lundi 31 mai 2010

LA NOUVELLE EXPERTISE MEDICALE APRES LE FIASCO GRIPPAL : PIERRE BACHELOT

Nous nous demandions tous avec angoisse comment Roselyne IMC Glaxo allait prendre le virage de la nouvelle expertise après le fiasco de la campagne menée contre la grippe pandémique.
Car il est vrai que d'énormes problèmes se posaient : les rapports de l'expert avec le vulgum pecus, les rapports de l'expert avec la science, les rapports de l'expert avec l'épistémologie, les rapports de l'expert avec la compétence, les publications, les industriels, Big Pharma, le pouvoir politique, le principe de précaution, le catastrophisme éclairé, l'éthique, la démocratie... et j'en passe. Toutes ces réflexions étant, on l'a bien compris, le pain quotidien de cette Ministre et son souci permanent.
Roselyne IMC Glaxo n'a pas traîné : avec son enthousiasme habituel, son sourire ravageur, ses convictions inébranlables, sa morale inattaquable et exemplaire, son esprit d'à propos, son sens aigu de la communication, sa légendaire bonhommie, elle a fait fort.
Auparavant, pour être un bon expert selon Roselyne, il suffisait, si j'ose dire, d'être Médecin des Hôpitaux, de penser droit et à droite, d'avoir des conflits d'intérêts si voyants qu'il était difficile de savoir quel palefrenier avait rempli sa mangeoire, de ne pas forcément être très bon, de mal connaître la littérature internationale, d'ignorer la Collaboration Cochrane, de peu publier ou de publier beaucoup dans des revues lues seulement dans les kiosques, de ne pas parler anglais, de cotiser dans les caisses de retraite de l'industrie pharmaceutique, d'occuper un poste officiel éminemment politique ou de ne pas avoir tout cela, avoir un simple CESAM comme outils statistique, avoir comme références des emplois dans le marketing ou d'être idiot tout simplement.
Eh bien Roselyne, en femme politique qui sait ce qu'elle veut, a tranché : elle a nommé son fils Pierre Bachelot, à l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé). Pour faire taire les mauvaises langues, et ne doutons pas que ces méchants parleront de népotisme, de favoritisme, d'interventionnisme, je vous propose de lire un article du Figaro dont la rudesse et la méchanceté seraient passées inaperçues dans Libération mais qui, dans l'organe de la sarkozye, ne manque pas d'intérêt : ici. On y apprend que le fiston dont on voit le portrait en haut de ce billet, doit sa carrière à l'ascension de sa mère, qu'il sera chargé de lobbying (la famille a des gènes solides) et que la liste de ses diplômes est aussi épaisse que le nombre d'essais cliniques effectués chez les femmes enceintes avant la pandémie...
Les experts bachelotiens sont donc des fils pour elle et il est clair que François Bricaire et Bruno Lina, experts devant l'Eternel, et pourtant fils perdus de l'inconséquence expertale, ne pourront qu'être jaloux de cette nomination qui, malgré tout, est probablement es qualités.
Madame Bachelot a-t-elle une fille ?

dimanche 30 mai 2010

ENURESIE - HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-SIXIEME EPISODE

Madame A est une "nouvelle patiente" qui vient consulter pour son fils de six ans qui fait pipi au lit. C'est elle qui se met en avant. Tout est centré autour d'elle. N'interprétons pas, écoutons-là. "Il me fait pipi au lit tous les soirs... Je commence à en avoir marre... C'est pour lui, c'est un grand... J'ai tout essayé, je ne l'ai pas grondé, je l'ai grondé, je l'ai privé de télé, de DS et j'en ai assez... Il me saoule... Bien sûr (et nous sommes dans l'intégralité de son discours...) que le divorce n'a pas arrangé les choses... Il ne voit plus son père... Mais je n'y suis pour rien... C'est la vie... Alors, docteur, il faut faire quelque chose, vous devez bien avoir une solution, ça finit par coûter cher, les couches..." Pendant ce temps le petit garçon n'écoute pas. Il monte sur le fauteuil, il met les doigts sur le bureau, il s'empare du cachet, il touche les fils de l'ordinateur, il se lève... Et Madame A ne dit rien. Elle parle d'elle-même. C'est elle qui souffre de l'énurésie de son fils. Mais est-ce que l'énurésie est une souffrance pour l'enfant ? "J'ai essayé de ne pas le culpabiliser... Mais j'en ai marre... Il me pourrit la vie..."
Bien entendu cette maman a déjà consulté plusieurs médecins auparavant. Je suis un recours. Je me demande bien pourquoi.
Je suis un recours et elle me pose le marché en des termes clairs : "Vous devez trouver une solution ! C'est vous le médecin ! Ce n'est pas normal un enfant qui n'est pas propre... Faites quelque chose !"
Je ne reviens pas sur un des fonds du problème : cette femme m'insupporte. J'ai du mal avec ce discours englobant qui ne laisse aucune autonomie à l'enfant. Bien que je me méfie comme de la peste du concept d'autonomie qui revoie à nombre de concepts qui m'exaspèrent sur l'école centrée sur l'enfant et non plus sur l'enseignement, je pense que cette maman en fait trop dans l'autre sens. Encore que... D'un côté elle confisque sa parole et de l'autre elle lui laisse faire ce qu'il veut dans mon bureau (selon mes critères, entendons-le bien). Ce que j'aime le moins (et que nous faisons tous, surtout avec nos patients) : elle change de technique tout le temps ; la carotte puis le bâton, l'engueulade puis la valorisation, la trique et le bisou ; dans la même phrase. Je connaissais un dirigeant d'entreprise qui disait : Il vaut mieux une mauvaise politique que pas de politique du tout. Il exagérait, bien entendu. Mais, c'est mon avis, je ne voudrais l'imposer à personne, les enfant sont besoin de repères, je n'ai pas dit limites, des repères pour savoir exactement où ils en sont.
Mais la vraie question : l'énurésie est une sacrée difficulté dans nos pratiques. La diversité des traitements proposés rend compte de leur inefficacité globale. Plus je lis des articles et plus je suis moins convaincu. Il fut un temps, quand je me suis installé, il y a un peu plus de trente ans, on tenait déjà un discours de responsabilisation de l'enfant ("Tu es un grand, mon bonhomme... Il faut que tu contrôles tes urines, c'est la preuve que tu es devenu grand...") et, dans le même temps on prescrivait des antidépresseurs à petite dose (imipramine). C'était la mode. Des antidépresseurs pour des enfants de six ans. On avait aussi les parasympatholytiques comme l'oxybutinine qui donnait de nombreux effets indésirables dont la sécheresse de bouche et des troubles neurologiques parfois importants. Puis sont apparus d'autres produits dont l'efficacité était aussi peu importante que leurs effets indésirables étaient établis... Il y avait aussi la psychologie et, bien entendu, venant de l'Amérique du Nord, les thérapeutiques cognitivo-comportementales avec des images pour des nuits "sèches". Il y avait aussi le pipi stop, la couche qui réveille l'enfant quand il fait pipi.
Chacun faisait sa petite cuisine, on faisait des mélanges et le gamins continuaient de pisser à leur rythme ballotés entre la honte de ne pas être propre et les alternances carotte / bâton. Je ne me rappelle plus ce que racontaient les freudiens, j'ai oublié ou je l'ai intégré dans mon inconscient, les histoires de régression, le 'Je le fais payer à mes parents' avec la naissance du petit frère, la jalousie et l'image de la mère et l'image du père... l'angoisse de castration, que sais-je encore ?
Bon, je m'égare. Rien ne marche.
Cette maman m'énerve et je n'ai pas réussi à placer un mot à cet enfant qui ne savait pas manifestement qu'il allait chez le médecin pour qu'on parle de pipi au lit, ce visiteur nocturne, mon prêchi prêcha classique à mi chemin entre la responsabilisation, l'autonomisation, l'analyse freudienne, l'aplomb des urologues, et l'affreux bon sens.
De toute façon, le gamin, il avait déjà eu tout cela, ou presque. Donc j'ai fait le bon docteur Balint, c'est à dire celui qui est conscient que le médicament c'est le médecin et j'ai couru à l'échec avec un entrain exceptionnel.
Quant à la mère, il lui aurait aussi fallu un cours sur tout ce qu'il ne faut pas faire avec les enfants mais j'ai déjà donné, je me suis déjà trompé, donc j'ai battu retraite en rase campagne.
Je ne crois pas que ces deux là, je les reverrai.

jeudi 27 mai 2010

J'AURAIS VOULU ETRE BOBOLOGUE...

Hier mercredi, la journée a été catastrophique. Trop de malades, trop de malades à problèmes, trop de problèmes sans intérêt, trop d'intérêts sans problèmes.
C'est pourquoi, tandis que je recevais mon énième malade, tandis que je pensais aux coups de téléphone que j'aurais dû passer, aux coups de téléphone que j'aurais dû recevoir, aux papiers que j'avais promis et que je n'avais pas faits, aux dossiers que j'aurais dû terminer et qui seront encore là demain, aux courriers que j'avais reçus de l'hôpital et qui racontaient des histoires curieuses sur des patients que je connaissais pourtant, aux courriers péremptoires de collègues qui ne vivaient pas dans la vraie vie mais dans une abstraction que l'on aurait pu appeler la fausse bonne médecine académique, je rêvais du monde de la médecine générale selon Patrick Pelloux, un monde de bobologie, un monde où les médecins ne faisaient pas de la médecine, où les malades n'étaient pas malades, où l'urgence vitale était inconnue, où les malades étaient de simples personnes passant par là pour demander des arrêts de travail ou des sirops pour la toux, je rêvais donc de ce monde facile décrit par un urgentiste plus connu pour ses performances médiatiques que pour ses publications scientifiques, je rêvais d'un exercice aisé, easy medicine, où les patients étaient des usagers, des consommateurs, des C à 22 euro, des organes se déplaçant tout seuls comme des spectres sans tête jusque dans les cabinets de médecine générale, des individus sans passé et sans avenir, sans histoires, sans famille, sans patron, sans enfants, des pures chimères nées de l'imagination dévorante des hospitaliers habitués à ce que les patients malades soient entubés, perfusés, oxygénés, entravés, dépendants du seul bon vouloir de l'urgentiste comme deus ex cathedra de la médecine moderne, comme prophète du progrès en marche et de la "bonne" médecine qui sauve des vies...
J'en ai rêvé et rien n'est arrivé.
J'aurais voulu que les patients ou les malades ou les usagers ou les consommateurs aient de simples rhumes, de simples maux de dos, de simples rhino-pharyngites, de simples boutons de fièvre, de simples eczémas, de simples infections urinaires, de simples toux aiguës... eh bien non ! Il y avait des personnes qui, certes, pouvaient avoir des rhumes, des maux de dos, des échardes dans le pied, mais il y avait aussi des personnes avec des pathologies chroniques, des cancers avec ou sans métastases, des personnes âgées en fin de vie, des personnes jeunes qui allaient mal, des déprimés, des anxieux, des syndromes respiratoires aigus chez des nourrissons, des traumatisés du travail, des accidentés de la vie et même des gens qui allaient mourir et à qui il fallait faire des mines pour qu'ils continuent à avoir de l'espoir, des porteurs de maladies orphelines qui se sentaient orphelins, des malades imaginaires, des hypochondriaques, des diabétiques hypertendus mal équilibrés, des suspicions d'embolie pulmonaire... J'en passe et des meilleures. Et tout cela pour que le Pelloux il joue des muscles à la télévision et à la radio et dans les journaux, pour que le Pelloux raconte partout que les médecins généralistes sont d'affreux bobologues qui pourraient quand même prendre plus de gardes afin que le Pelloux, comme urgentiste, puisse plus longtemps parler à la télévision et dans les radios ou ait plus de temps pour écrire ses papiers dans Charlie Hebdo.
Pauvre petit Pelloux victime de son ego et soumis aux clichés de la société médiatique.
Je le plains sincèrement.

Sur l'air de J'aurais voulu être un artiste...
J'aurais voulu être bobologue
Et pouvoir faire mon numéro
J'aurais voulu être proximologue
Et compter mieux tous mes euro...

Quand il n'y aura plus de généralistes, mais la nature a horreur du vide, il y aura encore des petits Pelloux pour nous expliquer combien Les généralistes n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes....

mercredi 26 mai 2010

UN SECRET MEDICAL BIEN GARDE - HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-CINQUIEME EPISODE

Madame A, au décours de "sa" consultation, me parle de son fils de dix-sept ans qui lui pose problème. Il présente une difformité physique bénigne et réparable qu'il cache à ses camarades de classe mais pas à sa famille. Une intervention chirurgicale est prévue dans environ un an. La professeure principale a remarqué que le jeune homme avait un comportement anormal et qu'il participait peu aux activités de la classe. Elle a demandé des explications à la maman, la patiente A en question, qui lui a dit que c'était un problème dont son fils ne voulait pas parler et qu'elle n'en parlerait donc pas. La professeure a insisté et la patiente A a suggéré qu'elle appelle le médecin traitant, moi-même, pour obtenir des explications. "Non, a dit la professeur principale, qu'il me fasse un courrier." Fermez le ban.
Voici, en substance, la lettre.
"Madame.
... Je vous rappelle qu'en France existe le secret médical qui est à la fois une règle juridique et une règle déontologique. Il ne me semble pas, dans le cas de cet élève, qu'il me soit nécessaire d'y déroger... Je tenais toutefois à vous rassurer, il ne s'agit pas d'une maladie contagieuse que vous pourriez attraper et qui pourrait vous mettre en danger... Croyez, chère Madame..."
La conversation continue et soudain Madame A me demande : "Qu'est-ce qu'elle a, ma belle-mère, elle est toujours en train de se plaindre et cela me pourrit la vie ?..."
Je la regarde fixement en tentant de garder mon sérieux : "Secret médical."
Elle éclate de rire.

(Johnny Hallyday à Los Angeles au mois de mai 2010.)

lundi 24 mai 2010

UN PATIENT HYPERTENDU - HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-QUATRIEME EPISODE


Monsieur A est hypertendu et il quarante-sept ans.
CONSULTATION COURTE.
C'est un malade facile : sa pression artérielle est équilibrée avec un seul anti hypertenseur, son taux de mauvais cholestérol est dans les normes, sa fonction rénale est OK, son échographie cardiaque est dans le même métal, l'ophtalmologiste n'a rien à dire...
Mais il a deux défauts.
Il est fumeur (vingt cigarettes par jour depuis trente ans) et il est buveur.
Pour le tabac et malgré tout ce que je lui ai dit, tous les conseils que je lui ai donnés, tous les efforts qu'il a faits, depuis vingt ans, il fume toujours.
Pour la boisson le déni est flagrant. Le paradoxe vient aussi de ce que sa vie sociale est très perturbée et que sa fonction hépatique est préservée. Quand je dis que sa vie sociale est perturbée, c'est un euphémisme : il ne travaille plus et il a divorcé.
Donc, je lui prends sa pression artérielle, j'écoute son coeur, je lis les examens que j'ai demandés et je ne change pas son traitement. Il va sortir du cabinet avec son unique anti hypertenseur, des bons conseils et une impasse : il continuera de fumer et de boire.
CONSULTATION LONGUE.
C'est un malade facile : sa pression artérielle est équilibrée avec un seul anti hypertenseur, son taux de mauvais cholestérol est dans les normes, sa fonction rénale est OK, son échographie cardiaque est dans le même métal, l'ophtalmologiste n'a rien à dire...
Mais il a deux défauts.
Je pourrais dire : un défaut mineur et un défaut majeur.
Un défaut mineur d'un point de vue personnel : il fume vingt cigarettes par jour et depuis des lustres ; mais un défaut majeur pour les cardiologues, les athérologues, les lipidologues, les pneumologues, et autres médecins qui, après avoir été laxistes depuis et pendant des années, sont devenus des tabacophobes convaincus et autoritaires. Je suis un peu embêté. Embêté car j'ai beaucoup changé d'avis sur le tabac. Comme beaucoup. Comme tout le monde ? Et, pour le coup, je suis gêné aux entournures. S'agit-il d'un défaut mineur ou d'un défaut majeur ? Reprenons par le début : j'ai fumé, je n'ai pas été gêné par cette addiction, je n'ai pas été gêné par la fumée des autres, puis j'ai décidé d'arrêter (parce que j'en avais assez de fumer le matin et de voir mes dents noircir) et je suis devenu plus intransigeant à l'égard de mes patients, la fumée a commencé à me déranger dans les cafés et les restaurants puis l'odeur même du tabac froid m'a rendu casse-pied. Indépendamment des risques liés au tabagisme, ce tabagisme ne gêne personne car le patient est désormais célibataire et, à moins qu'il mette le feu à sa literie, il ne gêne que sa propre personne.
Un défaut majeur car il boit. Et il se met en danger, il met en danger la vie des autres parce qu'il conduit, souvent avec un coup dans le nez, parce que cela l'empêche de vraiment chercher du travail, parce que cela l'empêche de se réintégrer. Mécanicien, il travaille au noir sur les parkings, il répare des voitures, il répare des épaves, il change, il échange et il survit. Il a déjà vu les spécialistes de l'addiction alcoolique mais cela n'a jamais rien donné de façon durable. Son problème est profond : familial (son père buvait sec du côté de Valenciennes), familial encore car son ex femme refuse qu'il voit ses enfants qu'il vient chercher en voiture, elle dit avoir peur et elle n'a pas tort et personnel : il se dégoute et il sait qu'il dégoute les autres. Nous avons, tous les deux, essayé beaucoup de choses mais rien n'a vraiment marché. Il a eu quelques périodes de sobriété mais cela n'a jamais duré très longtemps. Il se demande, il me demande, pourquoi il le ferait, pour qui il pourrait le faire... Nous avons discuté cent fois et aujourd'hui il s'agit de la cent unième fois !
En fin de consultation il me répète sa phrase favorite : "Et tout ça à cause de Sarkozy !"
Une explication ?
Monsieur A est mécanicien à l'origine. Puis il a fait du dépannage auto pour le compte de son patron. Puis, voyant combien cela "marchait", il a décidé d'emprunter (beaucoup) pour acheter une dépanneuse. Cela a correspondu à la mise en place des mesures contre la vitesse et notamment des radars automatiques lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur et, brutalement, le nombre d'accidents dans le département, et sur l'A 13 et sur les routes adjacentes, a fortement diminué. D'où la faillite que le patient a prise pour une conséquence de l'implantation des radars et du retrait des points.
Voilà pourquoi votre fille est muette.

LE SYNDROME METABOLIQUE : UNE CHIMERE INVENTEE !


Je vous avais parlé de la collusion entre France Télévision et le docteur Boris Hansel pour promouvoir le syndrome métabolique et la prise du tour de taille dans les pharmacies et vous avais dit combien cela sentait l'arnaque absolue : ici.
Je ne vous rappellerai pas la définition du syndrome métabolique dont des sites, théoriquement sérieux, comme Esculape se sont faits l'écho et d'autres, moins sérieux en théorie, ont largement contribué à la diffusion, car ce serait perdre votre temps.
Eh bien, une étude publiée au mois de mai dans le Journal du Collège Américain de Cardiologie et signée par des auteurs "sérieux", doute fortement de l'implication de ce syndrome dans la survenue d'un infarctus du myocarde. Ce n'est pas un petit essai puisqu'il a inclus 26903 patients dans 52 pays ! En réalité, pour être juste, cette étude montre que le syndrome métabolique seul n'est pas un facteur de risque au même titre que le diabète seul ou l'HTA seule. L'auteur principal de l'article suggère donc de traiter d'abord les facteurs de risque habituels et de ne pas s'intéresser au syndrome métabolique per se.
Rangez vos centimètres.
La Stratégie de Knock ne passera pas par vous !

vendredi 21 mai 2010

LA PUB POUR LES LECTEURS DE GLYCEMIE


Dans ma très grande naïveté j'avais simplement dénoncé l'ouverture des vannes par l'Assurance Maladie, c'est à dire la généralisation annoncée des lecteurs de glycémie à tous les diabétiques, eh bien, cela n'a pas traîné !
La Stratégie de Knock en marche comme je vous en avais déjà parlé dans un message précédent.
Voilà qu'une campagne grand public a été déclenchée pour vanter les bienfaits des lecteurs de glycémie : ici et qu'elle est relayée par les sites sponsorisés : .

On va de nouveau passer du temps à expliquer aux patients...
Lassant....

jeudi 20 mai 2010

REPENSER LE DEPISTAGE DES CANCERS DU SEIN ET DE LA PROSTATE ?


Il peut paraître surprenant de poser une telle question tant il semble que le dépistage du cancer du sein soit recommandé et accepté comme une vérité d'évidence et que celui du cancer de la prostate paraisse généralisé bien qu'aucune recommandation officielle ne le suggère.

Je voudrais rappeler quelques faits (au delà du fait que la diminution de la mortalité globale n'a jamais été démontrée par le dépistage).
  1. Un bon scénario de dépistage signifie que l'augmentation du nombre de diagnostics de cancers localisés sera suivi par une diminution du nombre de diagnostics de cancers régionaux avec un nombre total de diagnostics constant. Ce qui n'est pas le cas pour le sein et la prostate. Depuis le début du dépistage on peut dire, pour le cancer de la prostate (pour le cancer du sein les choses sont à peu près identiques à ceci près que les cancers in situ viennent parasiter le raisonnement), que le nombre rapporté de cancers "régionaux" a diminué de façon substantielle mais qu'un tiers des patients classés comme porteurs d'un cancer local étaient en fait "régionaux" lors de l'intervention. Depuis le dépistage le nombre de cancers avancé n'a pas diminué.
  2. Le dépistage entraîne un effet limité sur la mortalité et un effet significatif sur l'incidence. Deux raisons : a) le dépistage augmente le dépistage des cancers "bénins" ; b) le dépistage manque probablement les cancers les plus agressifs. Ainsi, l'affirmation selon laquelle le dépistage permet de trouver et de traiter les stades les plus précoces, ce qui évite les stades tardifs et a fortiori métastasés n'est pas forcément correcte.
  3. Mais l'effet le plus pervers du dépistage est bien celui du sur diagnostic et du sur traitement. a) le cancer du sein : les programmes de dépistage américain montrent un sur diagnostic allant de un à trois pour les cancers dits invasifs et des essais montrent que nombre de ces tumeurs auraient régressé toutes seules ; une détection plus précoce pourrait ne pas être la solution car certains cancers très "méchants" identifiés par analyses moléculaires (NKI 70 gene test) sont classifiés bénins par les critères habituels ; les cancers de l'intervalle sont les plus "méchants" : dans l'essai I-SPY TRIAL 85 % des "méchants" étaient des cancers de l'intervalle et seuls 15 % étaient identifiés par le dépistage ; b ) le cancer de la prostate : l'abaissement du seuil de détection des cancers (PSA inférieur à 4 ng par ml) n'autorise pas la disparition des cancers quel que soit la faiblesse du taux retenu ; en deçà de ce taux il y a 30 % des cancers qui sont déjà potentiellement incurables.
  4. Nous avons déjà ici insisté sur les problèmes que pose le dépistage en termes d'effets indésirables tant pour le sein (Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire.) pour la prostate (L'étude européenne (European Randomised Study of Screening for Prostate-Cancer - ERSPC) indique clairement qu'il faut proposer le dépistage à 1410 hommes et proposer un traitement à 48 autres pour éviter UN cancer pendant une période d'observation de dix ans. Avec un surdiagnostic de 50 % !). Nous n'y reviendrons pas.
  5. Faisons un tour par les cancers in situ : inconnus avant le dépistage ils représentent 25 à 30 % de tous les cancers diagnostiqués et la majorité d'entre eux est de stade bas ou intermédiaire. Ils sont considérés, les cancers in situ, comme des lésions pré cancéreuses et le traitement proposé généralement est l'ablation et un traitement adjuvant ; or, après 20 ans de détection et de traitement, il n'y a pas de preuves évidentes d'une diminution du nombre des cancers invasifs. La réduction d'incidence constatée dès 2002 est attribuée à la suppression des traitements hormonosubstitutifs plus qu'à l'ablation des cancers in situ.
Comment repenser le dépistage ?
L'article sur lequel je me suis fondé propose des pistes classiques mais peu opérationnelles :
  1. Développer des marqueurs biologiques pour différentier les cancer bénins / malins
  2. Réduire le poids des traitements pour le cancers bénins
  3. Développer des outils pour une meilleure décision informée
  4. Centrer la prévention sur les patients à risques
Quoi qu'il en soit, les dépistages du cancer du sein et de la prostate sont entrés dans les moeurs : les patients sont demandeurs. Nous sommes obligés, dans nos cabinets, d'adopter une attitude défensive. Il nous faut "perdre du temps" avec nos patients pour leur expliquer combien cette démarche du tout préventif peut être dangereuse, pas seulement de façon individuelle mais aussi de façon collective.

Un certain nombre de médecins n'osent pas franchir le pas car ils craignent, malgré les évidences, que la justice, saisie par leurs patients ou par la famille des patients, leur reproche de ne pas avoir fait ce qu'il fallait dans l'intérêt des patients. Or ce risque existe : la justice ne fonctionne pas dans le même lieu ni dans le même temps que la médecine, et surtout quand existent des controverses. Quant aux experts, à part quelques rares, ils sont embarqués dans la démarche de la prévention tout azimut et ils seront là pour prétendre que la mammographie et le dosage du PSA sont les deux mammelles, si j'ose dire, de la prévention. D'où des difficultés.

Repenser les stratégies de dépistage est indispensable. Dans le cas du cancer du sein il est nécessaire de pouvoir disposer de mammographistes éprouvés et de chirurgiens raisonnables ou d'oncologues responsables. Dans le cas du cancer de la prostate la résistance contre le dosage du PSA alors que les médias radiophoniques et télévisuels, que la presse écrite et l'internet sont infiltrés par la propagande des urologues et des oncologues est difficile et elle se doit d'être argumentée en fonction des attentes et du niveau e compréhension des patients.

Good Luck !

(Face of Cancer. Patrick Crommet)

dimanche 16 mai 2010

UN PATIENT TOUSSEUR - HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-TROISIEME EPISODE


Monsieur A est le type même du Français moyen qui vit sa retraite comme un temps bougon. Il n’est pas méchant, il n’est pas vraiment râleur, il est bougon. D’habitude il vient pour « sa » tension et « son » diabète. Il ne bouge pas, son poids est égal, sa pression artérielle est constante, il trouve qu’un bilan tous les six mois « ça suffit largement », et d’ailleurs « son » sucre, on dit la glycémie à jeun pour faire chic, est stable depuis des années. Quant à « son » mauvais cholestérol il est à peu près aux normes. Mais aujourd’hui il tousse depuis dix jours. « Je ne suis pas venu avant, j’ai pris un sirop à la pharmacie, je pensais que ça allait passer tout seul... Mais ma femme en a marre que je la dérange la nuit. Je croyais pourtant qu’ils faisaient chambre à part... Ce genre de situations est à la fois un ennui profond pour le médecin et une source facile de succès. Pas toujours. Mais le plus souvent. D’un ennui profond car la toux chronique, si elle peut signifier des milliards de maladies graves (il suffit de jeter un œil sur internet), est dans l’immense majorité des cas bénigne et le médecin, après un examen le plus souvent négatif, s’il trouvait quelque chose le patient n’aurait pas attendu dix jours, enfin, cela rassure, ne trouve rien. Non seulement il ne trouve rien mais il est ennuyé car, à part de bonnes paroles, il n’a pas de traitement excitant et efficace à proposer à son patient. Donc, le médecin examine, le médecin parle, le médecin rassure et le patient, qui demande des antibiotiques, une toux qui dure dix jours, cela demande des antibiotiques, c’est pour cela que je suis venu, docteur, vous allez quand même m’en prescrire, hein ? Le médecin a des principes et... des croyances. Commençons par les principes : une toux chronique ne nécessite pas de prescriptions d’antibiotiques ; une toux chronique comme celle-là qui ne paraît pas d’origine allergique ne nécessite pas la prescription de corticoïdes ; une toux comme celle-là va finir par passer toute seule ; une toux comme celle-là ne nécessite pas d’examens complémentaires. Poursuivons par les croyances : combien de fois n’est-il pas arrivé, dans l’ancien temps, il y a plus de vingt ans, quand les médecins prescrivaient des antibiotiques et de la corticothérapie à tire-larigot, que le malade « guérisse » subitement au bout de quelques jours, comme par miracle ? Combien de fois, contre toute attente, les malades ne se sont-ils pas sentis mieux du simple fait de la prescription d’antibiotiques ? Terminons par le pragmatisme : après trente ans de pratique de la médecine générale et bien que la clientèle ait été « formée », devrait-on dire « formatée » par le médecin qui l’a créée, il arrive un moment où le médecin en a assez d’expliquer, en a assez de ramer contre l’opinion dominante, est las de passer du temps à se justifier, à se conformer au modèle du médecin à l’écoute, du médecin qui fait son boulot de pédagogue, et voudrait la paix et rentrer plus vite chez lui... A moins aussi que le médecin qui a trente ans d’expérience ne se rappelle, et le patient avec lui, combien il a changé d’avis depuis toutes ces années, combien ses pratiques se sont modifiées, combien ce qui était la « vérité » d’alors est devenu le mensonge d’aujourd’hui. C’est la science, dira-t-on, il est normal que les certitudes changent, que l’Etat de la science se modifie au gré de nouvelles « découvertes », des nouvelles études... Foutaises que tout cela... Ce qui s’est passé au cours des années, c’est que l’on est passé de fausses certitudes en vrais mensonges et vice versa... Dans le cas de ce patient, le médecin s’en est sorti comme cela : un, ce n’est pas grave ; deux, si vous commenciez par arrêter de fumer ; trois, les médicaments que vous prenez pour « votre » diabète et « votre » hypertension ne me permettent pas, de toute façon, de vous prescrire des médicaments très « forts ». Il faut serrer les dents et continuer de tousser pendant encore quelques jours. Et le médecin a prescrit un sirop et d’autres babioles pour attendre que la nature fasse elle-même « sa » guérison. Ce faisant, et quand il reverra le patient un mois plus tard pour « ses » médicaments habituels, le patient lui fera remarquer, alors qu’il ne tousse plus, que cette « saloperie » a duré longtemps, le médecin pourra analyser sa démarche de la consultation précédente : un, il a menti à son patient en ne lui expliquant pas les vraies raisons de son attitude ; deux, il a utilisé des placebos ayant potentiellement des effets indésirables (somnolence) en mentant encore une fois à son patient (on ne peut prescrire un placebo, fût-il un peu actif, en disant la vérité au malade) ; trois, il a culpabilisé le patient inutilement en lui demandant sèchement pourquoi il continuait de fumer.

vendredi 14 mai 2010

LECTEURS DE GLYCEMIE : L'ASSURANCE MALADIE OUVRE LES VANNES


Nous savions ici que le diabète faisait partie intégrante de la Stratégie de Knock qui consiste à rendre malades les gens non malades ou à risques les gens indemnes ou inquiets les gens insouciants.
Cela continue.
Nous savions aussi que le très libéral Frédéric Van Roekeghem avait une conception flottante des économies selon qu'elles touchaient le patient (les franchises médicales), les médecins (la non revalorisation de la consultation de médecine générale) ou les intérêts de Big Pharma (c'est ici).
Dans le cas des lecteurs de glycémie nous avons un mix (comme disent les publicitaires) de médecine préventive idéologique (le toujours plus pour les examens), de médecine préventive industrielle (le toujours moins pour les critères intermédiaires), de médecine préventive politique (flatter le citoyen ici diabétique) et se servir d'institutions quasi gouvernementales (la HAS) noyautées par Big Pharma pour cautionner la politique du bon sens...
Je ne peux m'empêcher de citer David L Sackett, le père de l'Evidence Based medicine ou Médecine par les Preuves, à propos de la médecine préventive :
L'arrogance de la médecine préventive : La médecine préventive montre trois niveaux d'arrogance. Premièrement, elle est agressivement affirmative, poursuivant les individus asymptomatiques et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé. Invoquant parfois la force de la loi (immunisation, ceintures de sécurité) elle prescrit et proscrit à la fois pour les individus et pour les citoyens en général quelq que soient l'âge et le stade. Deuxièmement, la médecine préventive est présomptueuse, certaine que ses interventions font plus de bien que de mal à ceux qui adhèrent et s'y soumettent. Finalement, elle est dictatoriale attaquant ceux qui questionnent la valeur de ses recommandations.
Cela ne vous évoque pas des faits récents ?
Si nous en revenions à notre Assurance Maladie ?
Guidée par la bonne conscience et le médicalement correct de la médecine préventive et du kitsch médical elle fait fort :
D'abord, elle rappelle dans une plaquette de février 2010, et sous les auspices de l'Afssaps-HAS de novembre 2006, que chez les diabétiques de type 2 qu'il faut pratiquer une hbA1C quatre fois par an (voir CAPI) et avoir comme objectif des taux inférieurs à 6,5 % en monothérapie orale et inférieurs à 7 % en trithérapie orale ou sous insuline, ce qui est obsolète (voir ici et ici) et ce qui rend tout patient diabétique hors normes.
Ensuite, elle élargit l'usage des dispositifs d'auto-surveillance glycémique (traitement par les insulinosecréteurs et traitement n'atteignant pas l'équilibre glycémique), ce qui revient à autoriser les lecteurs glycémiques à tous les patients diabétiques de type 2. Sans aucune preuve clinique de son utilité. Et au contraire... Deux essais comparatifs ont montré, l'un en début de diabète, l'autre chez des patients ml équilibrés, que le groupe lecteur n'était pas mieux équilibré à un an que le groupe sans lecteur.
On marche sur la tête.
Rappelons aussi que ce n'est pas le lecteur de glycémie mais les bandelettes (consommables) qui coûtent cher : rapport de un à quinze.
Rappelons, dans mon coin, les trafics d'appareil avec l'étranger, l'échange de bandelettes contre des produits non remboursés.... Le non respect de la garantie de quatre ans pour les appareils, les appareils laissés au bled...
Bientôt le nombre de bandelettes prescrites par mois sera un critère du CAPI.
Gageons que certains iront en vacances avec leurs valises bourrées de bandelettes.

mercredi 12 mai 2010

DOMENECH ANNONCE LA LISTE DES 30 EURO !

Quel farceur, ce Domenech ! Il a annoncé la liste des 30 euro pour nous dire qu'elle deviendrait la liste des 23 ! Dans quatre jours ! Pas le premier janvier 2011 ! Il est meilleur que Sarkozy et Bachelot réunis...
Un hélicoptère ne viendra pas chercher les 7 euro dans la poche des médecins proximologues spécialistes ou non en médecine générale...
Ce sont des euro virtuels... Exit les spécialistes en blessures comme Vieira, les spécialistes en mauvais esprit comme Benzema, les spécialistes en trou dans la défense comme Boomsong, maisviendront ensuite le riant Ben Harfa, le virevoltant Valbuena, l'inconnu M'Villa...
Heureusement que dans la liste des 23 nous avons l'inconnu Leicher, le cartevitaliste Chassang, le sémillant Bronner spécialiste du une-deux avec Hamon, valeureux qui vont nous conduire à la victoire en Afrique du Sud...
Sacré Domenech !

lundi 10 mai 2010

UN NOUVEAU SPECIALISTE EN MEDECINE GENERALE : LE PROXIMOLOGUE

Notre Président a trouvé la pierre philosophale qui doit en un clic transformer le sale con de médecin généraliste qui ne sait même pas faire un vaccin contre la grippe A/H1N1 (et surtout ne pas comprendre que la vaccination de masse était une donnée de la science et un impératif éthique) en un spécialiste respecté : la proximité.
Avec ou sans 23 euro, avec ou sans Cs (consultation de spécialiste), le nouveau médecin généraliste est arrivé. Comme spécialiste en médecine générale est long à dire, nous inventerons le substantif proximologue qui en jette car il rime avec cardiologue, urologue et cancérologue...
Et ainsi, encore une fois, après d'autres concepts creux inventés par les penseurs élyséens, nous voici en pleine proximité.
Ce truisme des sciences sociales, ce MacGyver de la pensée politique qui permet de décliner tout et n'importe quoi, "faire de la politique de proximité", qui permet de nommer les activités les plus hétéroclites, les juges de proximité, les emplois de proximité, la police de proximité, le commerce de proximité et autres fadaises des temps modernes, dans un concept unifié qui évoque, c'est selon, la praticité d'accès ou la ghettoïsation des territoires, Sarkozy l'a adopté.
Gageons que, comme tout ce qu'il adopte, cela finira en eau de boudin ou dans les poubelles de la présidence...
Il y en a qui croit à ce concept creux, les fameux promoteurs de La Lettre de Galilée, prospectus distribué par voie électronique, qui permet à deux sieurs, Rémy Fromentin et Jean-Pol Durand, de faire faussement les malins et de jouer les critiques en mettant leurs pieds dans les traces du Président actuel de l'Assurance Maladie dont, tel Voldemort, nous ne prononcerons pas le nom, et qui, profitant de l'aubaine, se lancent dans le marketing direct en proposant une formation sur le thème des pôles et des maisons de santé en France le 22 juin prochain à Paris.

Je ne voulais pas être spécialiste en médecine générale, je serai donc proximologue. Je vous épargne les thèses de doctorat sur la notion de proximité dans le monde et dans l'économie moderne, disons que le futur proximologue de quartier sera près de ses malades, sera corvéable à merci, sera réveillable, consultable, dérangeable et qu'il sera prié, en toute proximité, d'appliquer les consignes de Madame Bachelot, de Monsieur Houssin ou de Madame Weber, à moins qu'il ne s'agisse de Bernard Debré, l'ineffable, ou de Bruno Lina, l'homme qui bouffe à tous les râteliers ou à notre expert génial Antoine Flahault, directeur entre autre de l'EHESP de Rennes. Et qu'il ne sorte pas de son territoire, qu'il ne brise pas la chaîne du froid, qu'il ne se rende pas coupable de curiosité excessive, qu'il ne se préoccupe pas de Médecine par les Preuves ou qu'il ne critique pas les politiques de santé décidées par les hautes sphères.

Quand est-ce qu'on rouvre les gymnases ?

La proximité, y a que ça !

jeudi 6 mai 2010

L'OBESITE RECULE EN FRANCE CHEZ LES JEUNES !

Après le nuage de Tchernobyl et le nuage de cocaïne, l'obésité des jeunes contourne la France. C'est ce qu'a annoncé dans un point de presse notre inénarrable ministre Madame Roselyne IMC Glaxo. Seule des pays industrialisés la France a vu un freinage de l'obésité chez les jeunes entre 200 et 2007 : le surpoids et l'obésité sont passés de 18 à 16 % !
A qui Madame Roselyne peut-elle faire croire cela ?
D'autant que la lecture du rapport de l'IGAS est plutôt débilitante...
Quels sont ses nouveaux experts ?
Bruno Lina s'est-il reconverti ?
Où est François Bricaire ?
Et Peronne ?
En attendant la deuxième vague de grippe A/H1N1 se fait attendre en France et le Mexique a l'air particulièrement peu touché : grâce à la vaccination de masse ?
Allez, Roselyne IMC Glaxo, encore un effort et le ridicule te tuera.

ECHODOPPLER VERSUS OSTEODENSITOMETRE

J'exerce à Mantes-La-Jolie depuis trente ans et depuis trente ans il n'y a pas de matériel d'echodoppler artério-veineux aux urgences de l'hôpital de Mantes-La-Jolie.
Les esprits chagrins me diront que ce type d'echodoppler n'existait pas il y a trente ans.
Ils auront raison.
Les esprits encore plus chagrins me diront qu'aujourd'hui ce matériel existe. Oui, mais pas aux urgences de l'hôpital de Mantes-La-Jolie.
Il paraît que c'est envisagé.
Je rappelle que cet appareil permet de détecter ou de non détecter des phlébites des membres inférieurs qui sont potentiellement mortelles si elles ne sont pas traitées.
Ainsi, comme il m'est arrivé l'autre samedi après-midi, j'ai dû instituer un traitement anticoagulant chez une femme pour laquelle je n'avais aucune certitude (et plutôt une certitude négative, femme traitée par methotrexate et corticothérapie). Le mardi suivant un écho-doppler pratiqué "en ville" a confirmé le diagnostic de thrombose poplitée profonde.
Ainsi, une femme enceinte est arrivée en pleine nuit de dimanche aux urgences de l'hôpital de Mantes-La-Jolie (Yvelines, France, UE, G8, G20) pour des douleurs du mollet et elle est ressortie en pleine nuit sans echodoppler et sans traitement.
J'ai eu droit à cette réflexion du senior de garde : "Quand les médecins généralistes (je traduis : ces putains de connards de débiles de médecins généralistes) comprendront qu'il n'y a pas d'echo-doppler aux urgences de l'hôpital !"
L'hôpital a quand même rappelé chez elle la patiente pour la faire hospitaliser (j'ai oublié de dire que le putain de connard de médecin généraliste avait reçu, après moultes appels téléphoniques, le résultat de la biologie qui indiquait des D-Dimères au double de la normale) dix minutes après que j'eusse appelé le fameux senior. A ce jour et à cette heure la patiente est hospitalisée, anti-coagulée et n'a toujours pas eu d'echo-doppler. Où est le docteur House ?
Tout ça, c'est de la routine.
Mais je me suis rappelé quand même que nous avions été invités il y a quelques mois (le genre de raout sponsorisé par Big Pharma que j'évite comme la peste) à l'hôpital de Mantes-La-Jolie pour fêter en grande pompe l'acquisition d'un ostéodensitomètre dont l'intérêt (comparé) avec l'acquisition d'un echodoppler artério-veineux est dans l'ordre de la nullité intersidérale.
Quelques hypothèses : quid du T2A (tarification à l'activité) ? quid du financement de l'appareillage dont l'un, l'echodoppler, peut sauver des vies et éviter des prescriptions inutiles d'anti-coagulants coûteux et l'autre, l'ostéodensitomètre, qui permet de prescrire en toute quiétude des médicaments dont l'intérêt est peu évident ?


lundi 3 mai 2010

UN ENFANT TURBULENT. HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-DEUXIEME EPISODE

Premier épisode.
L'enfant A, huit ans, n'a pas d'excuses pour être une victime : il ne supporte pas le remariage de sa mère et le fait qu'elle attende un enfant. "Je ne veux pas que ce bébé naisse !" "Je veux rester seul avec ma maman !" "Ce Monsieur n'est pas mon père !"
Qu'y a-t-il de plus explicite ?
Ainsi se comporte-t-il mal en classe. Ainsi refuse-t-il de travailler. Ainsi participe-t-il à toutes les bagarres et fait-il preuve de violence à l'égard de ses camarades et des enseignants.
La maîtresse en a marre. Le directeur en a marre.
"Cet enfant est indésirable."
Il va être exclu de l'école.
Va-t-on le mettre dans une autre école ?
Va-t-on lui donner une autre chance ailleurs ?
Non. Ce serait trop facile. Non : ce serait trop compliqué pour l'Education Nationale.
Le directeur convoque la maman qui est fonctionnaire. Votre fils va être placé dans un Institut Médico Pédagogique.
"Avec les handicapés ? Avec les autistes ? C'est cela que vous voulez ! De quel droit ?
- C'est le médecin scolaire qui a décidé.
- Je ne me laisserai pas faire !
- Ce sera comme cela."
La maman, et son fils, sont assis en face de moi au cabinet.
J'écoute leur version des faits. J'essaie de démêler le vrai du faux. Mais pourquoi y aurait-il du faux ? La maman a décidé qu'il n'irait pas en IMP. Le gamin est assis en face de moi, roulé en boule dans le fauteuil Ikéa trop grand pour lui. J'essaie de l'interroger mais ce n'est pas le bon jour.
"Je vais téléphoner au directeur de l'école, je vais téléphoner au médecin scolaire.", voilà ce que je propose.
Pour l'instant la maman ne souhaite pas qu'il continue de fréquenter cette école. Elle me raconte combien son gamin est gentil, combien il est agréable, elle est arrêtée car elle va accoucher et elle le garde en ce moment toute la journée. "Ce n'est pas un débile."
J'attends qu'ils soient partis et ma secrétaire appelle l'école : un répondeur informe des horaires et on peut laisser un message. Je dis simplement : "Bonjour, c'est le docteur G, je suis le médecin traitant de A, j'aimerais vous parler." Sur ces entrefaites, et pendant que ma consultation se déroule, j'appelle le médecin de l'Education Nationale qui n'est joignable que demain vers onze heures. Je laisse un message à sa secrétaire, cite l'enfant A et laisse mon numéro de portable. Ma secrétaire appelle la mairie et le service de la scolarité pour savoir comment l'on peut faire pour parler rapidement à un responsable ; elle cite mon nom, bien entendu, et celui de l'enfant A. On me rappellera.
J'attendrai ce midi pour rappeler le directeur d'école et demain pour rappeler mon confrère. Je rappelle le directeur et il y a toujours un répondeur.
Le lendemain matin j'appelle l'école vers huit heures vingt et le directeur est occupé. A onze heures j'appelle le médecin de l'Education Nationale, il ne peut me parler.
Ils ont gagné : j'oublie tout durant l'après-midi.
Le lendemain, vers dix heures, la maman m'appelle pour me dire qu'il va, finalement, être changé d'école.
Deuxième épisode.
Je revois la maman dans le cadre du suivi de sa grossesse. Elle vient avec A. J'essaie, bien que cela ne soit pas lui le patient, de l'interroger. Il est toujours aussi peu bavard. Il me regarde, la tête enfoncée dans les épaules.
"Maman m'a dit que cela se passait bien.
- Hum.
- Tu as de bonnes notes ?"
Il finit par lâcher un "Oui" provocant.
La maman fait une grimace et ajoute : "Ca peut aller. C'est même inespéré." Mais je ne suis pas sûr qu'elle fasse tout pour me convaincre.
L'enfant est suivi au CMPP (centre médico psycho pédagogique) par une pédopsychiatre. Il se rend sans rechigner aux rendez-vous.
Troisième épisode.
Un appel téléphonique de la maman. "A a recommencé. - C'est à dire ? - Il a recommencé à ne plus travailler et à répondre à sa maîtresse. - Et alors ? - Ils veulent de nouveau l'exclure de l'école sauf si j'accepte qu'on le mette sous médicament. - De la ritaline ? - Je crois. Qu'est-ce que vous en pensez ? - C'est quand même difficile de penser par téléphone. Venez me voir."
Mais l'entretien avec la maman ne donnera rien. A va prendre de la ritaline. La maman a accepté. Et le bon docteur G ? Il n'a rien pu faire. La maman ne veut surtout pas que j'intervienne.
A suivre.


samedi 1 mai 2010

PAS DE SIROPS AVANT DEUX ANS : UN SCANDALE SANITAIRE ?

Après les poumons "blancs" de Madame Bachelot (cf. supra image de D Falcon), voici les poumons "inondés" de l'AFSSAPS.
Sans autre forme de procès, l'AFSSAPS a adressé une note à certains médecins, note que je n'ai toujours pas reçue, qui stipule que les fluidifiants bronchiques et autres sirops sont désormais interdits chez les enfants de moins de deux ans. Cette information se retrouve ici sur le site de l'Agence.
Cette note a suscité un certain nombre de réactions sur les forums médicaux que je lis régulièrement et qui sont fréquentés de façon presque exclusive par des médecins généralistes.
Les réactions sont diverses et variées et témoignent, selon moi, de la formidable hétérogénéité du corps médical généraliste français et, au bout du compte, mais ce n'est pas la première fois que je le remarque, qu'il est, en les lisant et les analysant, extrêmement difficile de parler d'une communauté généraliste...
Et d'abord, pour clarifier les choses : J'ai été, je suis et je ne pourrai plus être un prescripteur de fluidifiants bronchiques chez les enfants âgés de moins de deux ans ; chez les nourrissons j'ai toujours considéré que les fluidifiants bronchiques (carbocystéine, acétylcystéine) étaient des produits peu efficaces sinon des placebos ; tout comme le benzoate de méglumine (fluisedal) et la bave d'escargot (hélicidine) ; je suis connu pour mes positions (très) critiques sur l'utilisation des placebos en médecine (ici par exemple), ce qui signifie une contradiction de plus dans mon exercice professionnel.
Et ensuite, avant de parler des autres, voici mon avis : Cela m'embête un peu que ces médicaments soient retirés du marché car il va me falloir plus de temps pour expliquer aux parents qu'il n'est plus possible de prescrire AUCUN traitement dans la rhinopharyngite ou la toux ou la bronchiolite de l'enfant ; cela m'embête aussi parce qu'ils vont se demander pourquoi j'en prescrivais avant (réponse complexe que je vous proposerai plus tard).

Voici un florilège (mais ce n'est ni critique ni moqueur) des propos que j'ai lus sur les forums.
  1. L'AFSSAPS a pris une décision brutale alors qu'elle a été beaucoup moins empressée pour le retrait d'autres spécialités comme le mediator ou le diantalvic (allusion à la collusion de l'organisme gouvernemental à Big Pharma)
  2. L'AFSSAPS ne connaît pas les "nécessités" de la médecine de ville où il est nécessaire de prescrire des sirops (la médecine d'en haut contre la médecine d'en bas)
  3. L'AFSSAPS ne peut pas dire que ces produits sont des placebos et aussi des produits dangereux (incohérence des autorités)
  4. Nous avons besoin de placebos pour soigner nos patients (débat complexe sur lequel j'essaierai de revenir un autre jour)
  5. Les fluidifiants ne sont pas vraiment des placebos, on constatait une amélioration (avis d'experts)
  6. Ces sirops, par quoi allons-nous les remplacer ? (inquiétude)
  7. Le médecin généraliste a besoin de prescrire des médicaments pour rassurer les patients (prendre le point de vue du patient)
  8. Il s'agit d'une décision autoritaire qui ne repose sur aucune donnée scientifique (mépris des gens d'en haut contre ceux d'en bas)
  9. Cette interdiction rend paradoxalement ces produits efficaces au delà de l'âge de deux ans... (incohérence administrative)
  10. Il y a un risque que l'on utilise des produits plus dangereux encore... (politique du pire)
  11. Nous allons devoir adresser plus d'enfants aux urgences (chantage)
  12. Les parents vont être déboussolés (les médecins sont déboussolés)
  13. C'est un scandale que les Autorités se mêlent de nos pratiques... (autoritarisme gouvernemental)
  14. Les conseils donnés aux parents sont d'une indigence absolue : conditions de couchage, hydratation, température de la pièce
  15. Rien n'est proposé pour remplacer les dits sirops : miel, et cetera...

Et ce que je n'ai pas lu : à savoir surtout que l'AFSSAPS continue de dire que la kinésithérapie respiratoire a un intérêt alors qu'il semblerait, d'après les dernières publications connues, que son efficacité ne soit pas encore établie.

Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur nos pratiques.
Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur nos habitudes.
Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur nos croyances.
Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur nos habituelles facilités prescriptrices.
Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur notre arrogance prescriptrice.
Bien entendu que cette brutale décision nous impose de réfléchir à nos réflexes conditionnés.
Bien entendu que cette brutale décision nous impose de perdre plus de temps avec nos petits patients tousseurs.
Bien entendu que tous nos petits patients tousseurs ne se ressemblent pas.
Bien entendu que nos petits patients porteurs de bronchiolites vont encore plus nous poser des questions sur la gravité de leur état.
Bien entendu que cette décision brutale doit nous obliger à réévaluer nos pratiques.
Est-ce si irraisonnable ?