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dimanche 3 juillet 2016

Trois coups de fil pendant la consultation. Un samedi.


Le samedi, après 11 heures et demi, je suis seul au cabinet. J'ai commencé mes rendez-vous à 8 heures trente, un patient par quart d'heure, et mon dernier patient, je le vois à 14 heures trente. Demi journée continue.
Dans l'intervalle il y a des appels filtrés par ma secrétaire parmi lesquels certains me sont passés, un résultat d'INR (conseil téléphonique), un muguet chez un nourrisson (conseil téléphonique), une prétendue otite chez un enfant (conseil téléphonique), et cetera. Sans oublier une erreur de date sur un arrêt de travail.
Je reçois ensuite, une fois la secrétaire partie, plusieurs appels dont trois que je vais détailler. 
Appel 1. (Une voix de femme) "Ma maman âgée est tombée à son domicile, son médecin traitant est absent le samedi. Est-ce que vous pouvez passer ?" J'explique à la dame que ce n'est pas de mon ressort. Je ne suis pas le médecin de garde. Il n'y a d'ailleurs pas de médecin de garde à 13 heures le samedi. Je l'interroge (et je vous rappelle que je suis en consultation, que j'ai un patient en face de moi, qui a pris rendez-vous, qui pourrait se fâcher que je réponde, longuement, au téléphone en sa présence...) et j'en conclus qu'il est possible, c'est une très vieille dame, qu'elle ait pu se casser quelque chose. "Vous avez deux solutions : soit, si elle peut se déplacer, vous la mettez dans votre voiture et vous l'emmenez aux urgences, soit vous appelez le 15." Elle n'est pas contente que je ne passe pas.
Appel 2. "Est-ce que vous consultez cet après-midi ? - Vous ne vous êtes pas présentée... - Oui, je ne suis pas une malade du cabinet. Mon médecin est absent. - Qu'est-ce que vous avez ? - Ce n'est pas moi, c'est mon mari. - Ah... - Il a une angine. - Hum. Je n'ai pas de place. - Je fais comment ? - Vous lui donnez du paracetamol et vous appelez le 15 vers 19 heures trente afin que la personne de permanence vous donne le code pour aller à la Maison Médicale de Garde qui ouvre à 20 heures... - A 20 heures ? - Oui. - Mais il lui faut un médecin tout de suite. - Si c'est le cas, vous pouvez toujours aller aux urgences de l'hôpital. - Mais il y a trop de monde... - Je suis désolé mais je ne vois pas d'autre solution. - Merci docteur."
Appel 3. "Allo, bonjour, est-ce que vous faites des visites à domicile cet après-midi ? - Non. Jamais. - Mais ma femme souffre énormément. - Vous êtes des patients du cabinet ? - Non, nous venons d'arriver dans la région. - Qu'est-ce qu'elle a, votre femme ? - Des douleurs de règles. - Des douleurs de règles ? Je ne pense qu'aucun médecin ne se déplacera pour des douleurs de règles un samedi après-midi. - Je ne vous demande pas de me juger, je vous demande si vous pouvez passer... - Non. - Mon ancien médecin passait, lui... - Ce n'est pas mon cas. Mais il y a des solutions. - Lesquelles ? - Eh bien, si elle a vraiment trop mal, les urgences, si elle peut attendre un peu la maison médicale de garde... - Mais je n'ai pas de moyen de transport. - Appelez un taxi. - Vous pourriez mieux me parler...  - Un médecin n'est pas un chauffeur de taxi. Bonne journée."

J'ai essayé de faire court.

Imaginons maintenant les réactions.

Qui pourrait bien réagir ?
  1. Une association de patients.
  2. Une revue de consommateurs.
  3. Une association d'urgentistes.
  4. Un syndicat médical.
  5. Un journal grand public.
  6. Un blog citoyen.
  7. Un blog médical.
  8. Monsieur/Madame Tout le Monde
  9. Un homme/femme politique


Quelques éléments de langage et vous brassez.
  1. On peut mourir.
  2. Les inégalités de l'accès aux soins.
  3. Les médecins libéraux de ville ne font pas leur boulot.
  4. Le système de garde est déficient.
  5. Que fait le conseil de l'ordre des médecins ?
  6. Il devrait y avoir un système de garde de ville 24/24 et 7/7
  7. De mon temps...
  8. C'est un cas typique de refus de soins.
Des commentaires ?



Un peu de lecture : Des données sur l'inverse care law (LA) et un commentaire humoristique : ICI.


jeudi 10 novembre 2011

Trois appels parmi d'autres reçus dans la même journée. Histoires de consultation 102, 103 et 104.


Hier, j'ai trop vu de patients. Hier, j'ai trop répondu au téléphone. Hier, alors que j'avais la main sur la porte, il était 19 H 45, la voisine du dessus est venue sonner à ma porte (j'étais en manteau, je sauvegardais sur ma clé USB), j'ai ouvert. C'était sa fille de six ans qui avait mal à l'oreille.
Donc, hier, j'ai trop vu de patients, j'ai dû faire, comme le dit Des Spence, de la Bad Medicine (ICI, par exemple), et j'ai trop répondu au téléphone. Répondre ou ne pas répondre au téléphone est un problème que je n'ai jamais pu, en 32 ans d'exercice, résoudre. La secrétaire tente de filtrer, mais ce n'est pas facile, et la secrétaire n'est pas toujours là : il est donc difficile de filtrer. J'ai répondu à ces trois appels alors qu'à chaque fois j'avais un patient en face de moi.
102 - La secrétaire me passe Mademoiselle A, 27 ans, qui me dit : "Vous savez, je ne suis pas folle. - Hein ? - Mes douleurs dans le ventre, mes malaises, ce n'était pas dans ma tête, l'échographie a montré que j'avais des calculs dans la vésicule et des kystes aux ovaires." Je bredouille deux ou trois trucs et elle raccroche. Son dossier est rempli de crises de "tétanie", de "syncopes" sur le lieu de travail, et cetera. Mais il y a aussi des douleurs abdominales dont je n'avais pas réussi à identifier l'origine. Au temps pour moi : je suis passé à côté de l'essentiel, semble-t-il. J'espère donc que le médecin qu'elle va voir, en l'adressant à un chirurgien, "traitera" ses crises de tétanie et ses crises d'angoisse. Ce qui me gêne : en relisant ce que j'ai écrit dans le dossier, en me rappelant les consultations, le ton des consultations, je ne me rappelle pas avoir été aussi formel, aussi sûr de moi : je suis désolé pour cette patiente, j'ai dû jouer au gars à qui on ne la fait pas et qui ne se laisse pas abuser par les plaintes somatiques, expression d'un malaise plus général... cela dit, et je ne rajoute pas cela pour me défendre, elle a le droit d'être angoissée, d'avoir des calculs vésicaux et des kystes à l'ovaire, sans qu'il y ait une relation entre les trois.
L'appel est arrivé vers 9 heures : la journée commençait mal.
103 - La secrétaire me passe Monsieur X (sans âge précis) : "Docteur, je voulais vous donner des nouvelles de Monsieur A, 49 ans. Avec l'assistante sociale nous sommes passés chez lui l'autre jour et il va mieux." Le Monsieur X sans âge précis, c'est le responsable de la curatelle de Monsieur A : J'ai vu au cabinet il y a une dizaine de jours Monsieur A, le patient, accompagné d'une charmante et jeune assistante sociale afin de savoir ce qu'il était possible de faire... Et Monsieur X d'ajouter (je rougis) : "Vous avez eu raison d'insister pour qu'il reprenne son travail... C'était très positif... J'ai appris beaucoup de choses de ce cas... Merci."
Je ne rapporte pas cela pour me faire mousser. Je rapporte cela pour dire ceci : La collaboration entre les médecins généralistes et les services sociaux est rare. Pour des raisons d'agenda, probablement, tout le monde est débordé. Pour des raisons de méconnaissance des métiers. Pour des raisons statutaires : la fonction publique au sens large contre les libéraux (et vice versa) : d'un côté les "fonctionnaires" qui pensent que les libéraux ne pensent qu'au fric, de l'autre les libéraux qui pensent que les "fonctionnaires" sont des feignants. Ces généralisations sont bien entendu hâtives mais résument assez bien, vu de loin, les croyances et les préjugés. Pour des raisons organisationnelles : le mille-feuille administratif de la France est incompréhensible de l'intérieur, mais alors, de l'extérieur...
L'appel est arrivé vers 15 heures : j'allais un peu mieux.
104 - C'est un anesthésiste qui appelle. Depuis une clinique privée. "Je voulais vous demander des éclaircissements concernant Monsieur A." J'ai adressé Monsieur A, 59 ans, à l'un de mes chirurgiens favoris, pour, comme on dit, une cure de hernie inguinale. La lettre précisait que le patient avait été dilaté de son artère fémorale et qu'on lui avait posé un stent il y a environ dix-huit mois et qu'il avait comme traitement plavix et pravastatine. L'anesthésiste me pose plusieurs questions intéressantes et, notamment, celle-ci : "Pourquoi le patient est-il sous plavix et pas sous aspirine ?" Je me gratte le caillou, je me branche sur le dossier du patient, car je ne me rappelle absolument pas pourquoi il est encore sous plavix et plus sous aspirine. Rien dans les antécédents pouvant m'éclairer sinon "AOMI dilatée et stentée en 2009 - Dyslipidémie - Tabagisme : 39 paquets-années." Zut de zut. Je n'aime pas passer pour un khon. Et je finis par trouver, perdu au milieu d'une consultation : allergie supposée à l'aspirine. ouf !
Ce coup de fil amène 3 remarques (mais le lecteur aura intérêt à en trouver plus) : 1) il est rare, trop rare, que les anesthésistes nous appellent avant une intervention ; 2) les lettres adressées à nos correspondants sont parfois un peu "légères" et moins informatives qu'elles ne le devraient ; 3) un dossier mal rempli est une plaie et peut être un danger.
Un anesthésiste qui pose de bonnes questions : ça fait plaisir.
Voilà trois des x appels que j'ai reçus hier sans compter ceux que j'ai passés. Une journée trop remplie.

(Antonio Meucci - 1808 - 1889 - Le véritable inventeur du téléphone (ICI) et donc un véritable malfaiteur de l'humanité)