jeudi 22 octobre 2009

ENTITLEMENT : LES MEDECINS SE PLAIGNENT TOUT LE TEMPS SANS SE RENDRE COMPTE DE LEUR CHANCE

Une médecin canadienne, professeur d'Université à Vancouver, Erica Frank, Department of Health Care and Epidemiology and Department of Family Practice, raconte dans le British Medical Journal (article disponible sur abonnement) combien le sens de l'entitlement des médecins la dérange. Et moi je conçois combien il est difficile de traduire en français le mot Entitlement.

Voici les faits.

Premier épisode. Cela se passe dans un taxi après une journée de travail au congrès de l'American Medical Association. Elle est assise avec des collègues qui se plaignent, comme ils le font souvent, de leurs conditions de travail et de leurs honoraires et du fait, ajoute-t-elle, comme le répètent souvent les médecins américains, qu'ils ne se sentent ni estimés ni récompensés à leur juste valeur. Au bout de dix minutes de trajet elle leur dit : "Comment pouvez-vous vous plaindre de cette façon devant un chauffeur de taxi ?" Silence inconfortable.

Deuxième épisode. Cela concerne une amie intime d'Erica Frank qu'elle décrit ainsi : ce médecin consulte dans un grand hôpital auprès d'une clientèle provenant de milieux défavorisés. Mon amie est issue d'une famille aisée, a reçu la meilleure formation médicale, elle est agréable, compétente et jolie. "Ce matin, lui dis-je en parlant avec elle, j'ai vu un employé de péage et j'ai pensé combien j'étais contente de ne pas faire ce métier et combien ce travail devait être déplaisant : respirer un air pollué, avoir des relations superficielles, instantanées et probablement souvent négatives et sans remerciement, avec des gens, n'avoir aucun contrôle sur son activité qui pourrait très bien être remplacée par une machine, n'avoir aucune possibilité d'avancement, être mal payé, et cetera, et cetera... Et mon amie m'a dit : "Tu ne comprends pas. Cette personne n'est même pas de ma Classe !" Et le mot classe avait une majuscule ! Je savais que mon amie, poursuit Erica Frank, avait passé la plupart de sa carrière à traiter les démunis, souvent au prix d'un sacrifice personnel et qu'elle avait entraîné d'autres à le faire. Elle l'avait fait par compassion et avec sérieux et il était difficile pour moi de rapprocher cela de sa réflexion.

Et notre Erica d'ajouter, désemparée : "Est-ce que c'est cela ce sens apparent d'entitlement ? Est-ce que c'est spécifiquement nord-américain ? Est-ce que c'est dû à un excès de travail ?"

Il faut lui dire, à Erica, qu'il n'y a pas que les médecins nord-américains qui sont comme cela, et que l'entitlement existe aussi par ici et sur de nombreux forums médicaux qui ne sont pas heureusement lus par les chauffeurs de taxi ou les employés des péages. Seuls les médecins ont le droit d'y écrire et de les lire.

Et elle ajoute :"Peu importe la raison, mais le phénomène d'entitlement semble même atteindre nos désirs de bien-être. En dépit du fait que les médecins bénéficient d'une espérance de vie supérieure à la moyenne et exercent un métier stimulant et rentable, ils sont plongés dans la 'woe are we' attitude [ce qui pourrait se traduire en français par une attitude pleurnicharde] comme s'ils n'en avaient jamais assez." Et aussi : "Nous avons besoin, nous les médecins, de sentir que nous avons le droit d'être respectés, satisfaits et comblés durant toute notre vie parce que nous avons travaillé si dur et que nous le méritons. Ce besoin est fondamental dans les aspirations humaines mais pourquoi le mériterions-nous plus que d'autres, notamment plus que ceux exerçant des métiers ingrats ou ennuyeux pour assurer une existence modeste à leur famille ?"

Comment traduire entitlement selon vous ? Littéralement c'est un droit mais, dans cet exemple, la conviction que tout nous est dû.

Voici la définition en anglais d'entitlement trouvée dans Wikipedia : Entitlement is a guarantee of access to benefits because of rights or by agreement through laws. It also refers, in a more casual sense, to someone's belief that one is deserving of some particular reward or benefit."

[Grand merci à AP pour la traduction de entitlement et woe are we attitude]


1 commentaire:

Michel ARNOULD a dit…

Attention : le verbe « to deserve » est un faux ami en anglais qui pourrait conduire à une interprétation inexacte de la définition de l'entitlement :-).