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mardi 8 janvier 2019

La fin d'un monde : Bilan 2018.


En 2018, à Mantes-La-Jolie, au Val Fourré,

L'Association des Professionnels de Santé du Val Fourré, regroupant depuis l'année 2002 biologistes, infirmiers, kinésithérapeutes, médecins, orthophonistes, pharmaciens, est définitivement morte. Chacun vit sa vie. Cette association avait été créée en 2002 à la suite d'agressions multiples de professionnels de santé dans le Val Fourré et elle fait permis à ceux qui y participaient de se connaître, de partager leurs expériences, de réfléchir à la communauté de soins, de s'entraider lorsqu'il y avait des coups durs, et cetera. Bien entendu tout n'était pas parfait, ceux qui n'avaient pas adhéré étaient souvent ceux à qui l'on pouvait reprocher certains comportements peu professionnels, d'autres avaient adhéré pour se faire connaître et les médecins avaient tendance à tirer la couverture à eux. Mais c'était un autre monde : aujourd'hui quand un nouveau professionnel de santé s'installe sur zone, il ne vient pas, sauf exception, se présenter, parler avec les confrères et/ou autres professionnels de santé déjà installés.


En 2018, à Mantes-La-Jolie, au Val Fourré,

La tontine créée dans les années soixante-dix pour aider les confrères médecins obligés de s'arrêter de travailler pour raisons de santé permettait qu'on puisse leur verser une aide financière avant qu'ils ne puissent toucher les indemnités journalières de la CARMF à partir du quatre-vingt-dixième jour d'arrêt (c'est cela aussi la médecine libérale), ou avant que leur prévoyance privée ne se mette en route, est définitivement morte. Le vieillissement de la population des médecins, généralistes ou spécialistes, a fait peur aux nouveaux installés qui redoutaient d'avoir à payer pour les "vieux". Il fallait par ailleurs relancer les mauvais payeurs, ce qui devenait pénible à la fin. Mais les médecins malades se réjouissaient de recevoir un chèque par la poste de chacun de leurs confrères avec, très souvent, un petit mot d'encouragement. Les sommes étaient, en outre, non imposables.


En 2018, à Mantes-La-Jolie, au Val Fourré,

En 2002 nous avions initié un groupe de pairs qui ne fonctionnait pas selon les sacro-saintes règles des groupes de pairs officiels, mais ça nous convenait, on apprenait des trucs, on n'était pas d'accord, cela ouvrait des horizons, cela confirmait nos suppositions ou nos certitudes, ou cela les infirmait. C'était sympa. Informel, en toute camaraderie. En 2003, nous étions six. Puis un des pairs est parti à la retraite (nous n'en avons d'ailleurs eu aucune nouvelle, ou presque). Puis un des pairs a fait un burn-out. Puis un des pairs a fait un cancer du colon de l'intervalle (il va bien, merci). Puis un autre pair a fait un cancer du rectum de l'intervalle (il va bien, merci). Et je suis en semi retraite depuis juillet et un autre de mes collègues itou, il est donc difficile d'organiser des réunions. C'est fini.

C'est la fin d'un monde dans lequel j'ai "débarqué" le 5 septembre 1979.


Un monde où les jeunes médecins devaient faire leur place, où il existait un système de garde 7/7, 24/24 qui leur permettait, quand les anciens les autorisaient, à compléter leurs honoraires, système de garde détruit par SOS Médecins à partir de la fin des années 90, qui n'est resté que trois ans, comprenant que pour prendre des gardes en toute sécurité au Val Fourré et alentours, il fallait être du coin, connus, implantés, la fameuse Common Decency, un monde où les jeunes médecins, en raison de la concurrence, pouvaient voir 10 patients par jour pendant deux ou trois ans avant de pouvoir vivre décemment... Ces jeunes médecins avaient d'ailleurs souvent un autre métier pour compléter leurs revenus, sans compter une épouse ou un mari qui travaillait...

La fin d'un monde.

mardi 24 mai 2011

Grande victoire de l'EBM : à propos de la bronchiolite.


Le 29 avril dernier j'écris et je publie un post sur la bronchiolite avec un titre que je crois provocant "Que faire ? Rien." (ICI).
Quelques jours après, je reçois, à 14 heures un enfant de 9 mois qui a du mal à respirer, qui était fébrile la veille au soir et qui ne l'est plus en ce début d'après-midi.
Je l'examine et je conclus à une bronchiolite (malgré la période de l'année), premier épisode chez un enfant dont la fratrie est exempte de tels phénomènes et chez qui les ascendants ne présentent pas d'asthme. Je donne de bons conseils (hydratation, alimentation régulière, position de couchage, ne pas trop le manipuler) et je conseille des désinfections rhinopharyngées répétées et du doliprane à la demande.
Je suis content de moi (cela ne saurait étonner personne) car je me suis retrouvé devant un cas pratique peu après avoir fait des recherches de littérature pour écrire mon post, je suis dans le cas d'une expérience externe confrontée à une expérience interne (j'ai expliqué le 29 avril quels avaient pu être les modifications de mon attitude au cours de mes 32 années d'exercice) et la maman de l'enfant, attentive, sérieuse, et lisant occasionnellement mon blog, est une femme à qui on peut expliquer les choses (les doutes, j'essaie de ne pas les faire partager) et les raisons de ma façon de procéder.
Aujourd'hui, c'est à dire cinq jours après, je me rends à ma réunion de pairs, bien décidé à parler de cette histoire malgré le fait qu'il ne s'agisse pas de mon troisième malade (cela nous arrive quelque fois et personne ne s'en émeut). Nul n'étant prophète en son pays, aucun de mes pairs n'a lu mon post du 9 avril.
"J'ai reçu mardi dernier un enfant de 9 mois avec des difficultés respiratoires. En voyant et en entendant l'enfant on se rend compte qu'il a le nez bouché ; il avait de la fièvre le soir d'avant et il est apyrétique ce matin ; j'entends des sibilants dans les deux champs, la fréquence respiratoire est de 30 et il n'y a pas de tirage sternal. Je rassure la maman, je donne les conseils habituels, je ne fais pas d'ordonnance car elle a déjà du sérum physiologique à la maison ainsi que du doliprane sirop pédiatrique. Et basta. Le lendemain matin la maman a repris rendez-vous. Vers 21 heures, me dit-elle, le petit Z s'est mis à respirer plus mal. Toujours pas de fièvre. Au premier coup d'oeil je me rends compte que l'enfant n'est plus le même : il respire bruyamment, sa fréquence respiratoire est à 60, il y a un tirage sternal et elle a eu du mal à l'alimenter. Tout cela, pour moi, ce sont des arguments à le faire hospitaliser. Je rédige un courrier tapuscrit pour les urgences et je demande à la maman de m'appeler de là-bas pour me donner le résultat des courses. A onze heures, coup de fil de la maman : "Nous sortons des urgences ; Z va bien. Il a très bien réagi à la ventoline, ils ont conclu à une crise d'asthme, pas à une bronchiolite, et il a une ordonnance de ventoline et de célestène"" Mon commentaire devant mes pairs : "Il y a des moments où le diagnostic n'est pas possible au cabinet. Je n'ai pas encore reçu le courrier des urgences... Je suis quand même surpris de la posologie de la ventoline au baby haler : 6 pulvérisations 6 fois par jour pendant 2 jours puis 5, et cetera..."
Mes pairs : "Moi, dès le premier jour j'aurais fait de la ventoline et du célestène. Un autre : Pareil. Un autre : Oui, mais il faut faire une démonstration avant de les laisser partir. Un autre : La kiné, je la prescris systématiquement. Un autre : Oui, mais pas le premier jour, c'est sec. Suivent des discussions sur les posologies du célestène, sur le moment de la kinésithérapie... Tu as bien fait, avec une fréquence pareille de le faire hospitaliser... Un oxymètre, ça pourrait nous servir ?... Très bonne idée de faire appeler la mère des urgences... Tu as pu faire cela parce que la mère était cortiquée..."
Je passe les détails.
Je reviens à l'EBM : je me suis posé des questions en fonction de mon expérience externe (toute neuve, liée à la rédaction de mon post, c'est ce qui a pu fausser mon jugement), de mon expérience interne (faite de présupposés de 32 ans d'erreurs ou d'à peu près ou de vérités dissimulées derrière le paravent du bon sens) et de la maman cortiquée(le petit Z n'en pouvait mais).
Vivent les goupes de pairs, fussent-ils sauvages comme le nôtre !