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jeudi 1 décembre 2022

Calendrier de l'avent médical - Jour 1 (redite)

Quel est l'article qui a le plus modifié votre pratique ou qui vous a le plus interrogé en tant que médecin praticien ? 

Cette question est d'une grande khonnerie. D'abord, parce que d'autres articles m'ont beaucoup changé mais aussi parce que la médecine est un tout et qu'un article ne peut "imprimer" que si le contexte neuronal est préparé. Ensuite, parce que, les classements... Mais j'aime bien quand mamelles classements.

Vous pouvez répondre en commentaire.

Pour ma part, c'est un article de 1981 que le professeur Bruno Frachet, ORL, il n'était alors que chef de clinique assistant à l'hôpital Lariboisière, m'a fait lire alors que je n'avais que 2 ans de pratique en médecine générale.

Cet article, je l'ai déjà commenté ICI. Et n'oubliez pas les commentaires de Dominique Dupagne dans le cours du texte. Cela signifie qu'une réflexion peut être aussi entamée sur des faits pas totalement établis.

A l'époque, j'en ai tiré des conclusions qui m'ont parfois conduit à commettre des erreurs, le biais de confirmation, mais voici les voies sur lesquelles je me suis engagé.

  1. A l'époque, vous ne pouvez imaginer combien la paracentèse en aigu était un geste barbare très répandu, accepté, sur pratiqué et notamment par les ORL de ville. Mon premier associé m'avait informé dès mon installation que c'était un scandale. Heureusement les choses ont changé drastiquement. Les ORL pouvaient se tromper. 
  2. La prescription d'antibiotique dans les otites (quelles qu'elles soient) était un geste automatique.
  3. Je lisais mes premiers essais en double-aveugle.
  4. Cela m'a permis de m'interroger sur les bronchites et d'autres maladies virales où les MG (pas tous) prescrivaient beaucoup d'antibiotiques
  5. Cela m'a permis de m'interroger sur tout (en médecine).



vendredi 13 décembre 2019

Combien de temps a-t-il fallu pour réévaluer et abandonner la paracentèse et les antibiotiques en première intention dans l'otite moyenne aiguë ?

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 13.




Un de mes amis chef de clinique assistant en ORL, devenu ensuite professeur et chef de service, m'a fait lire cet article en 1981 : ICI.

THERAPY OF ACUTE OTITIS MEDIA: MYRINGOTOMY, ANTIBIOTICS, OR NEITHER?: A Double-blind Study in Children


Je suis tombé de ma chaise.

Voici l'abstract :

Abstract

In a double-blind study 171 children with acute otitis media (239 affected ears) were treated by four different methods: neither antibiotics nor myringotomy; myringotomy only; antibiotics only; or both antibiotics and myringotomy. All received symptomatic treatment. There were no significant differences in clinical course (pain, temperature, duration of discharge, otoscopic appearances, audiography, recurrence rate) between the four groups. In the groups treated without antibiotics, the ears discharged for slightly longer and the eardrums took a little longer to heal; these differences were not significant. No complications were seen. Symptomatic therapy with nosedrops and analgesics seems a reasonable initial approach to acute otitis media in children. Myringotomy and antibiotics can be reserved for cases in which the course of otitis is irregular, there are complications such as mastoiditis, or ear discharge continues beyond 14 days.
Dans un essai en double-aveugle 171 enfants porteurs d'une otite moyenne aiguë (239 oreilles affectées) ont été traités de 4 manières différentes : ni antibiotiques ni paracentèse ; paracentèse seule ; antibiotiques seuls ; ou antibiotiques et paracentèse. Tous recevaient un traitement symptomatique. Il n'y a pas eu de différences entre les 4 groupes sur l'évolution clinique (douleur, fièvre, durée de l'écoulement, vision otoscopique, audiométrie, taux de rechute). Dans les groupes traités sans antibiotiques, les oreilles ont coulé légèrement plus longtemps et les tympans mirent un peu plus de temps à guérir ; ces différences n'étaient pas significatives. Aucune complication n'a été observée. Un traitement symptomatique par gouttes nasales et analgésiques semble une approche initiale raisonnable pour une otite moyenne aiguë chez les enfants. Paracentèse et antibiothérapie peuvent être réservés aux cas où l'évolution de l'otite est irrégulière, s'il existe des complications comme une mastoïdite ou si l'écoulement continue au delà de 14 jours. 

L'article est la propriété de Elsevier (voir le billet précédent LA), coûte très cher et est interdit à la reproduction.

Je tombe encore de ma chaise en constatant combien de paracentèses inutiles (et douloureuses) ont été pratiquées chez des enfants qui n'en avaient pas besoin, combien de millions (milliards ?) de boîtes d'antibiotiques ont été prescrites à tort. 

Si la paracentèse dans l'indication otite moyenne aiguë a quasiment disparu les antibiotiques continuent d'être prescrits larga manu.

Cet article de 1981 pose encore le problème de la réactivité des consciences confrontées aux croyances, au corporatisme (ici des ORL) et à l'industrie des antibiotiques. A suivre.

Nous parlerons un jour des yoyos ou aérateurs tympaniques.

PS du 14/12/19. Dominique Dupagne fait la réflexion suivante sur twitter :


"Bref, cette étude ne prouve pas de supériorité, mais ne peux pas non plus l'infirmer, faute de puissance suffisante." ajoute Dominique Dupagne.




jeudi 5 mars 2009

OTITE MOYENNE AIGUE ET MASTOÏDITE : L'AVEUGLEMENT ANTIBIOTIQUE

Une étude britannique publiée récemment (1) se pose cette question : est-ce que la stratégie regarder-et-attendre dans l'Otite Moyenne Aiguë (OMA) a entraîné une augmentation du nombre des mastoïdites ?
La réponse est non !
Les auteurs ont travaillé sur une base de données britannique en médecine générale regroupant 2,5 millions d'enfants (âge compris entre trois mois et 15 ans) et ont compté les diagnostics d'OMA et de mastoïdites de 1990 à 2006.
  1. Sur les 854 diagnostics de mastoïdite seuls 36 % des enfants avaient eu un diagnostic d'OMA dans les trois mois précédents.
  2. Pendant les 16 ans de suivi l'incidence de la mastoïdite est restée stable (moyenne : 1,2 pour 10 000 enfants-année) alors que celle des OMA diagnostiquées a baissé de 34 % et la proportion d'enfants traités par antibiotiques a baissé de 77 à 58 %.
  3. Le risque de développer une mastoïdite était de 53 % inférieur chez les enfants ayant reçu des antibiotiques par rapport aux enfants n'en ayant pas reçu (1,8 vs 3,8 pour 10 000 épisodes)
  4. Cependant les auteurs indiquent qu'il faut traiter 4831 enfants ayant une OMA pour éviter une mastoïdite ; que la mastoïdite n'est plus aussi grave qu'auparavant ; et qu'il faut tenir compte de l'écologie globale : la résistance aux antibiotiques.

Quelques commentaires

  • Les mastoïdites sont rares. Les OMA sont moins fréquentes. Le nombre de patients à traiter pour éviter une complication est considérable (à comparer au 238 patients naïfs à traiter par statine pour éviter un événement cardio-vasulaire fatal ou non). Sans parler des résistances aux antibiotiques dont la France est la championne d'Europe avec une corrélation très forte entre résistance et prescription.
  • Les limitations de cet essai : les critères de diagnostic de l'OMA ont pu changer avec les années (dans un sens plus restrictif) ; les recommandations françaises font la différence entre enfants entre 3 et 24 mois et enfants plus âgés ; il n'a pas été fait de segmentation par âge.
  • Les préjugés ont la vie dure et les données de l'EBM connues depuis de très nombreuses années ont du mal à faire leur chemin. Quelques exemples :
  • On sait depuis un essai randomisé néerlandais (pays d'Europe où l'on prescrit le moins d'antibiotiques et notamment dans l'OMA) datant de 1981 (!!!) (2) et comparant en aveugle antibiothérapie seule, placebo seul, myringotomie + antibiotiques et myringotomie + placebo, qu'à trois mois il n'y avait aucune différence entre les groupes sur le critère audiogramme. Et pourtant la France était championne des paracentèses et de l'antibiothérapie systématique dans les OMA (ou prétendues OMA).
  • On sait, au moins depuis 2002 (et une étude française, publiée en anglais, mais on comprend pourquoi : ) (3), que l'amoclav ne prévenait pas les OMA en cas de prescription "préventive" dans les affections virales du haut appareil. Et pourtant nombre de médecins affirmaient (affirment toujours) que c'est parce que l'on prescrit des antibiotiques dans les rhinopharyngites qu'on voit moins d'OMA (et de mastoïdites).
  • On sait depuis la nuit des temps (les références me manquent, peut-être la Revue de Médecine de Byg Pharma...) que les gouttes auriculaires sont inutiles dans l'OMA (voire dangereuses) et pourtant elles continuent d'être commercialisées, prescrites et inutiles...

On peut gloser à l'infini sur la responsabilité de Byg Pharma mais on peut aussi s'interroger, indépendamment de considérations conflictuelles d'intérêts, sur les ORL français qui ont eu tant de mal à changer et sur les médecins généralistes qui ont continué (qui continuent pour certains) de croire à la bonne parole de ces champions de la paracentèse (fric) et de l'antibiothérapie (incompétence).

Les évidences (au sens français) ont souvent du mal à s'imposer et l'augmentation des résistances est un fait moins explicite que l'augmentation du nombre de cancers du sein après THS...

Références.

(1) Thompson PL et al. Effect of antibiotics for otitis media on mastoiditis in children: A retrospective cohort study using the United Kingdom General Practice Research Database. Pediatrics 2009 Feb; 123:424.
(2) van Buchem FL, Dunk JH, van’t Hof MA. Therapy of acute otitis media: myringotomy, antibiotics, or neither? A double-blind study in children. Lancet 1981; 2: 883-7.
(3) Autret-Leca E, Giraudeau B, Ployet MJ, Jonville-Béra AP. Amoxicillin/clavulanic acid is ineffective at preventing otitis media in children with presumed viral upper respiratory inf ection: a randomized, double-blind equivalence, placebocontrolledtrial. Br J Clin Pharmacol 2002; 54: 652-6