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mardi 16 août 2011

Louis-Adrien Delarue dénonce les compromissions systémiques des Agences Gouvernementales et fait l'honneur de la médecine générale.


La thèse de Louis-Adrien Delarue (LAD) est un coup de tonnerre dans le monde bien en place du système de santé français.
Commencez par la lire : ICI.
Ou alors, pour vous donner envie de la lire, car une thèse de médecine, c'est peut-être dans votre souvenir aussi excitant qu'une FMC organisée par un laboratoire pour promouvoir la prescription d'un produit inutile dans une indication inutile, ou cela vous rappelle la vôtre, de thèse, aussi épatante qu'un article de Gérard Kouchner dans le Quotidien du Médecin et qui, en plus, vous a demandé un effort considérable et une honte bue pour la façon dont vous l'avez rédigée...
La thèse de LAD est d'abord une thèse courageuse.
Courageuse, car le fait de choisir un tel sujet aurait dû susciter des réticences à l'Université de Poitiers où elle a été acceptée dans son principe et soutenue.
Courageuse, car la façon de traiter le sujet a été pour le moins "directe" et non conventionnelle : LAD a mis les pieds dans le plat.
Courageuse, car l'auteur n'hésite pas à dire ce que beaucoup pensent tout bas sans le formuler de façon aussi convaincante.

Si la thèse n'était que courageuse elle passerait pourtant à côté de sa qualité primordiale. Car la caractéristique essentielle de la thèse de LAD est qu'elle est compétente. La compétence est une donnée fondamentale de la médecine. La compétence, c'est une attitude, quelque chose qui ne se décrète pas, c'est une vision portée par les autres, c'est une façon de se comporter, techniquement et relationnellement. Mais je m'arrête là : je n'ai jamais vu LAD, je ne connais que sa prose par mails interposés. C'est une impression de ma part.

La thèse de LAD est donc compétente car elle apporte des informations décisives.
Que ce soit un thésard qui en remette aux grands patrons, aux grands fonctionnaires (on dit "hauts fonctionnaires", pardon), à ceux qui écrivent des rapports pour le gouvernement, ou pour la CNAM, ou pour l'AFFSAPS, ou pour l'IGAS : chapeau !
Car LAD ne dénonce pas seulement, il expose des faits, donne des exemples, fournit des preuves. Et ces données évidentes, de nombreuses personnes les ont exposées ici ou là, sous le masque de l'anti capitalisme ou des bonnes intentions, mais la thèse de LAD n'expose que des faits déjà connus de beaucoup et qu'ils rassemblent.

La thèse de LAD est aussi une percée phénoménale contre l'académisme universitaire.
L'académisme universitaire qui se retranche derrière la méritocratie de ses diplômes mais pas la véritable méritocratie, celle qui se mérite à chaque instant.
L'académisme universitaire qui défend ses privilèges moraux et financiers et qui a cessé de s'interroger (mais vous me direz qu'il y a des exceptions, certes, il y a des exceptions, et heureusement, et fort nombreuses) sur ses pratiques.
Elle montre également et paradoxalement l'ouverture des universitaires de Poitiers qui ont accepté qu'elle soit écrite et soutenue bien qu'ils ne soient pas d'accord, a priori, ni avec ses tenants ni avec ses aboutissants ou qu'ils n'en comprennent pas les enjeux réels.

Cette thèse est donc une brèche.
Si j'en parle ici, c'est pour la populariser.
J'aimerais que tous les bloggers médicaux et non médicaux puissent la diffuser, l'expliquer, l'amplifier et la rendre indispensable à toute réflexion future sur la Santé Publique en France.

A mon sens, la thèse de LAD montre surtout que la vérité sur la médecine ne peut plus venir de l'Université toute seule comme le croient encore le pouvoir politique et ses experts inamovibles.
Elle montre que les universitaires, pas tous, bien entendu, on va me citer x ou y, z ou w, ont perdu le sens commun. Ils ont oublié dans quel monde ils vivaient. Ils ne perçoivent la Santé publique que comme un monde institutionnalisé s'arrêtant à la porte de leur institution, un monde partagé entre institution et media où les valeurs et préférences des citoyens sont à entendre par démagogie mais pas à écouter pour prise en compte sinon pour application. Ce n'est pas une déconnexion des élites mais une déconnexion des institutionnels vis à vis de ce qui vit en dehors de l'institution. Le phénomène est connu, décrit, répertorié, dénoncé mais il explose dans cette thèse.
La thèse montre que la vérité sur la médecine doit venir aussi et surtout des médecins généralistes et, ici, le fait qu'il s'agisse d'un doctorant en médecine générale, au milieu du gué, en quelque sorte, à cheval entre l'hôpital dont il est chassé et la médecine générale à laquelle il n'a pas été formé, est symptomatique également de notre propre sclérose et de notre incapacité à nous sortir de nos querelles intestines de médecins généralistes qui, au sein de leur position d'infériorité académique, ont cherché à se faire des positions de "bons" médecins généralistes, de donneurs d'alerte ou de whistle blowers (dénonciateurs du système)...

LAD a donc osé.
LAD a donc écrit et bien.
LAD est l'avenir de la médecine générale, une médecine générale qui publie, une médecine générale qui ne fait pas que récriminer, une médecine générale qui ne fait pas que dénoncer, une médecine générale qui affirme son identité et ses pratiques.

Je ne me fais pourtant pas dire ce que je ne veux pas dire : loin de moi l'idée d'idéaliser les pratiques de la médecine générale (voire ses agissements), loin de moi l'idée d'idéaliser les médecins généralistes qui ont cependant l'excuse de ne pas avoir été formés par leurs "maîtres" à la profession qu'ils allaient exercer (mais tout le monde le sait et tout continue comme avant et ne cesse même de s'amplifier), loin de moi de penser que les compromissions des médecins généralistes et de la médecine générale sont moins condamnables que celles des universitaires et des spécialistes libéraux...
Mais que les médecins généralistes qui réfléchissent, qui lisent, qui publient, qui tentent de respecter les équilibres fondamentaux de leur profession (dans le cadre, par exemple, de la Médecine par les Preuves), osent.
Osez dire, tel LAD, que les Agences Gouvernementales ne font pas leur boulot.
Osez dire, tel untel et untel, que les recommandations concernant la vaccination contre la grippe chez les personnes âgées ne sont pas fondées scientifiquement, que l'utilisation du tamiflu hors AMM est une vaste rigolade, que le dosage du PSA pour dépister le cancer de la prostate est plus néfaste que bénéfique, que l'utilisation des statines en prévention primaire est d'une inutilité criante, que les traitements dits préventifs de l'ostéoporose sont peu fondés et risqués, que la baisse à tout prix de l'HbA1C chez le diabétique est néfaste, que l'aspirine chez le diabétique n'est pas d'une évidence absolue...
La liste serait encore longue.
N'attendons pas de l'Université, celle qui ne nous a pas formés, qu'elle se remette en question et qu'elle chasse d'elle-même les marchands du Temple, prenons-nous en mains mais ne cédons pas à l'ivresse de notre nouveau pouvoir, continuons de mener nos combats contre nous-mêmes, aussi.
Lisez donc la thèse de Louis-Adrien Delarue.
Elle s'intitule :
Les Recommandations pour la Pratique Clinique élaborées par les autorités sanitaires françaises sont-elles sous influence industrielle ? A propos de trois classes thérapeutiques.
Les trois classes thérapeutiques sont les anti alzheimer, les antidiabétiques dont surtout les glitazones, les AINS dont surtout les coxibs. Elles ont conduit à 4 recommandations "gouvernementales".

Je voudrais souligner trois points fondamentaux qui paraissent majeurs dans cette thèse :

Aucune des quatre Recommandations pour la Pratique Clinique choisies pour cette thèse n’est conforme aux données acquises de la science.


Bon nombre des experts sont en situation de conflits d’intérêts majeurs et les autorités sanitaires dont ils dépendent, ne respectent ni les règles de transparence, ni les règles d’indépendance qu’elles s’étaient fixées ou que la loi leur impose.


Il est légitime de penser que ces guides de pratique clinique sont directement biaisés par l’industrie pharmaceutique.


Bonne lecture.

(PS : je me réserve la possibilité, privée, de faire quelques commentaires critiques sur cette thèse)

(François Marie Arouet, dit Voltaire. Crédit photographique : Wikipedia)