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jeudi 29 novembre 2018

Calendrier de l'avent des lectures médicales : Rachel Campergue. #6

Le livre de Rachel Campergue est pour moi une des plus formidables expériences que j'ai connues, un coup de poing dans la figure, un rappel à l'ordre éthique et déontologique pour tous les médecins. Comment ce non médecin, cette citoyenne non malade, qui plus est, a pu, par ses propres moyens, sans aides extérieures ou presque (je pense au regretté Bernard Junod, à Marc Girard ou à Philippe Nicot et à la Revue prescrire) écrire livre aussi sidérant qu'un médecin aurait dû écrire par simple correction intellectuelle.



Voici ce que j'ai écrit en 2011 sur le site Amazon dès que j'ai terminé la lecture de la dernière page du livre :
Le livre de Rachel Campergue est remarquable : permettez qu'un médecin ait honte qu'il s'agisse d'un non médecin qui ait écrit cette somme extrêmement documentée. Ce livre est complet, rempli de références lisibles en ligne, et rend compte de l'aveuglement coupable des élites de la santé publique de notre pays. Le livre nous annonce aussi ce qui va nous arriver : une intensification des campagnes grand public ininformatives comme elles se déroulent déjà aux Etats-Unis. Il serait temps que nous nous réveillions et qu'une enquête indépendante sur les bienfaits et les méfaits de ces campagnes de dépistage, soit menée, une enquête qui ne soit pas écrite d'avance par les Agences gouvernementales qui, en France, écrasent tout sur leur passage et, notamment, l'esprit critique et l'indépendance d'esprit. Les quelques médecins qui, en France, expriment des doutes, notamment Bernard Junod, risquent, malheureusement, d'être plus rapidement entendus par les citoyens non experts que par les médecins de base englués dans l'idéologie millénariste de la prévention. Lisez ce livre et posez des questions à votre médecin généraliste, à votre radiologue, à votre oncologue.
Bonne lecture.
Ce qui est terrible dans cette affaire, c'est l'aveuglement coupable des autorités, c'est le fait que la ministre de la santé actuelle, Agnès Buzyn, qui fut directrice de l'InCA puis de la HAS, n'a pas changé d'un iota sa position pour des raisons multiples et variées (cochez la ou les cases) : bêtise, corruption, corporatisme, intelligence, aveuglement, croyance, croyances, ...

Combien de radiologues osent ouvrir le bec ? Combien d'oncologues osent ouvrir le bec ? Combien de radiothérapeutes osent ouvrir le bec ? Combien d'anatomo-pathologistes osent ouvrir le bec ? Combien de gynécologues osent ouvrir le bec ? Combien de chirurgiens osent ouvrir le bec ? Combien d'épidémiologistes osent ouvrir le bec ?

Quelques faits :


  • Le dépistage organisé du cancer du sein ne sauve pas de vies chez les femmes de 50 à 74 ans.
  • Plus on pratique de mammographies et plus le nombre de diagnostics de cancers du sein augmente mais la mortalité par cancer du sein est stable. 
  • Le nombre de sur diagnostics et de sur traitements (et je rappelle que le sur traitement signifie parfois le combo complet chirurgie/radiothérapie/chimiothérapie) atteint selon les études 20 à 50 % des patientes.
  • Avant 50 ans et en absence d'antécédents familiaux de cancer du sein, le sur diagnostic est encore plus important.
  • En France plus de 2 millions de mammographies sont effectuées chaque année.
  • En France il y a environ 50 000 nouveaux cas de cancers du sein diagnostiqués (allez faire un tour au point 3 pour imaginer ce que cela signifie).
  • Madame Buzyn trouve que tout cela est très normal.
  • Les femmes sont manipulées (voir ICI sur le blog de JB Blanc) mais puisque je suis un homme il vaut mieux que je me taise ; on leur ment, on leur fait peur, on leur fait des sur promesses.
  • Les courses "roses" sont des opérations commerciales banales encouragées par les autorités.
  • Les choses ne sont pas près de s'arrêter.
  • Pour plus d'informations allez lire le site Cancer Rose.

  • En lisant Rachel Campergue nous mettons nos pas dans ceux d'Illich : la médicalisation de la société  est dangereuse ; elle ne justifie pas la dépistologie généralisée (prostate, sein, colon) qui n'a pas encore démontré son efficacité sur la diminution de la mortalité globale ; nous mettons nos pas dans ceux de Peter Gotzsche qui a dénoncé le dépistage organisé du cancer du sein et son lot de sur diagnostics. Et nous mettons nos pas dans la dénonciation du complexe santéo-industriel par Jeanne Lenzer. Le monde s'organise.


    mardi 3 octobre 2017

    Octobre noir.


    Quelques faits (et personne ne pourra dire après : je ne savais pas ; mais comme toujours certains, qui garderont leurs postes, affirmeront : la vérité scientifique change ; les plus nombreux rétorqueront : nous nous fiions aux autorité) :


    1. Le dépistage organisé du cancer du sein ne sauve pas de vies chez les femmes de 50 à 74 ans.
    2. Plus on pratique de mammographies et plus le nombre de diagnostics de cancers du sein augmente mais la mortalité par cancer du sein est stable. 
    3. Le nombre de sur diagnostics et de sur traitements (et je rappelle que le sur traitement signifie parfois le combo complet chirurgie/radiothérapie/chimiothérapie) atteint selon les études 20 à 50 % des patientes.
    4. Avant 50 ans et en absence d'antécédents familiaux de cancer du sein, le sur diagnostic est encore plus important.
    5. En France plus de 2 millions de mammographies sont effectuées chaque année.
    6. En France il y a environ 50 000 nouveaux cas de cancers du sein diagnostiqués (allez faire un tour au point 3 pour imaginer ce que cela signifie).
    7. Madame Buzyn trouve que tout cela est très normal.
    8. Les femmes sont manipulées (voir ICI sur le blog de JB Blanc) mais puisque je suis un homme il vaut mieux que je me taise ; on leur ment, on leur fait peur, on leur fait des sur promesses.
    9. Les courses "roses" sont des opérations commerciales banales encouragées par les autorités.
    10. Les choses ne sont pas près de s'arrêter.
    11. Pour plus d'informations allez lire le site Cancer Rose.
    12. Et lisez Rachel Campergue qui a tout dit : LA.
    Je me répète : le scandale du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie gratuite est cent mille fois plus important que tout ce qui a pu être décrit auparavant en médecine.
    C'est un charnier.


    lundi 20 octobre 2014

    Bonnes feuilles du dernier livre de Rachel Campergue.


    (Chargeable en kindle ICI)

    Chapitre 5. "Parlez-en à votre médecin."



    « J’attends beaucoup des professionnels qui sont les principaux acteurs de la sensibilisation », Marisol Touraine, Le Monde du 19 octobre 2012

    « Le premier devoir du médecin est envers son patient », Margaret McCartney, The Patient Paradox: Why Sexed-Up Medicine is Bad for Your Health.


    La confiance comme cheval de Troie

    Nous avons là encore une expression récurrente aux Octobre roses : « Parlez-en à votre médecin ». Parlez-lui d’autant plus qu’on lui aura parlé avant, qu’on l’aura « briefé ». Ainsi il pourra à son tour nous parler du dépistage. Jamais en effet professionnels de santé ne furent davantage sollicités. Un parmi tous les autres est constamment poussé du coude : le généraliste. Pourquoi lui ? Tout simplement parce qu’il est le plus proche de la candidate au dépistage : c’est le médecin de famille, il a leur confiance. Pourquoi alors ne pas s’en servir pour la « guider » vers le dépistage ? Il est bien placé pour le faire. Il la connaît si bien, elle le connaît si bien. S’il lui conseille un examen, pourquoi ne l’écouterait-elle pas ? Cette confiance va être le cheval de Troie par lequel le dépistage va s’immiscer dans la consultation. Ce n’est ni très élégant, ni très éthique, mais ça marche. Et les partisans du dépistage vont encourager cet abus de confiance.

    « On ne saurait assez souligner l’influence de l’attitude du médecin ou du gynécologue, remarque Nicole Alby, présidente d’honneur d’Europa Donna Forum France. De leur incitation viendra la participation de leurs patientes. Si leur médecin leur conseille le dépistage organisé, la plupart des patientes suivront cet avis. La relation de confiance médecin-patiente est essentielle même et peut-être surtout s’agissant de consultantes qui ne se sentent pas malades et ne le seront pas pour la plupart[1]. » Le généraliste a donc l’oreille de sa patiente. Il va s’agir à présent de lui rappeler de l’utiliser. On ne lésinera alors ni sur les moyens, ni sur les intervenants. Toutes les structures publiques - donc financées par le contribuable - en rapport avec la santé vont mettre la main à la pâte pour convaincre les médecins de convaincre les femmes. « Les médecins doivent être convaincus de la qualité et de l’efficacité du dépistage organisé et transmettre leur conviction[2] », résume Monique de Saint-Jean, présidente de la Fédération nationale des comités féminins pour le dépistage des cancers.


    « Comptant sur votre engagement… »


    Ci dessous le courrier envoyé, au lancement d’Octobre rose 2012, par l’Agence Régionale de Santé (ARS) du Centre aux médecins généralistes de la région concernée :

    « Objet : Amélioration de la participation au dépistage organisé du cancer du sein

    Docteur,


    Lors de la campagne de dépistage organisé du cancer du sein 2010 /2011, le taux de participation des femmes de 50 à 75 ans a été de 60 % dans notre région. Bien que très supérieur au taux national (52,3 %) il reste en deçà du taux cible d'efficacité décrit dans les études internationales. En France, plus de 3000 vies pourraient être sauvées chaque année si 70 % au moins des femmes de 50 à 74 ans réalisaient un dépistage tous les deux ans. Les effets collatéraux de ce dépistage sont aujourd’hui connus, évalués et ne compromettent pas la balance risques/efficacité de ce dépistage.

    La seconde lecture est la spécificité du dépistage organisé. C’est un gage supplémentaire de qualité. Si le radiologue n’a décelé aucune anomalie, la mammographie est systématiquement relue par un second radiologue expert. Près de 6 % des cancers du sein sont ainsi détectés grâce à cette seconde lecture. Dans le cadre du dépistage organisé, il est imposé également aux radiologues une formation spécifique et une obligation de réaliser au moins 500 mammographies par an. De plus la qualité de le chaîne mammographique est contrôlée deux fois par an par des organismes agrées. L’amélioration de la participation aux dépistages organisés est un objectif majeur de l’ARS pour optimiser son efficacité collective et pour l’égalité d’accès à ce dépistage et vise à atteindre un objectif de 70 % pour 2013.

    Ce bénéfice ne peut être atteint qu’en coordination avec les partenaires de terrain que sont les 6 structures de gestion départementales gérant le dépistage organisé, les radiologues, gynécologues et vous-mêmes. En effet, chez les femmes ne participant pas au dépistage organisé, quel qu’en soit le motif, il est démontré que le médecin traitant a un rôle déterminant dans sa décision ; le seul fait que vous évoquiez le dépistage influence positivement les femmes (alors que la consultation était justifiée par un autre motif).

    Comptant sur votre engagement pour réussir cet enjeu de l’augmentation du taux de dépistage organisé, je vous prie d’agréer, Docteur, l’expression de ma considération distinguée.

    Signé : le Directeur général de l’Agence régionale de santé du Centre. 



    Les Caisses primaires d’assurance maladie ne sont pas en reste. « La CPAM à fond dans la Lutte », titre la Dépêche en décembre 2010. « Des délégués d’assurance maladie sont chargés de sensibiliser les médecins sur cette démarche volontariste préventive [3]», nous dit-on. Quant à l’INCa, il édite chaque année à leur intention une brochure spéciale : « Le médecin traitant, acteur du dépistage du cancer du sein[4] » qui leur rappelle leur devoir et à quel point leur « rôle d’information et d’orientation est essentiel pour favoriser la participation des femmes au dépistage en fonction de leur âge et de leur niveau de risque ». Quelle impartialité peut bien avoir une « information » ayant pour but d’« orienter » ?

    Pour les oublieux, l’INCa a tout prévu. Le dossier de presse Octobre rose 2013 nous explique sous le titre « accompagnement des professionnels de santé » à la page 8 : « Afin de sensibiliser les médecins généralistes et les inciter à renforcer le dialogue avec leurs patientes dès 50 ans sur la question du dépistage, un dispositif interactif sera mis en place sur trois logiciels de gestion de dossiers patients. Il permettra de toucher plus de 40 000 médecins généralistes et 2 400 gynécologues. Une fenêtre (pop-up) ou une alerte se déclenchera à l’ouverture du dossier d’une patiente âgée de 50 et 74 ans. Elle invitera le médecin à vérifier de quand date la dernière mammographie de sa patiente et permettre d’engager un dialogue sur cet examen. »

    « Les conférenciers d’Octobre rose »

    Un autre moyen de rappeler aux médecins de profiter de la confiance de leurs patientes pour les inciter à se faire dépister est de les convier à des conférences à thème. En octobre dernier, les médecins de Perpignan ont tous reçu un étrange carton d’invitation : « Christian Bourquin, Président de la Région Languedoc-Roussillon, Sénateur, en présence des Conseillers Régionaux des Pyrénées-Orientales, a le plaisir de vous convier à une table ronde sur le dépistage du cancer du sein, animée par Dépistage 66 [la structure de gestion départementale], suivie du vernissage de l’exposition "Ce crabe qui nous pince les miches" réalisée par l’association "la Montpellier-Reine" et ADREA mutuelle. »

    Le Dr Thierry Gourgues, membre du Formindep, s’est rendu à ce type de conférence chez lui, dans les Landes. Le Dr Gourgues est un médecin informé - au réel sens du terme - et ce qu’il a entendu lors de cette conférence l’a tant choqué qu’il a écrit une « Lettre aux conférenciers d’Octobre rose, de l’inconscience à l’indécence ». Il la présente en ces termes : « De la mauvaise foi au mensonge décomplexé, de l’omission des évidences à l’habillage scientifique de hors-sujet, de l’utilisation abusive des émotions aux mises en jeu d’intérêts très personnels, voici le décryptage d’un mode de communication archaïque mais efficace que les animateurs d’une conférence/débat d’Octobre rose typique ont utilisé en direction du public d’un cinéma provincial. »

    Tous les acteurs étaient présents : le médecin coordonnateur du dépistage des cancers dans les Landes, le radiologue, la Ligue contre le cancer, le chirurgien, la psychologue, le professeur d’université et bien entendu, pour la note émouvante, la survivante héroïque. Ils sont interpellés un à un par Thierry Gourgues. L’intégralité de la Lettre est consultable sur le site du Formindep[5]. Le Dr Gourgues peut affuter sa plume pour une prochaine édition d’Octobre rose car, si l’on en croit les partisans du dépistage, on n’en fait pas encore assez.

    « Pas assez mobilisés »

    « Le médecin n’est pas assez incité à se diriger plus particulièrement vers le programme[6] », regrette Brigitte Séradour lors du colloque 2013 des comités féminins. En 2012, elle employait un terme encore plus évocateur : « Ce système n'a pas été bien vendu aux médecins. Du coup, ils ne prennent pas le temps de bien expliquer aux femmes son intérêt[7]

    Pour Agnès Buzyn, les médecins ne sont pas assez bien « pilotés » : « Nous pensons que ce programme doit faire l’objet d’un pilotage beaucoup plus resserré, beaucoup plus fréquent avec les acteurs de terrain[8] ». Pour Laurence Alidor, déléguée de l’ARS pour le Lot, ils ne sont pas assez « mobilisés » : « Des actions prioritaires devraient pouvoir être mises en œuvre pour augmenter encore la mobilisation des médecins traitants dans ces dispositifs, afin qu’ils incitent les personnes concernées à se faire dépister. Le travail de proximité de l’ARS, amplifié par la conférence de territoire, devrait permettre d’améliorer la collaboration des professionnels de santé sur ce sujet, et leur capacité à sensibiliser leur patientèle[9]. » Pour la Ligue contre le cancer, il serait grand temps de passer à la vitesse supérieure et, pourquoi pas, à l’obligation : « À l’instar du calendrier vaccinal, qui alerte les médecins généralistes de la date de rappel des vaccins en fonction de chaque patient et de son âge, la Ligue contre le cancer demande à la direction générale de la Santé la mise en place obligatoire d’un calendrier des "dépistages" dans le "Dossier patient informatisé".[10] » 


    D’ailleurs, si les taux de participation n’augmentent pas, c’est de la faute des médecins : « L’une des raisons majeures de l’échec de la prévention est liée au manque d’implication des professionnels de terrain, accuse Frédéric Bizard, professeur d’économie à la santé, lors de son intervention au colloque 2013 des comités féminins, si les médecins généralistes étaient positionnés au centre du recrutement du dépistage organisé, les pratiques évolueraient[11]

    Lors de ce même colloque, une intervenante va, sans complexe aucun, demander au médecin généraliste de contrer l’influence néfaste des études scientifiques. Il va être incité à aller « au-delà des chiffres », autrement dit à ne pas en tenir compte : « Les résultats de validité de méta-analyse ne sont pas une réponse appropriée. Au-delà des chiffres, nous devons expliquer qu’il est prouvé que le dépistage permet une diminution de la mortalité et de la lourdeur des traitements. Dans ce contexte, la remise en cause du dépistage est déstabilisante. L’information délivrée aux patientes est claire si elle provient d’un médecin généraliste[12]. » Dans quel sens cette information est-elle "claire" ? Plus précisément, quel est le sens de ce qualificatif tel qu’employé ici ? On peut supposer que dans la mesure où la patiente va faire confiance à son médecin l’"information" qu’il va lui apporter va lui paraître "claire", sans ambiguïté, par opposition au doute distillé par d’autres sources d’information propres à semer la confusion dans son esprit.

    Le médecin est-il bien informé ?

     Mais cette information "claire" provenant du médecin est-elle pour autant vraie ? Dit autrement, le médecin est-il bien informé ? Car, tout étant basé ici sur la confiance et le présupposé que le médecin "sait", il serait grave, d’un point de vue éthique, que l’information "claire" ainsi délivrée via le capital de confiance, s’avère une information fausse. Qu’en est-il véritablement ?
    Rappelons les conclusions de l’étude de Gerd Gigerenzer, du Harding Center for Risk Litterary à Berlin, « Public Knowledge of Benefits of Breast and Prostate Screening in Europe[13] » publiée dans le Journal of the National Cancer Institute en 2009 : « Considérant l’ignorance des médecins des bénéfices réels de la mammographie de dépistage et leurs conflits d’intérêts que cette étude a révélés, il est vraisemblable qu’ils contribuent à la surestimation des bénéfices. »


    Qui le généraliste doit-il servir ?

    Ainsi, nous pouvons réaffirmer ce constat d’abus de confiance. Car en fait : qui le médecin est-il censé servir en premier lieu ? Margaret McCartney nous disait en exergue de ce chapitre : « Le premier devoir du médecin est envers son patient». Elle ajoute : « Considérer les patients comme des individus capables fait partie de l’éthique professionnelle de base et les médecins devraient non seulement autoriser mais encourager leurs patients à prendre des décisions par eux-mêmes.[14] »

    Martine Bronner s’interroge au sujet du rôle que l’on demande au médecin de jouer : « Il est fermement rappelé à ses devoirs de porte parole, de rabatteurs, mais les institutions qui n’hésitent pas à tancer vertement les généralistes qui ne jouent pas ce rôle de rabatteur n’ont-ils pas oublié que le rôle du médecin n’était pas là […] Le généraliste a déjà une place auprès de son patient que l’institution n’a jamais interrogé ou qu’elle ne veut pas connaître. Pour l’essentiel le médecin traitant n’est donc envisagé que comme un rabatteur car la population vient spontanément à sa rencontre. Il repère dans le cheptel les éléments susceptibles d’être vaccinés, dépistés, soignés […] Il transmet au cheptel la parole institutionnelle et, à cette fin, on lui créera les outils nécessaires. Information "objective" concernant les dépistages, information nécessaire à un bon adressage etc.[15] » 

    Octobre, saison difficile…

    On a donc prévu tous les « outils nécessaires » pour faciliter la tâche à ce généraliste, pierre angulaire du dépistage. Tout ira très bien dans le meilleur des mondes pour ceux qui jouent le jeu du rabattage, pour les autres, c’est une autre histoire. En octobre 2013, le doc du 16, alias Jean Claude Grange, poste un billet titré : « Octobre rose et la vaccination contre la grippe : la difficile saison des médecins qui se posent des questions[16] ». Il écrit :

    « Pour les nombreux, les très nombreux médecins généralistes, qui suivent les politiques de Santé Publique décidées par les experts qui ne se trompent jamais et qui ne reviennent jamais sur les décisions calamiteuses qu'ils ont prises, la vie est belle, confirme le doc du 16, pendant Octobre Rose ces gentils médecins accueillent avec un grand sourire les femmes qui se présentent avec leur convocation pour se faire dépister gratuitement par mammographie tous les deux ans. Les médecins ad hoc disent : Oh que c'est bien madame la patiente que d'aller faire une mammographie où vous voulez, chez le radiologue de votre choix, et que vous ne paierez pas et que plus vous vous y prenez tôt et plus que le cancer y sera pris à temps et plus que vous aurez plus de chances de guérir et de pouvoir profiter de la vie avec vos enfants et vos petits-enfants.
    Pendant Octobre Rose ces parfaits médecins grondent avec un grand sourire les femmes qui n'ont pas encore fait leur mammographie de dépistage car dans leur merveilleux logiciel une alarme s'est déclenchée et ils les encouragent à le faire avec leur air de ne pas toucher au paternalisme médical
    [17]. »

    Ainsi, lors des Octobres roses, de « traitant », le médecin devient « rabattant ». « Mais il n’est pas considéré comme partenaire, il est "aux ordres". Comment en tant que généraliste ne pas s’agacer de tant de méconnaissance de la réalité de sa tâche ? », s’interroge Martine Bronner. Et les principaux intéressés, qu’en pensent-ils ?

    La HAS anachronique


    Un élément de réponse peut-être apporté par la lecture des recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé) du 3 février 2012 sur « la participation du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans en France[18] ». Ces recommandations qui, de façon quelque peu anachronique, ne se penchaient nullement sur la question du bien fondé du dépistage mais uniquement sur celle de la participation des femmes, concluent sur la nécessité de les faire basculer du dépistage individuel (DI) vers le dépistage organisé (DO). « Pour y parvenir, elle compte bien sûr sur le premier rouage du dépistage, le médecin traitant[19] », nous dit le Quotidien du Médecin du 7 février 2012. Cela paraît mal engagé. En effet, sur les quatre participants au groupe de travail de la HAS à exprimer leur désaccord avec les recommandations, deux font partie de ces généralistes sur lesquels semble à présent reposer l’avenir du DO. Ces deux résistants sont les docteurs Philippe Nicot et Julien Gelly. Le premier déclare : « Il n’y a plus de donnée scientifique solide permettant de recommander le dépistage du cancer du sein de manière individuelle ou organisée. En effet le bénéfice en termes de mortalité est constamment revu à la baisse, et tant le surdiagnostic que le surtraitement ont des conséquences néfastes de mieux en mieux connues et importantes. » Quant au Dr Gelly, il fait remarquer qu’« avant d’entreprendre des recommandations visant à promouvoir le dépistage organisé du cancer du sein par mammographies, il aurait été plus pertinent de réévaluer sa balance bénéfices/risques au regard des données actuelles de la science ». Leur désaccord est d’autant plus significatif qu’ils étaient les uniques généralistes à participer au groupe de travail.

    « Je passe pour une "criminelle" »


    Résister à cette pression énorme n’est cependant pas toujours évident, comme l’illustre un commentaire suite au billet du doc du 16 cité plus haut. Un médecin généraliste (MG) constate : « Elle [la médecine générale] est un métier difficile, pas dans le sens que beaucoup pourrait imaginer : horaire, stress etc. ; mais dans le sens où pour bien l'exercer il faut aller à contre sens de l'exercice majoritaire. » Un autre médecin (Christiane) témoigne de la pression exercée par ses pairs : « Ça fait mal de douter, j'ai appris que parce que je tente de donner une information la plus objective possible à mes patientes sur le dépistage que je ne ferai pas pour moi, pour les autres médecins je passe pour une "criminelle". C'est aujourd’hui que je l'ai appris, je suis triste. Ce serait tellement plus facile de les prescrire sans discuter et à 40 ans, comme nos gynécologues chéris le préconisent; de plus je ne me ferais jamais attaquer pour surdiagnostic, c'est vraiment la solution de confort, je me demande si ça vaut la peine d'essayer, je suis fatiguée ce soir ... »

    Il paraît évident que certains médecins, ceux qui sont informés, souffrent de cette pression à promouvoir le dépistage. Et de l’autre côté du bureau de consultation, du côté des patientes, que pense-t-on de l’attitude du médecin lorsqu’il joue complaisamment son rôle de rabattant ? Témoignage de Blandine suite à la Lettre ouverte de la Crabahuteuse à l’INCa au sujet des mammobiles[20] :

    « Ahhhhhhhhhhhhhh ça fait du bien de vous lire ! Marre de claquer les portes des généralistes les uns après les autres, parce que marre de m’entendre proposer puis vouloir « imposer » cette foutue mammo que je ne ferais pas ! (et ce pour n’importe quelle consultation sans aucun rapport avec le cancer du sein …). Et certains médecins ont beaucoup de mal à entendre le NON, et quand vous voulez dégainer les études et infos que vous avez rassemblées, le dit médecin vous retoque d’un « mais c’est qui a fait dix ans d’études ? Vous ou moi ? Qui sait lire une étude médicale ? Vous ou moi ? » … OK tu veux jouer comme ça au revoir Dr …j’ai changé une fois, deux fois, trois fois de généraliste … ou plus. J’espace mes consultations et me débrouille sans consulter – pas bien je sais, mais ras le bol de lutter contre les moulins à vent …[21] »

    La consultation de dépistage

    Et pour les médecins qui se font tirer l’oreille à parler de la mammographie même hors sujet, on va les y forcer un peu en créant une consultation entièrement consacrée au dépistage. C’est ce que réclame, entre autres, la Ligue contre le cancer. « Pour l'intérêt des femmes, la Ligue contre le cancer demande une "consultation de dépistage" par le médecin traitant », nous annonce-t-elle le 1er octobre 2013[22], avant de nous expliquer pourquoi cette consultation s’impose : « Depuis de nombreuses années, Octobre rose a permis de briser les tabous autour du cancer du sein et de promouvoir le dépistage. Mais aujourd'hui, avec la profusion des messages, des pratiques, des émetteurs nous assistons à un essoufflement, une confusion voire une absence de résultats. Pour mieux accompagner les femmes… Pour leur apporter une information éclairée et exhaustive… Pour créer un parcours de dépistage performant avec un suivi personnalisé… La Ligue demande pour les femmes concernées la mise en place d'une "consultation de dépistage" avec leur médecin traitant au début du parcours de dépistage, véritable temps d'échanges et de dialogue. Ceci garantit une réduction des inégalités, une bonne information de la femme qui peut alors avoir un choix éclairé, élément clé partagé par et avec l'ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer. »

    Cette « consultation de dépistage » est-elle véritablement dans l’intérêt des femmes ? Affaire à suivre…







    [7] « La mammographie reste un outil de dépistage efficace », Le Figaro, 3 février 2012 
    http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/02/03/17214-mammographie-reste-outil-depistage-efficace



    mardi 1 novembre 2011

    "No mammo ?" de Rachel Campergue : un livre de référence sur le dépistage du cancer du sein.


    Le sentiment que j'ai ressenti lors de la lecture du livre de Rachel Campergue fut la honte. La honte que ce soit un non médecin qui ait pu écrire un livre pareil avec autant de pertinence, de légèreté et sans presque la moindre acrimonie. Puis je me suis dit que c'était la fraîcheur intellectuelle de cette femme, que je n'ai jamais vue (mais que l'on peut voir sur Facebook) ni entendue, qui a permis l'écriture de ce livre informé et pertinent qui s'adresse tout autant aux médecins qu'au grand public.
    Je crains pourtant que ce ne soit le grand public qui profite le plus de sa lecture dans la mesure où l'irrationnel qui sous tend les préjugés du corps médical à l'égard de la prévention et du dépistage est ancré dans les esprits de mes confrères...
    Encore une fois, et mon post précédent avait évoqué la chose (ICI), je suis abasourdi par l'absence de discussions argumentées dans la médico-sphère française alors que le débat est aussi développé ailleurs. Seuls des francs-tireurs tentent de faire entendre leurs voix, des Bernard Junod, des Marc Girard, des Alain Braillon, des Dominique Dupagne, mais ils sont tous hors-jeu de l'université ou de l'expertise spécialisée. La chape de plomb du lobby politico-administrativo-académico-industriel étouffe toute parole dissidente. Notre pays est cadenassé et souffre à l'évidence en ce domaine d'un manque cruel de démocratie. La Revue Prescrire a publié un dossier en 2007 (Rev Prescrire 2007;27(288):758-62) qui n'était pas tendre pour le dépistage organisé, voire même totalement opposé, mais son impact a été faible dans le débat public.

    Mais revenons au livre de Rachel Campergue (RC).

    Je n'ai pas de statistiques mais ne doutons pas un seul instant qu'au bas pourcentage 95 % des médecins français sont favorables à la mammographie comme outil parfait de dépistage et de diagnostic du cancer du sein avec une pointe à 98 % chez les gynécologues et à 99 % chez les radiologues. Chez les oncologues l'enthousiasme doit être du même tonneau. Quant aux médecins généralistes, je suis certain à 99 % (statistique personnelle non publiée) qu'ils prescrivent ou qu'ils laissent prescrire la mammographie sans délivrer une information éclairée aux femmes qui fréquentent leurs cabinets avant qu'elles ne se rendent dans un cabinet de radiologie. Mais on le verra, délivrer une information éclairée n'est pas simple, dévoreur de temps et, surtout, difficile à formaliser tant les points de vue, les peurs, les croyances, les sous-entendus, les impératifs, les avis d'autorité et la lassitude de de voir toujours, face à la puissance de feu des medias grand public, ramer à contre-courant et passer parfois pour rétrograde et hors du courant dominant de la morale sentimentale qui est, je cite, "Rien n'est trop pour sauver une vie" et son versant pécuniaire "la santé n'a pas de prix".

    Petit questionnaire à l'usage des médecins français (voir p 431 du livre) que j'ai adapté de celui qui avait été mis en place dans 4 pays européens pour savoir "Comment les femmes perçoivent les bénéfices de la mammographie de dépistage" et dont le résultat attestait des sur promesses officielles et des attentes irréalistes des femmes. Intitulons-le "Comment les médecins perçoivent les bénéfices de la mammographie de dépistage ?" Je vous propose de répondre.
    1. Pensez-vous que le dépistage puisse prévenir le cancer du sein ?
    2. D'après vous, chez les femmes de plus de 50 ans, quelle réduction de mortalité permet le dépistage ?
    3. A combien estimez-vous le nombre de décès par cancers du sein évités pour mille femmes dépistées régulièrement pendant dix ans ?
    Je vous donnerai les réponses tout à l'heure.

    No mammo ?

    Le livre permet dans une première partie de se rendre compte de ce qui nous attend en France en analysant la situation américaine : des campagnes de sensibilisation pour la mammographie organisées avec des fonds provenant de compagnies soit intéressées dans la vente de mammographes ou de tamoxifène, soit polluant l'environnement avec des pesticides ou des modificateurs hormonaux pouvant entraîner des cancers du sein, soit ne s'intéressant qu'à l'augmentation de leur chiffre d'affaires. Des campagnes de sensibilisation ignorant la différence entre prévention et dépistage, des campagnes de sensibilisation ne parlant jamais des méfaits du dépistage (sur diagnostics), des campagnes de sensibilisation affirmant que la mammographie sauve à coup sûr, des campagnes de sensibilisation ne parlant que de la diminution du risque relatif et jamais de celle du risque absolu, des campagnes de sensibilisation qui récoltent des fonds non pour la recherche mais pour acheter des mammographies qui permettront de faire passer plus de mammographies.
    RC montre également combien les campagnes Octobre Rose de l'Institut National du Cancer (INCa) utilisent des mensonges pour "sensibiliser" et des contre-vérités scientifiques pour que les femmes se fassent mammographier.
    Le livre analyse également la genèse de la contestation nord-américaine à l'égard des campagnes de dépistage aveugle en montrant combien des "usagères" de la mammographie et du cancer ont refusé l'infantilisation et comment elles ont pu trouver avec difficulté des relais dans le corps médical américain.

    Mais surtout RC démystifie toutes ces campagnes, tous ces arguments commerciaux, tout cet excès de sentimentalité qui ont été et sont utilisés pour convaincre les femmes de suivre les programmes de dépistage et, d'autre part, de culpabiliser les autres, celles qui refusent (l'INCa dit même dans ses documents promotionnels que les femmes qui refusent la mammographie ne croient pas en la prévention (sic) : l'INCa, la plus haute instance du cancer en France, confond prévention, c'est à dire faire en sorte que quelque chose n'arrive pas, et dépistage, découvrir quelque chose qui existe déjà : de l'incompétence ou de la filouterie ? Voir ICI pour ceux qui n'y croient pas : un document rose de chez rose).

    Voici quelques éléments que j'ai pêchés ici et là dans le livre de RC, éléments que les femmes ne trouveront pas dans les brochures incitant à pratiquer une mammographie tous les deux ans à partir de l'âge de 50 ans et jusqu'à l'âge de 74 ans :
    1. Il n'existe pas un mais des cancers du sein : des cancers qui grossissent rapidement (parmi eux les fameux cancers de l'intervalle, ceux qui apparaissent entre deux mammographies et qui sont déjà métastasés lorsqu'ils sont découverts), des cancers qui progressent lentement, des cancers qui ne grossissent pas du tout, des cancers qui sont si lents à progresser qu'ils ne donneront jamais de symptômes et des cancers qui régressent spontanément (ces deux dernières catégories pouvant être considérées comme des pseudo-cancers).
    2. La mammographie ne permet pas un diagnostic précoce car elle découvre des cancers qui étaient en moyenne présents depuis 8 ans !
    3. Les cancers de l'intervalle ne sont, par définition, pas découverts par la mammographie lors du dépistage et ce sont les plus rapides à se développer et les plus mortels. Attention (je rajoute cela le trois octobre 2013) : un essai récent sur une population norvégienne dit le contraire (ICI)
    4. La mammographie peut se tromper et passer à côté de 20 % des cancers du sein et ce pourcentage est encore plus fort chez les femmes plus jeunes (25 % entre 40 et 50 ans), ce sont les faux négatifs.
    5. La mammographie peut se tromper et annoncer un cancer alors qu'il n'en est rien : ce sont les faux positifs. On imagine l'angoisse des femmes que l'on "rappelle" après la mammographie pour leur demander de passer d'autres examens et pour leur dire ensuite, heureusement, qu'elles n'ont pas de cancer... Voici des données terrifiantes : Après avoir subi une dizaine de mammographies, une femme a une chance sur deux (49 % exactement) d'être victime d'un faux positif et une chance sur 5 (19 % exactement) de devoir se soumettre inutilement à une biopsie du fait d'un faux positif.
    6. La seconde lecture de la mammographie par un autre radiologue ne se fait qu'en cas de résultat normal, pas en cas de résultat anormal : on ne recherche que les faux négatifs, pas les faux positifs (ceux qui conduisent aux examens complémentaires anxiogènes dont la biopsie qui peut être dangereuse)
    7. La mammographie est d'interprétation d'autant plus difficile que la femme est jeune (importance du tissu glandulaire) et qu'elle prend des estrogènes qui sont un facteur de risque du cancer du sein et d'autant plus difficile que la femme est ménopausée prenant des traitements hormonaux substitutifs (heureusement arrêtés aujourd'hui)
    8. On ne lit pas une mammographie, on l'interprète et il faut se rappeler que la variabilité inter radiologue peut atteindre (dans la lecture d'une radiographie du poumon, ce qui est a priori plus facile) 20 % et que la variation intra individuelle (on demande à un radiologue de relire des clichés qu'il a déjà interprétés) de 5 à 10 %
    9. L'interprétation erronée d'une mammographie dans le cas d'un faux positif (cf. le point 5) conduit les femmes à être "rappelées" (pour biopsie) : le taux de rappel peut varier, chez les "meilleurs" radiologues, de 2 à 3 % et atteindre 20 % chez les autres ! Certains estiment que le taux "idéal" de rappel serait de 4 à 5 % alors qu'il est de 10 à 11 % en pratique : sur 2000 femmes invitées à la mammographie pendant dix ans 200 feront face à un faux positif ! Anecdotiquement (mais pas tant que cela) le taux de rappel augmente quand le radiologue a déjà eu un procès.
    10. Quant à la lecture (i.e. l'interprétation) des biopsies elle laisse encore une fois rêveur : Un essai a montré que la lecture de 24 spécimens de cancers du sein par 6 anatomo-pathologistes différents a entraîné un désaccord pour 8 spécimens (33 %). Quand on connaît les conséquences d'une biopsie positive...
    11. La biopsie positive ne fait pas la différence entre ce qui n'évoluera jamais et ce qui évoluera de façon défavorable (sauf dans les rares cas de cancers indifférenciés) et c'est cette définition statique qui est source d'erreurs fatales... Et encore n'avons-nous pas encore parlé des fameux cancers canalaires in situ...
    12. Sans compter que nombre de cancers REGRESSENT spontanément comme cela a été montré dans la fameuse étude de Zahl de 2008 : une comparaison entre femmes dépistées et non dépistées montre que les femmes suivies régulièrement pendant 5 ans ont 22 % de cancers invasifs de plus que celles qui ne l'avaient pas été... Et encore les cancers canalaires in situ n'avaient-ils pas été pris en compte...
    13. L'exposition des seins aux rayons X n'est pas anodine. L'historique de l'utilisation des rayons X en médecine laisse pantois (pp 331-382). Mais je choisis un exemple décapant : dans les familles à cancers du sein (mutation des gènes BRCA1 et BRCA2) une étude montre que le suivi mammographique depuis l'âge de 24 - 29 ans de ces femmes à risque entraînait 26 cas de cancers supplémentaires (radio induits) pour 100 000 ; ce chiffre n'était plus (!) que de 20 / 100 000 et de 13 / 100 000 si le dépistage était commencé respectivement entre 30 et 34 ans et entre 35 et 39 ans !
    14. Il n'y a pas de sein standard pour les doses de rayon administrés par examen ! Ou plutôt si, cette dose a été définie ainsi : pour un sein constitué à parts égales de tissu glandulaire et de tissu graisseux et pour une épaisseur comprimée (sic) de 4,2 cm. Je laisse aux femmes le soin de vérifier...
    15. Terminons enfin, à trop vouloir prouver on finit par lasser, même si nous n'avons pas rapporté la question des biopsies disséminatrices de cellules et de l'écrasement des seins lors des mammographies répétées, sur le problème des carcinomes in situ qui "n'existaient pas auparavant" et qui sont devenus les vedettes de la mammographie de dépistage (environ 50 % des cancers diagnostiqués). Une enquête rétrospective a montré que sur tous les carcinomes in situ manqués seuls 11 % étaient devenus de véritables cancers du sein alors que la règle actuelle est de proposer mastectomie ou tumorectomie + radiothérapie... Sans compter les erreurs diagnostiques : un anatomo-pathologiste américain a revu entre 2007 et 2008 597 spécimens de cancers du sein et fut en désaccord avec la première interprétation pour 147 d'entre eux dont 27 diagnostics de carcinome in situ.
    Je m'arrête là pour que vous ayez encore envie de lire ce livre qui aborde tellement d'autres sujets passionnants dont, surtout, les mensonges avérés de l'INCa pour promouvoir le dépistage. Mais surtout ce livre est agréable à lire, aborde nombre de sujets divertissants et désolants... Lisez.

    Répondons enfin aux interrogations du début.
    1. Pensez-vous que le dépistage puisse prévenir le cancer du sein ? Réponse : Non. Il ne faut pas confondre dépistage et prévention (par exemple la suppression du Traitement Hormonal de la Ménopause est un geste de prévention du cancer du sein...)
    2. D'après vous, chez les femmes de plus de 50 ans, quelle réduction de mortalité permet le dépistage ? Réponse : 15 % selon Gotzsche et Nielsen, ce qui correspond à une vie sauvée pour 2000 femmes examinées pendant 10 ans. Mais surtout : pas d'effet sur la mortalité globale ! Il n'est pas prouvé que les femmes qui suivent le dépistage vivent plus longtemps que celles qui ne le suivent pas.
    3. A combien estimez-vous le nombre de décès par cancers du sein évités pour mille femmes dépistées régulièrement pendant dix ans ? Réponse : 0,5.
    Il ne vous reste plus qu'à lire le livre de Rachel Campergue pour connaître l'origine de ces chiffres, pour apprendre quelle a été l'histoire des pionniers du doute et pourquoi l'INCa ment.

    Bonne lecture.