jeudi 4 octobre 2012

Peter Götzsche versus le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (Organe central de désinformation sur le dépistage du cancer du sein).



J'ai assisté aujourd'hui à la remise des prix Prescrire (la Revue s'est impliquée, depuis 2006, dans la critique de la politique de dépistage organisé du cancer du sein en France comme dans le monde à partir des études de la littérature) et j'ai pu entendre, comme de nombreux participants, un exposé limpide de Peter Götzsche de la Cochrane Nordique, sur l'inutilité des programmes de dépistage pour faire baisser les mortalités spécifique et globale (ICI pour l'exposé et LA pour les diapositives).
Heureusement, les données que nous a fournies notre ami danois, et vous ne pouvez me voir rougir de confusion, je les ai déjà rapportées en différents posts de ce blog. Ce sont des données connues. Ce sont des données avérées. Mais le ton de l'orateur, sa connaissance du sujet et son français étonnant de simplicité ne pouvaient manquer de nous conforter dans ce que les partisans du dépistage appellent  nos croyances dans l'inutilité de ce dépistage.

Je voudrais rappeler trois points sur lesquels je n'ai pas assez insisté dans mes posts : Le dépistage organisé ne réduit pas le nombre de cancers métastasés ; le dépistage organisé ne réduit pas le nombre de mastectomies (et bien au contraire) ; le dépistage organisé ne réduit pas la mortalité par cancer.

La dernière parution du BEH (Bulletin Epidémiologique hebdomadaire) consacré aux résultats du dépistage du cancer du sein par mammographie (ICI) est, il est possible de faire plusieurs choix, une aberration, un scandale, une entreprise désespérée pour défendre le programme français de dépistage, la dernière khonnerie de Françoise Weber (avant, on choisit, sa démission ou son limogeage).
Nous savons depuis longtemps que l'InVS est une Agence Gouvernementale aux ordres de la DGS (Direction Générale de la Santé) ou du gouvernement (heu, c'est la même chose) ou du lobby santéo-industriel (c'est un néologisme) qui s'est illustré, entre autres, dans, par exemple (et vous excuserez mon manque d'exhaustivité) des articles rapportant la mortalité liée à la grippe et les bénéfices que la population pouvait tirer de la vaccination. Revenons à notre Agence Gouvernementale.
Elle a publié un numéro costaud. Le genre de pavé incontournable que l'on ne peut recevoir qu'en pleine figure. Et sans l'avoir lu. 
L'InVS, non content de publier des auteurs maisons et aux ordres, 
et je vous ai déjà entretenu de l'expert mongering (LA), procédé qui consiste en France et pour ce qui concerne les agences gouvernementales (il existe aussi un expert mongering lié à Big Pharma dont les modalités sont un peu différentes et que je vous ai déjà décrit), à embaucher de jeunes universitaires, parfois bardés de diplômes mais parfois copains du gars qui vu le gars, qui n'ont rien publié auparavant ou de vagues articles universitaires sans intérêt -- il suffit de jeter un oeil sur PubMed, ICI, et, promis, j'ai extrait le nom Exbrayat C au hasard --, et à leur faire publier des articles dans des revues maisons, sans regards extérieurs critiques, comme le BEH, qui prennent de la valeur ajoutée, c'est à dire qu'ils sont indexés dans les bases de données, parce qu'ils émanent d'une Agence Gouvernementale...
publie un texte de Stephen Duffy, éminent chercheur qui défend le dépistage depuis des années et très récemment encore (voir ICI un commentaire du BMJ de son article publié dans un supplément de revue J Med Screening 2012;19:suppl 1.), avec des analyses statistiques hypercomplexes et comprises de lui seul, très critiqué un peu partout dans le monde mais aussi en raison de ses conflits d'intérêt. Avouons cependant, et au delà de l'opinion que j'ai moi-même sur la question, que Duffy et Götzsche ne s'aiment pas beaucoup : voir LA un commentaire du second sur le premier.
Pour que l'on ne dise pas que je suis partial et que ce que je dis est malintentionné je voudrais vous donner les exemples suivants sur ce numéro du BEH :
  1. Je passe sur l'éditorial de Corinne Allioux qui est un plaidoyer pro domo, ce qui peut se concevoir comme figure de style habituelle dans une présentation, mais qui, bien entendu, élimine tout commentaire critique éventuel. Il est clair que ses fonctions (Présidente de l’Association des coordinateurs de dépistage (Acorde) ; médecin coordinateur de la structure de gestion de Loire-Atlantique) la rendent d'emblée pertinente pour développer une argumentation balancée. Mais Big Pharma a parfois plus de clairvoyance.
  2. Premier article qui est, pour le coup, un plaidoyer sans nuances pour le dépistage organisé français et dont les 4 signataires sont des membres de droit du Comité Central représentant la DGS (déjà citée), une association de dépistage, l'INCa et l'InVS. On y apprend, au détour d'un paragraphe dans ce qui devrait être une discussion mais qui n'est qu'un plaidoyer pour l'extension du dépistage à d'autres tranches d'âge, que la DGS a plusieurs fois interrogé la HAS ou ses enfants sur les possibilités d'extension ! Comme l'a dit Peter Götzsche au hasard d'une réponse : la santé publique n'est pas faite pour les malades mais pour ce qui pourra en être dit au Parlement.
  3. Le troisième article est de l'épidémiologie descriptive basique et l'on apprend, je cite,
    Les évolutions d’incidence observées reflètent probablement l’action com- binée de plusieurs facteurs (facteurs de risque, dépistage et techniques diagnostiques). Cependant, l’interprétation de ces données descriptives est complexe et doit rester prudente.. Sans rire, comme on dit dans le Canard Enchaîné.
  4. Article inintéressant, puisque non contradictoire, sur l'évaluation du programme de dépistage français entre 2004 et 2009, et rédigé par trois membres éminents de l'InVS. On n'est jamais mieux servis que par soi-même.
  5. Article écrit par ceux qui organisent le dépistage sur la spécificité et la sensibilité du programme : et que croyez-vous qu'il arrivât ? C'est génial !
  6. Article "extérieur" de Stephen Duffy et collaborateur. L'article dit en gros que le sur diagnostic peut être évalué à 10 % et que les bénéfices l'emportent sur les inconvénients. Rappelons ici que Bernard Junod à partir de données françaises (ICI) et Jorgesen et Götzsche (LA) à partir de données danoises évaluent le sur diagnostic à 50 % !
Bon, je m'arrête là, cela devient fastidieux, car il y a encore 3 articles qui tentent d'enfoncer le clou et qui, nonobstant le travail qu'ils ont dû générer, ne sont pas très intéressants.

Cette réunion organisée par Prescrire s'est aussi interrogée, par l'intermédiaire de certains de ses participants, et sans y répondre à ces questions : Doit-on tout arrêter maintenant ? Doit-on jeter le bébé avec l'eau du bain ? Comment les dépisteurs pourraient-ils faire pour renoncer sans perdre la face ? 
Il est possible que ce soit le paradigme lui-même qui soit en cause, la croyance en l'efficacité du dépistage et la croyance en la nécessité de "ne pas perdre de temps".

Je voudrais terminer sur une diapositive de Peter Götzsche qui résume les croyances des femmes (et je dirais des médecins hommes ou femmes) sur le dépistage du cancer du sein que l'on nous a serinées depuis des années, croyances que notre ami réfute et, parfois, malgré les faits, il arrive que certains d'entre nous résistent.
  1. Croyance 1 : Dépister tôt, c'est mieux. Les faits : En moyenne les femmes ont un cancer du sein qui évolue depuis 21 ans quand il atteint la taille de 10 mm.
  2. Croyance 2 : Il vaut mieux trouver une petite tumeur qu'une grosse. Les faits : Les tumeurs détectées par dépistage sont généralement peu agressives ; aucune réduction du nombre de tumeurs métastasées n'a été constatée dans les pays où le dépistage est organisé.
  3. Croyance 3 : En identifiant les tumeurs tôt un plus grand nombre de femmes éviteront la mastectomie. Les faits : Non, un plus grand nombre de femmes subiront une mastectomie.
  4. Croyance 4 : Le dépistage par mammographie sauve des vies. Les faits : Nous n'en savons rien et c'est peu probable, par exemple la mortalité par cancer est la même.
Et je vous résume ce que j'ai déjà publié ici et là (pardon pour ces redites) qui est tiré des travaux de la Collaboration Cochrane :

 "Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire."

(Illustration : Peter Götzsche)

PS du 14 octobre 2012. Peter Götzsche répond indirectement au BEH : ICI
PS du 22 novembre 2012 : un article du New England J of medicine fait le bilan de trente ans de dépistage du cancer du sein aux EU (LA) : With the assumption of a constant underlying disease burden, only 8 of the 122 additional early-stage cancers diagnosed were expected to progress to advanced disease.
PS du 29 novembre 2012. Une partie des réactions à l'article du Lancet sus-cité : LA

23 commentaires:

Anerick du blog "Péripéties d'une infirmière" a dit…

Je me rends compte au fil de vos billets que définitivement, plus qu'un médecin vous êtes un vrai détective, soucieux de rétablir une vérité cachée. J'apprends énormément à vous lire. Mon idée sur le dépistage a évolué. Pour moi il était indéniablement nécessaire même si toutes ses recommandations finissent par nous rendre hypocondriaque. ça finit par être anxiogène. Mais finalement quand doit-on dépister, quels sont les arguments ? Antécédents, traitement hormonal...

YB a dit…

Dépistage du cancer du sein, du cancer du col de l'utérus... la seule solution à l'heure actuelle pour arpenter un chemin plutôt bien balisé: avoir affaire à un cabinet de radiologie/anapath qui screen au moins une centaine de milliers de mammo/frottis/etc par an, seuil où le médecin qui interprète a une expérience significative.

Pas vraiment vu cette donnée prise en compte dans les papiers de l'InVS...

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

9a fait quand même beaucoup une centaine de milliers par an ! A 250 jours ouvrables dans l'année, 400 par jour ! Trop pour faire du bon boulot

YB a dit…

Autant pour moi, je me suis emmêlé dans mon commentaire, le chiffre se rapportait à l'activité d'un (gros) cabinet, et le seuil était défini par les médecins du cabinet eux-même.

En clair, ramené à la personne, il en faudrait une centaine par jour

JC GRANGE a dit…

@ YB. C'est une des grandes difficultés du dépistage : le volume des clientèles est trop restreint. Et ainsi peut-on nous faire croire n'importe quoi. Les effets de la médecine ne peuvent s'évaluer que de façon statistique et toute tentative de médecine individuelle est vaine et sans objet. Le bénéfice individuel est une donnée sentimentale, non une donnée dure.
Quand un médicament donne des effets indésirables une fois sur dix, même s'ils sont bénins, le médecin prescripteur s'en rend compte tout de suite et arrête de prescrire ; quand il faut faire une mammographie chez 2000 femmes pendant dix ans pour sauver une vie, rien n'est perceptible sinon les données statistiques...
Enfin, YB, il faut écrire Au temps pour moi.
Bonne soirée.

YB a dit…

Vous avez saisi le fond de mon commentaire.

Au passage merci pour ce blog qui sur fond d'actualité médicale pose à mon avis les bonnes questions existentielles d'un médecin généraliste soucieux de bien faire son travail à notre époque.

Enfin, à moins de me reprocher un manque de formalisme académique buté, vous me pardonnerez de ne plus me soucier de la forme historique d'une expression dont l'origine n'est même plus comprise (sauf par vous et le reste de l'Académie Française), sachant que des littéraires/grammairiens hors du "cercle" (de l'agence ? :D ) admettent parfaitement l'orthographe que j'ai utilisée.

Bon week end

Anonyme a dit…

autant pour moi ou au temps ...d'octobre rose, le Révérand Bayes ou Laplace doivent se retOurner dans la tombe de l'EBM. Merci encore à Docteur de 16 de nous tenir en éveil.

CMT a dit…

Peter Götzsche est une référence et d'autre part tu as bien montré comment l'absence de contradictoire dans les publications, les experts auto-confirmant leur propre avis, crée l'illusion de l'unanimité et du bien-fondé.
Je crois que dans toutes ces démarches de dépistage systématique, de vaccination généralisée ce qui est en jeu c'est la négation de l'individu et du libre arbitre. La négation de l'individu car toute la population ne présente pas un risque égal d'avoir telle maladie (en ce qui concerne le dépistage du cancer du sein on peut difficilement argumenter qu'une femme qui dépiste son cancer en protège une autre). La négation du libre arbitre qui pourrait s' opposer à des intérêts étrangers à ceux de la personne qui subit l'acte mais qui tirent un bénéfice bien réel et non hypothétique de l'acte effectué.

Le systématique implique d'emblée une absence de choix. Et une absence de réflexion. On cherche donc à obtenir des comportements robotisés. Ceci en rendant très présents, pour les individus, des risques pourtant hypothétiques grâce au harcèlement médiatique.

A l'arrière-plan, sous-jacente et implicite, il y a l'idée infiniment attrayante pour le commun des mortels que nous sommes, qu'il serait possible de repousser à l'infini les limites de la mort, donc de ne pas mourir. Cette idée a d'autant plus de force que, n'étant pas clairement formulée, elle est intégrée directement dans notre subconscient sans passer par le filtre de la conscience.

BG a dit…

La "réussite" (c'est à dire son acceptation*) de toute campagne de santé publique, qu'elle soit dépistage de ceci ou vaccination contre cela, conduit à organiser des " campagnes  d'information " dont l'un des résultats sera de créer un stress autour d'un risque. Le dépistage et le vaccin seront là pour nous libérer de ce stress à défaut de nous protéger du risque. Je vais me faire dépister et vacciner pour tenter d'échapper à l'insupportable stress qui ainsi me poursuit comme l’œil de Cahin dans sa tombe.
Mais quelle sera le véritable impact de tous ces stress cumulés sur notre santé ?

* On peut constater que la réussite d'une campagne signifie son acceptation par la population et non son utilité jugée a posteriori comme l'illustre la campagne H1N1 : la bouderie de la population a été interprétée comme l'échec de la campagne alors qu'au contraire cette bouderie fut plutôt un succès sur le plan de la santé du public (à ne pas confondre avec la santé publique qui est une organisation) en lui évitant des inconvénients inutiles et en montrant aux autorités que la population était plus majeure qu'elles ne le pensaient.

D'où l'interprétation habituelle de toute autorité en pareille situation, fut-elle seulement parentale : si mon enfant, le public etc a ainsi échappé à mon influence c'est qu'une voie pernicieuse s'est faite entendre pour les entrainer dans la mauvaise voix (c'est à dire les écarter de mon influence). Alors que la plupart des gens n'avaient nul besoin de conseillers, qu'ils n'ont le plus souvent jamais entendu (qui avait la disponibilité pour écouter Marc Girard à C dans l'air?) pour ce faire une opinion. Il suffisait d'écouter Roselyne au journal télévisé de France 2 un soir de novembre 2009, regardant la caméra (et donc chaque Français) dans les yeux : « ceux qui ne seront pas vaccinés vont mourir ! » alors que l'hémisphère Sud venait de traverser cette pandémie sans vaccins...

Pour moi, les Français ont boudé cette vaccination moins parce qu'elle pouvait être dangereuse que parce qu'ils avaient vu de leurs propres yeux qu'il y avait quelque chose qui ne collait pas dans le discours des autorités. Preuve d'une maturité dont on devrait se réjouir mais qui dérange ceux qui veulent dominer.

Anonyme a dit…

Pendant ce temps ,sur fr2, nous sommes priées de faire une mammographie illico presto sous peine de ..mort.
Il faudrait accorder les violons!
DB

Chantal a dit…

Bien moi, je me pose depuis des années si oui ou non je ferais des examens dites de préventions du cancer. C'est bien beau, et ensuite. Si jmasi il y a un doute ou, se sentant bien, le diagnostic tome d'une souche cancereuse vais-je me soumettre à un traitement pénible pour un allongement putatif de la vie, sous des conditions probables qui nuiront à ma qualité de vie connue? L#enjeu est là aussi, les promesses du médecin ont traitera et au bout de tant de mois tout ira bien, au bout de 5 ans sans rechutes on parlera de guérisson. Le taux de guérisson est de combien? A quel terme: 1, 2 ou 30 ans? Savoir ou ne pas savoir tel est la qeustion, le savoir commence avec les examens de prévention et là un on peut ouvrir la boite de Pandore. Veut-on? Ca. chacun doit le décider pour soi-même et la scienece médicale est la dernière qui peut aider, conseiller ou orienter car souvent trop imbus de son savoir universel sur la santé.

Bonne journée

Chantal

Anonyme a dit…

Dans un article du Lancet du 7 avril 2012, Jack Cuzick adresse quelques objections d'ordre techniques au livre de Peter Götzsche.

Mais surtout -je dis surtout, because cette controverse technique se situe à des années lumières de ma capacité de compréhension- Cuzick reproche à Götzsche ses attaques ad hominem ...qui retarderaient la prise en compte de ses arguments dans le débat:
"Much of the book is devoted to Gøtzsche's claims that there is a conspiracy among those involved in breast screening to promote it irrespective of the data. He devotes a whole chapter to ad hominem attacks on himself as the injured party from those who support screening (chapter 17). However, the tone of the monograph and my personal experience lead me to believe that much of this is perhaps more a reaction to his aggressive and highly critical style and attacks against those who have undertaken these studies. Sadly, this approach seems to have done much to slow the appropriate evaluation and development of breast cancer screening programmes." http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2812%2960543-1/fulltext

M.L. a dit…

Bonjour, je suis déçue de lire un article comme celui ci venant de votre jolie plume, cher confrère. Sans vouloir polémiquer, notons que la majorité des opposants au dépistage sont d'une part des généralistes, donc franchement peu confrontés à la vraie réalité du cancer du sein, et d'autre part des hommes.
D'accord vous êtes opposé au dépistage, dont vous ne voyez pas le bénéfice ni l'intérêt. Que proposez-vous à la place ? Attendre de palper une tumeur pour aller faire une mammo, c'est bien cela ?.
J'ai 2 propositions à vous faire
- la première, puisque vous êtes opposé au dépistage, serait de prôner le déremboursement de toutes les mammographies ne trouvant pas un cancer.
- la deuxième est d'aller regarder les contributions de l'IRL sein sur le site "Cancer contribution". Justement on a pas mal parlé de cela. Le surdiagnostic, et les opposants.
On en a parlé pour redire une fois de plus que le dépistage du cancer du sein, comme celui du cancer du colon est un plus pour de nombreuses personnes et des contributions telles que la votre peuvent dissuader de se faire dépister et donc soigner tôt. Ce qui est toujours le mieux en matière de cancer, ne vous déplaise, vous verrez quand vous en aurez un.

JC GRANGE a dit…

@ Merci ML. Je vous remercie d'avoir posé ces questions. Par où commencer ? 1) Les opposants au dépistage sont des généralistes et des hommes, ce qui nous rendrait inapte à comprendre ; cet argument est nul : ce sont les MG qui s'opposent aux anti alzheimer, non les spés, ce sont les MG qui se sont opposés au THS, non les gynobs ; ce sont les MG qui se sont opposés au tamiflu, non les vaccinologues, et cetera... Vous suggérez que les hommes sont incompétents parce qu'ils sont hommes et, donc, probablement, anti féministes... Vous suggérez que seuls les spés (radiologues, et cetera) connaissent les femmes et leurs familles... 2) les études comparatives montrent justement qu'il y a peu de différences entre groupes dépistés et groupes non dépistés ; 3) l'INCA disait ne pas connaître les sur diagnostics, puis parle de 5 % et maintenant de 6 à 12... on approche de la vérité. 3) je vous remercie de me menacer d'un cancer, cela montre, chère consoeur, toute l'étendue de votre empathie médicale. Vous exercez ? Bonne journée.

NP a dit…

Je suis en train de lire un livre intéressant qui explore les rapports entre perception intuitive et étude "rationnelle" des différents sujets que nous pouvons aborder tous les jours.
On mesure mieux, à cette lecture, le nombre et la complexité des facteurs qui interviennent dans cette discussion sur les dépistages par exemple.
Il me semble que les MG ont une distance vis à vis de certains conflits d'intérêts, triviaux et non triviaux, qui explique leurs positions dans ces débats. Positions fondées qu'on ne peut écarter sans dicussion rationnelle.
Daniel Kahneman, "Les deux vitesses du cerveau-Système 1 Système 2" chez Flammarion.

M.L. a dit…

Cher doc, votre interprétation de mes écrits les déforme (hélas) .
Je ne vous ai pas menacé de quoi que ce soit, encore moins d'un cancer. Vu sa fréquence vous avez autant de risque que les autres d'en être atteint, ou un membre de votre entourage proche. Désolée de vous avoir heurté en vous rappelant ce risque, non certain, mais n'épargnant pas les médecins et leurs familles. Bien sur je vous souhaite toute la bonne santé du monde.
En ce qui concerne le surdiagnostic, il faudrait s'entendre sur sa définition. Surdiagnostic n'est pas synonyme de surtraitement, mais plutôt d'abord d'explorations génératrices d'anxiété. Je suis d'accord. Mais au final, que vaut il mieux: des explorations (et l'inquiétude qui va de pair) pour s'entendre dire qu'il n'y a rien, ou pas de mammo et un cancer dépisté à un stade plus évolué?.

J'aimerais bien connaitre votre réponse à la question que je vous ai posée: vous êtes opposé au dépistage, mais que proposez vous en remplacement ???.

Comme je vous l'ai suggéré, estimant que le dépistage n'apporte rien, vous devriez logiquement être contre la pratique des mammographies en l'absence de lésion palpable, et donc pour le déremboursement de toutes les mammographies dites de dépistage.

CMT a dit…

Il est toujours un peu ridicule de voir un médecin, comme le fait ML, tenir des propos de type café du commerce, du genre « vous verrez si vous avez un cancer ».
Les médecins sont censés être des scientifiques. Ils ont fait des études. Que cela serve au moins à élever leurs propos au-delà de ce qu’on peut entendre de la bouche d’ une concierge qui vient de regarder les infos au 20hs.
Il est un fait, la iatrogénie existe. En France elle représentait, d’après une étude menée fin des années 90, 4 à 15% des hospitalisations http://infodoc.inserm.fr/inserm/ethique.nsf/937238520af658aec125704b002bded2/a9a81dd416141de7c12570a500515175 . En 2006 il y avait quelques 8 millions d’hospitalisations. Je vous laisse faire le calcul.
Aux Etats Unis, royaume de la surmédicalisation, les décès d’origine iatrogène se dénombreraient par centaines de milliers http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2008/01/30/risques-medicaux-et-medicamenteux-aux-etats-unis-sujet-tabou.html
Un médecin ne devrait pas pouvoir exercer en étant persuadé que la médecine ne peut faire que du bien. La iatrogénie est une réalité de plus en plus prégnante avec le temps et la généralisation de la surmédicalisation : la médecine tue aussi. Et le rôle du médecin est de l’éviter autant que de s’occuper des maladies.
Contrairement à ce que fait la dernière étude publiée dans The lancet, qui prétend clore le débat , on ne peut pas aboutir à la conclusion que le dépistage généralisé est bénéfique en ne s’intéressant qu’à ses résultats sur la mortalité par cancer du sein. Cette étude aboutit à la conclusion qu’il y a 3 cas de surdépistage pour un décès par cancer du sein évité (sous quelques conditions toutefois, comme considérer que les bénéfices se prolongent de la même manière au-delà de 70 ans, or, plus une femme vieillit plus elle a des chances de mourir de quelque chose, de quelque chose d’autre que le cancer du sein, plus il y a des risques que ce soit l’exposition itérative aux rayons x qui provoque un cancer évolutif) et ne considère que la mortalité par cancer du sein http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2812%2961611-0/abstract .

CMT a dit…

Le seul indicateur valable quand on parle de dépistage généralisé, est la MORTALITE GLOBALE. Parce que ce n’est pas mieux de mourir d’une complication opératoire dans les suites d’un surdépistage, que de mourir d’un cancer.
Bernard Junod montre que le dépistage précoce du cancer du poumon annule l’importance du tabac comme facteur de risque (on trouve autant de petits cancers lors du dépistage systématique par scanner chez les fumeurs que chez les non fumeurs, alors qu’on sait que les fumeurs hommes ont un risque multiplié par 20 de mourir d’un cancer bronchique avant 85 ans et par 13 pour les femmes). Cela signifie que la différence se situe non au niveau de l’apparition d’un cancer mais au niveau de l’aptitude ou non de l’organisme du fumeur ou du non fumeur à contenir sa progression.
Les performances du dépistage du cancer du sein ne sont pas absolues. Elles sont tributaires de multiples autres facteurs : l’amélioration des traitements, la compétence des médecins, le système de santé de chaque pays, les conditions environnementales et les facteurs de risque propres à chaque pays, la capacité accrue à discriminer les tumeurs agressives ou non, l’absence de conflits d’intérêts chez le médecin qui intervient car une mastectomie est un acte qui rapporte dans le secteur privé… Et ce sont les mêmes qui défilent pour qu’on ne plafonne pas les dépassements d’honoraires qui s’indignent hypocritement de ce que l’absence de dépistage systématique du cancer du sein puisse créer une inégalité entre les femmes.
Les conditions des études sont des conditions idéales (protocoles précis, encadrement et surveillance des actes réalisés) par rapport à la vie réelle. Les bénéfices du dépistage y sont surestimés.

La mauvaise nouvelle c’est que nous allons tous mourir de quelque chose.

Des pistes alternatives ? Former les médecins au dépistage individualisé et à la prise en compte des facteurs de risque.
Essayer d’autres approches de long terme comme de lutter activement contre le tabagisme féminin.
Cesser d’utiliser, donc interdire, des pesticides comme le Roundup, cocktail qui perturbe gravement les hormones en agissant sur l’aromatase, enzyme qui régule la transformation des androgènes en œstrogènes. La récente étude de Gilles Eric Séralini montrait que les rates traitées avaient 5 fois plus de tumeurs que les mâles, principalement mammaires. Or la France est le premier consommateur européen de pesticides.
Ces interventions ne peuvent être que bénéfiques pour les populations. Le risque de iatrogénie est de zéro.
Elles présentent l’inconvénient de ne pas avoir de caractère lucratif et de coûter même de l’argent à diverses multinationales.

Je pense qu’on essaye surtout d’escamoter le débat de fond qui est celui-ci : jusqu’où faut-il continuer à médicaliser les bien portants ?

Anonyme a dit…

A propos de "PS du 22 novembre 2012 : un article du New England J of medicine fait le bilan de trente ans de dépistage du cancer du sein aux EU (LA) : With the assumption of a constant underlying disease burden, only 8 of the 122 additional early-stage cancers diagnosed were expected to progress to advanced disease"

Dans le NouvelObs du 22 au 28 nov 2012, page 111 le Dr Lemoine écrit un article intitulé " La mammographie, ça marche ! pour les experts, la balance penche en faveur de cet examen qui réduit la mortalité des femmes de 20%".

Le Dr Lemoine, qui rappelait dans son article la demande faite par Marisol Touraine à l'INCa ( réévaluer le plus rapidement possible le taux de surdiagnostic et la réduction de la mortalité chez les femmes dépistées) prend appui sur une récente étude du Lancet -il ne donne pas de ref mais vu la date, j'imagine la même que celle que vous citez en PS? - pour arriver à une conclusion opposée à la vôtre (du moins c'est ainsi que je la comprends).

Peut-être ce qui lui fait prendre cette direction opposée est sa confiance dans les possibilités d'une technique qui devrait d'ici 5 ans permettre de distinguer si une lésion est agressive -sic- ou pas : les marqueurs génétiques.

Qu'en pensez-vous ?

PS : à côté des Bimbos il y a les Bimbys http://bimby.fr/content/%C2%AB-nimby-wimby-bimby-simby%E2%80%A6-%C2%BB

JC GRANGE a dit…

Je ne connais pas le docteur Lemoine et je n'ai pas lu l'article. Pour connaître les réflexions plus générales sur l'article du Lancet : http://www.healthnewsreview.org/2012/11/roundup-of-some-reactions-to-nejm-mammography-overdiagnosis-analysis/
Bonne lecture.

Anonyme a dit…

Merci.

Anonyme a dit…

Le Dr Lemoine, dans son article du NouvelObs, citait le Pr Michael Marmot comme directeur du Panel d'expert. Par déduction, l'étude sur laquelle s'appuyait le Dr Lemoine doit être celui qu'a enregistrée Rachel Campergue sur son site à cette adresse : http://www.expertisecitoyenne.com/wp-content/uploads/2012/11/breastcancerscreeningreview+lancet+2012.pdf