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lundi 19 novembre 2012

Les nouveaux médecins généralistes (2) : La féminisation de la profession.


J'entends dire ici et là que la féminisation de la profession médicale est une chance pour faire disparaître la pratique éculée de la médecine générale libérale telle que nous la décrivent les images d'Epinal (60 heures de travail hebdomadaire, gardes de nuit, disponibilité complète à l'égard des malades, isolement, absence de protection sociale, de congés payés, congés maternité misérables, pour ne parler que des items les plus importants ou les plus fréquemment cités, et voir ICI pour la médecine alapapa) et pour qu'adviennent une médecine générale libérale moderne et / ou le salariat salvateur d'Etat ou de région ou de municipalité.
Va pour la féminisation bienfaitrice.
Va pour le salariat.
Il n'est bien entendu pas question ici, sans passer pour un affreux misogyne, un affreux anti féministe (mais comme il existe des féminismes différents il doit bien exister des anti féministes également différents, non, les anti féministes sont des salauds et des réactionnaires, des ennemis du progrès universel, des tenants de l'ancien monde, et cetera, et cetera...) de dire que la féminisation des professions change les professions ou a changé les professions ou rend compte de ces changements ou les précède ou les suit... C'est mal de le penser.
Il n'est pas possible non plus de douter que la féminisation de la profession la rendra meilleure, tout le monde sait que les femmes, par essence, par effet de genre ou par pure génétique (on mélange et on ramasse les copies dans 4 heures), sont meilleures que les hommes, plus douces, plus compréhensives, plus proches des patients, plus empathiques, plus pertinentes, plus compétentes (elles réussissent tellement bien à l'ECN), et cetera...
Quel est le problème ? Il n'y en a pas.
Et ainsi, l'avenir de la médecine générale libérale, pour paraphraser Aragon, sera féminin ou pas.
J'entends dire ici ou là que les femmes ont plus le sens des réalités, plus le sens de la famille, plus le sens des loisirs, plus le sens du bon sens. Certainement. On voit d'ailleurs que l'Education nationale, depuis que ce ne sont plus les hussards mâles de la république qui assurent l'école primaire, va de mieux en mieux avec toutes ces femmes dévouées et peu payées qui "assurent". Et je ne dis pas que le niveau a baissé parce que les femmes sont devenues majoritairement institutrices, d'ailleurs, tout le monde le sait, le niveau ne baisse pas, (Baudelot et Establet, les chantres de la statistique anti capitaliste et éducationnelle, n'ont jamais cessé de nous le seriner... ICI), mais que la profession d'instituteur, dans une société restée hautement patriarcale, n'est plus masculine, c'est tout.
Examinons pourquoi les femmes vont changer, enterrer la médecine générale libérale, non pour des raisons idéologiques qui tiendraient essentiellement à la qualité de vie, mais pour des raisons purement mécaniques tenant à l'exploitation patriarcale (pardon pour les gros mots).
Il est vrai qu'il est rare qu'un mari diffère sa carrière professionnelle pour suivre sa femme lors d'un changement d'orientation de celle-ci ; il est vrai qu'il est rare qu'un mari accepte de renoncer à son travail et de s'occuper des tâches ménagères pour que sa femme progresse dans sa profession et devienne, par exemple, médecin généraliste au Québec ou aux Etats-Unis... Il est vrai qu'il est rare qu'un mari accepte que sa femme médecin s'installe dans un désert médical et qu'il assume le secrétariat pendant qu'elle consulte et qu'il fasse le ménage pendant qu'elle se repose ; il est vrai qu'il est rare (mais on me dit que l'on gagne cinq minutes par siècle) que les hommes passent l'aspirateur, rangent, s'occupent plus du lave-vaisselle, des courses, des enfants, des repas que leur femme...
Je ne vais pas vous faire le coup du Care et de la voix invisible des femmes qui ne plaît à personne (ni à gauche, ni à droite, la remise en cause du néo libéralisme et du patriarcat étant un peu rude, voir LA) et vous montrer que les femmes médecins doivent non seulement faire leur journée de travail mais aussi un certain nombre de tâches ménagères ou, pour les plus aisées, les faire faire à d'autres, des femmes de ménage, volontiers peu payées, volontiers peu valorisées et volontiers immigrées de fraîche date, mais, quoi qu'il en soit, il est normal que les femmes veuillent travailler moins, les plombières comme les rombières, les ouvrières d'usine comme les doctoresses, il faut bien s'occuper des enfants et du seigneur et maître... Je vois autour de moi que lorsque les enfants sont vraiment malades, c'est la femme médecin généraliste qui prend une matinée plutôt que le mari ingénieur...
Les femmes médecins généralistes travaillent moins que les hommes médecins généralistes, voient moins de patients en moyenne, ont des revenus inférieurs : est-ce pour des raisons d'intelligence ou pour des raisons de double vie ?
Pourquoi y a-t-il plus de femmes médecins généralistes qui travaillent déjà dans les PMI, dans les écoles et lycées, dans les centres de santé municipaux, plus de femmes que d'hommes qui sont des médecins généralistes salariés ? Parce qu'elles ont compris, les malignes, que c'était là qu'elles pouvaient exercer leurs qualités naturelles, s'occuper de nourrissons, d'enfants et d'adolescents ? Parce qu'elles ont compris  que c'était là qu'elles travailleraient le moins, ces feignantes ? Parce qu'elles ont compris que c'était là que leurs qualités si particulières, celles que l'on attribue aux jeunes femmes, le tricot, la couture et l'élevage des enfants, pourraient le mieux s'exercer ? Ou parce que c'est le rôle qu'on leur a assigné, le rôle qu'on leur a confié afin que, travaillant 35 heures ou moins (aux quatre cinquièmes), elles puissent accompagner les enfants (leurs enfants) à l'école le matin, les réceptionner le soir, leur faire faire leurs devoirs, les encadrer pour les activités du mercredi, passer l'aspirateur et faire la tambouille quand le mâle tout puissant rentrera, fourbu, après sa journée de travail, avec des revenus supérieurs à ceux de sa femme...
Et qu'on ne vienne pas me dire non plus que j'exagère, que je caricature, que les femmes auraient, comme par miracle, une éthique meilleure que celle des hommes, toutes choses égales par ailleurs, que les femmes médecins généralistes seraient les plus à même de critiquer le sort qui est fait aux malades ou aux malades femmes...

Car les femmes médecins ont, dans l'ensemble, intégré de façon parfaite le patriarcat médical.
Peu d'entre elles (sauf Iona Heath, voir ICI) montent aux barricades pour protester contre le dépistage organisé du cancer du sein et les risques qu'il leur fait courir.
Peu d'entre elles montent aux barricades pour s'insurger contre l'épisiotomie considérée par les obstétriciens comme un des Beaux-Arts.
Peu d'entre elles montent aux barricades pour s'insurger contre l'utilisation de l'acétate de cyprotérone comme moyen contraceptif (LA) ou comme celle du désogestrel comme progestatif de référence (ICI).
Peu d'entre elles dénoncent l'excès de douleurs physiques induit par l'utilisation de contragestifs pour interrompre les grossesse par rapport à la méthode de l'aspiration.
Peu d'entre elles protestent contre la médicalisation de la contraception et dénoncent les effets indésirables de la contraception oestro-progestative... non pas seulement sur le plan thrombo-embolique, ce qui serait déjà important, mais sur celui de la libido...

Je m'arrête là. Je n'ai pas parlé des traitements hormonaux de la ménopause, du distilbène, des hystérectomies intempestives, des "totales"...

La féminisation de la médecine générale ne va pas pouvoir freiner la disparition de la médecine générale libérale et pourrait faire apparaître une hypothétique médecine générale salariée qui n'aura plus rien à voir avec ce que nous connaissons maintenant.
J'ai déjà dit LA quels sont les tenants et les aboutissants de la disparition des médecins généralistes et de la médecine générale libérale : la société avide de médecine et de consumérisme médical décidera pour elle-même de ce qu'elle doit et peut faire.
Cela ne sera pas un progrès. Voir ICI l'histoire de consultation 135.
Je crains ne pas me tromper.

(American Medical Women's Association)