samedi 16 août 2014

Simon Leys est mort.


Simon Leys est mort le 11 août dernier à l'âge de 78 ans.

Cet homme courageux est le chaînon manquant.

Courageux : continuateur des whistleblowers il a été le premier à dénoncer, non d'un point de vue idéologique mais de manière factuelle, l'imposture formidable de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et de la voie chinoise du communisme. C'était en 1971 "Les habits neufs du Président Mao".

Chaînon manquant : il a permis aux hommes et aux femmes de gauche (pas tous, malheureusement) de mettre une distance définitive entre eux et le communisme moscovite ou pékinois et d'en finir avec le négationnisme des crimes du communisme (et pas seulement du stalinisme et du maoïsme) défendu encore au nom, pour les uns, de la lutte contre le nazisme, et, pour les autres, de la lutte contre l'impérialisme américain. C'est le chaînon manquant qui permet de faire comprendre aux hommes et aux femmes de gauche qu'il n'y a pas de honte à ne pas être communiste, qu'il n'y a pas de honte à ne pas parler aux communistes négationnistes, qu'il n'y a pas de honte à ne pas les frayer tant qu'ils n'ont pas reconnu les crimes dont ils sont ou dont ils ont été complices. 

Mais son courage, celui d'avoir résisté aux "chiens", celui de ne pas avoir cédé devant les prophètes de l'Homme Nouveau, celui d'avoir résisté aux dénonciations, celui d'avoir continué de dire ce qui se passait contre les psychopathes de la gauche prolétarienne (je ne dirais pas les noms de Serge July, Olivier Rolin, André Glucksman, Gérard Miller, Jean-Claude Milner ou Marin Karmitz), contre les psychotiques de Tel Quel et apparentés (dont je tairais encore les noms comme ceux de Philippe Sollers, Julia Kristeva, Marcelin Pleynet, Roland Barthes, sans oublier Michel Foucauld - qui, égal à lui-même, soutint plus tard un autre autoritarisme, celui de l'Ayatollah Khomeini, ou Jean-Paul Sartre, l'homme qui se trompa sur tout...), son courage fut de continuer à écrire, à décrire... Mais il y a encore l'inénarrable Alain Badiou qui continue de "tout" justifier "pour ne pas céder à la réaction"... 

Le plus étonnant, finalement, ce sont les justifications actuelles des maoïstes de l'époque, ces hommes qui ont toujours eu raison, c'est leur obscurantisme, c'est leurs maigres justifications qui permettent de douter du moindre mot qu'ils peuvent prononcer sur n'importe quel sujet, en dépit, sans doute, de la common decency.

C'est le chaînon manquant qui permet, à distance, de relier Georges Orwell, Arthur Koestler, Albert Camus à la "grande" littérature, celle de Conrad, Michaux, Borges, Kafka ou Kundera. 
Mais il est aussi le chaînon manquant nous permettant de "comprendre" le génocide cambodgien et comment, de façon anecdotique, un diplomate français à Phnom Penh refusa qu'un journaliste français se mariât à une Cambodgienne pour lui sauver la vie parce qu'il savait qu'il était déjà marié... Et lire Leys renvoie à Rithy Pahn, homme admirable dont j'ai déjà parlé deux fois en ce blog. Un article de ce jour lu dans le journal Le Monde parle encore LA de la folie de la période. 

Simon Leys, dont la lecture devrait faire partie de l'hygiène de l'homme du vingt-et-unième siècle, a écrit de nombreux livres dont en 2012 "Le Studio de l'inutilité", recueil de textes dont chacun des paragraphes, ou presque, pourrait alimenter la réflexion d'humains curieux de leur monde. Mais le reste de ses écrits mérite de l'attention, de la relecture, de la culture, de la documentation et, comme dirait Kundera, de la lenteur. Son admiration pour Georges Orwell mérite également toute notre attention de la part d'un écrivain que je qualifierais "à l'ancienne" de réactionnaire, mais c'est une autre histoire.

Vous pouvez lire une courte biographie de lui dans La Libre Belgique : LA.
Vous pouvez le voir à Apostrophes montrer son calme, son intelligence, et faire de MA Macciochi, ex communiste moscovite, au début pleine de suffisance, une vulgaire crétine ICI.
Pierre Assouline en dresse un portrait flatteur : ICI.

(Vous pourrez lire ici ou là des polémiques concernant Simon Leys. Ne vous en épargnez pas. Personne n'est parfait.)
(Vous remarquerez que Wikipedia est peu loquace à son sujet... ou peu disert... ou très étique...)

Je ne résiste pas, dans la série psychiatrie pratique, catégorie les psychopathes alzheimériens, à vous communiquer un texte laudateur, avec de nombreux extraits, sur le "Studio de l'inutilité" publié par des amis de Philippe Sollers. Le monde est fou. LA


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Jean Claude pour cet hommage.
Simon Leys et ses habits neufs ont marqué ma vie, moi qui sortait de mai plein de croyances. Il m' a appris qu'entre croire et penser,on pouvait choisir. Lui avait choisi dès 1970. J'ai essayé toute ma vie de suivre cette voie.
Jacques AMSILLI

CMT a dit…

J'avoue mon ignorance. Je ne connaissais pas Simon Leys, et je n'étais pas en âge de m'intéresser à la politique quand il a publié son livre.

Toujours très enrichissant de connaître le parcours original d'un intellectuel libre d'esprit et sans concession.

Sur le blog de Pierre Assouline, dont l'article est aussi intéressant, on trouve 1045 commentaires (?!) souvent railleurs et acides dont la quasi totalité est sans aucun intérêt. Normal? Les gens n'ont vraiment que ça à faire?

J'aime beaucoup la phrase de Jacques Amsilli "Il m' a appris qu'entre croire et penser,on pouvait choisir", une parfaite synthèse d'un dilemme sans doute intemporel mais qui se pose avec une particulière acuité à l'Homme moderne des sociétés développées, qui, ayant dépassé le stade de la simple lutte pour la survie a acquis une petite parcelle de pouvoir sur sa propre destinée que d'aucuns cherchent à lui dérober en lui substituant l'illusion du pouvoir.
Donc: croire ou penser? Là est la question.



Fred a dit…

Merci pour l'hommage accordé à ce monsieur aux multiples compétences. Je l'ai découvert que très récemment grâce à un article paru dans le monde il y a une quinzaine de jours. Votre billet est très complet et m'en apprend un peu plus sur ce personnage.