffres de 2022 n'ont pas encore été publiés.

En 2021 :

  • 604 565 accidents de travail et accidents de trajet
  • L'indice de fréquence est de 31 pour 1000 salariés
  • 645 accidents mortels : dans la quasi totalité des cas il s'agit de travailleurs manuels.
Voir ICI

La prévention des accidents du travail est-elle essentiellement médicale ? Non.



14. La collection des études de très bas niveau de preuves continue sur la vaccination anti Covid

  • Etudes sponsorisés par l'industrie des vaccins
  • Etudes de cohorte cas-témoin rétrospectives
  • Significativité statistique laissée au vestiaire
  • Présentation des chiffres en valeur relative et non en valeur absolue
  • Conclusions triomphantes et hâtives dès le preprint

Un preprint du Lancet (ICI) indique que les boosters bivalents sont efficaces. 


Eric Topol est enthousiaste (LA) : 


Quant à Paul Offit il s'interroge (ICI) sur la nécessité de vacciner des jeunes gens peu à risques de Covid en les boostant sur des variants qui vont bientôt disparaître.

Vinay Prasad l'est moins (ICI) : en signalant que Peter Marks (de la FDA) admet qu'il n'a pas demandé de données d'efficacité appropriées pour le booster bivalent.



Saul Leiter (1923 - 2013)

15. Et ça continue sur le Covid long.

Pour le covid long sur lequel j'ai déjà écrit ICI il existe 5 problèmes majeurs : 

  1. Un problème de définition : plus de 200 symptômes ont été identifiés avec des impacts multiples sur divers organes
  2. Un problème de causalité : on n'a pas encore retrouvé de lésions spécifiques liées au Covid
  3. Un problème de fréquence : dans le même article (ICI) les auteurs écrivent qu'il survient chez 10 % des patients ayant présenté une affection pulmonaire sévère due au Covid ; plus loin : l'incidence est estimée à 10-20 % des patients non hospitalisés ; plus loin : 50 à 70 % des patients hospitalisés et 10 à 12 % des vaccinés.
  4. Un problème d'essais cliniques de qualité et notamment des essais prospectifs.
  5. Un problème de prise en charge.
Voilà que paraît une étude israélienne dans le BMJ (ICI) indiquant que les patients ayant présenté un Covid modéré (mild) sont à faibles risques de conséquences pour leur santé un an après leur diagnostic.

Un certain Jérôme Larché, je cite : Docteur en médecine interne et spécialiste du Covid long, est interrogé par Léa Giandomenico dans une revue grand public et conteste les résultats de l'étude (LA) avec des arguments plutôt raisonnables. Dans cet article Antoine Flahault, un Fearmonger connu, reconnaît, je résume, que c'est rassurant.

Un article en forme d'éditorial publié sous l'égide de l'université du Minnesota (LA) est lui-aussi très critique sur les résultats de l'article israélien.

Qu'allons-nous devenir ?

16. Tamiflu : quand la pénurie de médicaments est un bienfait pour la santé publique

Des médecins se plaignent d'un manque de tamiflu (osetalmivir), produit inefficace, voire dangereux, dans la prise en charge des premiers symptômes de grippe saisonnière documentée.

L'éditorial est LA

Le titre : 


17. L'industrie pharmaceutique philanthropique

Voir LA l'article 



18. Ne pas prescrire selon la Revue Prescrire : les nouvelles molécules de 2022

LA



19. Dépistage du cancer de la prostate : rebelote.

J'ai une discussion vive sur twitter avec un urologue qui soutient les recommandations des Sociétés savantes, qui, comme chacun le sait sont dénuées de liens et de conflits d'intérêts, prônant un dosage systématique du PSA chez les hommes n'ayant pas d'antécédents entre 50 et 75 ans. Contre l'avis des agences gouvernementales partout dans le monde. Et il n'oublie pas le toucher rectal.

Je connais ses arguments, il ne connaît pas bien les miens, et il finit ainsi (je vous promets qu'il ne s'agit pas d'un montage).


Désespérant.

Dominique Dupagne sur le sujet (qu'il connaît bien) : LA

20. La condition des femmes pauvres dans le Neuf Trois vue par une gynécologue

C'est sur France Culture en 5 épisodes et c'est superbe et effrayant. LA



21. Et avant de vous endormir un billet de blog complet sur les voeux de santé du Président Macron. Par Michaël Rochoy. Des commentaires ad hoc


C'est LA et c'est super.



jeudi 17 novembre 2022

PSA et cancer de la prostate. Histoire de santé publique sans consultation. 12

L'homme à la prostate sur le front.


(1. L'ignominie de l'IGR)

Au moment où l'Institut Gustave Roussy communique sur le cancer de la prostate avec un film d'une nullité, d'une vulgarité, d'une inconséquence remarquables où les principes les plus élémentaires des données des données scientifiques sont bafoués... ICI.

Où l'IGR ne sait pas faire la différence entre la prévention et le dépistage (il est vrai que le surdiagnostic fait partie de ses mots tabous) :



(2.)

Aucune agence gouvernementale dans l'univers ne propose le dépistage organisé et ciblé du cancer de la prostate par dosage du PSA chez des hommes ne présentant aucun facteur de risque.

3. Histoire de santé publique sans consultation. 12

Un de mes amis qui exerce toujours et pas à Mantes m'appelle pour me demander un conseil (médical).

Il est médecin généraliste installé dans une zone urbaine-rurale depuis plus de trente ans.

C'est un excellent médecin : les nombreuses conversations que nous avons eues ensemble, les mails que nous avons échangés en témoignent. Un seul souci (c'est une constante chez moi : je ne suis jamais venu dans son cabinet, je n'ai jamais entendu comment il parlait aux secrétaires -- il exerce dans une maison médicale-- et je n'ai jamais fait la petite souris pendant ses consultations et sans qu'il sache que je suis une petite souris...)

Il a soixante-trois ans.

Il est embêté. 

Voici : 

"Je ne sais pas quoi faire depuis deux jours.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Je suis gêné. Gêné parce que je t'en veux et gêné parce que je pense que tu avais raison.
- Diable !
- J'ai fait une prise de sang pour un prêt immobilier. Il y avait un dosage de PSA dedans...
- ... Et ?
- Il est à 6.
- Et le dernier était ?
- Un vieux vieux... il y a quinze ans...
- Quinze ans ?
- Oui, j'étais trouillard... Il était à 3... 
- Et ?
- Je me demande ce que je dois faire...
- Tu as des signes ?
- Je me lève deux fois par nuit depuis environ cinq ou six ans...
- Pas de brûlures en pissant ?
- Non.
- T'as un putain d'adénome.
- Heu...
- Refais un dosage. 
- Oui. Mais je vais quand même aller voir un urologue.
- Non. Attends le deuxième dosage.
- Cela va donner quoi ? S'il est à 6 je vais voir un urologue, s'il est à 7, idem et s'il est à 5, itou. 
- Et y va faire quoi l'urologue ?
- Je ne sais pas, c'est pour ça que j'y vais...
- Tu le connais ?
- Bien sûr.
- Il est comment ? Très acharné, moyennement acharné...
- ... Arrête...
- Il va te mettre un doigt dans le cul, demander une écho, une IRM, c'est leur nouvelle marotte, et il va te proposer des putains de biopsies...
- Je sais...
- Les putains de biopsies vont revenir négatives et tu vas refaire des putains de dosage et des putains de biopsies...
- Je me rappelle que tu m'avais dit que le dosage du PSA, c'était le doigt dans un engrenage sans fin...
- Oui. Et alors ?
- J'ai honte.
- Honte de quoi ? 
- Malgré tout ce que tu me disais sur le PSA, tout ce que tu m'as fait lire, et bien que persuadé j'ai continué, mais avec réticence, à le prescrire aux patients... Je n'ai jamais osé arrêter complètement... Je mourais de trouille. La trouille de passer à côté d'un cancer et d'avoir un procès au cul... Je préférais les surdiagnostics et les surtraitements à un procès. J'ai sacrifié à ma petite échelle mon confort personnel à celui de mes patients...
- Mais tes patients t'ont félicité.
- ?...
- Oui, ils ont été guéris, amputés et guéris pour une maladie qu'ils n'avaient pas ou qui ne les aurait jamais tués... et parfois pour un cancer qui les aurait tué de toute façon.
- Je fais quoi ?
- Tu fais ce que tu dois faire, poursuivre le processus... Puisqu'il est commencé... Ce n'est pas possible de faire autrement...
- Et toi, tu n'as jamais douté ?
- J'ai toujours douté parce que j'appliquais des données populationnelles à des individus, à des personnes uniques, les données globales sur le dépistage populationnel du cancer de la prostate par dosage du PSA, sont justes mais quid de MON patient assis en face de moi qui aurait pu être sauvé, tu entends les guillemets au téléphone, sauvé par un dosage... J'ai croisé mille fois les doigts et il ne m'est rien arrivé. Par chance... Et je n'ai jamais eu de procès ni pour ne pas avoir dosé le PSA, un procès où les professeurs d'urologie seraient venus déverser leur haine, et encore moins pour ces patients guéris d'on ne sait quoi et impuissants...
- Je te tiens au courant.
- Je ne te lâcherai pas...


 


mardi 21 juin 2016

Ce sont des raisons non administratives qui vont me faire cesser de pratiquer la médecine.


Je pense prendre ma retraite en juin 2018 avec tous mes trimestres (cela fera 39 ans d'exercice).
Je pensais continuer de travailler ensuite trois jours par semaine pour assurer la continuité des soins au cabinet, pour conforter l'avenir du dit cabinet et pour ne pas "abandonner" en rase campagne les patients que, pour certains et à cette époque, j'aurais connus depuis 39 ans...

Croyez-vous que je vais vous parler d'honoraires ? Croyez-vous que je vais vous parler de cette méchante Assurance maladie ? De la CARMF (la caisse de retraite des médecins) ? De l'URSSAF ? Du Trésor Public ?

Non.

Je vais vous parler de la médecine que je ne peux exercer. Ou que je ne peux exercer qu'au prix d'efforts surhumains

Ne croyez pas que je sois blanc bleu, que je fasse pas perdre de temps à mes collègues. C'est loin d'être le cas. Interrogez mes collègues dans le voisinage, ils auront des choses à dire sur moi. Interrogez mes patients ils auront aussi des histoires à raconter. J'ai déjà fait assez d'autocritique pour ne pas en rajouter. Pour faire le malin ou pour montrer combien je sais reconnaître mes erreurs.

Voici un aperçu minimaliste de mes petites peines de médecin. Je dis "petites peines" car ce ne sont que des petites peines comparées à celles qu'endurent les patients.

  1. Parce que je passe trop de temps à informer les patientes (et certainement pas assez), quand elles ont reçu la convocation de l'ADMY (l'association des médecins des Yvelines qui gère l'affaire), sur le rapport bénéfices/risques du dépistage organisé du cancer du sein (ce qui, en toute logique, et dans un pays démocratique devrait incomber aux promoteurs de ce dépistage et non aux médecins traitants, surtout quand ils doivent dire la médecine en  contradiction avec ce qui est raconté partout dans les media grands publics)... Et que les documents d'information, au lieu d'être le fait de la puissance publique, sont produits par des médecins indépendants (voir ICI par exemple).
  2. Parce que je passe trop de temps à informer les patients (et certainement pas assez), quand ils ont reçu la convocation de l'ADMY (l'association des médecins des Yvelines qui gère l'affaire), sur le rapport bénéfices/risques du dépistage organisé du cancer colorectal (ce qui, en toute logique, et dans un pays démocratique devrait incomber aux promoteurs de ce dépistage et non aux médecins traitants)... Et que les documents d'information, au lieu d'être le fait de la puissance publique, sont produits par des médecins indépendants (voir ICI)
  3. Parce que je passe trop de temps, en  contradiction avec ce qui est raconté presque partout dans les media grands publics, à informer les patients qui désirent que je leur prescrive un dosage de PSA... sur le rapport bénéfices/risques de cet examen qui n'est pas recommandé comme dépistage systématique. Et que les documents d'information, au lieu d'être le fait de la puissance publique, sont produits par des médecins indépendants (voir ICI)
  4. Parce que je me lasse de découvrir que l'on a dosé le PSA à l'un de mes patients (à l'insu de son plein gré) lors de son passage à l'hôpital ou chez un spécialiste bien intentionné (je ne parle pas des urologues dont le métier est de doser le PSA), ou à la médecine du travail, ou dans les centres d'examens périodiques de santé, pour un cor au pied, un rhume, voire une spondylarthrite ankylosante, que l'on a fait doser le PSA, comme ça, sans prévenir le patient... et sans l'informer du rapport bénéfices/risques de cet examen (cf. supra).
  5. Parce que j'en ai assez de constater que nombre de patientes sont convoquées tous les trois mois par leur gynécologue pour renouvellement de pilule et tous les ans pour frottis du col utérin contrairement à toute logique et à toute preuve scientifique. Et de devoir leur expliquer (perdre mon temps) que l'on peut prescrire la pilule pour un an et que le délai entre deux frottis est de trois ans.
  6. Parce que j'en ai assez que les consultations de mémoire aboutissant à un diagnostic d'Alzheimer chez "mes" patients se terminent dans 99,9 % des cas par la prescription d'un prétendu médicament anti Alzheimer par les spécialistes de la question... (on me dit dans l'oreillette que pour cause de trop grande efficacité ces médicaments sont sur le point d'être déremboursés).. et parce que je passe trop de temps à expliquer la famille, le plus souvent en vain, que les médicaments prétendûment anti Alzheimer sont à la fois inefficaces et potentiellement dangereux. "Vous en ont-ils parlé quand le médicament a été prescrit ? - Non."
  7. Parce que j'en ai assez que les patients soient obligés, au décours d'un passage aux urgences, chez le dentiste, chez le dermatologue, le cardiologue ou le rhumatologue, de venir me voir parce qu'on leur a dit que ces professionnels de santé ne faisaient pas d'arrêt de travail et qu'ils devaient aller en demander un à leur médecin traitant, ce qui nous gâche la vie
  8. Parce que j'en ai assez que les patients, après avoir consulté les centres anti douleurs où ils ont à peine été interrogés/examinés, ressortent avec des ordonnances stéréotypées de pregabaline et consorts.
  9. Parce que j'en ai assez de constater que les patients sortant des centres de cardiologie post infarctus soient (encore) traités par procoralan, crestor, tahor, exforge, c'est à dire passer du temps à aller à l'encontre de la  prescription d'un de mes confrères. Lassitude.
  10. Parce que j'en assez de devoir surveiller les INR flottants de patients qui ont reçu du sintrom ou du previscan à la sortie de l'hôpital au lieu de la bonne vieille coumadine, produit le plus prescrit dans le monde.
  11. Parce que j'en ai assez que des patients étiquetés BPCO par des pneumologues n'aient pas de BPCO et que je doive supprimer des traitements inefficaces, c'est à dire passer du temps à aller à l'encontre de la  prescription d'un de mes confrères.
  12. Parce que j'en ai assez que le pharmacien ou le médecin du travail (le docteur S sur twitter se reconnaîtra) dise qu'il est nécessaire de prescrire un appareil de mesure de glycémie capillaire à un patient diabétique non id.
  13. Parce que j'en ai assez que les consultations de cardiologie passent presque systématiquement par la case échographie, épreuve d'effort, voire scintigraphie d'effort, voire coronarographie, voire dilatation, voire stents, voire... chez des patients qui ne le méritaient pas.
  14. Parce que j'en ai assez que la prévention des risques évitables soit en France aux abonnés absents (alcool, tabac, junk food, par exemple) et que je doive passer mon temps à lutter, en mon cabinet, contre les différents lobbys qui ont pignon sur rue dans tous les media... et au risque de passer pour un ringard...
  15. Parce que j'en ai assez de devoir me désoler que... mes confrères, mes consoeurs, et cetera...
  16. Et je n'ai pas parlé de l'oncologie, des soins dits palliatifs, de l'hospitalocentrisme et de l'excès  de lutte contre l'incertitude. Voir le blog....
Je remercie ici tous les médecins qui m'ont permis de me délivrer un peu de la gangue de l'enseignement de la faculté de médecine qui m'a appris des choses capitales mais qui m'a aussi appris à ne pas exercer mon esprit critique et à croire à l'enseignement descendant, paternaliste, et cetera. Mais c'était sans doute il y a longtemps. Et je remercie aussi La Revue Prescrire.
Je ne les remercie pourtant pas car ils ont rendu l'exercice de la médecine générale impossible car je dois passer mon temps à dire le contraire des avis autorisés des autorités de santé et, finalement, à faire le travail de ceux qui sont payés, par l'industrie et par leur ego démesuré (le pouvoir, le pouvoir),  pour dire une médecine qui va à l'encontre, selon moi, de l'intérêt des citoyens.

mardi 3 février 2015

Un PSA venu de nulle part. Histoire de consultation 180.


Monsieur A, 73 ans, est hypertendu et, accessoirement dyslipidémique. Il est traité par lisinopril 20 mg et pravastatine 20 mg depuis une vingtaine d'années (par le docteur du 16).
Il est venu avec sa femme, Madame A, 71 ans, qui a déjà "fait" un infarctus et qui souffre de deux ou trois trucs dans le même métal (HTA, diabète de type 2, dyslipidémie).
Un de leur fils est médecin hospitalier.



Monsieur A en fin de consultation : "N'oubliez pas le bilan annuel."
J'avais oublié.
J'écris donc "Evaluation d'une anomalie lipidique, créatininémie (poids = 83 kilos), glycémie à jeun".
Lui : "N'oubliez pas le PSA".
Moi : "A quoi cela peut-il bien servir ?"
Madame A : "Nous savons que vous êtes contre mais nous aimerions savoir."
Moi : "Vous voulez que je recommence à vous dire pourquoi le dosage du PSA en général et en particulier chez un homme de votre âge dont l'espérance de vie, grosso modo (là, je m'avance) est d'environ une quinzaine d'années, ne présente pas un intérêt évident quand on analyse le rapport bénéfices / risques ?"
Ils attendent que je refasse complètement le boulot.
J'explique, je réexplique, et je m'ennuie comme quelqu'un qui répète presque toujours la même chose et qui finit par se demander si l'autoritarisme, le paternalisme, l'avis d'expert, l'autorité de la chose jugée, le mieux disant médical et tout ce que vous pouvez imaginer, ne seraient pas mieux que les valeurs et préférences des patients...
Je refais donc le boulot (vous pouvez consulter sur ce blog le libellé Cancer de la prostate (28 occurrences) ou le libellé PSA (10 occurrences).
J'ai convaincu Monsieur qui reformule qu'il n'a pas envie des complications, du suivi, de l'attente des résultats, dans le désordre.
Un PSA prescrit par un collègue était à 1,25 (pour une normalité inférieure à 4) il y a environ deux ans.
Mais Madame A :"Je préfèrerais que vous le prescriviez et nous ne tiendrons pas compte du résultat".


mardi 31 juillet 2012

Une métaphore tragique liée au PSA : un oncologue "guéri" du cancer et incapable de courir.


Dans les Archives of Internal Medicine, Charles L. Bennett, médecin, oncologue, spécialiste du cancer de la prostate depuis 25 ans et titulaire d'un diplôme de santé publique, raconte ICI (A 56-year old physician who underwent a PSA test Arch Intern Med. 2012;172(4):311-311. doi:10.1001/archinternmed.2011.2246) la tragique histoire d'un patient de 56 ans dont il s'est occupé et dont le destin morbide (parésie du bras et de la jambe droites apparue en post opératoire immédiat) le taraude en raison des décisions qu'il a prises et qui ont amené le patient à cette condition.
Le problème majeur : Charles L. Bennett est à la fois le médecin qui a décidé l'attitude thérapeutique et le patient qui a subi les effets indésirables.
Il conclut son article ainsi : "Même le patient le plus informé (moi en l'occurrence) a des difficultés à prendre une décision vraiment informée."
Cette lettre peut être interprétée de multiples façons.
Merci de la lire auparavant, c'est court, afin que vous puissiez vous faire une idée avant que je ne commente de façon qui pourrait vous paraître orientée.

Voyons d'abord la succession des faits :
  1. Il décide à 50 ans de faire son PSA annuel et rituel : 2,5 ng / ml (il était l'année précédente à 1,5). Et savez-vous ce qu'il fait ensuite ? D'en parler à un urologiste qu'il connaît bien et avec lequel il a effectué des recherches. L'urologiste lui demande de faire des biopsies.
  2. Les biopsies sont effectuées 6 semaines après et il va les lire lui-même avec l'anatomopathologiste. Le score de Gleason est à 3+3 dans 1 sur 12 des prélèvements et il n'y a aucun envahissement.
  3. Il a peur du cancer. 
  4. Son expérience interne lui rappelle que la majorité de la centaine de malades qu'il a vus avec le même tableau clinique ont, dans ce cas, opté pour la chirurgie, et une faible proportion pour la radiothérapie ou pour la simple surveillance. Son expérience externe, il la recherche auprès des meilleurs spécialistes du pays (chirurgiens, oncologues, radiothérapeutes) et non dans la lecture des publications.
  5. Il décide de se faire opérer (prostatectomie radicale).
  6. Pour mettre toutes les chances de son côté, et parce qu'il a peur, à 50 ans, de subir des conséquences sexuelles de l'intervention, il choisit un leader national pour l'opérer pensant que chez un homme en bonne santé de son âge les risques de troubles sexuels, de troubles vésicaux ou intestinaux sont faibles et qu'il y a 100 % de chances qu'il n'ait plus de cancer 20 ans après.
  7. Cinq ans après : pas de cancer, dit-il, PSA à 0 mais parésie du bras et de de la jambe droite. Il ne parle pas de sexe mais il ne peut plus faire sa course à pied quotidienne.
  8. Il cite alors les recommandations récentes de l'US Preventives Service Task Force (LA) et se lamente de ne les avoir pas connues auparavant. Il dit que si c'était à refaire il opterait pour la surveillance active.
De mon point de vue il s'agit d'une succession d'erreurs de raisonnement médical. Est-ce dû au fait que nous avons affaire à un spécialiste du cancer de la prostate ? Est-ce lié au fait qu'il soit à la fois le médecin et le patient ? Est-ce dû à sa pratique, à savoir travailler dans une équipe multidisciplinaire spécialisée dans la pathologie dont il croit être atteint ? Est-ce provoqué par la croyance répandue qu'en matière de cancer Le plus tôt c'est le mieux ? Est-ce lié à la cancérophobie personnelle du médecin malade ?

La communauté urologique croit majoritairement, notamment aux Etats-Unis d'Amérique, aux bienfaits du dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA.
Charles Bennett  a agi avec lui-même comme il agissait avec ses patients, prétend-il.
Travaillant dans un centre d'oncologie urologique depuis 25 ans il y a acquis une incontestable technicité et une façon de penser. Ce n'est pas une pensée sectaire mais une pensée communautaire de travail. Comme il existe une pensée communautaire majoritaire chez les boulangers ou chez les enseignants ou chez des employés de coca cola. Cela ne signifie pas que tout le monde pense la même chose, la réalité dit le contraire tous les jours, cela signifie que le fait d'endosser un statut entraîne de façon presque automatique une façon de penser et de se comporter qui ignore le reste du monde.
Robert Musil faisait dire à l'un de ses personnages dans L'homme sans qualités qu'il ne fallait jamais interroger quelqu'un sur son travail car il ne pouvait pas dire la vérité.

Dans les faits qui nous sont rapportés nous pouvons extraire quelques comportements erronés ou dangereux. 
  1. Demander une biopsie avec un PSA à 2,5 contrairement à toutes les recommandations, émaneraient-elles de la communauté urologique et / ou oncologique
  2. Lire lui-même les plaques histologiques le concernant
  3. Etre cancérophobe en étant oncologue
  4. Ne pas se mettre dans la position d'un questionnement EBM à propos de son propre cas, ce qui, admettons-le, est pratiquement impossible. Nul doute que son expérience interne aura changé...
  5. Décider de se faire opérer pour être à 100 % "cancer free" 20 ans après
  6. Etre persuadé que les complications post opératoires sont malades dépendants (il se dit en bonne santé) et opérateurs dépendants et donc non liées au hasard (ce qui, selon mon expérience interne est quand même assez vrai) et choisir le "meilleur" pour se faire opérer
  7. Etre un malade guéri
  8. Croire que les dernières recommandations, celles de l'USPSTF, sont sorties de nulle part et non de publications qu'il aurait dû lire (expérience externe).

Je voudrais également souligner un fait qui a dû, tout comme moi vous choquer : il ne dit pas un seul mot des centaines de malades qui ont défilé dans son bureau et pour lesquels il a appliqué les mêmes principes !


dimanche 25 mars 2012

Cancer de la prostate : If you don’t mind what goes on your death certificate, prostate screening is a waste of time. Richard Lehman.


Les lecteurs de ce blog vont se demander si je ne fais pas une fixation pathologique sur certains sujets, le dépistage du cancer de la prostate au moyen du PSA étant l'un de ceux là. Après tout, je en suis qu'un homme... Mais il s'agit aussi d'une situation paradigmatique puisque nous avons des faits, des données, des preuves et nous avons aussi une polémique, des débats contradictoires et des préjugés. Le monde réel est celui des illusions, des parallaxes, des a priori, et des croyances. 
Mais, bon, cent fois sur le métier, remettons notre ouvrage.
(Rappel : nous avons montré sur ce blog, LA, combien les carottes étaient cuites et je ne peux que vous recommander de lire des auteurs indépendants de moi comme Alain Braillon -- ICI-- ou Dominique Dupagne --LA--, qui ont depuis longtemps enfoncé le clou).


Une nouvelle étude vient de paraître dans le New England Journal of Medicine. Elle a étudié la mortalité due au cancer de la prostate pendant et après onze ans de suivi. Vous trouverez ICI un abstract à lire, la version intégrale demandant un abonnement. Elle indique de façon claire que le risque relatif de mourir d'un cancer de la prostate est diminué de 21 %, voire de 29 % après ajustement pour non compliance, selon que l'on dépistait ou non le cancer de la prostate en dosant le PSA. Quant à la diminution du risque absolu de mourir d'un cancer de la prostate dans les conditions de l'essai, elle est de 0,1 décès pour 1000 personnes-années, soit 1,07 mort évitée pour 1000 hommes randomisés. Pour conclure sur cet essai, largement sponsorisé par nombre de firmes pharmaceutiques commercialisant des anti cancéreux, disons que pour prévenir un décès dû au cancer de la prostate pendant 11 ans de suivi il faut inviter 1055 hommes au dépistage et trouver 37 cancers de la prostate.
Enfin, last but not least, mais c'est le résultat le plus important, il n'y a pas de différence en termes de mortalité totale.
Cette divergence mortalité totale / mortalité liée à la prostate est un des éléments clés du débat. Mais les mêmes interrogations se posent pour le dépistage du cancer du sein par mammograpie, nous l'avons vu sur ce blog (ICI).
L'opinion la plus communément répandue, et que je partage, est que tout moyen d'intervention qui ne diminue pas la mortalité globale n'a pas d'intérêt. A quoi cela peut-il bien servir de dépister une maladie pour la traiter si, au bout du compte, on ne diminue pas la mortalité globale ?
Il existe bien entendu des arguments opposés. Pour les résumer, on peut dire d'abord qu'il faudrait, quand la maladie est fréquente, inclure des effectifs considérables ; ensuite, que la santé publique ne s'intéresse pas seulement à éviter la mortalité mais aussi à éviter la morbidité, c'est à dire à la vie sans maladie ; enfin, que les patients du groupe dépisté vivent a priori plus longtemps que les non dépistés et peuvent ainsi plus fréquemment mourir d'autre chose (effet lead-time) (et vous verrez LA, dans les commentaires, des arguments pro et des arguments contre, notamment de Ha-Vinh).
Mais les contre arguments les plus forts pour imposer de ne prendre en compte que la mortalité globale et non la mortalité spécifique sont ceux-ci : le dépistage n'est pas anodin et n'est pas sûr, il peut entraîner des dommages graves, dont des décès, chez des patients en bonne santé, c'est à dire induire mortalité et morbidité chez des personnes (pas des patients, pas des malades) qui ne demandaient rien, qui n'auraient jamais été malades, ou qui, sans traitement, ne seraient jamais morts de la maladie qu'on leur a dépistée, et, dans le cas du cancer de la prostate rendre impuissants et / ou incontinents et / ou gynoïdes (voir illustration) pendant une dizaine d'années des hommes qui n'auraient pas eu la maladie ou qui n'en auraient souffert, non dépistée qu'un an ou deux (les cancers très agressifs).

Nous sommes dans le domaine des croyances.
Il n'est que de voir comment les journaux sponsorisés par Big Pharma et par l'Association française des urologues en tirent des conclusions dithyrambiques sur l'intérêt du PSA... Sans compter des blogs se prétendant objectifs (ICI).

Prenons un exemple où la croyance est plus forte que la logique mathématique et où l'exposition des faits de façon malintentionnée conduit au dépistage et où une présentation plus objective rend le sens commun indécis et le dépistage moins évident.
Je reprends cet exemple de Leda Cosmides et John Tooby, psychologues cognitifs et théoriciens controversés (LA pour se faire une idée de leurs recherches, controversées), exemple cité par Jean-Pierre Dupuy (L'avenir de l'économie. Paris : Flammarion, 2012).
Première version :

Soit une maladie qui touche une personne sur 1000 en moyenne.
Il existe un test pour la détecter avec un taux de faux positifs de 5 %
Le résultat, dans votre cas, est positif.
Quelle probabilité donnez-vous au fait d'avoir la maladie ?
(la réponse n'est pas 95 %)

Deuxième version en forme d'explication :

Sur 1000 personnes testées une en moyenne aura la maladie et le test sera pour elle positif (en ignorant les faux négatifs) mais il sera positif également pour 50 autres personnes. Seul donc un individu sur 51 aura effectivement la maladie.
Donc la probabilité d'avoir la maladie avec un test positif est de 2 %

Etonnant, non ?

Enfin, voici un commentaire que j'ai trouvé sur le blog de Richard Lehman (LA) à propos de l'essai cité.
D'abord, notre médecin humoriste, écrit ceci : "Pourquoi appelle-t-on le PSA PSA ? Parce que cela signifie Perfectly Stupid Attributes pour un test de dépistage !" Je ne traduis même pas.
Mais surtout, voici le summum : "Now clearly, if you don’t mind what goes on your death certificate, prostate screening is a waste of time. But to inform our advice to patients, let’s look at it from the perspective of somebody who had decided they would rather die of anything but prostate cancer. “To prevent one death from prostate cancer at 11 years of follow-up, 1055 men would need to be invited for screening and 37 cancers would need to be detected.” So if you had a “cancer” detected by screening, there is a one-in-37 chance that treatment would prevent your death within 11 years. And your odds of dying from anything in that period would be the same."

Faut-il aussi que je ne traduise pas ?
Si vous vous en fichez de savoir ce qui sera marqué sur votre certificat de décès, le dépistage prostatique est une perte de temps. 

mardi 25 octobre 2011

Pour en finir une dernière fois avec le dosage du PSA pour dépister le cancer de la prostate.


Un organisme américain, USPSTF (United States Preventive Services Task Force), vient de publier un draft (projet) recommandant de ne pas doser le PSA pour dépister le cancer de la prostate chez l'homme.
Il s'agit d'une recommandation de grade D qui signifie : l'USPSTF recommande de ne pas pratiquer ce dosage. Il existe une certitude modérée à haute (vous lirez le tableau 2 du draft qui rappelle quels sont les niveaux de certitude) que ce dosage n'apporte pas un net bénéfice ou que les inconvénients l'emportent sur les avantages. L'USPSTF déconseille l'utilisation du dosage.
Vous pouvez ICI le trouver afin de vous en faire une idée et LA faire des commentaires si vous le souhaitez (on aimerait tant qu'en France ce genre de procédures soit ouvert mais ne rêvons pas : quelques années encore... ou jamais).
Je vais essayer de vous le résumer en m'aidant d'un document américain (Medscape) qui m'a facilité la tâche.

Voici, de façon préliminaire, ce qu'entend l'USPSTF par "sur diagnostic" (overdiagnosis) ou "pseudo maladie" (pseudodisease) :
  1. "Des preuves indiquent que les programmes de dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA entraînent la détection de nombreuses cancers de la prostate asymptomatiques.
  2. D'autres preuves convaincantes indiquent que la majorité des hommes chez qui sont découverts des cancers asymptomatiques de la prostate par dosage du PSA ont une tumeur qui répond aux critères histologiques du cancer de la prostate.
  3. Mais la tumeur, soit ne progressera pas, soit sera si indolente ou lente à se développer qu'elle n'affectera pas l'espérance de vie, soit n'entraînera pas d'effets délétères sur sa santé, et ainsi le patient mourra-t-il d'une autre cause.
  4. Le paragraphe 3 est la définition du sur diagnostic ou de la pseudo maladie"
A partir de cette définition on peut dire ceci : le taux de sur diagnostic augmente avec le nombre de biopsies ; une étude montre que, sans tenir compte du PSA, on trouve un cancer chez 25 % des patients à qui l'on pratique une biopsie ; le nombre de sur diagnostics augmente avec l'âge.

Les questions posées par le USPSTF étaient les suivantes :
  1. Est-ce que le dosage du PSA en situation de dépistage diminue la mortalité spécifique due au cancer de la prostate et / ou la mortalité toutes causes ?
  2. Quels sont les inconvénients du dosage du PSA en situation de dépistage ?
  3. Quels sont les bénéfices du traitement dans les stades précoces ou en situation de dépistage des cancers de la prostate ?
  4. Quels sont les inconvénients du traitement dans les stades précoces ou en situation de dépistage des cancers de la prostate ?
Nous avons vu que l'USPSTF décourageait le dépistage.

Je voudrais rajouter quelques éléments intéressants mais, si j'avais eu le temps, je vous aurais tout traduit :
  1. Le risque de faux positif après un dosage du PSA positif est de 12 à 13 %
  2. L'étude européenne ERSPC (dont je vous avais parlé en mal ICI) montre une diminution de la mortalité spécifique après analyse en sous-groupe chez les hommes entre 55 et 69 ans
  3. Le nombre de malades à traiter pour obtenir un effet indésirable (voir ICI les notions de Nombres de Malades à Traiter et le Nombre de Malades à Ne pas Traiter) est globalement de 5 pour l'incontinence urinaire et, pour les troubles de la fonction érectile respectivement de 3 pour la prostatectomie et de 7 pour la radiothérapie.
  4. La prostatectomie est associée à un risque mortel de 0,5 % et à un risque cardiovasculaire de 0,6 à 3 %
L'AUA (l'équivalent américain de l'AFU) a fortement réagi.
We are concerned that the Task Force's recommendation will ultimately do more harm than good to the many men at risk for prostate cancer, both here in the United States and around the world."
Ainsi que d'autres organisations comme ZERO, The project to end prastate cancer, une association fortement sponsorisée par Big Pharma et l'AUA.
"The decision of no confidence on the PSA test by the US government condemns tens of thousands of men to die,"
Mais il fallait s'y attendre.
Ce n'était donc qu'un draft mais nul doute que ce projet deviendra définitif.

(Karl R POPPER - 1902 - 1994)


dimanche 5 juin 2011

Voeux pieux : ne plus adresser de patients aux urologues ! Histoire de consultation 83


Monsieur A, 70 ans, revient me voir parce que l'urologue à qui je l'avais adressé veut lui faire des biopsies de prostate.
Cette phrase est erronée.
J'ai adressé Monsieur A, 70 ans, chez un urologue pour un kyste de l'épididyme qui le gênait, associé à une lame d'hydrocèle.
Monsieur A, 70 ans, sans antécédents pathologiques particuliers (il ne prend aucun traitement chronique), n'est pas allé voir l'urologue que je lui avais conseillé et à qui j'avais écrit une lettre tapuscrite, "parce que c'était trop loin".
Si j'ai adressé Monsieur A, 70 ans, à un urologue de ma connaissance qui n'exerce pas dans ma ville, c'est parce que les urologues de ma ville sont des acharnés (chez les hommes) a) du PSA ; b) de l'intervention ; c) des dépassements d'honoraires.
On peut dire aussi que Monsieur A, 70 ans, aurait quand même pu (je monte sur mes ergots) suivre les conseils de son médecin traitant et ne pas se rendre chez un urologue que je n'apprécie guère et à qui je n'envoie des patients qu'une fois tous les ans pour des raisons qui tiennent à l'EBM (vous voulez des explications, les voici : l'EBM - voir ici pour les explications théoriques - est la réponse à un questionnement qui pourrait se résumer à ceci, en langue triviale : qu'est-ce que je fous d'un malade dont les valeurs et les préférences sont opposées ou incompatibles avec les miennes, indépendamment de mon expérience interne et externe ? Et ainsi, devant le malade A qui ne veut pas aller chez l'urologue B pour des raisons de distance, d'intolérance, de feeling, je ne sais quoi d'autre, ou au contraire qui veut aller chez l'urologue C parce que le copain du copain de l'ami qui est au Rotary ou à la CGT ou à l'association des joueurs de belote du Vexin français, urologue C dont les compétences en urologie sont PSA dépendantes, je suis bien obligé -- mais nombre de mes confrères et consoeurs émettent l'opinion qu'il ne faut jamais céder à l'injonction des malades, que l'Etat de la Science est plus important que la conscience, et que, des malades comme cela, il faut les envoyer balader, et cetera, et cetera -- je finis par les adresser là où le malade est capable d'aller, me disant que je contrôlerai mieux la situation que s'ils sont lâchés dans la nature et qu'ils aillent voir un autre confrère qui leur conseillera un autre urologue que j'aime encore moins... Le lecteur avisé me dira que dans le cas particulier j'ai fait un courrier pour l'urologue B et que le patient est allé voir l'urologue C... Ce qui n'est pas la même chose...
Revenons au fil de l'histoire.
Monsieur A, 70 ans, revient me voir, dans le couloir, entre la secrétaire et la salle d'attente, pour me dire qu'il est "convoqué" pour qu'on lui fasse des biopsies de prostate et qu'il voudrait connaître mon avis.
Ne comprenant rien à l'histoire, je lui demande déjà qui est l'urologue et que je vais l'appeler.
Cela demande deux jours car le fameux urologue fait des ménages dans différentes cliniques de la région, un jour ici, un autre jour là et je finis par lui parler. L'histoire est simple : il a lu ma lettre d'un derrière distrait, il a vaguement examiné le patient, il lui a fait un toucher rectal (je vous prie de bien vouloir consulter ICI un article de Des Spence dans le BMJ dont vous n'aurez que les premiers mots mais qui pourrait vous inciter à vous abonner à cette excellente revue, l'article s'intitule, je traduis : Toucher rectal : mauvaise médecine), il a prescrit des PSA qui sont revenues à 7 : il fait des biopsies. J'ai eu beau argumenter au téléphone, il m'a pris pour un instrument de musique thaïlandais (khon), un ignorant, un débile de médecin généraliste.
J'ai revu le patient (avec sa femme) à qui j'ai expliqué l'affaire et il m'a dit, en substance, que j'étais un incompétent parce que je ne lui avais pas fait doser avant le PSA, et qu'il allait se faire biopsier.
Voici la triste histoire de Monsieur A et de son médecin traitant.
Et je ne vous parle pas des risques de la biopsie prostatique qui sont abordés sur différents sites quand on interroge Google mais jamais, au grand jamais, le risque de dissémination de cellules cancéreuses par effraction de la capsule, n'est abordé...

samedi 2 avril 2011

UN NOUVEAU MALADE ET UN ANCIEN MEDECIN - HISTOIRES DE CONSULTATIONS 76 ET 77

Les Arcs (Savoie) - Février 2010 - (Photo Docteurdu16)
76
Monsieur A, 51 ans, a pris pour la première fois rendez-vous au cabinet. Son médecin est parti à la retraite et il a donné mon nom comme médecin pouvant lui succéder.
Quel honneur !
Le patient n'a pas encore récupéré son ancien dossier. Il n'y avait pas pensé et l'ancien médecin traitant non plus. Enfin, c'est la version que l'on me donne.
Il me montre un bilan sanguin daté de décembre 2010 avant même que je n'aie cherché à l'interroger sur ses antécédents.
Tout va bien jusqu'à ce que j'arrive au chapitre PSA. Le PSA est à 5,8 (pour une normale inférieure à 4). Le malade me sort alors un autre dosage (de mars) avec un PSA à 4,5 et avec un rapport PSA libre / PSA total égal à 0,15 (les spécialistes apprécieront). Monsieur A ajoute : "Il faut refaire un dosage pour voir si le PSA diminue encore depuis que je prends le traitement du docteur B." Il me montre alors la dernière ordonnance de son médecin traitant, écrite à la main, qui indique : "Permixon, 2 cp par jour et Tamsulosine LP, un comprimé par jour, pendant six mois."
Je suis dans le rouge.
Je me retrouve avec un patient péèssaïsé et un dosage douteux. Quid ? J'ai le doigt dans l'engrenage. Et ce, d'autant, que le brave garçon ajoute : "Le docteur B m'a dit d'aller consulter un urologue." Ce n'est plus mon doigt mais ma main qui est coincée dans l'engrenage.
Je temporise. Je l'interroge sur sa symptomatologie urinaire. Rien de terrible. La pollakiurie nocturne est passée de 2 à 1 sous phytothérapie / alpha-bloquants. J'aurais aimé qu'il se lève douze fois la nuit et qu'il soit impérieux le jour, je me serais dit, une banale hypertrophie de prostate. Et basta.
Je prescris donc quelque chose d'inutile : une échographie de prostate pour connaître le volume de la prostate (et bien que je sache que la symptomatologie urinaire n'a aucun rapport avec le volume prostatique) et sa structure (et bien que je sache que c'est un mauvais examen et que le cancer est indépendant de toute symptomatologie).
Mais la consultation n'est pas finie.
Il me dit aussi qu'il aimerait bien repasser un hemoccult. Je l'interroge, blablabla, et il me dit que cela fait deux ans qu'il ne l'a pas fait, certes, je lui demande s'il a reçu la convocation, oui, nous convenons qu'il la rapporte lors de la prochaine consultation. Je lui demande également s'il y a des antécédents dans sa famille, et il me fait cette réflexion stupéfiante : "On m'a déjà enlevé deux polypes." Oups ! Moi : Il y a combien de temps ? Lui : Environ 5 ans. oui, c'est cela, c'était le docteur C. - Je le connais. - C'est pourquoi le docteur B me faisait refaire un hemoccult tous les deux ans..."
Ouaf ! Glups !
Je lui dis avec prudence que la coloscopie est l'examen de choix au décours de la résection de polypes coliques, fussent-ils bénins. Il a l'air surpris. Moi aussi.
Donc Monsieur A n'est pas un cadeau : son ex médecin traitant pratiquait le dosage du PSA par principe et organisait le suivi de la résection de polypes coliques avec l'hemoccult...
(Je mets en lien un article plutôt bien fait --mais pas exact à 100 %-- sur le sujet du dépistage colorectal ICI, quant au PSA, je vous renvoie au blog LA et LA)

77
Monsieur A, 45 ans, a eu un très grave accident de voiture il y a environ 20 ans et son handicap porte essentiellement sur ses deux membres inférieurs (fractures ouvertes compliquées ayant nécessité plus d'un an d'hospitalisation entre les réinterventions, les sepsis et autres fadaises, douleurs multiples et variées et syndrome dépressif secondaire avec perte de l'estime de soi, incapacité à reprendre une vie normale dans la société, haine de son handicap, haine de ses jambes, et cetera...). Quoi qu'il en soit, cela fait des années qu'il consulte, cela fait des années qu'il refuse de voir un psychiatre, cela fait des années qu'il vit dans son handicap en vase clos et cela fait des années que son médecin traitant, moi-même, ne le "voit" plus, ne l'examine plus, discute de choses et d'autres, essaie bien difficilement de le persuader de reprendre une vie relationnelle et sociale et lui represcrit "ses" médicaments auxquels il tient absolument. Depuis environ un an je tente, avec succès, de supprimer tous les antalgiques et autres neuroleptiques qu'il prenait plus par addiction aux antalgiques que pour cause de douleurs. La liste récente des 77 médicaments n'a eu que peu d'effets.
Je m'imagine ainsi, "récupérant" le patient après que le docteurdu16 eut pris sa retraite, que ne dirais-je pas sur ce médecin ? Voyons ce qui reste sur l'ordonnance que, depuis quelques mois, j'ai essayé de simplifier : efferalgan codéine x 6 / jour ; rivotril XXXV gouttes par jour ; betaxolol x 1 ; noctran x 2. Il y a au moins deux médicaments (rivotril et noctran) qui sont considérés comme "dangereux" et ce, d'autant plus, qu'ils sont associés à la codéine. J'en ai parlé au patient qui m'a demandé ce qu'il risquait. Je lui ai répondu. Il m'a dit qu'il ne voulait pas changer. Que devais-je faire ? Le menacer ? Lui dire qu'il devait changer de médecin ? Renoncer à 20 ans de coopération entre lui et moi ? Il est possible que nous nous soyons assoupis dans une relation faite d'habitudes, d'empathie et de bons sentiments. Et que je n'ai pas assez insisté sur sa "réinsertion" sociale : il ne sort que très peu, il vit avec son ordinateur, la télévision et... sa mère, sa soeur et sa grand mère dans une grande maison agréable. N'est-ce pas son choix ?
Enfin, l'ordonnance que je renouvelle tous les mois ou presque, à cause du noctran, n'est pas "montrable". Elle ferait se dresser sur la tête les cheveux des bons docteurs qui lisent Prescrire (comme moi) ou d'autres revues indépendantes. Nous sommes en plein questionnement EBM : les agissements du médecin sont en conformité avec les désirs du patient et opposés aux preuves externes.
La médecine n'est pas simple et surtout les relations inter humaines et surtout les va et vient entre le savoir et la connaissance et entre la bonne et la mauvaise conscience.

dimanche 27 juin 2010

UN HOMME MUTILE - HISTOIRES DE CONSULTATION : TRENTE-ET-UNIEME EPISODE

Monsieur A est un jeune septuagénaire coquet. Nous nous connaissons depuis environ dix ans. Il y a trois ans il est venu consulter avec sa nouvelle copine, une femme un peu plus jeune que lui, dont j'appris, au cours de la conversation, que le mari était mort d'un cancer de la prostate.
Elle exigeait, je ne sais pas comment le raconter autrement, que je fasse doser le PSA à son copain, ce à quoi, vraiment, je n'avais jamais pensé depuis dix ans. Elle me reprochait aussi de ne pas l'avoir fait auparavant. De façon véhémente.
Ils étaient assis en face de moi, gentiment, comme un couple sage, mais on sentait (je sentais) une tension palpable.
En gros, et de façon euphémique : elle était pour et il était indécis.
Je pris mon air docte et je leur racontai l'affaire. Vous connaissez mon point de vue mais je le répète de façon simplifiée : pas de dépistage de masse, pas de dépistage individuel sauvage, de fortes réticences quand le patient demande, une prescription quand je ne peux pas faire autrement que de "suivre" la volonté du patient.
(Il est possible de penser : a) pour les tenants du tout PSA que je ne fais pas mon travail ; b) pour les tenants du jamais PSA que je fais du clientélisme ; c) pour d'autres que je suis d'une grande hypocrisie. Dont acte.)
Quoi qu'il en soit Monsieur A est sorti de mon cabinet avec un dosage de PSA. Et ce qui devait arriver, arriva.
  1. PSA à 7
  2. Consultation chez l'urologue demandée par, cette fois, la copine et le patient
  3. Je n'arrive pas à imposer "mon" urologue
  4. L'urologue décide de programmer des biopsies
  5. Qui reviennent négatives
  6. Dosage de PSA dans six mois, ce qui ne plaît pas au patient et à la copine qui veulent savoir et qui ne supportent pas qu'il puisse y avoir un cancer et qu'on ne l'enlève pas
  7. Nouveau dosage de PSA à 8 avec un rapport libre / total à la limite.
  8. Nouvelles biopsies qui reviennent négatives
  9. Bilan d'extension demandé
  10. Opération pratiquée.
  11. Gleason à 6
Nous revenons à la consultation de ce jour. Le patient ne va pas bien. Le PSA est dans les chaussettes, il n'existe aucun signe évolutif de son cancer. Mais il ne va pas bien. Je sais pourquoi.
Je suis partagé : bien entendu que je ne vais pas lui dire combien j'avais raison ; bien entendu que je ne vais pas lui dire qu'il a été manipulé par sa copine... Je suis là pour l'aider, pas pour avoir raison.
Voici le verbatim du patient : "Vous savez, docteur G, les femmes m'ont toujours donné des frissons. Quand une femme me plaît, quand j'en vois une qui me fait de l'effet, je ne peux m'empêcher de tenter de l'aborder, de parler avec elle... Cela marche toujours autant, malgré mon âge, bien entendu que ce sont des femmes plus âgées, mais je ne peux plus. Depuis l'intervention je n'y arrive plus, je suis obligé de leur expliquer, et, bien entendu, c'est difficilement supportable. Si j'avais su je ne me serais pas fait opérer. Mais je ne pouvais imaginer que mon corps renferme un cancer et que l'on ne fasse rien. Je sais que vous ne pouvez rien faire pour moi... J'ai essayé le viagra, c'est pas terrible, c'est cher et, pour moi, c'est un terrible constat d'échec... Je ne sais pas comment je vais pouvoir..."


(En photo : le professeur Bernard Debré, apôtre du PSA)

mardi 30 mars 2010

LETTRE OUVERTE A MICHAËL PEYROMAURE

Monsieur et cher confrère,

L'article que vous avez publié dans le journal Le Monde (édition électronique du 27 mars 2010) est un tissu d'âneries.
Souffrez qu'un médecin généraliste vous le dise.
Après un paragraphe de généralités et de truismes dignes du Journal de Suzette (non référencé dans Pub Med) qui vous permet de camper un décor dramatique et de le positionner à côté de solutions évidentes et tellement applicables, qui font de vos futurs contempteurs de présumés idiots, vous entrez, si j'ose dire, mais pour un chirurgien urologue la métaphore est facile, dans le vif du sujet.
Vous fournissez des données épidémiologiques d'un niveau de première ES : "... la proportion des cancers de la prostate diagnostiqués à un stade précoce a beaucoup augmenté. Et celle des cancers découverts tardivement, à un stade métastatique non curable, a nettement diminué." Et vous ajoutez, Monsieur bon sens, Joseph Prudhomme de la cancéro-épidémiologie, "Il est logique de penser que le dosage systématique du PSA, chez les hommes en âge de développer un cancer de la prostate serait un progrès en matière de santé publique." Vous oubliez ceci dans votre présentation idyllique du monde parfait de oui oui l'urologue : Il faudrait aussi que, dans le même temps, le taux de dépistage des cancers de la prostate à tous les stades soit constant. Ce qui n'est pas le cas. Je vous signale, malgré ce que vous affirmez, que le problème du dépistage du cancer du sein n'est pas résolu non plus.
Comme vous n'êtes pas très à l'aise sur le plan scientifique, vous bifurquez, dans le chapitre suivant sur le débat médico-économique.
Vous citez alors deux essais parus dans le prestigieux (sic) New England Journal of Medicine. Vous citez notamment l'étude européenne (dont les défauts méthodologiques sautent aux yeux et qui sont en accord avec les essais menés sous l'autorité de l'Association Française d'Urologie). Vous écrivez sans sourciller : "Le dépistage s'accompagnait d'un taux plus élevé de cancers de bon pronostic, et surtout d'un meilleur taux de survie." La messe est dite. Vous oubliez, très cher urologue spécialiste en médico-épidémiologie, les choses suivantes : "il faut proposer le dépistage à 1410 hommes et proposer un traitement à 48 autres pour éviter UN cancer pendant une période d'observation de dix ans. Avec un surdiagnostic de 50 % !"

Ensuite, vous vous lancez dans une analyse économique comme personne n'oserait le faire dans une revue anglosaxonne de seconde zone. Reprendre vos mots serait trop désagréable pour vous. Mais moi je vais vous dire ce que l'étude européenne dit : Si la mortalité a pu être abaissée de 20 % entre le groupe dépisté et le groupe non dépisté, cela représente, étant donnée la faible fréquence de mortalité par cancer de la prostate dans les populations à l'essai : - 0,71 mort pour 1000 patients pendant une période de neuf ans. Et au prix de 17000 biopsies prostatiques !"

Mais, Monsieur Peyromaure, il est vrai que vous publiez des articles tendant à montrer qu'au delà de 75 ans il serait légitime de doser le PSA alors que le plus grand spécialiste de ces problèmes, Michael Barry, pourtant régulièrement appointé par la "prestigieuse" Association américaine d'urologie (AUA), dit le contraire dans un article publié dans le "prestigieux" New England Journal of Medicine...

Je vous remercie, Monsieur Peyromaure, pour cet exercice de style journalistique de la meilleure eau qui rend justice à l'excellence scientifique de l'urologie française. Il faut plus de chercheurs comme vous pour rendre à notre beau pays la meilleure médecine du monde.
Merci !

jeudi 4 juin 2009

CANCER DE LA PROSTATE : NE PAS DEPISTER !

La Revue Prescrire dans son numéro 308 de juin 2009 [LRP 2009;29(308):437-43] enfonce le clou :

En mai 2009, un dépistage systématique du cancer de la prostate, par dosage du PSA ou toucher rectal, n'est pas justifié.

Nous vous avions entretenu ici du fait qu'au delà de 75 ans il n'était même pas besoin d'en parler, puis nous avions commenté les deux grandes études américaine et européenne, et, enfin, nous avions souligné combien le rapport parlementaire Debré était un faux scientifique.

Il est désormais possible de disposer d'un grand nombre de sources argumentées pour défendre ce point de vue.

Il est malheureux de penser que ce sont les médecins eux-mêmes qui sont les plus mal informés sur les données de la science.

Le fait d'être un spécialiste aggrave encore plus le cas : les urologues, les oncologues, les radiologues, les radiothérapeutes, sont, dans l'immense majorité des cas favorables à un dépistage. Il existe quelques exceptions dans chacune de ces spécialités mais elles sont rares.

Bravo !

dimanche 22 mars 2009

CANCER DE LA PROSTATE : TOUJOURS NE PAS DEPISTER

Deux études viennent de paraître en même temps dans le dernier numéro du New England Journal of Medicine. Leurs résultats semblent contradictoires. En réalité, il n'en est rien. Les deux études indiquent que le dépistage universel du cancer de la prostate par le dosage du PSA n'apporte pas grand chose en termes de diminution de la mortalité dans les dix premières années de dépistage. Nous vous avions déjà entretenu ici sur le fait qu'au delà de 75 ans il n'était ni recommandé ni nécessaire de doser le PSA. Mais la vraie question n'est pas : est-ce que le dépistage du cancer de la prostate par le PSA est efficace ? La vraie question est : est-ce que cela apporte plus de bien que de mal ? L'étude européenne (European Randomised Study of Screening for Prostate-Cancer - ERSPC) indique clairement qu'il faut proposer le dépistage à 1410 hommes et proposer un traitement à 48 autres pour éviter UN cancer pendant une période d'observation de dix ans. Avec un surdiagnostic de 50 % ! Quant à l'étude américaine (PLCO : Prostate, Lung, Colorectal and ovarian Cancer Screening Trial) si elle n'a pas la puissance de déceler des différences, entre les groupes dépistés ou non, elle permet avec certitude d'indiquer le mal qu'elle produit au travers des diagnostics par excès. Avec un surdiagnostic de 22 % ! L'étude américaine montre également la tendance suivante : chez les hommes de plus de 69 ans, la mortalité augmenterait avec le dépistage. Méfions-nous des déclarations fracassantes des urologues français ! Si la mortalité a pu être abaissée de 20 % entre le groupe dépisté et le groupe non dépisté, cela représente, étant donnée la faible fréquence de mortalité par cancer de la prostate dans les populations à l'essai : - 0,71 mort pour 1000 patients pendant une période de neuf ans. Et au prix de 17000 biopsies prostatiques ! Rappelons également que dans l'étude américaine la mortalité par cancer de la prostate était de 2 pour 10000 personnes par année (50 décès) dans le groupe détecté et de 1,7 (44 décès) dans le groupe non détecté. En conclusion : le dialogue semble être la chose la plus importante dans les cabinets médicaux. Les médecins doivent expliquer la situation à leurs patients et leur faire comprendre que le dosage du PSA peut les faire entrer dans une zone d'incertitude avec biopsies prostatiques annuelles, angoisse, effets indésirables (impuissance, incontinence, complications de la chimiothérapie et / ou de la radiothérapie) et, finalement, sans espoir clair d'allonger leur espérance de vie. Mais nous y reviendrons. Références. Je me suis donc inspiré du NEJM du 18 mars 2009 qui a publié les deux essais sus-cités et un éditorial de Michael Barry.

jeudi 11 décembre 2008

PAS DE DOSAGE DU PSA CHEZ LES HOMMES DE PLUS DE 75 ANS !

De plus en plus de médecins savent combien le dépistage universel du cancer de la prostate par le dosage du PSA chez les hommes de plus de 50 ans n'a pas montré un rapport bénéfices / risques documenté.



Néanmoins, une majorité de médecins, semble-t-il, continuent de doser le PSA chez leurs patients à partir de l'âge de 50 ans dans le but de rechercher un cancer de la prostate.



Les raisons en sont multiples : la demande des patients relayée par la grande presse et par des médecins soit influencés soit de bonne foi ; le chantage au cancer : comment pouvez-vous ne pas rechercher un méchant cancer et le laisser évoluer ? ; le risque médicolégal : refuser de doser le PSA alors qu'on découvrirait ensuite un cancer ; le poids des habitudes : la prévention considérée comme un des Beaux-Arts en médecine ; la pression des urologues et de l'AFU qui recommande le dépistage malgré les recommandations contraires de l'AFSSAPS ; une méconnaissance des études épidémiologiques et des enjeux de la Santé Publique.
Que se passe-t-il chez les Américains ?
L'USPSTF (US Preventive Services Task Force), un organisme indépendant mandaté par le Congrès Américain, vient de modifier ses recommandations.


Jusqu'à présent, l'USPSTF indiquait que "the current evidence is insufficient to assess the balance of benefits and harms of prostate cancer screening in men younger than age 75 years" [les données actuelles sont insuffisantes pour apprécier le rapport bénéfices / risques du dépistage du cancer de la prostate chez les hommes de moins de 75 ans].


Aujourd'hui l'USPSTF ajoute : "Il est désormais recommandé de ne pas dépister le cancer de la prostate chez les hommes de 75 ans et plus."

Screening for prostate cancer: U. S. Preventive Services Task Force recommendation statement. Ann Intern Med 2008;149:185-191. [Free Full Text]
Pourquoi ce changement d'attitude ?
Nous reprenons une analyse faite par Michael Barry et publiée dans le New England Journal of Medicine : http://content.nejm.org/cgi/content/full/359/24/2515?query=TOC
Les arguments :
1) Dans le seul essai clinique randomisé comparant les effets de la prostatectomie à l'expectative armée (ma traduction de 'watchful waiting') chez les hommes présentant un cancer localisé de la prostate, le bénéfice de la prostatectomie a été statistiquement significatif à douze ans mais avec une différence absolue de 5,4 % sur la seule mortalité due au cancer de la prostate. Cet essai signifie qu'il faut réaliser 18 prostatectomies radicales pour prévenir un décès dû au cancer de la prostate sur une période de douze ans.

Bill-Axelson A, Holmberg L, Filén F, et al. Radical prostatectomy versus watchful waiting in localized prostate cancer: the Scandinavian Prostate Cancer Group-4 randomized trial. J Natl Cancer Inst 2008;100:1144-1154. [Free Full Text]
2) Mieux encore : dans cet essai scandinave, des analyses de sous-groupes ont montré (alors qu'aucun patient de plus de 75 ans n'avait été inclus) que seuls les patients de moins de 65 ans pouvaient tirer bénéfice de la prostatectomie totale, je le rappelle seulement sur le critère mortalité liée au cancer de la prostate.
3) Il faut noter également que seuls 10 % des patients de cet essai scandinave avaient été détectés par le biais du dosage du PSA. Ainsi, et ce point est capital pour ceux qui attendent de l'essai PIVOT des "preuves" sur la pertinence de la détection du cancer de la prostate par le biais du dosage du PSA et de son traitement, les résultats de cet essai (US Prostate Cancer Interventional versus Observation Trial) risquent d'être décevants puisque les trois-quarts des patients seront inclus sur la base de la détection : il existe un délai de 5 à 10 ans entre la détection d'une anomalie du PSA et sa manifestation clinique ; et surtout il existe un risque important de surdiagnostic de cancer à partir d'"anomalies" du PSA. Les résultats de l'étude PIVOT ne sont pas attendus avant 2010.
4) Pour en revenir aux hommes de plus de 75 ans : il est probable qu'il leur faudra plus de dix ans pour bénéficier d'éventuels avantages en terme de mortalité prostatique (cf. le délai entre l'"anomalie" du PSA et les manifestations cliniques). Et encore : une étude a montré que sur 1000 hommes de plus de 75 ans non fumeurs 19 mourront de leur prostate à dix ans contre 430 d'autres causes !

Welch HG, Schwartz LM, Woloshin S. Prostate-specific antigen levels in the United States: implications of various definitions for abnormal. J Natl Cancer Inst 2005;97:1132-1137. [Free Full Text]
5) Alors que les bénéfices de la détection diminuent avec l'âge, les risques augmentent.
- Le taux de PSA est très fortement âge-dépendant et, quel que soit le seuil de PSA choisi, les hommes seront plus à risque à la fois de subir une biopsie prostatique et de se faire diagnostiquer un cancer de la prostate.
- Par exemple, avec un seuil de PSA de 4 ng/ml, respectivement 6%, 21 % et 28 % des hommes subiront une biopsie prostatique selon qu'ils sont soixantenaires, septuagénaires ou octogénaires !
- Le dosage régulier du PSA double le risque que les hommes se voient diagnostiquer un cancer de la prostate sur une période de dix ans mais nombre de ces cancers ne se seront pas manifestés cliniquement.
- Il faut aussi savoir que le risque de cancer de la prostate est aussi dépendant de l'âge (augmente considérablement avec l'âge)
- Et enfin : les risques de décès post-opératoire et de complications de la prostatectomie radicale sont eux-aussi liés à l'âge et suraugmentés à partir de 75 ans.

Begg CB, Riedel ER, Bach PB, et al. Variations in morbidity after radical prostatectomy. N Engl J Med 2002;346:1138-1144. [Free Full Text]
En conclusion : les recommandations américaines sont claires : pas de dosage du PSA chez les hommes de plus de 75 ans !
Quant aux essais en cours à venir aux Etats-Unis (the Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian, or PLCO, Cancer Screening Trial), en Europe (the European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer, or ERSPC), et en Grande-Bretagne (Prostate Testing for Cancer and Treatment, or Protect) ils n'apporteront rien de nouveau sur les hommes de plus de 75 ans puisqu'ils n'en incluent aucun !
Résultats dans cinq ans pour les deux premiers.
Thanks to Michael Barry who is always relevant to address controversial medical issues.