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jeudi 18 août 2011

Cancer du colon : le chirurgien compte !


Les problèmes posés par le dépistage du cancer du colon par hemoccult sont connus. Je ne vous ferai pas l'injure de les rappeler et notamment le fait qu'à l'échelle d'une population cible, ce qui compte c'est le nombre de patients ciblés qui pratiquent effectivement le test, qui rend compte de l'efficacité du dépistage (plus de 50 % en l'occurrence).
Je précise encore que les patients qui viennent consulter à mon cabinet ont "droit" à une proposition de ma part à pratiquer eux-mêmes l'hemoccult : je suis pour (sans être très excité).
Mais j'ai toujours prétendu, et ce n'est pas seulement dans le cadre du cancer du colon, que dans le cadre du cancer du colon les résultats étaient fortement opérateurs - dépendants. J'ajouterai aussi que les résultats de la chirurgie sont également équipes - dépendants (environnement hospitalier, qualité des soins pré et post op, et cetera).

Un article publié dans le British Medical Journal (ICI) vient opportunément le rappeler.

Avant de vous parler de cette étude (anglaise), trois points qui me sont très chers et qui concernent l'adressage des patients :
  1. On ne prescrit pas un chirurgien en DCI (dénomination commune internationale) ; il n'est pas possible de ne pas tenir compte de la qualité (supposée ou réelle du chirurgien, supposée ou réelle de la structure) quand on adresse un patient suspect de cancer du colon ; il n'est pas non plus possible de prescrire un oncologue en DCI (mais c'est un autre problème que nous pourrons aborder un autre jour et qui tient compte de la qualité des équipes et de leurs valeurs et préférences)
  2. Dans l'adressage d'un patient à un chirurgien les liens et les conflits d'intérêt sont majeurs (pour ceux qui ne sont pas habitués à cette notion, ils peuvent lire CECI) ; je voudrais donner quelques exemples : le lieu d'exercice a un impact fort à la fois d'un point de vue topographique (de très grande agglomération à village isolé ; de CHU (s) à hôpitaux généraux ; de pléthore à désert médicaux) et institutionnel (le gastroentérologue de l'hôpital X ou de la clinique Y se doit d'adresser au chirurgien de l'hôpital X ou de la clinique Y quelles que soient ses réticences professionnelles ou ) ; les liens d'intérêts : nous avons déjà parlé des contraintes institutionnelles, n'y revenons pas ; mais il existe aussi le copinage, le à toi à moi, les amis politiques, les amis syndicaux, les amis du Rotary, les copains du golf, du tennis, du foot ou de la pétanque, les collègues, les organisateurs de FMC sponsorisées ou non, la contrainte loco-régionale liée simplement au terroir, à l'anti parisianisme ; mais aussi les liens financiers, les retours sur investissement, les caisses de champagne ; et enfin les liens tissés par Big Pharma : la visiteuse qui serait la femme du médecin ou la femme d'un collègue, ou le week-end au golf, le repas au deux étoiles Michelin du coin...
  3. Les dépassements d'honoraires posent de sérieux problèmes d'égalité des soins : certains malades ne peuvent les assumer et / ou décident par principe de ne pas les accepter ; les médecins adresseurs, quelles que soient leurs réticences idéologiques ou politiques ou sociales, finissent par confier des patients à certains chirurgiens malgré le niveau de leurs dépassements ; ou ne le font pas et envoient des patients là où ils n'adresseraient pas leur femme ou leur mari (mais peut-être leur future ex-femme ou leur futur ex-mari...)
Tout cela pour vous dire que l'adressage d'un patient porteur d'un cancer du colon, quelle que soit sa localisation, pose des problèmes pratiques et éthiques considérables. Car le cancer du colon est susceptible de stratégies complexes : chirurgie première ou radiothérapie première, chirurgie traditionnelle ou coelioscopique, anus ou non à la peau, chimiothérapie post op... Il est donc nécessaire de disposer d'une bonne équipe, d'un bon chirurgien, d'un bon gastro-entérologue, d'un bon oncologue, d'un bon centre de radiothérapie et d'un médecin traitant qui est exclu de toutes les décisions par principe et / ou qui ne délègue pas systématiquement pour cause d'encombrement de sa consultation ou d'incompétence prétexte à ne pas continuer de prendre en charge "son" patient.

Je me rends compte que je ne vous ai pas encore parlé de l'étude....
Mais est-ce que cela a une quelconque importance maintenant que vous savez pourquoi j'ai choisi de vous parler du choix des correspondants dans le cas du cancer du colon ? Oui ! C'est important car dans ce cas précis il est rare que la balance bénéfices / risques prise en compte par les auteurs tienne compte aussi du résultat ou des conséquences opératoires du dépistage !
Dans cet essai le taux de réintervention non programmé a été retenu.
Il s'agit en chirurgie d'un bon indicateur (négatif) et particulièrement approprié dans le cas de la chirurgie colorectale qui est fréquente et où les complications sont nombreuses (dont une réintervention dans les 30 jours à cause, par exemple d'infection, de saignement, de blessure ou d'occlusion) ; les commentateurs indiquent que c'est un critère de qualité de technique chirurgicale pure mais il est possible de penser que d'autres facteurs entrent en jeu (qualité des équipes, écologie des services, et cetera) ; mais aussi : stratégie thérapeutique mal choisie, bilan pré opératoire incomplet ou mal fait, manque de coordination des équipes... Par ailleurs, d'autres facteurs de complications sont identifiés comme facteurs indépendants de réintervention (comorbidité, état de déprivation sociale, sexe, site anatomique de la lésion) mais ils sont communs à tous les centres (sauf si certains centres choisissent certains malades et en récusent d'autres...), et, enfin, il est possible que le délai d'adressage par le médecin généraliste ou le délai de prise en charge par le centre (nous sommes en Angleterre) ou le fait que la prise en charge se fasse en urgence ou non, influencent les statistiques... mais ces facteurs ont été pris en compte par l'étude... donc...
Voici ce qui a été constaté.
Il existe des différences de taux de réintervention allant de trois à cinq fois, même dans les grands centres et pour des chirurgiens opérant beaucoup. Pourquoi ? A qui cela est dû ?
Je m'arrête là.
Je répète ceci : adresser ses patients en aveugle est une mauvaise démarche ; nous n'avons parfois pas le choix (urgence) ou parce que les valeurs et les préférences des patients nous y contraignent ou parce que la localisation géographique est problématique ou parce que nos intérêts inconscients nous y invitent ou parce que, de guerre lasse, nous adressons à quelqu'un que nous n'apprécions pas professionnellement ou parce que la CNAM nous y contraint (exemple récent d'un patient que j'avais adressé à Paris pour une écho-endoscopie vatérienne pour laquelle on m'avait demandé pourquoi je n'avais pas adressé au plus près, plus près qui ne le faisait pas) ou parce que le secteur 2 devient impossible à assumer pour les patients...

(Chirurgiens en train d'opérer - Crédit photographique : wikipedia)

Petite histoire pour la route (Coluche) : Pourquoi les chirurgiens portent-ils des masques ? Pour ne pas être reconnus !

lundi 30 août 2010

UN SPECIALISTE COOL - HISTOIRES DE CONSULTATION : TRENTE-SEPTIEME EPISODE



Monsieur A, 67 ans, consulte parce que l'opération qu'il a subie il y a six mois n'a pas réussi. Je l'avais adressé à un chirurgien pour hernie (modeste) de la ligne blanche. Le patient, peu gêné, avait cependant voulu se faire opérer et par le chirurgien de son choix. Je n'avais rien d'ailleurs contre ce chirurgien mais ce n'était pas mon favori ce jour là pour des raisons tenant à la fois à la compétence et au copinage. Aurais-je dû écrire dans un autre ordre : tenant à la fois au copinage et à la compétence ?
Je l'examine et je constate qu'effectivement la hernie a réapparu et de façon tout aussi modeste.
" C'est grave, docteur ?"
J'aurais pu, avec mon mauvais caractère habituel que je réserve pour les grandes occasions, lui répondre : "Vous n'aviez pas besoin d'être opéré la première fois, je n'en vois pas plus la nécessité aujourd'hui..." Au lieu de cela, je réponds : "Non, ce n'est pas grave, vous ne risquez rien. - Que dois-je faire, alors ? - Cela dépend de vous. Si cela vous gêne il faudra revoir le chirurgien, d'abord pour qu'il constate le résultat, ensuite pour vous proposer une solution..."

Monsieur A n'a pas l'air content. "Il n'est pas question que je le revoie. - Bon, je peux vous proposer un autre chirurgien. - Un autre chirurgien ? Mais il ne pourra que me proposer de m'opérer, les chirurgiens, ça opère... - Certes... - Il est bon, au moins ? - Si je vous le conseille. - Vous m'avez bien adressé chez le docteur A... - Mais, si je me rappelle bien, c'est vous qui m'avez demandé de vous y envoyer. - Ce n'est donc pas un bon chirurgien ? - Si. Sinon je ne vous aurais pas fait de lettre... _ Mais vous aviez une réticence... - Non. D'ailleurs cela aurait pu survenir avec n'importe quel chirurgien. - C'est vrai ? - Je vous le confirme."

Je finis par convenir que l'inquiétude du patient est telle qu'il est nécessaire qu'il consulte un chirurgien. J'en ai un sous le bras, probablement celui que j'aurais indiqué en premier choix s'il n'avait décidé de se faire opérer par A. Je commence à rédiger la lettre, je l'imprime et je la tends au patient. Elle lui convient.

Mais je sens que la consultation n'est pas finie. Monsieur A : "Il faut que je vous dise quelque chose... - Oui... - Il faut que vous le sachiez. - Je vous écoute. - Quand je suis allé chez le docteur A, il m'a reçu, il a lu votre lettre et il a dit qu'il fallait effectivement que je sois opéré. Mais il ne m'a même pas examiné. - Comment ? - Non, il ne m'a même pas examiné et il m'a donné une date pour être opéré..."
Nul doute que je devrais être flatté qu'un spécialiste et, qui plus est, un chirurgien, me fasse à ce point confiance. A moins, mais cette hypothèse me plaît un peu moins, qu'il ne fasse surtout confiance à son porte-monnaie.
"Mais", continue Monsieur A "si l'intervention s'est bien passée, ça je n'ai rien à dire, après, quand il passait pour voir si tout allait bien, il n'entrait pas dans ma chambre, il restait sur le seuil et me disait 'Alors, ça va ?', il n'a jamais regardé mon pansement.
Comment les patients peuvent-ils avoir autant d'imagination ?