samedi 24 décembre 2011

Nouvelle convention médicale : pourquoi, contre toute logique, j'accepte la prime à la performance conventionnelle.



Les délais sont courts. Pour rejeter le paiement à la performance (PAP) il faut se déclarer avant le 26 décembre.
Les débats sont passionnés. Il y a en gros, trois types de médecins : les contre, les pour et les j'm'en fous. Pour mettre tout le monde à l'aise, je fais partie du dernier groupe, les j'm'en fous. J'ai commencé par les contre car ce sont ceux qui font le plus de bruits et qui sont les plus véhéments. Vous pouvez vous faire une idée de leurs arguments en consultant le site de Dominique Dupagne (ICI). Vous avez les pour qui, dans l'ensemble, réagissent au contre. Vous pourrez voir leurs arguments, notamment sur le site de Borée où vous lirez avec profit les commentaires (LA et ICI). Mais il est évident qu'il s'agit d'une sélection.


J'accepterai donc la convention telle quelle.

Ayant été dès l'origine opposé au CAPI individuel (voir ICI) non pour des raisons idéologiques (perte de ma liberté) mais pour des raisons politiques (la façon dont les indicateurs ont été choisis de façon unilatérale et sans concertation par Messieurs Van Roekeghem et Allemand) et scientifiques (la validité interne catastrophique de nombre de ces indicateurs que j'ai analysée en détail ICI et bien qu'ils aient légèrement changé dans la nouvelle mouture), je n'ai pas l'impression de me renier, mais j'ai compris que mon opposition ne pouvait être entendue. Dès le début de cette affaire j'avais conseillé aux médecins de prendre, à l'instar de Woody Allen, l'oseille et de se tirer (Take the money and run). Je ne désignerai pas car 1) j'en ai assez de me battre contre des moulins à vent ; 2) je continuerai ma réflexion sur la validité interne et externe des indicateurs ; 3) je "profiterai" du système pour le critiquer de l'intérieur (ce dont les deux lascars sus cités se moquent comme d'une guigne) et je continuerai de m'opposer aux PAPistes qui se font des illusions et sur les indicateurs, et sur la Santé Publique et sur la prétendue forfaitisation.

Historique du PAP dans le monde du management
Le paiement à la performance ou payment for performance (P4P) n'est pas une invention française, on s'en serait douté dans un pays où les agences gouvernementales ne se préoccupent même pas de médico-économie sauf sur un coin de table ou dans une discussion de couloir. Le PAP pour les médecins est une déclinaison libérale ou néo libérale (cela dépend où l'on situe le curseur) de la méritocratie pécuniaire des salariés et des employés dans le cadre de l'entreprise capitaliste (nous ne parlerons donc pas ici des autres régimes qui appartiennent pour la plupart au passé). On appelle cela aussi les primes et, quand on veut faire chic et moins trivial, de l'incentive, c'est à dire la motivation. 
Ce procédé est très connu dans les firmes. Je suis toujours fasciné, les extrêmement rares fois où je pénètre dans un établissement Mc Donald (je suis pour la fermeture de ces établissements pour des raisons de santé publique, LOL), par l'affichage du nom et de la photographie de L'employé du Mois... Prenons un exemple dans l'industrie pharmaceutique : Big Pharma donne (on me dit donnait) des primes aux 10 ou 20 % des visiteurs médicaux qui vendent beaucoup de boîtes d'un médicament (motivation aux résultats) et / ou dont la progression des ventes est de 10 à 20 % par rapport à l'état de départ (motivation à l'effort). C'est une façon pour le patron de récompenser les travailleurs selon les critères qu'il a décrétés mais aussi une façon de valoriser la politique définie par la direction (avec des arguments aussi fallacieux que : si tous les travailleurs avaient travaillé comme les 20 % les meilleurs on vendrait globalement plus de boîtes ; hors, c'est impossible : la courbe des ventes individuelles de chaque vendeur obéit à une loi normale gaussienne) et de culpabiliser les moins vendeurs qui auraient pu faire mieux. Remplacez le mot vendeur par le mot médecin, pour voir.. Cela signifierait que si tous les médecins prescrivaient aussi peu que les 20 % de médecins qui prescrivent peu... Mais la logique manageriale va encore plus loin : elle fait non seulement croire aux vendeurs ou aux salariés que ce sont les 20 % de meilleurs qui tirent l'entreprise vers le haut mais aussi que ces 20 % sont meilleurs en général, par rapport aux autres entreprises. Or c'est faux. Car la vente des produits de la société X ne se détermine pas par la qualité de ses vendeurs mais par rapport à la qualité de la politique générale marketing de la société. Je m'explique : si la société X vend 100 000 boîtes de biduleprazole avec 100 visiteurs médicaux, cela veut dire que chaque VM vend en moyenne 1000 boîtes ; si la société Y vend 10 000 boîtes de trucmucheprazole chaque VM Y vend en moyenne 100 boîtes. Ainsi, le meilleur VM Y qui vendrait   150 boîtes (+ 50 %) vendrait toujours moins de boîtes que le pire VM X vendant 500 boîtes (- 50 %). Vous remplacez politique générale de la société X par politique de Santé Publique de l'Etat et vous comprenez que les gesticulations d'un tel ou d'un tel dans son coin ne peuvent rien changer au fait que la mortalité dans le pays X est significativement inférieure à celle du pays Y.

Les spécialistes du management savent également que les effets de l'incentive dans sa version primes et avantages en nature (voyages, bons d'achat) s'épuisent très rapidement dans le temps, que ce sont toujours les mêmes qui sont primés, les plus malins, ceux qui savent s'adapter au système, ceux qui sont les plus intéressés par l'argent, ceux qui savent profiter et, qu'au bout du compte, cela ne fait pas augmenter les ventes, sauf à court terme, ce qui est bon pour les dirigeants quand il faut décider de leurs propres primes mais pas forcément bon pour la courbe de vie des produits et, ici, les indicateurs de Santé Publique.
Le PAP est de la poudre aux yeux. C'est tout simplement un moyen de diviser les médecins, de valoriser ceux qui sont situés à droite de la courbe de Gauss et de dénigrer ceux qui sont à gauche de cette même courbe, le marais, au centre de la courbe étant finalement le déterminant majeur, déterminé par la politique générale de la Nation, la qualité de l'enseignement de la médecine, les moyens accordés pour la pratiquer de façon adéquate et non déterminé par les comportements sociétaux de la population en termes d'hygiène publique, de responsabilisation des conduites et des pratiques. La politique générale de la Nation, c'est, pour un certain nombre d'indicateurs contenus dans le PAP, par exemple, diminuer la quantité de sel dans les plats cuisinés et / ou dans les boissons sucrées ; interdire la publicité pour les aliments salés et sucrés à destination des enfants aux heures où les enfants regardent la télévision... Mais c'est trop demander à l'Etat qui doit gérer le taux de chômage dans les trusts agro-alimentaires et la rentabilité des Fonds de Pension pour conserver le Triple A.
Le PAP est une politique d'affichage. Et c'est une politique dangereuse. D'une part elle fait croire qu'il est possible d'améliorer la Santé Publique en se conformant à des indicateurs (l'expérience du QOF anglais a montré le contraire), d'autre part elle entraîne une réaction des consommateurs de santé contre les médecins puisqu'ils lisent dans la presse grand public qu'ils faisaient mal leur travail et que, d'autre part, en le faisant bien ou mieux (ce qui devrait être un pré requis moral) ils peuvent toucher (on ne dit pas le pourcentage de ceux qui toucheront le jackpot) jusqu'à 11 000 euro et en période de crise !
Le PAP est une politique dangereuse. Les exemples étrangers ont montré que les performers médicaux regardaient le bout du doigt (les indicateurs) des Payeurs montrant la Santé Publique et pas la Santé Publique elle-même : voir ICI le rapport de L'IGAS de juin 2008 consacré aux expériences étrangères. On peut analyser les conséquences inattendues du PAP comme les a montrées le rapport de l'IGAS consacré au PAP "Rémunération à la performance dans le contexte français" de juillet 2008 (ICI) : exclusion des patients les plus à risques ; fragmentation des soins entre différents acteurs ; aggravation des inégalités ; impact négatif sur la vie des professionnels ; augmentation de la prescription des médicaments (1). Mais surtout le PAP conforte les médecins dans l'idée qu'ils sont les promoteurs de l'amélioration de la Santé Publique, ce qui, on l'a vu, est totalement illusoire quand les politiques de Santé Publique sont contreproductives.
Le PAP à la française a été préparé (bricolé) à la française, c'est à dire que la CNAMTS ne s'est pas donné les moyens (à partir de la page 12 dans le rapport de l'IGAS de juillet 2008 : 10 principes fondamentaux) pour analyser la situation avant, pour se doter d'outils fiables et consensuels pour  autoriser des comparaisons avant / après ; n'a pas fait d'étude de faisabilité ; a omis la phase d'éducation au processus et y compris d'acceptabilité ; et cetera, et cetera (voir le texte extrêmement précis que j'ai cité) et a donc lancé l'affaire à la va-vite.
Sans faire de misérabilisme et rapporter que je travaille depuis plus de 32 ans dans le Val Fourré, je retiendrai également que l'IGAS a souligné qu'il fallait "réduire les inégalités en modulant l'incitation selon la population considérée (critères socio-économiques et géographiques)". Disons qu'au Val Fourré où la population immigrée est très importante -- plus de 50 %-- une très grande majorité des femmes de plus de 50 ans sont analphabètes, ce qui, pour les courriers de relance, cancer du sein, ou pour les incitations à utiliser des médicaments génériques... est particulièrement "motivant"). Par ailleurs, les délais d'attente pour obtenir des rendez-vous, les éventuels dépassements d'honoraires, la diversité de choix des professionnels à impliquer, sont de forts facteurs limitants à l'amélioration des performances. Gageons que ce système de primes incitera les jeunes médecins à s'installer dans les zones où les primes seront faciles à obtenir...

Que reste-t-il du PAP conventionnel après tout ce que je viens de dire ?
Pas grand chose. Et encore n'ai-je pas dit que le P4P à l'américaine, s'il se développait dans certaines HMO, s'arrête pour manque de résultats dans le cas du Kayser Institute.
Et encore n'ai-ja pas parlé des résultats catastrophiques obtenus en république d'Irlande en termes se simple suivi des recommandations (LA).
Et encore n'ai-je pas dit que le QOF anglais venait de retirer des critères qui sont inclus dans notre PAP (ICI) (2).
Et encore n'ai-je pas parlé des critiques acerbes de certains commentateurs comme Des Spence dans le BMJ sur la culture des indicateurs (ICI).
Et dire que je n'ai pas encore parlé du volet financier (mais cela va venir).
Et dire que je n'ai pas encore parlé des indicateurs eux-mêmes et que je ne vais pas en parler car j'en ai assez de me battre contre l'évidence (LA) (3).
Et dire que je n'ai pas encore parlé des données de la CNAMTS qui sont, pour le moins, fantaisistes, et je refuse de passer du temps à tenter de contrôler, pour quelques euros, la concordance des comptes entre mon Payeur et mes fichiers  (4).
Et dire que, contrairement aux désignataires, je n'ai pas parlé de morale ou d'éthique (je laisse aux spécialistes de la question de lire les millions de thèses qui ont été consacrées à ce sujet).

Parlons du volet financier.
Il faut d'abord signaler que l'argument de forfaitisation de l'activité est peu acceptable.
Rappelons que dans le système NICE - QOF le P4P peut rapporter jusqu'à 20 à 30 % des revenus dans des pays où il y a inscription sur une list size qui rapporte déjà de l'argent.
Je ne sais pas ce qui va rapporter le plus : l'atteinte des objectifs (primes aux résultats) ou le pourcentage d'amélioration (primes à l'effort).
Osons dire aussi que plus la patientèle est importante, et notamment pour les indicateurs, et plus il est possible de gagner de l'argent. Ce qui n'est franchement pas un critère de qualité. Je signale ici que 1) j'ai plus de 1200 patients qui m'ont choisi comme médecin traitant ; b) que j'ai exactement 104 patients diabétiques de type II ; c) que le cabinet médical est ouvert toute l'année, non compris le dimanche, que je suis associé avec un médecin quatre/cinquième de temps, qu'il y a une secrétaire à plein temps, qu'il y a une femme de ménage, que je vois, bon an mal an, plus de 7000 patients en une année d'exercice (dont dix semaines de vacances pendant lesquelles je suis remplacé), que je pourrais toucher, d'après mes calculs, entre 5 et 7000 euros par an d'honoraires supplémentaires, soit relativement à mon CA total, y compris les honoraires rétrocédés, entre 2,9 et 4,1 % de mes honoraires. Pourquoi le docdu16 se décarcasserait pour des indicateurs, pour certains inutiles, pour d'autres inopérants, pour d'autres encore, dangereux ?...

Il reste l'incitation informatique. Quatre cent points sur 1300 sont des points liés à l'organisation informatique du cabinet : 400 points faciles à obtenir (soit 400 x 7 = 2800 euro). Personnellement, nous devons avec mon associée, débourser 375 euro en plus (mise à niveau du logiciel Hellodoc) + un abonnement mensuel à Vidal Expert (21 euro pour deux) + la venue d'un technicien sur site pour mettre le réseau en marche (mais on me dit qu'il est possible de le faire par téléphone avec le technicien de la hot line pour 95 euro HT) ; il faut ajouter cela aux frais de fonctionnement liés à Hellodoc et à la télétransmission (réseau RSS). Cela paraît jouable.

Donc, foin d'arguments moraux : je reste dans la convention, je constate les anomalies, je publie contre les indicateurs bidon et je ramasse un peu d'argent.




Notes
(1les domaines qui ont été choisis, par le NICE dans le cadre du QOF, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, la santé mentale et les affections respiratoires sont dominées par les médicaments. Depuis le début du contrat les prescriptions ont globalement augmenté : 40 % de plus dans le diabète (240 millions d'euro en plus) ; + 90 % pour les inhibiteurs de l'angiotensine 2 (+ 68 millions de livres) ; tiotropium : + 100 % (+ 30 M livres) ; ezetimibe (+ 400 %, + 15 M livres). La prescription des statines a doublé bien que l'on sache leur inefficacité en prévention primaire.
(2Et donc, pour l'an prochain, un certain nombre de critères vont être enlevés comme le décrit un article du BMJ car ils paraissent peu discriminants et peu contributifs : mesures de la pression artérielle (insuffisance coronarienne, diabète, AVC ou AIT), prises de sang pour mesurer l'HbA1C (diabète), cholestérolémie totale (diabète) ou créatininémie (diabète, patients traités par lithium), fonction thyroïdienne (patients traités par lithium, hypothyroïdisme).
(3) Sans oublier les Prescrirolâtres qui on trouvé des arguments positifs dans l'analyse que Prescrire a faite du CAPI ancienne formule et dont je vous résume, au 5 décembre, les avis : Prescrire a considéré que 7 items sur 16 étaient cohérents sans restriction (cotation 1) (43,8 %) ; 3 items acceptables mais incomplets (cotation 2) (18,7 %), soit 10 items sur 16 (62,5%) utiles ; à l'inverse 2 items étaient considérés comme hors sujet sur le thème choisi (cotation 3) et 4 items incohérents (cotation 4), soit au total 37,5 %.
(4) Voici quelques exemples choisis dans mes propres chiffres qui montrent des variations pour le moins surprenantes et qui ne peuvent, à mon sens, être expliquées par un changement de mes pratiques (ou alors inconscient, ce qui serait une confirmation / infirmation des arguments de DD et ses amis) : Part de vos patients diabétiques  ayant eu 3 ou 4 dosages de l'HbA1C dans l'année : juin 2010 = 55 % et juin 2011 = 27,9 % ;  Part de vos patients diabétiques ayant eu une consultation d'ophtalmologie ou un examen au FO dans les deux dernières années : juin 2009 = 42,9 % ; juin 2010 = 30,5 % ; juin 2011 = 41,3 %...
(

samedi 17 décembre 2011

Un spectacle de khon intégral. Histoire de consultation 110.

J'ai attendu un peu pour raconter cette histoire (deux jours). La colère n'est jamais bonne conseillère. Ne croyez pas ou, si, croyez-le, que je veuille me donner le beau rôle et que je fasse de l'anti spécialisme (non d'organe puisqu'il s'agit d'un anesthésiste) primaire (voir ICI ou LA), mais cette histoire est vraie, vérifiée, authentifiée.
Donc, Madame A vient consulter pour une banale rhinite. Je ne l'ai pas vue depuis un an car elle a déménagé à plus de trente minutes du cabinet et, dit-elle, n'a pas été malade. Elle me parle d'elle et, incidemment, de son mari, 42 ans. C'est l'histoire du mari qui m'a rendu bizarre.
Elle me dit que son mari a été opéré d'un kyste du testicule. Je ne dis rien bien que je sois le médecin traitant et que je n'aie rien su. Disons que, d'une part, ils ne m'ont rien dit et, d'autre part, je n'ai eu aucun courrier/ Mais il s'agit probablement d'une histoire d'ego.
Pour cette part triviale de l'affaire que je vais expédier rapidement : le patient s'est découvert une boule au testicule et il a paniqué (il n'y a pas de jeu de mot) ; au lieu de téléphoner à "son" médecin traitant, il en a parlé à un copain qui connaît un urologue (que je connais également) et il a eu droit à un accès direct.
La femme de Monsieur A continue : mon mari s'est rendu à la consultation d'anesthésie (il avait été convenu avec l'urologue que le kyste devait être enlevé) et l'anesthésiste, entre deux mots, lui a dit que c'était un cancer. Le mari lui a fait répéter et l'autre a confirmé. En sortant il a appelé sa femme qui a été aussi abasourdie que lui alors que l'urologue n'avait parlé de rien, que l'échographiste n'en avait pas plus dit (pas plus que le compte rendu d'échographie) et que l'urologue, après avoir revu le patient avec l'échographie avait été pour le moins rassurant.
J'ai laissé passer ma surprise. Je l'ai dit assez souvent ici, il faut toujours faire attention à ce que disent les patients, au sens propre et au sens figuré. Attention, car ils peuvent avoir interprété les propos d'un confrère (comme ils peuvent interpréter à tort nos propos) et s'être trompés ; attention, car les propos des patients, tout comme leurs plaintes, ont souvent plus de substrat que nos préjugés ; mais pas toujours.
"Nous avons passé une semaine difficile jusqu'à l'intervention. - Vous n'avez pas appelé l'urologue ? - Non, j'ai appelé, précise Madame A, l'anesthésiste en lui demandant de quel droit il avait pu dire à mon mari qu'il avait un cancer alors qu'il n'en avait aucune preuve." D'après la femme du patient, toujours, l'anesthésiste s'est excusé, a affirmé qu'il n'avait pas voulu dire cela et ajouté qu'il voyait tellement de cancers en ce moment... Mais ils ont passé une très mauvaise semaine.
Tout s'est bien terminé puisque le kyste était kystique bénin (je n'ai toujours pas le compte rendu histologique).
J'ai demandé le nom de l'anesthésiste (que je ne connaissais pas) et j'ai tenté, contre toute logique, de l'appeler pendant la consultation, mais il n'était pas là avant lundi.
J'ai redemandé à Madame A ce qu'avait dit l'urologue. Pas grand chose, m'a-t-elle répondu, qu'il allait voir.
J'ai quand même essayé de ne pas ajouter de l'huile sur le feu et la femme du patient m'a dit qu'elle avait failli aller coller une gifle au dit anesthésiste et je lui ai répondu que ce n'était pas bien mais que cela méritait même plus : un grand coup de poing dans la figure. Elle m'a regardé, surprise et m'a dit : J'ai dû empêcher mon mari d'aller le faire.
Est-ce qu'il y a autre chose à dire ? Ou à faire ?
Cet anesthésiste continuera de sévir malgré mon futur coup de fil dont il se moquera comme d'une guigne.
Peut-être vaut-il mieux que je lui écrive en lui donnant le lien avec le blog ?
C'est peut-être moi qui aurai droit à des poursuites devant le Conseil de l'Ordre. Je m'en moque. Mais ce qui compte : est-ce que cela changera quelque chose à l'attitude de ce gougniafier ? Non. 
Spectacle de Khon à l'université Thammasat de Bangkok (2009)
Le chirurgien ne fera rien.
Je n'ai pas de chances avec les kystes et les urologues : voir ICI. Ma responsabilité est moins engagée : je n'ai pas adressé le patient. Mais si, maintenant, quand on adresse un patient à un  chirurgien non choisi en DCI il faut aussi s'assurer de la qualité de l'anesthésiste, on est mal partis !

lundi 12 décembre 2011

Une femme qui n'est pas contente que son mari ait acheté une caméra numérique. Histoire de consultation 109.

Madame A, 27 ans, est enceinte de six mois. La grossesse se passe bien. Les indicateurs sont au beau fixe. Son mari, autant que je peux en juger en consultation, est un homme charmant qui est content que sa femme soit enceinte. 
Aujourd'hui, il y a quelque chose qui ne va pas. A son air, je m'attends au pire dans le style, mon mari est parti. Rien que cela !
Elle s'assoit en face moi, ses yeux sont rouges, elle a dû pleurer.
"Qu'est-ce qui se passe ? - C'est trop difficile à dire. - Allez, dites-moi plutôt pourquoi vous êtes venue me voir..." Elle baisse les yeux. Derrière sa tristesse je vois passer un maigre sourire. Qu'est-ce que j'imagine ?
"Mon mari a acheté une caméra numérique. - Comment ?" Cette fois, elle sourit vraiment. "Si vous m'expliquiez..."
Elle me regarde de façon déterminée, les deux bras reposant sur les accoudoirs du fauteuil.
"Il veut filmer l'accouchement." Je résiste à l'envie de lui dire : "Et alors ?" mais je comprends à temps que la phrase serait inappropriée. "En quoi cela vous dérange ?" Elle réfléchit à ce qu'elle va me dire. "Je ne veux pas. - Et Pourquoi ? - Vous savez, dans tous les films, dans touts les feuilletons, dans tous les reportages, on voit des hommes qui prennent des photos ou qui font des films pendant l'accouchement, on voit des femmes qui souffrent, qui crient, qui pleurent et tout le monde trouve ça bien. Eh bien moi, jusqu'à ce que mon mari achète la caméra, je trouvais ça bien. Et plus maintenant. - Pour quelle raison ? - Parce que je ne veux pas qu'il me voie dans une telle situation, nue, moche, grosse, poussant des cris, comme un animal, comme une malade, non, je préfèrerais être bien coiffée, maquillée, belle et pas dans cet état. - Pourquoi ne lui en parlez-vous pas ? - Parce qu'il a eu l'air tellement heureux avec sa caméra, comme un enfant avec un lego, parce qu'il voulait me faire plaisir. - C'est vrai que cela part d'une bonne intention. - Et vous, qu'est-ce que vous en pensez, docteur ?"
Voilà une banale situation de médecine générale, une banale situation de médecine, de rapports entre un médecin et un patient, mais, en d'autres circonstances, le problème est identique, sauf que dans le cas particulier, il ne s'agit pas de la discussion entre deux amis ou entre un mari avec sa femme ou entre une mère avec son enfant (encore que...), il s'agit d'une consultation, une consultation avec ses codes, une consultation où le médecin a un rôle à jouer qui n'est pas forcément de dire ce qu'il pense...
"Je n'en sais rien. Je crois que nombre de femmes sont contentes que leur mari assiste à l'accouchement pour qu'il se rende compte de ce qu'est le travail. Cela doit donc être une bonne idée si elles en éprouvent le besoin. Mais d'autres préfèrent garder cela pour elles. Par pudeur. Elles ont aussi raison. Mais la mode, actuellement, c'est la participation de l'homme pour qu'il se sente impliqué. Je crois que cela constitue un progrès par rapport aux hommes fumant des cigarettes dans le couloir. Ou buvant des coups avec leurs copains. Mais pour ce qui est de la caméra, je n'en sais rien. Tout le monde filme tout, pourquoi ne pas filmer un accouchement ? - C'est vrai que tout le monde filme tout. Il aurait pu le faire avec son téléphone portable. Ne rien me dire avant. Mais est-ce qu'il voudrait que nous soyons filmés quand nous faisons l'amour ? - Il faudrait le lui demander. Mais, à mon avis, ce n'est pas pareil. - Pas pareil, c'est vite dit. Cela fait partie de l'intimité. - Vous ne faites pas l'amour entourée de médecins et d'infirmières. - Non. Mais l'accouchement, c'est aussi à moi. C'est mon corps, en quelque sorte. - C'est votre enfant. - Oui, c'est vrai, c'est notre enfant. Je crois que je dois en parler avec lui. - Très bonne idée."

vendredi 9 décembre 2011

Méningites : lire le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, c'est lire Big Vaccine


Dernière livraison du BEH (Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire) (ICI) : deux articles ont retenu mon attention : Les infections invasives à méningocoques en 2010 (LA) et Déterminants associés à la non vaccination A(H1N1) 2009 chez les femmes enceintes de l'étude Coflupreg(ICI).
Le BEH est l'organe de publication de l'InVS, institut dont j'ai largement parlé sur ce blog, mais je n'ai pas assez insisté sur sa collusion avec le pouvoir, son manque de collaborateurs de talents et sa pratique de la corruption.
1) Les infections invasives à méningocoques en 2010 (voir L'Etat de l'Art ICI par CMT) : Dans un article, le plus important, c'est la Discussion. Sa qualité rend compte des connaissances des auteurs sur le sujet, de leur indépendance d'esprit et de leurs capacités à l'autocritique. Mais commençons par les résultats.
L’incidence globale des IIM est en diminution depuis 2008. En 2010, 522 cas ont été déclarés dont 510 en France métropolitaine conduisant à un taux d’incidence corrigé pour la sous‐notification de 0,89 pour 100 000 habitants. Les groupes d’âges les plus touchés sont les moins de 1 an, les 1‐4 ans et les 15‐19 ans. La baisse d’incidence entre 2009 et 2010 a été significative pour les IIM liées au sérogroupe C. Le sérogroupe B reste prédominant en France (74% des cas). L’incidence des IIM W135 est restée stable. Le sérogroupe Y a augmenté mais ne dépas‐ sait pas 5% des cas. La létalité des IIM en 2010 était de 10% (53 décès). La proportion des cas déclarés avec un purpura fulminans était de 26% (130 cas), la létalité étant de 23% pour ces cas contre 6% pour les autres (p<0,001). En 2010, 55% des souches invasives circulantes appartenaient à trois complexes clonaux (ST‐41/44, ST‐32 et ST‐11).

Nous y apprenons donc des choses intéressantes sur le fait que le B est le plus fréquent (on le savait déjà). C'est tout.
Mais la Conclusion est plus éclairante :
Les IIM restent en France majoritairement liées aux méningocoques de sérogroupe B ; la baisse de l’incidence des IIM C a débuté depuis 2003 et devrait se poursuivre du fait de l’introduction du vaccin conjugué méningoccique C dans le calendrier vaccinal en 2010.

Ils sont quand même légèrement gonflés !
Allons donc voir la Discussion : comme elle est un peu longue, je me permettrais de vous la résumer. On y apprend : a) qu'il est difficile de conclure sur l'incidence en raison des variations inter saisonnières et de la circulation (éventuelle) de nouvelles souches ; b) que la baisse d'incidence concerne autant la B que la C ; c) que la baisse d'incidence de la C a précédé la vaccination et qu'elle concerne, après la vaccination, des tranches d'âge non concernées par la vaccination ; d) que le taux de couverture vaccinal n'est pas connu pour les années analysées (pas connu par le BEH mais, semble-t-il, par les industriels avec, grosso modo, pas grand chose qui puisse expliquer les variations observées, notamment dans les groupes d'âge non impliqués dans la campagne) ; e) que l'incidence des Y augmente. On y apprend aussi la forte létalité des formes avec purpura fulminans. On le voit, la discussion est plutôt bien écrite (de façon "orientée") mais n'insiste pas assez sur les incertitudes de l'épidémiologie, sur l'émergence de nouvelles souches et fait peu de comparaisons avec les autres pays, sauf la Suède pour les Y. Ainsi, le contenu de la discussion n'est-il pas en rapport avec la Conclusion très pro vaccin.
Commentaires personnels : il y a eu donc 53 décès dus aux méningites à méningocoques en 2010 France. Dans 26 % des cas d'IIM (Infection invasive à méningocoque) (n = 130) il y avait un purpura fulminans dont la létalité a été de 23 % contre 6 % quand il était absent.  Premières recommandations : devant tout syndrome fébrile évoquant un syndrome méningé il faut déshabiller l'enfant (ou l'adulte) à la recherche de lésions cutanées pouvant faire évoquer un purpura fulminans ; tout cabinet médical (et a fortiori ceux qui préconisent la vaccination contre la méningite C) doit disposer de ceftriaxone / rocéphine prête à l'emploi (i.e. dont la date de péremption n'est pas dépassée) (LA).
Cet article est un plaidoyer pour la vaccination. Il obéit à plusieurs objectifs : a) banaliser les méningites ; b) rendre les familles demandeuses ; c) rendre les médecins coupables.
Mais surtout, cet article souligne combien, en France, il n'existe pas de frontière entre la science vaccinologique (c'est un néologisme), la recherche vaccinologique et Big Vaccine. Car Big Vaccine a un statut particulier : ses produits sont chers, ses profits sont pharaoniques (plus de 95 % de marge brute), la concurrence est inexistante (Big Vaccine se partage le monde, s'accorde sur les tarifs, arrose les mêmes experts, il n'existe pas de génériques - ce qui ne me dérange pas- mais, plus encore, il n'y a jamais de baisses autoritaires de prix de la part des Etats), il existe une Autorité centrale (l'OMS) qui dit la vaccinologie, il existe des bons sentiments (la Santé Publique), il existe une idéologie humaniste sous-jacente (la prévention) et les visiteurs médicaux sont soit des scientifiques de renom, soit des hommes politiques...
En France, la politique des vaccins est menée par le CTV (Comité technique des Vaccinations) dont le Président à vie est un agent payé entre autres par Glaxo et la revue scientifique d'excellence, outre ce bon BEH, est Infovac, qui est une feuille de choux sponsorisée à 100 % par Big Vaccine, dont les rédacteurs sont des Bruno Lina (ICI), et il semble que ce CTV soit protégé par tout le monde, depuis la DGS jusqu'à la Revue Prescrire qui reproduit fidèlement ses communiqués sans beaucoup de recul.
Circulez, y a rien à voir.
Je suis allé à une réunion la semaine dernière, réunion organisée par l'APSVF (l'Association des professionnels de Santé du Val Fourré dont je suis membre du bureau), où nous avions invité des médecins de la PMI des Yvelines. J'ai appris ce soir là (entre autres choses qui sont hors sujet) qu'Infovac est la référence pour les politiques de vaccination des PMI.
Y a du boulot pour remonter le courant.
2) Déterminants associés à la non vaccination A(H1N1) 2009 chez les femmes enceintes de l'étude Coflupreg. Cette étude descriptive est emblématique de l'épidémiologie à la française : description, description, rien de plus. Regardons la Conclusion : 
Dans cette cohorte, la couverture vaccinale antigrippale A(H1N1) était faible, particulièrement chez les femmes enceintes d’origine étrangère non‑européenne et chez celles appartenant aux catégories socioprofessionnelles moins favorisées.
Afin d’améliorer leur efficacité, les futures campagnes de vaccination pourraient être adaptées à ces populations.
Comme quoi, Big Vaccine joue sur la corde sensible : vacciner dans les pays riches contre l'hépatite B pour en faire "profiter" les pays pauvres, on y croit beaucoup, et là, plaindre ces populations défavorisées de femmes enceintes pauvres et immigrées (Big Vaccine adopte le CARE), pour mieux les toucher. La médecine à deux vitesses existe : dans le cas du vaccin anti A/H1N1, il semble qu'il vaille mieux être pauvre et immigrée.

Retenons ceci : le BEH ne joue pas le jeu de la transparence, le BEH ne joue pas le jeu de la compétence, le BEH est un organe de Big Vaccine (la branche la plus rentable de Big Pharma).

(Pravda : 16 mars 1917)

dimanche 4 décembre 2011

Dépistage du cancer du poumon par scanner : un nouveau marché pour la santé des médecins!


Une révolution est en marche !

Que se passe-t-il ?
J'ai trouvé un article bien fait dans Medscape (ICI), revue sponsorisée d'accès gratuit après enregistrement : 

Screening for Lung Cancer Based on 'Strongest Evidence'

dont voici, entre autres, la phrase forte :
The brand-new guidelines from the National Comprehensive Cancer Network (NCCN), the first to be published by a national advisory group, strongly recommend the use of low-dose computed tomography (LDCT) screening for select individuals at high risk for the disease. For the target group of heavy smokers 55 to 74 years of age, regular annual LDCT scans are recommended
Pour ceux qui n'en croiraient pas leurs yeux, cela signifie que des Etats-Uniens recommandent fortement, c'est même une recommandation de grade 1 (ce qui est rare, le NCCN ne donnant pour la mammographie et la colonoscopie qu'une recommandation de grade 2A), de faire pratiquer annuellement un scanner faible dose dans le groupe à risque des gros fumeurs (30 paquets-années) âgés de 55 à 74 ans même s'ils ont arrêté de fumer depuis 15 ans.
Cette recommandation est liée à un essai randomisé (National Lung Screening Trial) qui a été arrêté en cours de route (voir l'article LA et des commentaires ICI) après 8 ans et qui incluait 53000 patients. Le groupe scannerisé avait un examen tous les ans pendant trois ans puis en "reprenait" pour 5 ans. L'essai arrêté montrait, selon ses auteurs, une réduction relative de la mortalité dans le groupe "dépisté" de 20 % avec une diminution de la mortalité toutes causes de 7 % alors que la mortalité par cancer du poumon représentait 25 % de l'ensemble. 
Ce qui a conduit à des déclarations fracassantes de la part des expérimentateurs et de certains commentateurs dans le genre : This is "a seminal moment" for the lung cancer community, the Lung Cancer Alliance declared in a press release. It also quoted James Mulshine, MD, from the Rush University Medical Center in Chicago, Illinois, as saying: "With this positive trial result, we have the opportunity to realize the greatest single reduction of cancer mortality in the history of the war on cancer."
Ils n'ont pas froid aux yeux ! 

Mais cette recommandation est encore théorique.  Nombre de problèmes ne sont pas encore réglés. Et pas des moindres.
D'abord, il faut savoir que des essais précédents n'avaient pas été aussi concluants. Ensuite, d'autres essais ont montré que le sur diagnostic lié à la réalisation d'un scanner comme moyen de dépistage du cancer du poumon oscillait selon les cas entre 25 et 70 % Enfin, et surtout, avant de se lancer dans le dépistage organisé il est nécessaire de savoir à quel âge il faut commencer, à partir de quelle consommation de tabac, au bout de combien de scanners il faut s'arrêter de dépister, quels sont les dangers des radiations, quid de l'observance pour les résultats, quid de la normalisation des examens, quid de la dangerosité des biopsies, quid du coût-efficience, quid des retombées économiques, et cetera.
Nul doute que les courbes bien connues d'incidence et de mortalité du cancer du poumon (ICI figure 1 page 45) vont changer avant même que le dépistage organisé ne soit mis en place : l'incidence va augmenter considérablement, la mortalité va stagner et les experts en concluront au fait que prendre à temps le cancer sauve des vies quelle que soit la non amélioration des thérapeutiques. Et le sur diagnostic pourra être envoyé à la trappe.
Car de telles annonces vont, avant même que des conséquences puissent en être tirées, avant même que l'esquisse de programmes de dépistage généralisé ne soient mis en place, engendrer un surcroît de dépistages individuels et de dépenses (rappelons qu'un scanner pulmonaire est facturé aux Etats-Unis entre 300 et 350 dollars, ce qui n'est pas le cas en France mais ce qui va entraîner des dépassements d'honoraires...) tant et si bien que les études qui suivront seront très difficiles à mener, groupe sans dépistage versus groupe avec dépistage, tant il y aura contamination des groupes théoriquement non dépistés.
Il s'agit désormais d'une course de vitesse pour imposer ce dépistage.
Les lobbies seront en première ligne : radiologues (voire scannerologues), pneumologues, oncologues, radiothérapeutes, chimiothérapeutes, fabricants de scanners, fabricants d'appareils de radiothérapie, fabricants de médicaments, fabricants de rêves. 
Ces lobbies de la prévention (et je ne confonds pas prévention et dépistage bien que les définitions de l'OMS soient suffisamment floues pour "enfumer" tout le monde) n'auront pas de mal à convaincre les politiques, les associations, voire Big Tobacco (on rappelle ici qu'une des premières grandes études testant le scanner comme moyen de dépistage du cancer du poumon était sponsorisée entre autres par les industriels du tabac : International Early Lung Cancer Action Project (I-ELCAP) reported in October 2006 in the New England Journal of Medicine (2006;355:1763-1771), de mettre le paquet.

Si j'ai un conseil à vous donner : investissez dans les fabricants de scanners, investissez dans les SEL de radiologie, dans les cliniques de radiothérapie, et cetera.

J'imagine que les lobbies sont en train de préparer le terrain en France. Je leur propose le plan d'action suivant : 
  1. Arroser les key opinions leaders (KOL) américains à l'origine de l'essai
  2. Faire rencontrer les KOL américains et européens avec les futurs key opinions leaders français choisis par Big Pharma parmi les experts les plus compétents et les plus compliants de la pneumologie française, de la radiologie, de l'oncologie, de la radiothérapie, de la thoracologie...
  3. Animer un groupe d'étude réunissant tous les acteurs du secteur
  4. Informer les parlementaires sur le manque de scanners en France
  5. Réunir dans des dîners en ville des membres de la DGS, de l'INCa, du HCSP, afin de préparer l'opinion
  6. Prévenir les ARS que le nouveau monde allait arriver : faire de l'annonce, de l'annonce, de l'annonce.
  7. Convaincre des journalistes influents d'inviter le professeur Khayat au Téléphone Sonne sur France Inter ou le professeur Even au Monde de la Santé ; des papiers dans Le Figaro ou dans Le Monde seraient les bienvenus. Bien entendu des "nègres" écriraient des dossiers de presse prêts à l'emploi ; les journalistes médicaux de la presse sponsorisée "écriraient" également des papiers
  8. Mettre sur le coup l'INVS qui produirait des données ad hoc justifiant de la future politique
  9. Fabriquer une lettre Infopoumon sur le modèle d'Infovac pour "guider" les futurs dépisteurs
  10. Commencer des essais cliniques en arrosant les meilleurs services de l'hexagone avec des promesses de publication en anglais dans les meilleures revues internationales ou en français dans des feuilles de choux impressionnant le Rotary ou le Lion's Club
  11. Préparer des diaporamas power point pour les différents médecins qui interviendront au palais des Congrès de Paris ou à celui de Romorantin...
  12. Editer des plaquettes d'information à destination des médecins généralistes, piliers du système de santé
  13. Faire entrer le nombre de patients fumeurs ou ex fumeurs ayant un médecin traitant dans les objectifs de la Nouvelle Convention capéifiée
  14. Surveiller la vente des quatre-quatre aux alentours des cliniques de radiothérapie ou des cabinets de scanneropulmonodépistage.  

Le veau d'or (Nicolas Poussin en illustration) du dépistage est en marche.
Une nouvelle sous-spécialité va être identifiée (elle existe déjà mais à faible échelle) : la nodulologie pulmonaire. Et cela va générer du chiffre !
 S'agit-il d'une prophétie ou d'une réalité déjà en marche ?

NB : Je vous propose de lire le commentaire de CMT à la suite de cet article. Il montre combien la réalité dépasse la fiction. Le texte, rapporté par CMT, est particulièrement éclairant (ICI) et illustre le point 2 de "mon" plan d'action. Merci également de citer le travail de Bernard Junod qui, décidément, est un empêcheur de penser en rond.


jeudi 1 décembre 2011

Turquie, hépatite B, bronchiolite : brèves de cabinet. Histoires de consultation 106, 107 et 108


106 - Epidémie de consultations d'hommes turcs au cabinet. Le gouvernement Erdogan est sur le point de faire voter une nouvelle loi concernant le service militaire. Jusqu'à présent les Turcs (de sexe masculin) devaient faire leur service militaire avant 38 ans s'ils souhaitaient entrer et sortir de Turquie à leur gré. Cela signifiait pour un travailleur turc émigré travaillant en France et qui était parti de Turquie avant d'avoir accompli le service militaire de payer 5000 euro et de faire un "stage" de trois semaines dans une caserne de l'ancien empire ottoman, stage qu'il devait faire pendant des congés payés ou en dehors. Cette nouvelle loi, quand elle sera promulguée, supprime l'obligation des 21 jours mais les 5000 euro deviennent 10000. Le remplissage du formulaire est d'une grande simplicité (et d'une grande inutilité). J'ajoute qu'un de mes patients, il y a trois ans, cancer du testicule, irradié, réopéré pour ganglions restants, a dû se battre pour être exempté : traduction en turc des CRO, des compte rendus de scanner, IRM, certificats à gogo (et à traduire aussi en turc par des traducteurs agréés) de la part des divers intervenants...

107 - Epidémie de vaccination contre l'hépatite B. Mademoiselle A, 34 ans, cadre hospitalier, que je connais depuis le plus jeune âge mais qui se faisait suivre en PMI pour les vaccins, vient me voir parce qu'elle a décidé d'arrêter la pilule et d'être enceinte. Nous faisons un peu le tour de la question et je consulte son carnet de santé que je n'avais pas vu depuis l'âge de 14 ans. Les vaccinations obligatoires sont franchement à jour. Elle n'est pas vaccinée contre la rubéole (???). Et je remarque ceci : elle a eu 7 injections de vaccin contre l'hépatite B ! Et au moins une fois (la dernière) on retrouve le nom du médecin du travail de l'hôpital comme injecteur. Ce charmant médecin a appliqué les directives sur l'hépatite B (il devait y avoir des points de CAPI !) et a négligé la rubéole (pas de points de CAPI). Et "on" lui a conseillé de se faire vacciner contre la coqueluche (points de CAPI ?). Sept injections versus hépatite B !
(Je rajoute ce lien car je l'avais oublié : c'était probablement le même médecin du travail du même hôpital : ICI, c'est désespérant)

108 - Bronchiolite : inflation thérapeutique. Les parents de la petite A, 7 mois, m'amènent leur enfant qu'ils avaient montrée il y a trois jours au docteur B (que je connais) en l'absence du pédiaaaaaatre, et qui "continue" à tousser. "Je vous avoue", dit le père, "que je suis crevé, je me lève à trois heures du matin" et "il faut faire quelque chose car les traitements du docteur B n'ont rien fait - Qu'est-ce que le docteur B vous a dit ? - Que c'était un début de bronchiolite. ". Bon. J'interroge la famille (la maman ne parle pas français, donc j'ai un filtre entre le père et la mère), pas de sifflements nocturnes, pas un poil de décalage thermique, j'examine l'enfant, elle a le nez qui coule (jetage postérieur pour faire chic), les tympans sont propres et nets, le pharynx est rouge, l'auscultation pulmonaire retrouve l'esquisse de l'esquisse de ronchus (les gens chics disent ronchi, pas moi) et pas un poil de freination expiratoire (mais il est seize heures et le wheezing en français est nocturne parfois, tout comme les sibilances). Je suis bien embêté : les parents sont inquiets et le traitement ne "marche pas". Quel traitement, au fait ? Accrochez-vous aux meubles : amoxicilline (50 mg / kg), célestène (trois milligrammes / kg), pivalone intra nasal, et nifluril en suppositoire. Il ne me reste plus qu'à compenser verbalement mon effarement non verbal à la lecture de cette ordonnance. Sans compter la prescription de kinésithérapie respiratoire que les patients n'ont pas suivie car, ayant déjà un enfant qui avait fait des "bronchiolites" à répétition, ils trouvaient que leur fille n'en aurait pas tiré bénéfice... Est-ce le traitement qui a rendu cette petite fille peu symptomatique, auquel cas : publions ? (Pour la bronchiolite, voir IC.

(Le Jugement dernier - Jérôme Bosch - 1482)

dimanche 27 novembre 2011

BPCO : les pneumologues mettent le paquet !


Tout est parti d'un article chapeauté et commenté par Hugues Raybaud (ICI) qui m'a conduit à lire un article de Esculapepro.com (LA) rapportant des recommandations sur la Bronchopneumopathie Chronique Obstructive (BPCO) émanant d'un organisme dont j'ignorais jusque là l'existence (The Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease, alias GOLD). 
Le chapeau de Hugues Raybaud est sans nuances (Sans liberté de blâmer il n'est pas d'éloge flatteur et vous savez combien j'aime sa lettre, voir ICI) et semble, mais n'y a-t-il pas une certaine ironie dans le titre, bien péremptoire : La BPCO se place au rang du diabète comme maladie émergente.
Le problème est que contrairement au diabète, la maladie est banalisée. Les patients vivent avec leur maladie, leur essoufflement, jusqu'à ce qu'ils soient hospitalisés lors d'une poussée infectieuse. La maladie est alors diagnostiquée mais il est trop tard pour la freiner.
Le dépistage peut se faire en cinq questions 


  • Avez-vous fumé ou fumez-vous ?




  • Toussez-vous fréquemment ?




  • Crachez-vous fréquemment ?




  • Lorsque vous pratiquez une activité donnée, êtes-vous plus essoufflé(e) que les gens de votre âge ?




  • Avez-vous plus de 40 ans ? Si le patient répond positivement à trois de ces questions, le généraliste peut soit mesurer le souffle du patient à l'aide d'un spiromètre soit orienter le patient vers un confrère pneumologue.



  • Ainsi Hugues Raybaud esquisse-t-il le problème de la stratégie de Knock mais sans en parler vraiment.
    Ainsi nous renvoie-t-il sur le site esculapepro.com qui ne dit pas un mot des liens d'intérêt de GOLD  tout en citant Prescrire (très critique à l'égard de spiriva).  
    Or GOLD entretient des liens avec Big Pharma qui sont pour le moins ténus : vous pouvez retrouver la rubrique About Us dans le menu déroulant de GOLD qui informe sur les liens d'intérêt du Bureau pour l'année 2010 et des relecteurs pour l'année 2011 et, pour les sponsors, on les retrouve à la page 97 du rapport : LA. Ce qui est amusant et intriguant, c'est que GOLD a été créé, dit-on, à l'initiative d'organismes dits indépendant pour le premier (étude ALLHAT, par exemple) et dépendant pour le second (on le sait depuis la grippe "pandémique) : GOLD was launched in 1997 in collaboration with the National Heart, Lung, and Blood Institute, National Institutes of Health, USA, and the World Health Organization.
    Où en étais-je ?
    A ceci : les recommandations, telles rapportées par Esculapepro.com, sont très favorables à l'utilisation des bronchodilatateurs à longue durée d'action, type spiriva, dès le stade II de la BPCO malgré l'absence de preuves d'efficacité et des preuves d'effets indésirables (excès d'AVC de 2 pour 1000 spiriva vs placebo) : ICI. Ne parlons pas du respimat (tiotropium sous une autre forme galénique) qui a définitivement montré sa nocivité : LA.

    Plusieurs commentaires (c'est mon côté je donne des leçons de morale et je ne suis pas parfait moi-même) : 
    1. Les pneumologues de mon "coin" aiment spiriva et, quel que soit le stade de la BPCO, commencent toujours par en prescrire en oubliant le reste
    2. Les médecins généralistes de mon "coin" : itou.
    3. Hugues Raybaud ne devrait pas nous balancer des données brutes sans commentaires.
    4. Esculape itou.
    5. Les pneumologues sont, en théorie les spécialistes de la pneumologie mais ne se posent pas, dans mon coin, de questions sur le tiotropium et il leur arrive même de prescrire Respimat alors que l'on sait déjà depuis longtemps que le produit est dangereux (cf. supra). Une des pneumologues de mon coin, je l'appelle Miss Spiriva car elle tire sur tout ce qui bouge.
    6. Les pneumologues prescrivent du spiriva, prescrivent une consultation anti tabac qui, jusqu'à ces derniers temps, prescrivait champix et autres gracieusetés dangereuses, et prennent pour des khons les médecins généralistes qui osent a) critiquer la prescription systématique de spiriva et exceptionnelle de respimat ; b) osent critiquer la prescription de champix ; c) osent ne pas trop croire à l'efficacité du vaccin pneumo 23 (voir ICI et LA)
    7. La visite médicale spiriva et pneumo 23 doit coucher dans le service de pneumologie de mon coin, organiser des petits-déjeuners, des déjeuners, des dîners, dîners simples ou dîners avec MG compatissants, dîners débats avec le support de l'association de formation continue du coin, et distribuer des chambres d'hôtels dans les golfs de la région, distribuer des billets d'avion pour des congrès de pneumologie en France ou à l'étranger, congrès où il arrive même que Irène Frachon soit insultée, congrès exotiques où la langue parlée est incomprise des dits pneumologues qui, pour certains, ne lisent que des articles écrits en anglais et traduits avec obligeance, quand ils sont favorables, dans la langue de Jules Romain (Knock). Et je n'ai rien dit des prescripteurs d'aérosols... sponsorisés par les grands laboratoires mondiaux.
    GOLD porte bien son nom.

    (René-Théophile-Marie-Hyacinthe Laennec - 1781 - 1826 - mort de la phtisie)

    jeudi 24 novembre 2011

    Le Gardasil prévient les affections démyélinisantes ! LOL !


    Le HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique) (voir ICI) dont on connaît l'indépendance vis à vis de Big Pharma (voir LA pour Daniel Floret) et l'indépendance vis à vis de la science (voir ICI pour Christian Perronne, le spécialiste bredouillant des squalènes), récidive à propos du Gardasil.

    Rassurez-vous, je ne vais pas vous resservir le plat concernant la vaccination par le Gardasil (CMT le fait beaucoup mieux que moi : LA), ce sera pour une autre fois car les vaccinologues sont en train de mettre le paquet à propos de la vaccination généralisée des filles à l'âge de 14 ans (bientôt dans les collèges ?) et, bientôt, pour les garçons, non, je vais vous parler d'un détail, un détail qui ne cesse de me faire rire et pleurer (il est vrai qu'avec les recommandations expertales le rire n'est jamais loin des larmes).

    De quoi s'agit-il ?

    Vous pourrez lire la prolifique littérature du HCSP en chargeant deux documents : l'un qui est un Avis relatif au vaccin Gardasil® et à la stratégie de prévention globale des cancers du col de l’utérus (LA) et l'autre, dans le même métal, qui s'appelle Le vaccin Gardasil® et la stratégie de prévention globale des cancers du col de l’utérus  (ICI). Je fais un aparté avant d'aller au fond du propos du post : Cette prose interroge car on se demande si l'oeuf a fait la poule ou si la poule a fait l'oeuf. Je m'explique. La lecture de ce document est manifestement inspirée de la littérature big pharmienne (les études cliniques) qui est elle-même au mieux écrite par des experts appartenant soit au HCSP, soit au CTV (Comité Technique des vaccinations) (LA) dont on peut voir ICI les agissements, soit signée par des auteurs fantômes, et elle va servir à faire de la visite médicale institutionnelle (le gouvernement) et commerciale (big pharmienne). Tout est dans tout et réciproquement.

    Donc, dans le premier document, je lis ceci (un copier coller d'autres documents émanant, c'est selon du HCSP, du CTV, d'Infovac, de l'INVS ou de la DGS) : Le nombre total de manifestations auto-immunes recueillies (démyélinisation aiguë centrale et périphérique, lupus érythémateux systémique, thyroïdite, diabète insulinodépendant, purpura thrombopénique idiopathique,...) reste faible (<6 cas / 1 000 000) et bien inférieur à celui attendu dans la population générale sur la base des données d’incidence et de prévalence disponibles dans la littérature [9]. Dans tous les cas, ces maladies peuvent survenir en l’absence de toute vaccination. Sans oublier ceci : Analyse des données nationales de pharmacovigilance
    L’analyse des données recueillies depuis leur mise sur le marché national jusqu’au 31 août 2011 est cohérente avec les taux de notification estimés pour le bilan international, soit 2 à 4 cas toute gravité confondue pour 10 000 doses vaccinales et 7 à 8 cas graves pour 100 000 doses vaccinales. Parmi la totalité des affections auto-immunes colligées durant cette période d’analyse (de l’ordre de 14 cas/ 1 000 000), il est difficile d’établir un éventuel lien de causalité puisque ces maladies peuvent survenir en l’absence de toute vaccination. En considérant que l’incidence naturelle des affections auto-immunes est la même dans la population vaccinée que dans la population générale, le nombre de cas observés suivant l’administration de plus de 4 millions de doses vaccinales est inférieur à celui de cas attendus [13].Tout le monde est habitué à ce genre de prose péremptoire. Elle a déjà été assénée pour l'hépatite B, le vaccin A/H1N1 et, pour ce dernier) il y eut même un article dans le Lancet qui allait en ce sens (ICI) (je rappelle pour ceux qui l'auraient oublié qu'il n'y a pas de Comité de Lecture au sens strict au sein du Lancet et que les influences de Big Pharma sont majeures).

    Ces deux passages sont d'une absurdité absolue. Remplaçons Gardasil (je demande de l'aide : où est la DCI ?) par amoxicilline, cela signifierait : Le nombre total de manifestations d'allergie à la pénicilline est bien inférieur à celui attendu dans la population générale sur la base des données d'incidence et de prévalence disponibles dans la littérature. La différence essentielle tient à ceci : nul n'ignore que l'amoxicilline peut entraîner des allergies alors qu'aucun vaccinologue n'est au courant qu'un vaccin, dont le mode d'action est de stimuler le système immunitaire, pourrait entraîner des effets néfastes sur ce même système.

    Ces deux passages signifient, en clair, que : 
    1. Le Gardasil prévient les affections auto-immunes puisqu'en augmentant le risque potentiel d'entraîner des affections auto-immunes on en trouve moins qu'attendu
    2. La pharmacovigilance ne recueille pas d'effets indésirables (ou très peu) et le nombre d'effets graves recueillis et déclarés à propos du Gardasil devrait être multiplié par un facteur 4610 selon Moride (1) ou par un facteur 50 selon moi (2), ce qui change la donne.
    Ce genre de phrases ne devrait plus se lire dans des publications officielles car elles ne signifient (au double sens du bons sens et des statistiques) rien. Elle montre l'état d'inconscience et d'impunité dans lequel nos experts, toujours les mêmes, disent la médecine au bon peuple.


    Références : 
    (1) Moride Y, Haramburu F, Requejo AA, et al. Under-reporting of adverse drug reactions in general practice. Br J Clin Pharmacol 1997;43:177-81
    (2) Grange JC. Un an de recueil prospectif et d’analyse des effets indésirables des médicaments en médecine générale (communication personnelle).
    (La jeune fille et la mort - 1517 - Hans Baldung Grien - 
    crédit : http://www.lamortdanslart.com/fille/fille.htm)

    samedi 19 novembre 2011

    Plus de jours de carence : plus de carences dans l'équité.


    Les nouvelles mesures gouvernementales (ou annoncées par le gouvernement) concernant les jours de carence (passage de 3 à 4 dans le privé et de 0 à 1 pour les fonctionnaires) sont bien entendu des mesures électorales et sont implicitement des mesures inéquitables à l'égard des faibles revenus et des travailleurs exerçant des métiers pénibles et non choisis.

    Des mesures électorales car c'est, encore une fois, et de façon facile, s'attaquer aux feignants, aux tire-au-flanc, aux glandeurs, aux flemmards, aux paresseux, aux traîne-patins, tous ces individus douteux qui ne peuvent être que les autres. C'est la différence éternelle entre le citoyen, le patient et le malade. Quelqu'un qui s'arrête ou qui se fait arrêter est suspect : il feint, il fait semblant d'être malade et, par la même occasion, il trouve un médecin qui le croit, qui fait semblant de le croire et qui l'arrête pour de mauvaises raisons. Les arrêts de travail ne concernent que les autres et quand nous sommes arrêtés, nous, nous le sommes pour la bonne cause.
    Des mesures inéquitables. Point n'est besoin de faire pleurer Margot pour constater que le délai de carence touche surtout les travailleurs des petites structures où il n'existe pas d'accord de complémentaire santé pour indemniser les jours de carence. Ces petites structures (20 % des entreprises, me dit-on) sont bien entendu celles où les travaux sont les plus pénibles, les moins motivants et les moins payés. Comment un énarque pourrait-il imaginer ce que représente sur la feuille de paie d'un (e) salarié (e) qui touche 1000 euro nets par mois la perte de trois et maintenant de quatre jours de salaire ? Plus le salaire est bas et plus la perte d'un jour de travailest importante : les énarques ne savent pas compter. Quand on s'arrête et que l'on "gagne" 1000 euro nets par mois, le fait-on pour s'amuser ? le fait-on pour se reposer ? Quand on a une grosse fièvre et que l'on passe quatre heures par jour ou plus dans les transports en commun, que l'on travaille à la chaîne, ou dans le froid ou les deux, ou les trois à la fois, sur une machine dangereuse ou sur un pont roulant, est-ce la même chose que d'être cadre dans une entreprise, de travailler dans un bureau chauffé et avec des jours de RTT en masse à rattraper ? Quand on s'arrête cinq jours, une angine blanche apparue le lundi, est-ce tout bénef, comme dirait Laurent Wauquiez le ministre zézayant, de ne pas être payé quatre jours et d'être payé en maladie le cinquième ? Car être payé en maladie, sans complément de salaire, ce n'est pas être payé autant qu'en travaillant, les énarques de droite (et de gauche) l'auraient-ils oublié ? Voir ICI. Et ne parlons pas des lombalgies, le mal du siècle, le mal du siècle des travailleurs sur les chantiers, dans les usines, dans les entrepôts, sur des charriots élévateurs ou dans les préparations de commande, mais pas le mal du siècle des cols blancs à moins qu'ils ne fassent de gros travaux dans leurs résidences principales ou secondaires. Un lombago pour un maçon, ce n'est pas la même chose qu'un lumbago chez une secrétaire ou, a fortiori, un DRH... Pour reprendre un travail salarié...
    Après les franchises médicales (voir ICI) appliquées aux travailleurs pauvres comme aux travailleurs riches, voici le non paiement d'un quatrième jour de carence (- 33 %) pour les "privés" et le non paiement d'un premier jour de carence (- 100 %) pour les fonctionnaires. Ne parlons pas des "jours enfants malades" qui concernent une certaine catégorie de travailleuses... dans le privé (ICI) comme dans le public (LA) mais aussi en fonction des conventions collectives. Les IJ (indemnités journalières) seraient-elles plus rentables que le travail ? Qui pourrait croire des choses pareilles ? Ne parlons pas des arrêts de longue durée qui sont le plus souvent liés à des accidents de travail ou à des maladies graves, arrêts de travail décidés de concert par le médecin traitant et par le médecin conseil mais pour lesquels les jours de carence n'entrent pas en compte.
    Pour les travailleurs pauvres travaillant dans les petites entreprises ou dans les entreprises ne donnant pas de complément de salaire, quel est l'intérêt financier de s'arrêter ? Quelles sont les raisons pour lesquelles un salarié s'arrête ? Pour gagner de l'argent ou pour se soigner ?

    Je ne suis qu'un médecin généraliste exerçant en zone sensible, dans une zone où il y a des ouvriers et des employés pauvres, des précaires, des CDI, des intérimaires qui travaillent chez Renault ou chez Peugeot et dont le premier arrêt de deux ou trois jours entraîne un licenciement immédiat, des cinq heures de transport par jour, des quatre heures de transport par jour, des trois heures de transport par jour, des mères de famille qui travaillent dur, qui transportent dur, qui font une double journée, qui sont payées au lance-pierre, dans les usines, dans les hôtels, dans les entreprises de nettoyage, des hommes et des femmes qui sont, aussi, des immigrés ou des fils d'immigrés, des femmes doublement exploitées comme travailleuses et comme femmes, des femmes qui s'occupent de leurs enfants et qui n'ont pas de jour enfants malades, je sais aussi qu'il existe des abus, désolé de donner des armes au gouvernement, tout le monde sait que le sport national, profiter des lois sociales, profiter en mentant, profiter en détournant des lois, profiter en trafiquant, est un sport qu'il est possible d'exercer à son profit mais qu'il est impossible que les autres exercent à leur profit...

    Je revendique pour mes malades des arrêts de travail dus aux mauvaises conditions de travail, des arrêts de travail dus au manque de motivation, des arrêts de travail dus à une ergonomie des postes de travail imbécile, des arrêts de travail dus à un manque de respect pour les travailleurs, à des arrêts de travail dus à une organisation débile du travail, à des arrêts de travail comme soupapes de sûreté pour des travailleurs qui n'en peuvent plus...

    Je revendique le retrait des dernières mesures iniques décidées pour faire du chiffre électoral, pour faire du chiffre économique, pour faire du chiffre social.

    Qui m'aime ou ne m'aime pas me suive !

    PS du 29 novembre 2011 : Je n'y suis pour rien : le quatrième jour de carence est finalement abandonné par le gouvernement mais pas le premier jour de carence pour les fonctionnaires : verre à moitié plein ou à moitié vide ?

    mardi 15 novembre 2011

    Accès aux soins. Histoire de consultation 105.


    Samedi 12 novembre, le lendemain du 11, et au cours d'un long week-end, j'ai travaillé. Je suis arrivé le matin et j'avais des rendez-vous de huit heures trente à 15 heures sans interruption.
    J'étais seul, sans secrétaire, et je savais que la journée allait être difficile. Bien entendu, aucun collègue parti en week-end (bien mérité), ne m'avait prévenu qu'il était absent.
    J'ai eu de nombreux appels, j'ai régulé, je me suis fâché avec une de mes patientes qui est venue chercher son dossier le lundi alors que je lui avais donné le numéro de téléphone d'un confrère qui travaillait et qui m'avait appelé le matin pour me dire qu'il pouvait recevoir des patients... J'ai dû refuser neuf consultations. Je suis parti à 16 H 15 du cabinet.
    Un patient m'a appelé vers dix heures, un patient de mon associée, j'ai vérifié en même temps qu'il me parlait qu'elle l'avait vu deux fois en cinq ans, pour me dire que c'était une urgence, cela commençait mal, je lui ai demandé ce qu'il avait et il m'a répondu, textuel, "Un gros rhume, je n'ai pas dormi de la nuit."
    Savez-vous ce que je lui ai répondu ?
    Donc, j'imagine que ce patient, s'il était interrogé par l'Ifop ou par Opinion way, et qu'on lui posait la question "Est-ce que vous avez eu, dans les six derniers mois, des difficultés pour trouver un médecin ?", répondrait "Oui".
    Et l'affaire est dans le sac : l'accès aux soins en France est problématique.

    Je ne nie pas que l'accès aux soins pose des problèmes économiques, sociaux, médicaux, ce serait mentir, mais, en ce cas, quand on a un rhume, on n'appelle pas son médecin, même si on n'a pas dormi la nuit précédente.
    J'ajoute que j'ai reçu hors rendez-vous trois petits patients (c'est le sentimentalisme lié à l'infantocratie). Mais une rhino-pharyngite, est-ce que cela nécessite une consultation urgente chez "son" généraliste ou six heures d'attente aux urgences dans les miasmes des locaux hospitaliers ?

    (Crédit photographique : Cheval Magazine. ICI)

    dimanche 13 novembre 2011

    Méningite C : des éléments pour décider ou non de vacciner. Par CMT.

    Docteurdu16. Je vous propose donc une contribution du docteur Claudina Michal-Teitelbaum sur la vaccination contre la méningite C. Un état de l'art que vous ne trouverez pas ailleurs.
    Une campagne agressive de Pfizer pour promouvoir le vaccin contre la méningite C. Pour qui sont les bénéfices ?
    Claudina Michal-Teteilbaum
    Certains ont pu être surpris voire choqués ou effrayés en allant au cinéma, par un petit film qui prend le spectateur non averti au dépourvu par sa brutalité. Il s’agit d’un film destiné à promouvoir la vaccination par le vaccin contre le méningocoque C chez les 15-24 ans que voicihttp://www.youtube.com/watch?v=0fhmnTAZsI8 .
    Il est difficile de parler de « sensibilisation » au sujet de ce film car on est plutôt dans l’intimidation et la culpabilisation. Des jeunes adultes, qui viennent de faire la fête, subissent un interrogatoire serré de type policier. Les comportements naturels à cet âge, comme s’embrasser, s’amuser ensemble, sont présentés comme dangereux et culpabilisants. Il y a comme des relents de puritanisme dans ce film : la méningite est une sorte de châtiment divin frappant à l’improviste les débauchés insouciants. Et c’est bien ce à quoi on pouvait s’attendre de la part d’un laboratoire américain comme Pfizer.
    Pfizer se substitue ainsi aux pouvoirs publics comme agent de prévention et, outre ce film plutôt effrayant, des dépliants de la même tonalité sont distribués aux médecins et des publicités se référant au film s’étalent sur les magazines pour adolescents.
    La raison de cette campagne est que, malgré l’avis favorable du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) en juin 2009, à la généralisation du vaccin contre le méningocoque C chez tous les enfants et adolescent de 12 mois à 24 ans et le remboursement des vaccins par la Sécurité Sociale, la couverture vaccinale (proportion de la population visée qui est effectivement vaccinée) en France reste faible puisque seuls 35% des enfants de 2 à 4 ans seraient vaccinés et 12% des 11-16 ans d’après l’Association Française de Pédiatrie.
    Cet avis venait contredire un précédent avis du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF) du 8 mars 2002http://www.sante.gouv.fr/dossiers/cshpf/a_mt_080302_meningo_conjugue.pdf qui refusait la généralisation du vaccin contre le méningocoque C compte tenu de la rareté des infections invasives dues au méningocoque C (faible incidence). Les autres raisons invoquées par le CSHPF pour ce refus étaient le taux d’incidence très variable d’un département à l’autre et l’incertitude sur le risque de substitution des souches de méningocoque C par d’autres souches de méningocoque après vaccination. Ce premier avis de 2002 a été complété par un autre, en date du 27 juin 2003,http://www.hcsp.fr/docspdf/cshpf/a_mt_270603_meningoc.pdf qui précisait les circonstances d’utilisation des différents types de vaccin chez les populations présentant des facteurs de risque de méningite http://www.med.univ-rennes1.fr/sisrai/dico/S736.html , à savoir lessujets ayant un déficit immunitaire comme ceux présentant un déficit en properdine, les sujets aspléniques (sans rate) et les sujets présentant un déficit de la fraction terminale du complément. La vaccination était aussi recommandée chez les sujets contactshttp://www.infectiologie.com/site/medias/_documents/officiels/2011-DGS-meningo.pdf ou habitant la même zone que les cas de méningite.
    Quelques notions sur les méningocoques
    Le méningocoque C est une bactérie dont le réservoir exclusif est l’homme. Le « portage » de la bactérie se fait au niveau de la muqueuse du nasopharynx.
    On admet qu’il y a environ 10% de porteurs en moyenne dans la population. Il s’agit deporteurs sains car ils ne développent pas la maladie. La proportion de porteurs est moindre aux âges extrêmes et maximale entre 15 et 24 ans où elle dépasserait 30%. Le portage est aussi plus fréquent chez des personnes vivant en communauté comme les militaires.
    La transmission de la bactérie peut avoir lieu lors de contacts rapprochés par le biais des gouttelettes de salive projetées lors de la toux, par le baiser, ou entre membres d’une même famille.
    Dans un très petit nombre de cas, essentiellement pendant l’hiver, et probablement le plus souvent en raison de l’existence de certains facteurs de risque (tels la virulence propre à la souche, l’immunodépression, le tabagisme actif et passif, la promiscuité, l’âge, une infection récente des voies respiratoires supérieures) la transmission de la bactérie par contact rapproché peut déclencher une bactériémie (passage de la bactérie dans le sang) qui peut provoquer ou non une septicémie (réaction inflammatoire brutale de l’organisme à la dissémination d’un germe pathogène par voie sanguine) ou une méningite (inflammation des méninges). Dans ces deux cas on parle d’ d’infections invasives à méningocoque (IIM).Celles-ci font l’objet d’une déclaration obligatoire (DO) par les médecins et d’un suivi spécifique sur le plan épidémiologique par le réseau EPIBAC de l’INVS. Les prélèvements bactériens réalisés sur les malades sont adressés à un Centre National de Référence (CNR)situé au sein de l’Institut Pasteur.
    En fonction de la bactérie détectée lors d’un épisode de méningite ou de septicémie et du nombre de cas déclarés, des mesures de préventionhttp://www.circulaires.gouv.fr/pdf/2011/02/cir_32603.pdf appelées prophylactiques,parfaitement codifiées, comme la distribution d’antibiotiques et la vaccination, sont mises en place afin de limiter le risque de survenue de nouveaux cas.
    On distingue deux formes cliniques des infections invasives à méningocoque de gravité inégale. On considère que la forme classique, la méningite, représente environ 70% des cas et a une mortalité de 5 à 6%. La forme septicémique, qui se manifeste généralement par un purpura (tâches rougeâtres et disséminées sur la peau) qui peut prendre la forme d’unpurpura fulminans qui peut être mortel en 24h, représente environ 24% des cas et a une mortalité de 35% en moyenne (Van Deuren 2000).http://cmr.asm.org/cgi/content/abstract/13/1/144
    Les cas secondaires, c'est-à-dire les personnes contaminées par un malade, restent rares, de l’ordre de 2%. A savoir que pour 50 malades on aura une seule personne contaminée par l’un d’entre eux, grâce aux mesures préventives prises lors de la détection d’un cas. L’élargissement progressif au cours du temps des campagnes de vaccination à des communautés de plus en plus grandes n’ont pas modifié cette proportion.
    Le nombre de cas d’infections invasives à méningocoque C (IIM C) ne cesse de diminuer depuis 2002 et est passé de 250 à 135 cas estimés en 2009 soit une diminution de 46% en 7 ans. Cette diminution est en réalité plus importante si on considère que le nombre de cas aurait dû augmenter mécaniquement compte tenu de plusieurs facteurs tels que l’élargissement des critères de déclaration à deux reprises en 2002 et en 2006http://www.invs.sante.fr/surveillance/iim/enteteweb.htm , l’introduction de nouvelles techniques diagnostiques (PCR) et l’augmentation du nombre de naissances.
    Les méningites à méningocoque C représentent en moyenne seulement 30% des méningites à méningocoque, le sérogroupe le plus fréquent en France étant le sérogroupe B qui représente environ 60% des cas de méningite à méningocoque.
    L’ensemble des méningites à méningocoque représentent, pour leur part, environ 30% de toutes les méningites. Elles arrivent en deuxième position après les méningites à pneumocoque qui sont les plus nombreuses et représentent désormais, après l’introduction du vaccin Prevenar en France à partir de 2001, plus de la moitié des cas de méningite .
    Ainsi, sur l’ensemble des méningites faisant l’objet d’un suivi épidémiologique par EPIBAC,moins de 10% sont des méningites à méningocoque C.
    En 2009 il y avait 135 cas d’IIM C soit 2 cas par million d’habitants ou 0,215 pour 100 000. C'est-à-dire 8,2% des cas sur un total de 1648 cas de méningite, dont 831 cas de méningite à pneumocoque (EPIBAC)http://www.invs.sante.fr/surveillance/epibac/donnees.htm
    D’après les données de l’INVS http://www.invs.sante.fr/surveillance/iim/default.htm le taux de guérison dans le cas des IIMC est en moyenne depuis 1995 de 74% (près des ¾ des cas), letaux de mortalité est de 16%, et il existe des séquelles dans 5% des cas. Dans 5% des cas l’issue n’est pas connue. Il est important de le préciser car les chiffres qui circulent, ceux mis en avant par les laboratoires pharmaceutiques en particulier, sont souvent fantaisistes.
    Le vaccin contre le méningocoque C est l’un des quatre vaccins inclus dans le calendrier vaccinal avec une recommandation de vaccination systématique du nourrisson ou de l’ adolescent entre 2003 et 2009. Ces quatre vaccins sont le vaccin contre le pneumocoque et le vaccin contre l’hépatite B en 2003, le vaccin contre le papillomavirus humain en 2007, et le vaccin contre la méningite C en 2009.
    Le nombre de vaccins obligatoires (diphtérie, tétanos, polio) ou recommandés à titre systématique chez l’enfant et l’adolescent est ainsi passé de huit à douze en quelques années entre 2003 et 2009 (1). Ces quatre vaccins ciblaient auparavant des populations présentant des facteurs de risque pour les maladies concernées. Il n’y avait aucune justification épidémiologique à la généralisation de ces vaccins puisqu’ il s’agissait de maladies rares, dont le nombre de cas était souvent en diminution, ou qui ne concernaient que très rarement les enfants, comme c’est le cas pour l’hépatite B en France, qui concerne rarement les enfants et pour laquelle plus de 80% des porteurs nouvellement dépistés de l’infection (présence de l’Ag HBs) sont nés en dehors de la France métropolitaine (http://www.invs.sante.fr/behweb/2011/01/pdf/BEHWeb1_2011.pdf )
    Or, plus on vaccine largement une population, plus on lui fait courir les risques inhérents à tout vaccin comme à tout médicament, tandis que les bénéfices attendus sont d’autant plus faibles que la maladie est rare dans la population visée.
    Pour comprendre les raisons de ce brusque engouement vaccinal, il faut les rechercher ailleurs que dans les bénéfices attendus pour la santé publique.
    Petit panorama du marché des vaccins
    Les années 1990 et 2000 ont été des années fastes pour les affaires au sein de l’industrie pharmaceutique. Ces années ont été marquées par une course au gigantisme par le biais d’une cascade de fusions-acquisitions.
    L’industrie pharmaceutique est réputée pour sa solidité dans le milieu des affaires et a traversé la crise mondiale de 2008 sans encombre comme le montre un article de La Tribunehttp://www.latribune.fr/journal/archives/edition-du-2810/business-industrie/19705/la-crise-economique-epargne-la-pharmacie-.html
    Suite au développement de firmes gigantesques, le marché des vaccins se trouve ainsi concetré à 80% entre les mains des cinq grandes firmes, que sont Pfizer, Novartis, Sanofi-Aventis, Merck, et GSK. Ces cinq firmes se situent aux six premiers rangs du classement des firmes pharmaceutiques selon le chiffre d’affaires.http://pharmactuposition.blogspot.com/2011/06/top-cinquante-mondial-2011-laboratoires.html
    A elles seules, elles représentent le quart du chiffre d’affaires des ventes mondiales de médicaments soit 216 milliards sur 870 milliards de dollars en 2010. Leur chiffre d’affaires conjoint représente autant que le Produit Intérieur Brut de l’Egypte, qui se situe au quarantième rang mondial.
    Pfizer est une société américaine et la première multinationale pharmaceutique au monde. Son chiffre d’affaires 2010, de 58,5 milliards, dépasse de près de 40% celui de Novartis , firme suisse, qui est deuxième avec 42 milliards de chiffres d’affaire. Tandis que Sanofi-Aventis est quasi ex aequo avec Novartis (cocorico … ?).
    En 2009 Pfizer a racheté Wyeth, un autre laboratoire pharmaceutique, pour la modique somme de 68 milliards de dollars avec un prêt de 22 milliards accordé par les banques. C’était un achat stratégique car un des principaux attraits de Wyeth était de posséder les brevets de deux vaccins, et non des moindres, le Prevenar 7 contre le pneumocoque et le Meningitec, contre la méningite C.
    Le Prevenar n’était rien moins que le premier vaccin blockbuster, à avoir dépassé en peu de temps le milliard de dollars de chiffres d’affaires. Il reste toujours en tête des ventes des vaccins, et son chiffre d’affaires mondial 2010 était de 3,7 milliards de dollars soit presque le quart du chiffre d’affaires de l’ensemble des ventes de vaccins dans le monde, qui était de 16 milliards de dollars cette année là. Le succès du Prevenar ne se dément pas malgré un bénéfice de plus en plus douteux pour la santé publique.http://sante.lefigaro.fr/actualite/2011/10/10/12851-meningite-pneumocoques-gagne-terrain-france
    En raison du succès du Prevenar, et aussi du Gardasil, qui a lui aussi dépassé le milliard de chiffre d’affaires, les laboratoires et le marché se sont enthousiasmés pour ce nouvel Eldorado qu’est le marché des vaccins, possible source de profits mirobolants.
    Les vaccins présentent en outre de très gros avantages du point de vue des firmes pharmaceutiques. http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/le-marche-du-siecle_482905.html?p=2
    Ils ne peuvent pas être copiés
    Ils nécessitent très peu d’investissements en marketing, dès lors qu’ils sont recommandés par les autorités sanitaires
    Ils dégagent des fortes marges bénéficiaires
    Ils peuvent faire l’objet de publicité directe au public en France, au nom de leur intérêt en termes de prévention
    Les perspectives de croissance du marché des vaccins sont considérées comme très exaltantes par le milieu des affaires, de l’ordre de 10% par an. Les firmes pharmaceutiques ne misent pas que sur l’innovation, mais misent beaucoup aussi sur leur capacité à faire pression sur les autorités sanitaires pour étendre les indications des vaccins qui génèrent des bénéfices. Ce fut le cas pour le Gardasil aux Etats Unis, désormais aussi agréé par la FDA chez les garçons de 9 à 26 ans en prévention des verrues génitales et du cancer de l’anus. Et les négociations sont en cours pour le Prevenar dont l’AMM va être étendue aux adultes de plus de 50 ans par l’Agence Européenne du Médicament (EMA) après l’avis positif du CHMP (Comité pour les Produits Médicaux à usage Humain) en septembre 2011 (http://www.ema.europa.eu/ema/index.jsp?curl=pages/medicines/human/medicines/001104/smops/Positive/human_smop_000294.jsp&mid=WC0b01ac058001d127)
    et par la Food and Drug Administration (FDA). Ceci pourrait générer un chiffre d’affaires supplémentaire de 1,5 milliards pour le Prevenar (http://www.pharmactua.com/2010/le-vaccin-prevenar-13-de-pfizer-pourrait-generer-15-milliards-de-ventes-supplementaire-en-sattaquant-au-marche-des-adultes/)
    Certains prévisionnistes estimaient que le marché des vaccins pouvait se développer pour passer de 16 milliards en 2010 à 52 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2017.
    Mais ces prévisions enthousiasmantes de croissance ne pourront se réaliser qu’à condition de vendre de grandes quantités de vaccins. Et de les faire payer très cher.
    Cela semble d’autant plus aisé à réaliser que le marché des vaccins, détenu à 80% par cinq très grosses firmes, s’avère être de moins en moins concurrentiel et que les accords de coopération entre grandes firmes sont nombreux. Comme dans le cas de Sanofi-Pasteur MSD qui est une coentreprise (joint-venture) possédée à parts égales par MSD et Sanofi-Aventis, consacrée uniquement aux vaccins, et chargée de la production du Gardasil en Europe.
    Cette absence de concurrence, plus que les coûts de production, explique l’augmentation déraisonnable des prix unitaires des vaccins.
    De fait, l’expansionnisme vaccinaliste des firmes pharmaceutiques s’est fait uniquement « au profit » des pays développés, et, malgré, une progression de 70% du chiffre d’affaires mondial de la vente des vaccins en quatre ans entre 2006 et 2010, les vaccins pédiatriques de base sont de moins en moins accessibles aux pays pauvres. Les raisons de cela sont analysées par ce document édité par l’OMShttps://extranet.who.int/aim_elearning/fr/finance/market.pdf . Ces raisons sont claires : moins de concurrence, une plus grande taille des producteurs et une plus grande recherche de bénéfices ont abouti à une augmentation des prix des vaccins pour les pays pauvres et à un déséquilibre financier des organismes chargés de les acheter pour le compte de ces pays, comme le GAVI http://fr.gavialliance.org/apropos/index.php
    Cette situation de pénurie et de dépendance des pays à faible revenu en matière de vaccins vis-à-vis des grands laboratoires n’est pas tout à fait due au hasard. Elle a été organisée au sein de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) à travers les accords ADPIC/TRIPS (Accord sur les aspects des Droits à la Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce)qui ont permis aux laboratoires pharmaceutiques de faire pression pour imposer aux pays pauvres des législations strictes sur la propriété intellectuelle limitant, pour ces pays, les possibilités d’importation de médicaments meilleur marché fabriqués par des pays émergents. Cela au nom de la préservation de la capacité d’innovation des firmes pharmaceutiques (publication PATH/OMS 2009,https://extranet.who.int/aim_elearning/fr/vaccines/mening/assessVaccine/vaccines.pdf ).
    L’actuel procès de Novartis contre l’état indien est directement lié à ces accords. En prenant pour prétexte la protection du brevet d’une fausse innovation, une version du Glivec (un anticorps monoclonal), Novartis tente de remettre en cause la loi indienne face à la Cour Suprême indienne. Cette loi permet à l’Inde, grâce à une certaine souplesse sur le droit à la propriété intellectuelle, de fabriquer des médicaments à bas prix pour de nombreux pays pauvres que les laboratoires pharmaceutiques négligent car ces pays ne sont pas solvables.
    Les firmes qui détiennent le marché des vaccins ne sont pas exactement des enfants de cœur et on peut s’alarmer du rôle croissant que leur accordent les pouvoirs publics et qu’elles s’octroient elles-mêmes dans l’ »éducation des patients » et dans les « campagnes de prévention » qui s’adressent au public et parfois même aux enfants et adolescents, comme c’est le cas pour la campagne orchestrée par Pfizer.
    Toutes ces firmes ont été lourdement condamnées, notamment pour publicité mensongère ou illégale concernant leurs médicaments aux Etats Unis. Pfizer totalise quelques trois milliards de dollars d’amendes (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/ ) . Et une publicité mensongère de Baxter concernant le Neisvac a été interdite par la direction de l’AFSSAPS http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000642388&dateTexte
    D’ailleurs, une part de plus en plus importante de l’activité du Haut Comité de Santé Publique est désormais consacrée à réglementer pour éviter les abus des laboratoires pharmaceutiques en matière de publicité et pas moins de quatre réunions de commissions sur 14 ont été consacrées à cela depuis début 2011. http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?ae=avisrapportsdomaine&clefdomaine=1&menu=09
    Les vaccins contre le méningocoque C
    Trois vaccins contre le méningocoque C sont actuellement commercialisés en France. LeMéningitec de Pfizer est le plus prescrit par les pédiatres, le Neisvac de Baxter est utilisé par les collectivités et dans les campagnes de vaccination autour des cas de méningite. Le troisième vaccin est le Menjugatekit de Novartis.
    Ces vaccins sont appelés vaccins polyosidiques conjugués car ils contiennent des protéines adsorbées sur l’adjuvant à base d’aluminium afin de renforcer la réponse immunitaire. Les protéines sont des toxines diphtériques ou tétaniques (CRM 197 pour le Méningitec). Ils contiennent aussi des polysaccharides, c'est-à-dire des glucides complexes qui sont desfragments de la capsule de certaines souches de méningocoques de type C qui jouent le rôle d’antigène (voir la composition du Meningitec)http://www.informationhospitaliere.com/medicamentsDetails0.php?id=11406
    Ces vaccins ont succédé aux vaccins polyosidiques non conjugués qui ne stimulaient l’immunité qu’à très court terme car celle-ci ne persistait qu’à peine pendant un à deux ans.
    Les nouveaux vaccins conjugués, commercialisés à la fin des années 90, ont été utilisés pour des gigantesques campagnes de vaccination sans qu’il y ait d’évaluation de leur efficacité par des essais cliniques, cette évaluation étant impossible à faire en raison de la rareté même de la pathologie visée.
    Pour évaluer leur efficacité on s’est donc uniquement fondé sur la mesure des variations des taux d’anticorps dirigés contre les fragments capsulaires du méningocoque C dans le sang après vaccination.
    Efficacité constatée à court terme dans les pays à forte incidence de l’infection invasive à méningocoque C
    La vaccination par les vaccins contre le méningocoque C a débuté en Europe entre la fin des années 1990 et le début des années 2000 dans les pays à forte incidence pour le méningocoque C.
    Les cinq premiers pays à avoir instauré une vaccination généralisée des nourrissons et adolescents ont été la Grande Bretagne (novembre 1999), l’Irlande du Nord (octobre 2000), l’Espagne (octobre 2000), la Belgique (décembre 2001) et les Pays Bas (septembre 2003). Ces cinq pays avaient une incidence des infections invasives à méningocoque C (IIM C) allant de 1,9 (la Belgique) à 4 (Irlande) pour 100 000 et étaient classés parmi les pays à forte ou très forte incidence pour l’ensemble des cas de méningite à méningocoque tous sérogroupes confondus ainsi que pour l’incidence des IIM C. L’incidence actuelle en France de la méningite C est faible, de 0,215 pour 100 000, soit environ dix à vingt fois inférieure à celle de ces pays au moment du lancement des campagnes de vaccination.
    Efficacité de la vaccination
    La mesure de l’efficacité devrait prendre en compte le caractère variable et cyclique de l’épidémiologie du méningocoque C et la comparabilité des chiffres d’un pays à l’autre
    Il est difficile d’évaluer l’efficacité du vaccin de manière précise à cause du caractère cycliquede l’évolution de l’incidence des IIM C dans le temps. Il existe périodiquement des pics d’incidence des infections invasives à méningocoque, et ceux-ci peuvent survenir tous les 20 à 30 ans.


    Or, dans les pays où la vaccination généralisée a été mise en place au début des années 2000, une diminution de l’incidence pour le sérogroupe B a été constatée, moins importante que celle du sérogroupe C, mais signifiant probablement que l’on était à la phase descendante du cycle. Il est donc difficile d’évaluer la part de la diminution des cas d’IIM C qu’on peut attribuer au vaccin.
    D’autant que dans certaines régions comme le pays de Galles, le nombre de cas à IIM C avait déjà été très bas dans le passé.
    Number of laboratory reports* ofNeisseria meningitidis, Type B and C, in Wales: 1975-2010 data (CSF and blood specimens only)



    Certains pays européens n’ayant pas mis en place la vaccination, tels que la Grèce, la Suisse, le Danemark, la Norvège ont connu une réduction de l’incidence globale des infections invasives à méningocoque de l’ordre de 50%, entre 1999 et 2006. C'est-à-dire une réduction aussi importante que les pays qui avaient mis en place une vaccination systématique contre le méningocoque C . D’autre part,l’incidence globale moyenne des infections à méningocoque dans les pays européens ayant mis en place la vaccination généralisée était de 2,5 à 3 pour 100 000 en 2006, tandis que l’incidence moyennedes pays n’ayant pas mis en place la vaccination était de 0,5 à 1 pour 100 000 (rapport EU-IBIS, système européen de surveillance des infections bactériennes invasives ) http://www.hpa-bioinformatics.org.uk/euibis/documents/2006_meningo.pdf.
    De plus, les chiffres ne peuvent pas être comparés d’un pays à l’autre.
    En 2002 par exemple, 2818 cas de méningite ont été déclarés en Angleterre et au Pays de Galles, mais seulement 923 ont été confirmés en laboratoire et présentés dans les statistiques officielles, soit 32% des cas déclarés. En France, sur 672 cas estimés, 610 ont été confirmés en laboratoire, soit 89% des cas estimés.
    Une étude http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=586 publiée par Eurosurveillance (Trotter, 2005) montre qu’il existe une grande variabilité de la prise en compte des chiffres et du recueil des cas entre les pays européens et montre que l’Angleterre était, entre 1982 et 1995, le pays qui sous-estimait les le plus les chiffres de la méningite, tandis que la France progressait fortement dans la prise en compte des notifications entre 1996 et 2000. Le Royaume Uni est le pays qui a débuté la vaccination en premier et dont les chiffres officiels d’incidence de l’IIM C sont considérés comme les plus faibles d’Europe, d’après l’EU-IBIS. L’incidence de l’IIM C en 2006 pour les autres pays européens ayant débuté la vaccination à la même période était proche de 1 par million, tandis qu’elle était officiellement de 1 pour 2 millions au Royaume Uni.
    L’efficacité du vaccin à court et moyen terme pour réduire le nombre de cas est donc probable mais elle a surtout été constatée dans des pays à forte ou très forte incidence pour la méningite C et a nécessité des campagnes de vaccination très massives. En Grande Bretagne, 33 millions de doses de vaccins ont été utilisées depuis 1999.
    Donc, les recommandations officielles actuelles de vaccination systématique du nourrisson et de l’adolescent en France se basent sur une comparaison des chiffres d’incidence de la méningite C avec les pays ayant introduit cette vaccination alors même que ces chiffres ne peuvent pas être comparés. Néanmoins, si l’on prend malgré tout en considération les chiffres officiels de 2006, la différence du nombre de cas d’IIM C entre la France et ces pays est de l’ordre de 1 cas par million.
    Pour qu’une campagne de vaccination ait un rapport bénéfice/risque favorable, il faudrait donc que les effets indésirables graves soient largement inférieurs à 1 pour 1 million.
    Efficacité variable en fonction de l’âge et déclin de l’immunité vaccinale avec le temps
    Le Royaume Uni a choisi et conservé un schéma à trois doses, plus coûteux et entraînant plus de risques d’effets secondaires chez de très jeunes nourrissons puisque la vaccination doit se faire à 4, 6 et 13 mois conjointement à d’autres vaccins. Un essai clinique de phase 4 publié en 2010 (Perrett 2010) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20459323 a montré que la majorité des enfants de 6 à 12 ans vaccinés de cette manière n’étaient plus immunisés. Cela nécessite donc un rappel. Les enfants anglais devraient donc recevoir au moins 4 doses de vaccins contre la méningite C entre la naissance et six ans si l’on veut maintenir chez eux un taux d’anticorps protecteur.
    La Belgique wallonne a choisi, en 2002, de vacciner les enfants entre un et cinq ans, dans un premier temps, puis ceux de 12 à 24 mois. Cela se rapproche davantage du schéma français qui propose de vacciner les enfants et adolescents entre 1 et 24 ans. Selon le rapport annuel 2010 du Centre National de Référence Belgehttp://bacterio.iph.fgov.be/reporting/reportspdf/RapportAnnuelMeningo2010.pdf le nombre de cas de méningite C est en augmentation et est passé de 7 cas en 2009 à 10 cas en 2010 . La population de la Belgique est de 11 millions d’habitants. Cela représente donc 0,09 cas pour 100 000 soit la moitié des cas français.
    Sur les 10 cas de 2010, 7 se sont produits avant 19 ans. Globalement, en Belgique, le nombre de cas de méningite à méningocoque est revenu au niveau où il était au début des années 90.
    Tout cela indique qu’une seule dose de vaccin ne serait pas suffisante pour maintenir une immunité durable. Comme on pouvait s’y attendre, il faudrait donc faire des rappels.
    La pharmacovigilance et les effets secondaires connus
    La tendance actuelle dans les milieux des autorités sanitaires est un peu schizophrénique. Elle consiste à déclarer que tout médicament ou vaccin peut comporter des effets secondaires tout en s’efforçant de les minimiser ou de les nier lorsqu’ils surviennent.
    Les insuffisances du système de pharmacovigilance ont été dénoncées par un rapport de l’IGAS(Inspection Générale des Affaires sanitaires)http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/Synthese_RM2011-103P_pharmacovigilance.pdf de juin 2011, où était cité le Pr Bégaud qui constatait que : « (...) au fil du temps, par méconnaissance des règles de base des probabilités et, sans doute, sous pression de la pharmacovigilance industrielle, les observations douteuses ont été peu à peu considérées comme des cas peu démonstratifs, voire dans lesquels la responsabilité du médicament ne pouvait pas décemment être retenue. Ceci a pu justifier de les retirer des séries d’observations présentées au Comité Technique ou à la Commission Nationale de Pharmacovigilance ou, en tout cas, des calculs de « risque », amputant ainsi le numérateur observé d’une bonne part de son effectif (rappelons que la cotation douteuse est de loin la plus fréquemment observée en routine avec la méthode française) »
    Ainsi, non seulement la sous notification due au fait qu’il s’agit de déclarations spontanées n’est pas prise en compte, mais les effets secondaires sont niés puisqu’ il est désormais entendu que pour qu’un effet secondaire soit pris en considération il faut que le lien de causalitéavec le médicament ou le vaccin ait pu être établi de manière certaine.
    Une logique éthique de protection de la santé publique voudrait qu’on retienne comme effets secondaires avérés tous ceux dont le lien avec le médicament n’a pas pu être formellement exclu, et qu’on s’efforce d’évaluer la sous-notification afin d’apporter les corrections nécessaires.
    Malgré cela, et même en ne tenant compte que des effets secondaires notifiés, le très mauvais rapport bénéfice/risque du vaccin est manifeste, malgré les affirmations répétées et mécaniques des Agences nationales et européenne disant que les vaccins contre le méningocoque C sont « safe » (sûrs).
    Les effets indésirables graves (2) déclarés pour le Meningitec au début de la campagne de vaccination étaient de 861 pour 19,2 millions de doses soit de quelques 4,5 pour 100 000 ou 45 par million (voir ici l’avis du CSHPF)http://www.sante.gouv.fr/dossiers/cshpf/a_mt_080302_meningo_conjugue.pdf . Cela fait beaucoup dès lors que la réduction du nombre de cas de méningite espérée est, au mieux, de l’ordre de 1 pour 1 million.
    D’autres effets indésirables graves ont été signalés en Belgique au début de la campagne de vaccination en 2002 menée avec les vaccins Meningitec et Neisvac.
    Entre le début de la campagne de vaccination, en décembre 2001 et février 2002 le centre de pharmacovigilance belge a reçu 21 notifications d’effets indésirables pour lesquels un lien avec la vaccination était suspecté. On peut supposer qu’en aussi peu de temps ces notifications ne portaient que sur quelques dizaines de milliers de vaccinations. Parmi ces 21 effets secondaires 10 notifications de pseudo-méningite (inflammation méningée sans infection) chez des sujets de 5 à 20 ans, dont une perte partielle bilatérale de l’auditionchez une petite fille de 7 ans, réversible en 8 mois. 7 patients sur 10 ont récupéré. On notait aussi un laryngospasme chez un garçon de 8 ans (spasme du larynx avec difficultés respiratoires), deux notifications de purpura thrombopénique chez des enfants de 3 et 11 ans et un cas de paralysie faciale chez un enfant de 11 ans.
    Les convulsions sont parmi les effets secondaires graves constatés les plus fréquents avec ces vaccins et sont décrits dans le RCP http://afssaps-prd.afssaps.fr/php/ecodex/frames.php?specid=69391124&typedoc=R&ref=R0186004.htm (résumé des caractéristiques du produit) de la manière suivante : « De très rares cas de crises convulsives ont été rapportés suite à la vaccination par MENINGITEC; les patients ont généralement récupéré rapidement. Certaines des crises convulsives rapportées pouvaient être des syncopes. Le taux de crises convulsives rapportées se situait en dessous du taux de référence de l'épilepsie chez les enfants. Chez les nourrissons, les crises convulsives étaient généralement associées à de la fièvre et étaient vraisemblablement des convulsions fébriles ».
    Un effet secondaire grave « très rare » est un effet dont la fréquence peut aller jusqu’à une fois pour 10 000 et donc qui peut-être quelques 100 fois plus fréquent que les bénéfices attendus de la vaccination.
    Dans un rapport de la MHRA http://www.mhra.gov.uk/home/groups/pl-p/documents/websiteresources/con2022528.pdf, l’agence de pharmacovigilance britannique, les cas de convulsions déclarés présentent une fréquence de 1 pour 60 000. Ce même rapport mentionne 18 décès pour 18 millions de doses.
    Parmi les effets considérés comme non graves mais très fréquents, c'est-à-dire rencontrés dans plus de 10% des cas, énumérés dans le RCP http://afssaps-prd.afssaps.fr/php/ecodex/frames.php?specid=69391124&typedoc=R&ref=R0186004.htm on trouve une fièvre supérieure à 38°C, l’anorexie, l’irritabilité, les vomissements et la diarrhée, la somnolence ou les troubles du sommeil. Et également des effets secondaires locaux : tuméfaction, douleurs.
    Tout ceci semble bien indiquer que le rapport bénéfice/risque d’une vaccination généralisée est très défavorable.
    LES RISQUES A MOYEN ET LONG TERME D’UNE VACCINATION GENERALISEE
    Les risques toxicologiques
    Même si on veut les considérer comme peu importants il est impossible de les négliger complètement. Ces risques sont aggravés par les choix technologiques des industriels.
    Ainsi, les vaccins sont de plus en plus souvent composés de petites fractions du germe pathogène (polyosides du méningocoque, fractions antigéniques de virus) qui stimulent très peu par elles-mêmes le système immunitaire. C’est le cas pour la plupart des vaccins inactivés. C’est pourquoi, pour permettre une stimulation du système immunitaire, de nouveaux adjuvants sont introduits de plus en plus souvent dans les vaccins. Cela fut le cas pour le Pandemrix, vaccin anti-grippal utilisé en France pendant la grippe pandémique de 2009 et qui avait pour adjuvant le squalène. Cet vaccin a provoqué des cas de narcolepsie chez des enfants et adolescents http://docteurdu16.blogspot.com/2011/07/lagence-europeenne-protege-le-pandemrix.html
    Jean-Louis Virelizier, virologue, l’avait prévu dans son cours sur les Stratégies de Survie des Virus et Défense de l’Hôte http://virologie.free.fr/documents/virologie/07-Strategie_survie_virus/Strategie_survie_virus.htm : « "Compte-tenu des progrès technologiques actuels, on pourrait être tenté d'utiliser comme préparation vaccinale de petites protéines recombinantes, ou de simples peptides synthétiques correspondant aux antigènes donnant lieu à des réponses humorales neutralisantes et protectrices. Cette attitude, toutefois, n'est que superficiellement logique, et peut aboutir à de graves déboires. L’immunogénicité des peptides est souvent médiocre, et impose l'utilisation d'adjuvants qui ne peuvent remplacer la dissection naturelle d'un virus par le système lymphocytaire T, et moins encore la reconnaissance intrastructurale différentielle d'une particule virale par les lymphocytes T et B, décrite plus haut. Dans ces conditions, la quantité d'anticorps produite sera médiocre malgré la répétition des injections, ce qui constitue un grave obstacle aux campagnes de vaccination, particulièrement dans le Tiers-Monde. "
    L’utilisation d’adjuvants comme les composés à base d’aluminium (hydroxide, phosphate ou sulfate d’aluminium) ne peut pas être considérée comme totalement sans danger. La toxicité de l’aluminium, principalement neurologique, a été démontrée de manière expérimentale sur la souris et de manière accidentelle sur l’homme lorsque des produits contenant ces composés ont été administrés aux prématurés en néonatologie et à des jeunes dialysés provoquant une forme de démence chez ces derniers et un retard psychomoteur chez les nourrissons. Il s’agissait alors d’administrations répétées ou prolongées dans le temps.
    La liaison de l’aluminium avec d’autres molécules comme les toxines incluses dans les vaccins méningococciques conjugués forme des complexes qui empêchent son élimination urinaire. La barrière hémato-méningée est aussi plus perméable aux molécules chez le nourrisson et l’enfant (Tomljenovic, 2011)http://vaccinexchange.files.wordpress.com/2011/05/tomljenovic_shaw-cmc-published2.pdf . On ignore, d’autre part, quels sont les seuils toxiques, par prise ou cumulatifs. Mais les doses tolérables sont forcément plus faibles chez l’enfant.
    La toxine diphtérique CRM 197 utilisée dans le Méningitec a en elle-même un potentiel toxique (QIAO 2007) http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S004101010700356X
    Le risque de réduction du portage et de remplacement des sérogroupes
    La réduction du portage du méningocoque C, qui était redoutée par divers auteurs, s’est effectivement produite en Grande Bretagne. Mais pour l’instant on n’a pas mis en évidence de remplacement des sérogroupes.
    Le risque de réduction de l’immunité naturelle, d’absence d’immunisation des nourrissons par les anticorps maternels, et d’augmentation de la fréquence et de la gravité des cas de méningite chez les nourrissons
    Il ne s’agit pas de science fiction puisque cela a été observé pour la coqueluche et a rendu nécessaires des rappels itératifs et de plus en plus tardifs du vaccin anticoquelucheux. Cela a eu lieu également pour la rougeole, où l’interruption de la circulation du virus suite à la vaccination de masse des enfants, a provoqué un report des cas vers des nourrissons de moins de un an et vers des adultes qui présentent plus souvent des formes graves et doivent être hospitalisés.
    L’immunité naturellement acquise contre le méningocoque se présente comme cela :




    D’après Pollard & Frasch
    On voit que la proportion de la population immunisée augmente rapidement avec l’âge pour atteindre des taux de l’ordre de 90%. Elle est ensuite probablement maintenue grâce aux contacts avec des porteurs sains, c'est-à-dire à la circulation naturelle du méningocoque.
    En cas de diminution du portage et de moindre réactivation naturelle de l’immunité, les mères ne transmettraient pas d’anticorps à leurs enfants, et le moindre contact avec un porteur pourrait avoir des conséquences graves pour les nourrissons.
    Le problème est donc complexe et une vaccination systématique ne devrait pas être entreprise au hasard mais tenir compte de l’évolution à long terme de l’immunité de l’ensemble de la population.
    Le risque de la nécessité de rappels itératifs
    L’immunité naturelle ou non spécifique du jeune enfant n’étant pas stimulée, ou partiellement, par ce vaccin fractionné, le risque existe de devenir totalement dépendants, pour se protéger, de rappels itératifs du vaccin, au risque de connaître des flambées épidémiques graves si ces rappels n’étaient pas pratiqués. Chaque rappel supplémentaire augmentant à la fois les coûts et les risques d’effets secondaires.
    C’est ce type de considérations qui avait amené le CSHPF à refuser la généralisation du vaccin contre la varicelle en 2004.http://www.sante.gouv.fr/dossiers/cshpf/a_mt_190304_varicelle_def.pdf
    Le risque d’augmenter indéfiniment les dépenses pour des vaccins qui n’offrent que peu ou pas de bénéfices pour la santé publique
    Le rapport du groupe de travail du HCSPhttp://www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspr20090424_meningC.pdf considérait déjà en 2009 que le rapport coût /bénéfice dépassait les normes acceptables pour la plupart des stratégies de vaccination envisagées. Ces coûts sont pourtant très généreusement calculées puisque le coût tolérable par convention dans les pays industrialisés est de 50 000 dollars par année de vie hypothétiquement gagnée en bonne santé, et donc supérieur au PIB par an et par habitant de la France.
    Le remboursement des vaccins étant accordé de manière automatique dans les faits après avis favorarble du Comité technique de Vaccination et du HCSP, l’augmentation rapide des dépenses pour des vaccins apportant peu ou pas de bénéfices pour la santé publique pose la question du service réel rendu par une vaccination à titre systématique par ces vaccins et de la juste allocation des ressources dans un objectif d’amélioration de la santé publique.
    En conclusion
    Seule la faible « acceptabilité » par le public de certains vaccins a pu freiner un peu jusqu’ici le développement explosif du marché des vaccins. Les autorités sanitaires n’ont pas osé recommander la généralisation de vaccins dont elles avaient la certitude qu’ils ne seraient pas acceptés par le public. Il en a été ainsi de celui contre la varicelle.
    L’industrie pharmaceutique a, dans ses pipelines, plus de 245 vaccins préventifs et 90 vaccins thérapeutiques. Il est donc important pour tout le monde, et, en particulier, pour les médecins et les parents, d’acquérir une culture en matière de vaccins face à une publicité et des pratiques de marketing et de lobbying de plus en plus agressives et de moins en moins contrôlées.
    Un rapport de 2010 de la DREES (Direction de la Recherche des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques) http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/er729.pdf se félicitait du « dynamisme » du marché des médicaments et du fait que « En 2008, la classe thérapeutique« autres vaccins » a le plus contribué à la croissance du marché des médicaments remboursables (0,8 point) ».
    Bravo, donc, aux vaccins et aux laboratoires pharmaceutiques.
    Mais pour qui était vraiment le bénéfice ?

    Références
    (1) Par ordre chronologique d’introduction les vaccins recommandés à titre systématique chez l’enfant en l’adolescent dans le calendrier vaccinalhttp://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Tableau_des_vaccinations_recommandees_chez_les_enfants_et_adolescents.pdfsont le vaccin contre la diphtérie rendu obligatoire en 1938, le vaccin contre le tétanos, obligatoire depuis 1940, le vaccin contre la coqueluche, introduit en 1962, le vaccin contre la poliomyélite, obligatoire depuis 1964, le vaccin trivalent contre la rougeole les oreillons et la rubéole, généralisé en 1986, le vaccins contre l’Haemophilus Influenza de type b, commercialisé depuis 1992. Le BCG n’est plus obligatoire et est réservé aux groupes à risque depuis 2007.
    (2) effet indésirable grave : un effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation http://ead.univ-angers.fr/~pharmaco/pharmacovigilance/definitions.htm
    Je n’ai pas de conflits d’intérêts
    Je remercie :
    MG pour m’avoir permis de récupérer mes anciens articles ce qui m’a évité de tout reprendre depuis le début
    Virginie Belle, pour la référence au sujet de l’aluminium
    Et Jean-Claude Grange pour tout le reste

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    Une campagne agressive de Pfizer pour promouvoir le vaccin contre la méningite C. Pour qui sont les bénéfices ? de Claudina Michal-Teteilbaum est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Partage à l'Identique 3.0 non transposé.
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