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samedi 22 janvier 2011

UNE AFFECTION VIRALE - HISTOIRE DE CONSULTATION 63

Paul Klee - Tête d'homme (sur le point de devenir sénile) - 1922

Les medias n'en ont pas fini avec la grippe. N'ayant rien appris de la calamiteuse campagne pandémique de l'année dernière ils continuent de diffuser des nouvelles alarmistes et à prôner l'épidémie. On apprend même que la période de vaccination remboursée est étendue jusqu'au mois de février : Big Pharma n'aurait pas fait son chiffre ?

C'est dans cette ambiance que la petite A, trois ans, 16 kilos, est amenée en ce lundi soir par sa maman pour une fièvre persistante (38° le matin et volontiers 39°5 le soir) après qu'elle a vu vendredi son pédiââtre qui a conclu à une grippe. Le pédiatre a prescrit une désinfection rhinopharyngée et une association paracetamol / ibuprofène.
J'examine la petite, floride, et ne retrouve rien de particulier. Voici ce que j'écris dans le carnet de santé et dans le dossier électronique :"Syndrome grippal like sans signes de localisation. Pharyngite a minima, tympans rosés en périphérie, nuque et ventre souples, auscultation pulmonaire sans particularité, pas d'éruption. Traitement non modifié. Prévoir un ecbu et une radio pulmonaire en cas de fièvre prolongée." Je demande à la maman de m'appeler le lendemain.
Appel de la maman le mercredi après-midi : Plus de fièvre le matin mais 38°9 le soir. Je conseille au téléphone de faire l'ecbu et les radiographies pulmonaires que j'avais déjà prescrits.
Rendez-vous est pris le lendemain avec mon associée (je suis absent le jeudi) pour rapporter les radios car "Il y a quelque chose...". Résultat de consultation : "Syndrome grippal confirmé." Les radiographies montraient selon le compte rendu : "Majoration de la trame broncho-interstitielle en faveur d'une broncho-pneumopathie..." Par oral la maman de la petite A a appris que le culot urinaire était normal.
Vendredi. La maman m'appelle vers 17 heures. Sa fille a toujours 38°5. Le laboratoire lui a téléphoné pour lui dire qu'il y avait quelque chose. Je m'étonne : "Je croyais que le culot était normal. - Il y a dû avoir une erreur." Le fax prévu n'arrive pas, je téléphone au labo. Escherichia coli sensible à tout."
Je vous passe les détails du reste.
Je vous laisse faire les commentaires.
La pratique de la médecine générale est étonnante.

mardi 26 octobre 2010

DEUX ENFANTS FEBRILES - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODES 47 ET 48


Je n'apprendrai à personne, et encore moins aux médecins, combien la médecine générale est une discipline incertaine (mais je ne nie pas non plus que la médecine de spécialité ou, parfois plus exactement, de deuxième intention, est tout aussi incertaine malgré, parfois, la débauche d'énergie et d'examens complémentaires qui n'aboutissent pas à grand chose), ces deux exemples en font foi.
Le même jour, un lundi après-midi, je reçois, à une heure d'intervalle, deux garçons de huit ans et demi, l'un de janvier, l'autre de mars, qui présentent à peu près le même tableau : un syndrome fébrile datant de 48 heures pour A et de la veille au soir pour B, que j'appellerai ORL avec toux et nez bouché. Je marque dans le carnet de santé "rhinopharyngite banale" dans les deux cas. Dans l'ordinateur je note deux ou trois trucs de plus : "RP sans gravité ; pas d'éruption ; auscultation pulmonaire normale ; nuque souple ; myringite a minima pour A.
Toutes choses égales par ailleurs, une expression difficile à assumer en médecine, il existe quand même des différences dont j'ai tenu compte dans mon examen : l'enfant A est familier des rhinopharyngites et il a déjà fait des convulsions fébriles à l'âge de 14 mois ; l'enfant B a fait une pneumopathie d'origine indéterminée (indéterminée parce que, malgré une radiographie et un avis pneumologique, il n'a jamais pu être tranché entre une image virale ou une image à mycoplasmes) à l'âge de 13 mois.
A et B : je ne prescris pas d'antibiotiques (malgré l'insistance de la maman de A) ; je prescris du paracétamol avec des instructions précises. A : désinfection rhinopharyngée.
A revient en consultation le troisième jour : la fièvre ne décroche pas de 38°5 ; il s'est mis à tousser franchement mais l'auscultation pulmonaire reste normale ; je le rééxamine et je ne retrouve rien de plus. Dans ces cas là : on s'interroge trop vite sur un foyer pulmonaire sans oublier une infection urinaire sans symptômes et sans compter tout ce qui peut entraîner une fièvre à 38°5 chez un enfant de huit ans et demi. Nous sommes mercredi, nous sommes au troisième jour, je demande à la man de me rappeler vendredi (je ne travaille pas le jeudi). La maman de B me téléphone : la fièvre est oscillante, 37°8 le matin et 38°5 le soir depuis quatre jours ; l'enfant supporte bien la fièvre, il tousse à peine, une légère modification de la voix... Je lui demande de me rappeler vendredi matin.
Vendredi matin. A : fièvre qui ne décroche pas (cela fait presque sept jours) ; je le revois et je ne retrouve rien de rien, peut-être un petit quelque chose (des ronchi dans le champ gauche et en cherchant bien) ; je prescris, en désespoir de cause, un thorax face + profil et fait pisser le gamin (la bandelette est négative). La maman de A réitère sa demande d'antibiotiques. Je redis non et elle me demande si, en raison des antécédents de A, il ne faudrait quand même pas prescrire du valium. Je redis non. B : la fièvre oscillante oscille toujours et je prescris un thorax face + profil (la maman vient chercher l'ordonnance au cabinet) . La maman de A arrive à décrocher un rendez-vous dans l'après-midi et elle me rappelle vers 17 heures pour me dire qu'il y a quelque chose. Elle arrive au cabinet, très détendue, sans aucune acrimonie, et les radiographies montrent un foyer systématisé du lobe supérieur du poumon droit. Je prescris des antibiotiques (deux) et de nouveaux clichés. A n'a pas fait de convulsions.
Samedi matin. Vers huit trente, la maman de B me téléphone et me dit : "B n'avait plus de fière hier soir et n'en a toujours pas ce matin. J'ai un rendez-vous de radios pour 11 heures 30, je maintiens ?" Je réfléchis : "Non. Vous annulez." La fièvre de B a duré six jours ; elle oscillait et devait être virale. Il semble qu'il n'ait pas refait de syndrome pulmonaire aigu.
Une semaine après. A est toujours apyrétique et les radiographies sont quasiment revenues à la normale. Réflexion de la maman de A : "La prochaine fois qu'il aura de la fièvre, j'espère que vous me le mettrez tout de suite sous antibiotiques..." Moi : "Je ne crois pas. Car la dose qu'il a reçue n'est pas la même que celle que j'aurais donnée à l'aveugle. C'est même le double pour la pénicilline." B est toujours apyrétique. La maman de B : "Vous avez bien fait de ne pas lui donner d'antibiotiques." "Les antibiotiques, c'est pas automatique.", je lâche finement.

Ces deux exemples sont là pour dire que la médecine générale demande un peu d'expérience et... d'humilité.

jeudi 23 octobre 2008

FIEVRE CHEZ L'ENFANT : IBUPROFENE OU NON ?

Ibuprofène : oui ou non chez les enfants fébriles ?



Introduction :
J’avais arrêté de prescrire l’ibuprofène chez l’enfant à la suite de mises en garde sur le risque d’infections cutanées nécrotiques, notamment en cas de varicelle, mais, plus généralement en cas d’infections à streptocoque du groupe A. Comme j’avais d'ailleurs cessé peu de temps auparavant la coprescription d’ibuprofène et de paracétamol en raison d’avis soulignant le risque de confusion chez les parents et par expérience personnelle de ce risque chez mes propres patients. Or j’avais constaté que les urgences pédiatriques de mon hôpital local (CHG de Mantes-La-Jolie) continuaient et de prescrire de l’ibuprofène et de co prescrire avec du paracétamol. Où était le loup ?
La parution récente d’un article dans le British Medical Journal (Hay A, Costelloe C, Redmond N, Montgomery A, Fletcher M, Hollinghurst S, et al. Paracetamol plus ibuprofen for the treatment of fever in children (PITCH): randomised controlled trial. BMJ 2008;337:a1302. (2 September.)[Abstract/Free Full Text] ) les commentaires qui ont suivi me laissent perplexe mais m’encouragent volontiers à prescrire à nouveau l’ibuprofène chez l’enfant mais à éviter la coprescription avec le paracetamol.

L’étude :
Objectifs : Cet essai contrôlé, randomisé à trois bras avait pour but de rechercher si l’utilisation conjointe du paracétamol (P) et de l’ibuprofène (I) était supérieure à celle de chacune des molécules seule pour augmenter la période d’apyrexie et pour soulager l’inconfort lié à la fièvre chez des enfants âgés de 6 mois à 6 ans traités à domicile.
Critères d’appréciation : Les deux critères principaux étaient la période sans fièvre (<>Résultats : En intention de traiter : période sans fièvre dans les 4 premières heures P + I > P (55 minutes – p<0 i=" I"> P (4,4 h – p <> I (2,5 h – p = 0,008) ; délai d’apparition de l’apyrexie : P + I > P (23 minutes ; p = 0,025) mais P + I = I. Pas de différences sur les autres facteurs.


Commentaires sur cette étude :
Les pré requis de ce travail sont quand même curieux : est-ce bien raisonnable de prescrire I + P en même temps ? est-ce bien raisonnable de faire baisser la fièvre sans étiologie ? est-ce bien raisonnable d’utiliser l’ibuprofène sans précautions (est-ce une varicelle ? est-ce une infection à streptocoque A ?) ? Je ne me vois pas, par ailleurs, prescrire EN MEME TEMPS paracétamol et ibuprofène (mais il s’agissait d’un protocole d’étude). Ce qui signifie par ailleurs que les études contrôlées aussi intéressantes qu’elles soient peuvent ne pas être adaptées à notre pratique et, en même temps, par ricochet, nous donner des idées.

Bon, de nombreux commentaires ont été faits par des lecteurs du BMJ et notamment sur l’utilité de faire baisser la fièvre chez les enfants et sur le fait que les parents sont très inquiets et surestiment l’apyrexie comme traitement…. Je retiendrai ce commentaire de Nicholas Moore de l’unité de pharmacovigilance de Bordeaux (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct13_2/a2072) répondant à un courrier soulignant les risques possibles de l’ibuprofène. Il dit, en substance, qu’une seule étude bien faite est disponible et qu’elle ne conforte pas l’hypothèse que les AINS, et plus particulièrement, l’ibuprofène, augmentent le risque de nécroser les infections à streptocoque du groupe A (Ranganathan SS, Sathiadas MG, Sumanasena S, Fernandopulle M, Lamabadusuriya SP, Fernandopulle BM. Fulminant hepatic failure and paracetamol overuse with therapeutic intent in febrile children. Ind J Pediatr 2006;73:871-5.[CrossRef][Medline]). Il ajoute qu’un autre essai conclut que le risque d’infections invasives dues au streptocoque du groupe A est lié à des facteurs démographiques et environnementaux dans un contexte de fièvre élevée persistante (James LP, Alonso EM, Hynan LS, Hinson JA, Davern TJ, Lee WM, et al. Detection of acetaminophen protein adducts in children with acute liver failure of indeterminate cause. Pediatrics 2006;118:e676-81.[Abstract/Free Full Text]) En conclusion il lui semble, à la lecture de la littérature, que ni l’ibuprofène, ni le paracétamol ne sont associés à un risque accru de nécroser les infections des tissus mous. Il ajoute même : « …une fièvre persistante chez des patients recevant ibuprofène ou paracétamol après varicelle est probablement un signe d’infections des tissus mous. » Il ajoute : « Le paracétamol est un bon produit de première ligne mais n’est pas aussi efficace que l’ibuprofène et n’est pas aussi sûr que l’on pense. Malheureusement un excès de crainte à l’égard de l’ibuprofène peut conduire à un excès d’usage du paracétamol qui, en surdosage, et spécialement chez l’enfant, peut être hépatotoxique. »

L’avis de Prescrire [LRP 2008;28(n°300 d’octobre):753] : « AINS : à manier avec précaution, même l’ibuprofène. »


CONCLUSION PERSONNELLE :
En cas de fièvre persistante sous paracétamol (prescrit de principe en première ligne) et après avoir éliminé une varicelle (ou chez un enfant qui a déjà eu la varicelle) envisager l’ibuprofène, volontiers en monothérapie chez un enfant de plus de six mois.
Se méfier des différentes versions de l’ibuprofène sirop dont les dosages sont différents (et donc, ne pas prescrire en dci) : Advil : 4 prises pas jour (une graduation d’un kilo correspond à 7,5 mg d’ibuprofène) ; Nureflex : trois prises par jour (une graduation d’un kilo correspond à 10 mg d’ibuprofène)

Voici une thèse de 2011 (pp 94 et suivantes) bien intéressante. ICI